17-11-2004

AVIS d’André Chassaigne rapporteur sur le plan : loi de finances pour 2005

Le document faisant 39 pages, nous vous en livrons seulement quelques extraits, et vous invitons à le consulter dans sa globalité soit depuis le site de l’Assemblée Nationale, soit en téléchargeant le fichier qui vous est proposé à la fin de l’article.



AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2005 (n° 1800),

TOME XVII

PREMIER MINISTRE

PLAN

PAR M. ANDRÉ CHASSAIGNE,

Député.



Plan du document :



INTRODUCTION

I.- LE BUDGET DU PLAN POUR 2005 MÉRITE D’ÊTRE QUALIFIÉ DE BUDGET D’ABANDON

A.- LE PLF 2005 RESTREINT LE PÉRIMÈTRE BUDGÉTAIRE DU PLAN

1. Un périmètre traditionnellement large
2. Les subventions de l’Etat à trois organismes de recherche sont transférées à d’autres budgets
3. Une mesure dont la justification est surprenante
a) Un « recentrage du Plan sur ses activités de prospective » ?
b) Une mesure permettant au Gouvernement une meilleure « maîtrise des fonctions publiques » ?
c) Une mesure de renoncement et d’abandon 9

B.- LE PLF 2005 RÉDUIT LES MOYENS DU PLAN

1. Des moyens de fonctionnement en baisse significative
a) Un tassement modéré des crédits de personnel qui masque une réduction sérieuse des effectifs du Plan 
b) Une nouvelle baisse des crédits de fonctionnement
2. Des moyens d’intervention amputés des deux tiers
3. Des moyens de subvention fortement diminués 

II.- LES MUTATIONS RAPIDES DE NOS ÉCONOMIES MONDIALISÉES RENDENT PLUS NÉCESSAIRE QUE JAMAIS UN EFFORT DE PLANIFICATION

A.- CONTRAIREMENT À SES VOISINS EUROPÉENS, LA FRANCE A RENONCÉ À UNE PLANIFICATION VOLONTARISTE

1. Les politiques de planification chez nos voisins européens
a) L’Allemagne approfondit sa politique de planification
b) Les pays du Benelux entretiennent une forte tradition de planification
c) Les pays du sud de l’Europe sont également empreints d’une forte tradition planificatrice
d) Traditionnellement, le Royaume-Uni entretient des capacités importantes de prospective d’Etat
2. L’abandon de la planification en France
a) Le Commissariat général du Plan a abandonné ses compétences en matière d’évaluation
b) Le Plan a remanié son organisation pour se consacrer pleinement à « la prospective de l’Etat stratège » 



B.- SEULE UNE PLANIFICATION RÉNOVÉE PEUT PERMETTRE À L’ÉTAT DE FAIRE FACE AUX MUTATIONS DE NOS ÉCONOMIES MONDIALISÉES

1. Les limites d’une politique économique sans planification
a) Le traitement des délocalisations
b) Le « plan fret » de la SNCF 
2. La différence entre Plan et planification 
a) Même sans le Plan, l’Etat fait de la planification
b) Mais sans un Plan, l’Etat planifie moins bien
3. Trois propositions pour renforcer la cohérence de nos processus de planification
a) Mettre le Commissariat général du Plan au centre des processus administratifs d’élaboration des politiques planifiées
b) Confier au Plan le suivi d’une nouvelle planification nationale des services collectifs.
c) Confier au Plan le pilotage des contrats de Plan Etat-région (CPER)

ANNEXES

EXAMEN EN COMMISSION

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EXTRAITS

B.- SEULE UNE PLANIFICATION RÉNOVÉE PEUT PERMETTRE À L’ÉTAT DE FAIRE FACE AUX MUTATIONS DE NOS ÉCONOMIES MONDIALISÉES

Le contexte macro-économique actuel a deux caractéristiques majeures : l’incertitude et la fragilité. En effet, la croissance est plus volatile que sous les trente Glorieuses, et les changements structurels de nos économies plus rapides. Ces contraintes ont justifié l’abandon du plan quinquennal, mais elles ne justifient pas l’abandon de toute planification, bien au contraire.

Car plus l’incertitude est grande, plus les acteurs économiques et sociaux ont besoin de points de repères : c’est le sens de la prospective. De même, plus les mutations économiques sont rapides, plus l’Etat devrait les anticiper et tenter d’en maîtriser le cours : c’est le sens de la planification.

Votre rapporteur entend démontrer que si l’action de l’Etat se prétend de plus en plus planificatrice, elle gagnerait en cohérence et en efficacité si elle se dotait d’un Plan fédérateur.

1. Les limites d’une politique économique sans planification

A défaut de planifier les mutations économiques, l’Etat ne peut que les subir. Entre une prospective trop souvent incantatoire et un traitement des crises tardif et précipité, sa politique économique manque de cohérence et d’efficacité.

Votre rapporteur vous propose d’examiner deux exemples concrets qui montrent que la planification vaut mieux que l’intervention de l’Etat a posteriori.

a) Le traitement des délocalisations

La mondialisation des facteurs de production a placé notre pays en situation de désavantage compétitif par rapport aux pays à main-d’œuvre bon marché. Cette crise de compétitivité a frappé l’industrie plus que les autres secteurs. La politique économique traite la situation au cas par cas, par des « contrats de site » ou des « contrats de territoire » qui accompagnent les délocalisations en gérant les crises sociales une fois qu’elles sont avérées.

Ces interventions locales gagneraient en efficacité si les risques de restructurations industrielles étaient détectés plus tôt, anticipés, voire prévenus. La détection, l’anticipation de ces risques ne peut passer que par une politique de planification industrielle nationale, appuyée par des études pertinentes et concertée entre l’Etat, le patronat et les représentants des salariés. Or cette vision nationale des problèmes et cette méthode incitative et concertée sont justement au cœur de la « planification à la française ».

LES CONTRATS DE SITE ET ASSIMILÉS

· Une mission interministérielle sur les mutations économiques a été mise en place le 28 janvier 2003, avec pour objectif l’amélioration de l’intervention publique en matière de mutations économiques, afin que l’impact social et territorial des restructurations économiques et industrielles soit mieux pris en compte par le Gouvernement.

· La mission d’information devait mettre en œuvre une nouvelle méthode d’action de l’Etat et de nouveaux outils : un « tableau de bord de risques » de détection et de prévention des risques de suppression d’emploi, un « observatoire des mutations économiques », outil de veille à long terme.

· Ainsi, après 15 jours de veille, le Gouvernement a lancé le 12 février 2003 les « contrats de sites », qui concentrent des aides spéciales sur des bassins d’emploi affectés par une restructuration particulière.

· Les CIADT de 2003 et 2004 ont élaboré 11 contrats de sites, qui organisent le cofinancement de projets de redynamisation industrielle (5 d’entre eux concernent GIAT-industrie). Parallèlement, 10 contrats, conventions ou plans d’action territoriaux ont été engagés dans le même esprit.

b) Le « plan fret » de la SNCF

Les restructurations industrielles et l’ouverture du fret à la concurrence européenne mettent en évidence l’état de délabrement du fret SNCF, inadapté aux structures productives et lourdement déficitaire.

Avec son « plan fret », la SNCF vise à le rendre compétitif sur le marché ferroviaire, libéralisé par des directives communautaires transposées en mars 2003. Elle tend à densifier son fret et à le concentrer sur un nombre restreint de lignes. A cet effet, elle ferme un certain nombre de gares, notamment celles qui servaient au chargement du bois.

Le sauvetage du fret français est au centre des discours gouvernementaux : votre rapporteur s’en félicite. Mais pour ce qui est du plan lui-même, certaines insuffisances peuvent être relevées :


- Il est élaboré sans concertation avec les usagers, notamment sans prendre en compte les besoins spécifiques des territoires, notamment de la filière bois en milieu rural.


- Il se borne à traiter le problème du fret sans s’appuyer sur une stratégie plus large de développement des transports. En effet, le retrait du fret profitera à la route, et aura donc un coût environnemental que le « plan fret » ne prend pas en compte.


- Il repose sur une prospective de très court terme, sans prendre en compte ses propres conséquences à moyen et long terme. Pour ne prendre qu’un exemple, la SNCF aggravera la surcharge du couloir rhodanien en abandonnant les solutions alternatives, telles la ligne Béziers-Neussargues.

Si cette réforme avait pu être anticipée dans le cadre du Plan, elle aurait pu s’appuyer sur des projections et des évaluations plus riches et plus nombreuses. En outre, le Plan aurait organisé la concertation de tous les acteurs intéressés, et aurait su apporter à leurs débats les justes considérations d’intérêt général. Une planification active des infrastructures ferroviaires aurait permis une meilleure réforme du fret français.

[…]

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c) Confier au Plan le pilotage des contrats de Plan Etat-région (CPER)

La vocation du Plan est de négocier puis de piloter les documents de planification. Les seuls documents de ce type qui existent encore sont les CPER. Le suivi des CPER relève en premier lieu de la compétence de la DATAR.

Le Commissariat général du Plan n’est pas tenu totalement à l’écart du suivi des CPER : il anime leur dispositif d’évaluation. Les modalités de cette évaluation ont été fixées par une circulaire du Premier ministre du 25 août 2000, aux termes de laquelle le Commissariat :


- Délègue aux préfets de région les crédits nécessaires (0,8 million d’euros pour 2005, en baisse de 20 % par rapport à 2004) ;


- Fait bénéficier les acteurs régionaux de son aide méthodologique ;


- Anime une instance nationale d’évaluation des CPER.

Cette évaluation s’étend en réalité aux contrats de ville et d’agglomération, aux contrats de pays et aux contrats conclus avec les parcs naturels régionaux inscrits dans un contrat de plan Etat-régions. Les thèmes d’évaluation les plus courants ont trait à l’environnement, à l’emploi, aux aides aux entreprises, aux technologies de l’information et de la communication et aux infrastructures.

Pourtant, la baisse des moyens de l’évaluation des CPER pour 2005 ne va pas dans le sens du renforcement de cette compétence du Plan.

Pourtant, comme l’a constaté la Cour des Comptes, la DATAR n’assure pas un suivi satisfaisant des CPER. MM. Louis Giscard d’Estaing et Jacques Le Nay, auteurs d’un rapport sur les CPER au nom de la Délégation à l’aménagement du territoire, relèvent que la DATAR n’a jamais réussi à développer un outil informatique permettant de consulter, en temps réel, l’état des engagements de crédits et d’avancée des dossiers. Ils notent qu’un système de ce type a été développé pour le suivi des fonds structurels européens : le système PRESAGE. Votre rapporteur adhère à ce diagnostic et souligne que ce rapport a été adopté à l’unanimité par la Délégation à l’aménagement du territoire.

Votre rapporteur adhère aussi à la plupart des conclusions des deux rapporteurs de la Délégation : maintien d’un plan synthétique, recentrage de celui-ci sur des projets structurants, développement d’un logiciel de type PRESAGE, rééchelonnement des CPER en trois volets triennaux notamment. Toutefois, votre rapporteur propose d’aller plus loin dans la réforme des CPER.

D’abord, pour assurer le recentrage des CPER sur les projets structurants et les mettre au service de la prospective de l’Etat stratège, il serait opportun de confier au Plan le pilotage de la négociation des CPER ;

Ensuite, MM. Louis Giscard d’Estaing et Jacques Le Nay jugent inopportun de donner aux CPER une dimension péréquatrice : votre rapporteur estime au contraire qu’ils doivent participer à la mise en œuvre de l’article 72-2 de la Constitution. Certes, cette péréquation ne peut pas reposer sur des critères économiques précis, car les CPER obéissent à une logique de projet et non à une logique de dotation ; mais elle peut reposer sur une pratique empirique. Mais pour que cette pratique empirique ne soit pas dévoyée en favoritisme, il faut qu’elle soit maîtrisée par une administration autonome, neutre et forte d’une véritable culture du développement par le Plan. Aussi le Commissariat général du Plan est-il tout désigné pour donner aux CPER une dimension de péréquation.

Enfin, le suivi financier de l’exécution des CPER pourrait être confié au Commissariat général du Plan : son expérience en matière d’évaluation des CPER le qualifie pour mieux en assurer le suivi que ne le fait la DATAR.

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Le budget du Plan pour 2005 est donc, pour votre rapporteur, un budget d’abandon. D’année en année, le Plan voit en effet ses moyens baisser. Pour 2005, il verrait aussi son réseau scientifique démantelé.

Votre rapporteur regrette d’autant plus cet abandon qu’il constate que la Nation a besoin d’une planification cohérente -quand bien même ce terme ne serait plus à la mode. C’est pourquoi il vous a exposé, à grands traits, ce que pourrait être une réforme efficace de la planification.

Nous n’en sommes certes plus au temps de « l’ardente obligation » : la démarche planificatrice, nationale et synthétique, n’en est pas pour autant périmée. Parce que votre rapporteur veut croire qu’une autre ambition est possible pour la planification, il émet un avis défavorable sur les crédits du Plan pour 2005.

Pour en savoir plus : Site de l’Assemblée Nationale

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