15-06-2004

Analyse du résultat des élections européennes.

Analyse du résultat des élections européennes.

Le résultat des élections européennes en France semble confirmer les tendances exprimées lors des élections régionales de mars dernier.

En préalable, il semble difficile d’opérer des analyses définitives et tranchées sur ce scrutin. En effet, plus de 57% des Français n’ont pas cru bon de se déplacer pour ces élections. Aussi, le nombre de voix obtenues par chacun des partis candidats est-il très faible.

Cette abstention record est en net décalage avec la bonne participation électorale des élections régionales de mars dernier. Elle est sûrement le résultat, comme partout ailleurs en Europe, de la défiance des Français à l’égard des institutions européennes et de leur difficulté à saisir les enjeux européens. Elle est aussi probablement la conséquence d’une déception des Français à l’égard du statu quo politique en France depuis les régionales : malgré sa débâcle électorale, ni le Premier ministre ni la politique de la droite n’ont changé. Cette abstention est probablement moins qu’avant le signe d’une défiance des Français à l’égard des grands partis politiques : comme à chaque élection depuis le séisme de 2002, la dispersion des voix est relativement faible, l’essentiel des voix se concentrant sur les grands partis, surtout si l’on prend en compte le fait que, dans chacune des huit circonscriptions, plus de vingt listes étaient en lice.
Cette élection marque un nouveau désaveu pour le gouvernement conservateur. Le parti du président, l’UMP, ne recueille que 16,63% des voix. Cette nouvelle débâcle profite essentiellement à ses alliés indociles de l’UDF (chrétiens-démocrates, proches de R. Prodi), qui obtiennent 11%. Même les listes nationalistes et traditionalistes de M. de Villiers, autre partenaire de l’UMP au gouvernement, n’obtiennent que 6,6% des voix, alors qu’il avait rassemblé plus de 12% des électeurs en 1999. Autre signe encourageant, le Front National n’atteint pas la barre des 10% : l’extrême droite a sûrement pâti plus que les autres de l’abstention.

Le grand vainqueur de cette élection est, incontestablement, le Parti Socialiste. Avec 29% des voix, il obtient un des plus hauts scores de son histoire. Malgré le flou et les contradictions de ses positions et au terme d’une campagne assez populiste, le PS profite incontestablement de l’impopularité du gouvernement de droite. Il parvient aussi à rassembler en jouant sur la mauvaise conscience de beaucoup des électeurs de gauche qui, lors des dernières élections présidentielles, s’étaient dispersés sur les autres candidats de gauche, provoquant de ce fait la défaite de M Jospin. Le peuple de gauche a ainsi, clairement, voté utile : les verts, qui espéraient franchir la barre des 10%, en ont notamment fait les frais (7,5% seulement).

Cette nouvelle situation politique explique aussi probablement l’écroulement des organisations d’extrême gauche. Après avoir obtenu plus de 10% (deux millions huit cent mille voix), lors des présidentielles de 2002, elles ne recueillent aujourd’hui que 3% et seulement 400 000 voix. L’alliance opportuniste entre Lutte ouvrière et la ligue communiste révolutionnaire, déjà en difficulté lors des régionales, a cassé la dynamique sur laquelle ces organisations avaient prospéré. Cet échec constitue une nouvelle donne pour la gauche de la gauche : le PCF sort de ces élections relativement renforcé, retrouvant sa prééminence sur la gauche non socialiste.

Les listes du PCF font, en effet, dans ce paysage, un résultat honorable (5,25%). Certes, elles sont en recul par rapport à 1999 (6,5%). Mais elles sont en progrès de deux points par rapport aux présidentielles de 2002. Le PCF obtient donc deux élus (plus un élu du PC réunionnais, indépendant du PCF), étant victime d’un nouveau mode de scrutin taillé sur mesure pour le PS et l’UMP. Si les résultats dans les fiefs communistes sont décevants, les listes communistes y étant systématiquement dépassées par les socialistes, nos candidats retrouvent certaines couleurs sur le reste de la France. Il reste cependant difficile d’interpréter sereinement l’efficacité, au regard de ses résultats, de la stratégie d’ouverture au mouvement social marqué par cette élection. Ce sursis appréciable nous laisse cependant suffisamment de temps pour essayer de construire, pour 2007, une alternative politique crédible au libéralisme de l’UMP comme au social-libéralisme du PS. Nous avons de fait beaucoup de travail devant nous !

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