Questions à M. le ministre du redressement productif sur la politique industrielle
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
Accord sur l'emploi - Renault - André Chassaigne par andrechassaigne
M. André Chassaigne. Vous parliez du travail de dentellière, monsieur le ministre. La dentelle, c’est au Puy. Dans ma circonscription, c’est le couteau. Or souvent, dans vos réponses brillantes, vous êtes un peu sur le fil du rasoir, monsieur le ministre. (Sourires.)
M. François Brottes. Il fait dans la dentelle.
M. André Chassaigne. La question est de savoir quelle en sera l’application ! Quoi qu’il en soit, je tenais à dire que vos réponses sont très précises.
Ma seconde question est d’actualité. Le 11 janvier dernier fut signé l’accord entre le Medef et trois organisations syndicales sur la sécurisation de l’emploi. Je précise que ces trois organisations ne représentent que 36 % des salariés français. Nous sommes donc loin de la majorité dont on parle.
Pour l’essentiel, cet accord répond aux exigences du Medef et du patronat.
M. Thierry Benoit. Très bon accord.
M. André Chassaigne. S’il doit se traduire par des mesures législatives, il officialisera la précarité, la flexibilité du travail et donnera une plus grande liberté aux entreprises pour licencier. C’est mon analyse et celle des députés du Front de gauche, que beaucoup ici ne partagent pas.
M. Thierry Benoit. En effet.
M. André Chassaigne. En cas de difficultés conjoncturelles, les entreprises pourront imposer une baisse des salaires, une hausse ou une diminution de la durée du travail, et des mutations qu’il ne sera plus possible de refuser. Carlos Ghosn et la direction de Renault sont passés très vite aux travaux pratiques : le 15 janvier, après avoir annoncé une réduction de près de 8 000 postes d’ici à 2016, le groupe Renault s’est livré au chantage à l’emploi. Si aucun accord de compétitivité n’est trouvé avec les organisations syndicales, il y aura des fermetures de sites et un plan social. Ce que la direction appelle « accord de compétitivité » se résume à une baisse des salaires, une augmentation du temps de travail et une remise en cause des acquis sociaux.
Alors que la trésorerie de Renault et les bénéfices réalisés permettent de continuer de verser des millions d’euros aux actionnaires – c’est le coût du capital –, on demande aux salariés de porter seuls les efforts de compétitivité. Pourtant, ce n’est pas le coût du travail qui pèse sur les résultats, mais bien plus le coût du capital avec les profits massivement versés aux actionnaires au détriment de l’emploi.
Renault et les constructeurs français pâtissent d’une baisse importante des ventes de voitures particulières et utilitaires. Pourquoi ? Essentiellement parce que les Français s’appauvrissent et parce que l’économie ralentit. Pour preuve : le marché du véhicule d’occasion – 4,5 millions de véhicules par an – n’a jamais été aussi dynamique, et pour les véhicules de luxe, les résultats restent stables.
Monsieur le ministre, les solutions pour lutter contre le démantèlement du secteur de l’automobile impliquent un changement de cap industriel et une relance économique par l’augmentation des salaires et du pouvoir d’achat. Allez-vous défendre le cap d’une politique industrielle ambitieuse ? Mais défendre une politique industrielle ambitieuse ne consiste pas, selon moi, à entériner un accord qui n’est pas représentatif.
M. Jean Lassalle. Très bien.
M. Laurent Furst. Jean !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Je laisserai à Michel Sapin le soin d’exposer la position du Gouvernement sur l’accord du 11 janvier relatif à la sécurisation et au maintien de l’emploi.
S’agissant de Renault, de quoi parlons-nous ? Renault a annoncé la suppression de 7 500 postes sur quatre ans. Il ne s’agit pas de licenciements, de plans de départs volontaires, ni de ruptures de contrat de travail, mais d’un plan de gel d’embauches. Ce sont des départs naturels à la retraite qui sont, en outre, améliorés – et c’est bien ainsi que les ouvriers de Renault le ressentent – par des mesures de préretraite à cinquante-huit ans avec 75 % du salaire, ce qui n’est plus pratiqué nulle part dans aucune entreprise française. En 2012, il y a eu 2 200 départs de ce niveau, qui sont des gels d’embauche, mais en fait des départs naturels à la retraite, soutenus par des mécanismes de pré-retraite approuvés par de nombreuses organisations syndicales, y compris Force ouvrière.
Évidemment, je ne me réjouis pas du gel d’embauches.
M. André Chassaigne. C’est le cas à Sanofi.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Je préfère que les entreprises embauchent, mais lorsqu’une entreprise subit 20 % de baisse de son marché, je préfère cette solution à la fermeture de sites, aux plans de départs volontaires, ou au plan de licenciements massifs. Je préfère toujours que l’on anticipe et négocie plutôt que d’imposer et de casser.
C’est l’une des raisons pour lesquelles la direction de Renault a annoncé son désir de négocier un accord de maintien et de non-licenciement. En contrepartie de l’absence de fermeture de sites et de l’absence de licenciements, la question était de savoir si un certain nombre d’efforts pouvaient être faits par les salariés.
La direction de Renault a proposé un gel des salaires pour la seule année de 2013 et pas une baisse des salaires ainsi que vous l’avez dit, monsieur le député. En 2014, 2015 et 2016, les hausses pourront être négociées jusqu’à l’inflation et assorties d’une prime d’intéressement allant, si l’entreprise retrouve des résultats opérationnels supérieurs à 3 %, jusqu’à 250 à 300 euros par salarié. Voilà la proposition de Renault.
Deuxièmement, sur le temps de travail, la proposition de M. Ghosn et du directoire de Renault est d’amener tous les salariés, en moyenne, à trente-cinq heures. Un certain nombre de sites industriels de Renault sont en dessous de trente-cinq heures, et sont à trente-deux, parfois trente-trois heures. Il s’agit d’une demande de mise à niveau à trente-cinq heures.
Y a-t-il d’autres demandes de la direction de Renault ? Oui, lorsqu’il y a des problèmes de site, il est préconisé d’assurer une mobilité entre plusieurs usines séparées par quelques dizaines ou centaines de kilomètres, avec des indemnisations à la clé.
Enfin, dernier point, il y a l’engagement qu’en contrepartie, il n’y aura pas de licenciement à Renault, alors que le marché baisse de 20 %. Lorsque votre production baisse de 20 %, il faut s’adapter, sinon l’entreprise va commencer à perdre des moyens et de l’argent. Je préfère que l’on trouve des solutions, même temporaires, sur deux, trois ou quatre années, plutôt que des solutions consistant à fermer des sites et à licencier les gens, après quoi l’on risque fort de ne pas retrouver les outils industriels qu’on aura perdus.
Cette stratégie me paraît plus raisonnable. Est-ce que cette négociation est loyale ? Le Gouvernement n’accepte pas le moindre chantage.
M. François de Rugy. Très bien.
M. Arnaud Montebourg, ministre. C’est un compromis. La négociation doit avoir lieu dans la confiance et la loyauté.
Nous souhaitons, et je le dis en dépassant mon temps de parole, ce dont je vous prie de m’excuser, monsieur le président, – Michel Sapin, Pierre Moscovici et moi-même souhaitons que cette négociation ne soit pas un chantage, mais un échange de concessions réciproques loyales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. André Chassaigne. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Non, monsieur le député, on ne reprend pas la parole après le ministre.