Mesdames, Messieurs les Magistrats,
J’ai bien reçu la correspondance que vous avez adressée à l’ensemble des parlementaires du Puy-de-Dôme, transmettant la motion transmise au Président de la République, Président et membres du Conseil Supérieur de la Magistrature, à Monsieur le Garde des Sceaux et à la presse.
Vous condamnez les attaques politiques du Ministre de l’intérieur, Monsieur Nicolas SARKOZY, contre les juges de Bobigny, et soulignez qu’il viole, ainsi, les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice.
Vous soulignez qu’il jette ainsi le discrédit sur le fonctionnement des services de police et de justice, qui affrontent au quotidien les problèmes de délinquance les plus aigus et opposent les institutions, menaçant ainsi l’autorité de l’Etat.
Je comprends et partage l’inquiétude que vous exprimez. En effet, ses propos sont d’autant plus irresponsables que nous connaissons tous le sérieux et le professionnalisme avec lequel les magistrats rendent la justice dans un département en grande souffrance sociale, le nombre d’affaires à traiter par magistrat étant pourtant trois fois plus important au Tribunal de Bobigny qu’à Paris.
Empêtré dans la révélation des mauvais chiffres de la délinquance des mineurs en Seine-Saint-Denis, le Ministre pointe du doigt les magistrats du Tribunal de Bobigny, selon lui responsables. Il jette l’opprobre sur les juges parce qu’il ne réussit pas à aller aussi loin qu’il le souhaiterait, les accusant de laxisme vis-à-vis de la délinquance et leur reprochant de ne pas assez recourir à l’emprisonnement, face à la baisse des incarcérations recensées cette année, dont le taux aurait baissé de 15 % à Bobigny.
Il est inadmissible que le Ministre de l’intérieur instrumentalise la justice pour cacher ses échecs en matière de délinquance et pour faire passer en force sa nouvelle loi en matière de prévention de la délinquance, durcissant en plusieurs points l’ordonnance de 1945 sur « l’enfance délinquante ». Celle-ci offre pourtant une diversité des peines pour répondre à la délinquance. Or, les choix budgétaires du Gouvernement ont privilégié la création de structures fermées au détriment du travail éducatif en milieu ouvert. Aujourd’hui la justice manque cruellement d’éducateurs et de psychologues.
Il faut aussi rappeler le rôle des associations socio-judiciaires qui inscrivent leur action dans une justice préventive, réparatrice et médiatrice, permettant la réconciliation entre l’individu et la société. Elles participent à l’égalité de traitement et à la mise en œuvre d’une réponse judiciaire équitable, lisible et soucieuse du sens de la sanction.
A ce titre, j’ai d’ailleurs interrogé le Ministre de la justice le 5 septembre dernier, en lui adressant une question écrite, dont vous trouverez, ci-joint, copie. Le Ministre n’a pas encore répondu à celle-ci.
De plus, les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse ont décliné pendant la mise en place de centres éducatifs renforcés. La volonté de renforcer la répression se fait au dégriment des structures éducatives existantes, et des effectifs des éducateurs en milieu ouvert. Les choix budgétaires effectués ces dernières années en matière de justice ont en effet accéléré l’appauvrissement du secteur éducatif. Aujourd’hui, des demandes de placement dans un foyer éducatif peuvent parfois attendre, dans certaines juridictions, jusqu’à huit mois avant d’être exécutées, faut de place ou de personnel suffisant. Et c’est bien là que le bât blesse.
Alors même que Monsieur SARKOZY nous montre une nouvelle fois qu’il ne connaît comme réponse à la question de la délinquance que la répression et l’emprisonnement, les 188 prisons française sont en état de surpopulation.
Il devient urgent que la question sociale soit mise au cœur des politiques publiques, que l’Etat honore tous ses engagements budgétaires, notamment à l’égard de la Seine-Saint-Denis… mais aussi dans les juridictions de province comme la nôtre.
Telles sont les remarques que je tenais à porter à votre connaissance.
Je vous prie de croire, Mesdames, Messieurs les Magistrats, en l’assurance de mes sentiments les meilleurs.