Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
Mercredi 22 juin 2011
Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre Mongin, président-directeur général de la RATP
La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a procédé à la désignation de ses rapporteurs pour avis pour le projet de loi de finances pour 2012. Ont été désignés :
Mission écologie, développement et aménagement durables
– M. Martial Saddier, rapporteur pour avis pour les transports terrestres ;
– M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur pour avis pour les transports aériens ;
– M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis pour les transports maritimes ;
– M. Christophe Priou, rapporteur pour avis pour la protection de l’environnement et la prévention des risques ;
– M. Philippe Plisson, rapporteur pour avis pour les politiques de développement durable.
Mission politique des territoires
– M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis pour la politique des territoires.
Mission recherche et enseignement supérieur
– M. André Chassaigne, rapporteur pour avis pour la recherche dans les domaines du développement durable.
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La commission a ensuite entendu M. Pierre Mongin, président-directeur général de la RATP.
M. le président Serge Grouard. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Pierre Mongin, président-directeur général de la RATP, à qui je laisse immédiatement la parole pour un tour d’horizon sur la situation de l’entreprise et sur sa place dans le schéma du Grand Paris.
M. Pierre Mongin, président-directeur général de la RATP. C’est pour moi un grand honneur, en ma qualité de responsable d’une grande entreprise publique, de rendre compte de l’activité de cette dernière devant votre Commission. Depuis ma précédente présentation ici même le 4 novembre 2009, l’entreprise et son contexte ont beaucoup évolué du fait de deux textes législatifs majeurs : la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires – dite loi ORTF – du 8 décembre 2009, et la loi relative au Grand paris du 3 juin 2010.
La RATP, qui compte aujourd’hui 56 000 salariés, a reçu en septembre 2009 de son actionnaire, l’État, une feuille de route sous la forme d’une lettre de mission de M. le Président de la République, axée autour de cinq actions principales.
D’abord, être un acteur majeur de la mise en œuvre des projets de développement des transports publics à l’occasion du Grand Paris.
Ensuite, renforcer les positions de l’entreprise sur le territoire national et sur le marché international, sachant qu’elle est aujourd’hui le cinquième acteur dans sa spécialité du transport urbain. En termes économiques, il lui faut donc non seulement assumer ses savoir-faire dans le monde, ce qui est un enjeu de développement pour notre pays lui-même, mais aussi se préparer, conformément au règlement européen relatif à la concurrence dans les transports publics, à l’ouverture à la concurrence du marché francilien de transport. Sachant – ainsi que l’expérience dans les secteurs des télécommunications, du gaz et de l’électricité l’a montré –, que la défense de notre place sur notre marché historique sera forcément compliquée, il m’appartient de préparer l’entreprise à cette phase d’ouverture afin qu’elle n’en soit pas bouleversée.
La troisième action consiste à améliorer la performance économique de l’entreprise et à moderniser son fonctionnement. La productivité très significative que nous avons dégagée ces dernières années – entre 1,5 % et 2 % par an – a permis de restituer au Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), notre autorité organisatrice, l’équivalent de 100 millions d’euros tout au long du contrat qui expire en décembre prochain – premier contrat décentralisé conclu, en application de la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004, entre une entreprise nationale et une région, représentée en l’occurrence par le STIF.
L’entreprise a fortement augmenté ses résultats, lesquels se situent aujourd’hui entre 180 et 200 millions d’euros par an, contre moins de 40 millions à mon arrivée, voilà cinq ans – l’ensemble étant réinvesti au profit du service public et du développement du transport urbain en Île-de-France. Alors qu’elle dépensait à l’époque en investissement – « en cash » et non virtuellement comme avec des autorisations de programme – de l’ordre de 400 à 500 millions d’euros par an en moyenne, nous allons, après avoir progressivement atteint le milliard, parvenir cette année à 1,5 milliard d’euros. Nous avons ainsi joué un rôle majeur de soutien de la filière économique des bus et du ferroviaire dans la période de crise économique que nous avons traversée. Par l’augmentation de nos capacités d’investissement, c’est l’activité industrielle nationale que nous avons soutenue dans une période où elle était très fragilisée. Nous en sommes fiers, d’autant que cela a été rendu possible sans aggraver l’endettement de l’entreprise. C’est par notre productivité et par l’intelligence des hommes et de femmes qui travaillent à la RATP que nous avons réussi à augmenter notre autofinancement de manière très significative, ce qui permet aujourd’hui d’envisager, pour la première fois dans l’histoire de la RATP, une stabilisation à terme de la dette.
La quatrième action, c’est de demeurer une entreprise leader dans le domaine de la qualité et de l’innovation de services. La RATP a toujours été une entreprise à la pointe des défis techniques du transport urbain puisqu’elle gère tous les modes – métro, train urbain ou RER, tramways, bus. Cette maîtrise de la chaîne de transport, ainsi qu’une intégration verticale très forte qui va de l’ingénierie et de la conception des réseaux jusqu’à la maintenance industrielle – secteur qui, avec ses 10 000 salariés, fait de nous l’un des principaux manufacturiers de la région Île-de-France –, nous donne une compréhension globale du domaine des transports qui est unique au monde. Le réseau francilien est le troisième réseau urbain intégré après celui de Tokyo et de New York. C’est ce qui explique que la RATP, créée après la guerre, se soit progressivement approprié toutes les innovations techniques en matière de transport, de billettique, de sécurité ou de système d’exploitation. Cette force, nous voulons la préserver et la développer pour mettre toutes ces techniques à la disposition de nos clients.
Enfin, la cinquième action tient à notre responsabilité particulière en matière de développement durable puisqu’elle consiste à intégrer tous les objectifs du Grenelle de l’environnement dans nos missions.
S’agissant du Grand Paris, la situation a profondément changé puisque la loi a créé, pour la première fois en Île-de-France, une autorité distincte de la RATP – l’établissement public industriel et commercial de la Société du Grand Paris (SGP) –,en charge des choix budgétaires, techniques et opérationnels du projet. Pour nous, il s’agit d’une perte puisque, par tradition, notre entreprise faisait tout. Avant l’arrivée du STIF, elle était elle-même une autorité organisatrice comme la Metropolitan transportation authority (MTA) de New York. Pour autant, si nous ne sommes plus le décideur pour les projets du Grand Paris, nous en serons un acteur essentiel en tant que fournisseur de prestations dans le cadre des appels d’offres qui seront lancés. L’ingénierie étant mise en concurrence, la RATP doit se positionner sur ce marché avec les meilleures offres possibles sur le plan tant technique – je n’ai aucun doute sur ce point – qu’économique. À cet égard, la réorganisation de notre ingénierie nous mettra en position de remporter la plus grande part des marchés du Grand Paris.
L’accord historique intervenu le 26 janvier dernier entre l’État et la Région – en l’occurrence Maurice Leroy, ministre de la ville, et Jean-Paul Huchon, président de Région – est donc un événement capital pour nous, d’autant que je m’étais battu pour le développement d’un nouveau réseau de transport en Île-de-France.
La France a un message industriel à délivrer car la RATP – je le sais pour voyager beaucoup dans le monde – est un acteur unanimement respecté. J’en ai encore eu la confirmation ce matin de la part du patron du groupe nord-américain Bombardier qui tenait à me rencontrer à l’occasion de sa visite au Salon du Bourget, et, la semaine dernière, à New York, où j’ai été reçu par l’Autorité de transport, qui tenait à me remercier du travail d’ingénierie effectué par notre filiale Systra.
Si notre entreprise a un message à délivrer technique, industriel et économique, encore faut-il que nous soyons en phase avec les exigences du marché, sachant que nous serons confrontés à une concurrence dure. C’est ce qui explique notre évolution interne, laquelle doit nous permettre de relever les défis du projet du Grand Paris, l’accord du 26 janvier ayant donné à la région Île-de-France une nouvelle dimension dans les domaines de la gestion et de la mobilité.
Au-delà du périphérique, la part du transport public est plus faible en Île-de-France que dans la plupart des grandes villes de province. Il était anormal que près de 8 millions d’habitants se trouvent ainsi en situation de quasi-exclusion en matière de transport public. Alors que partout – en Asie, en Amérique du Nord –, les villes évoluaient, la région parisienne accusait un grave retard en matière de transport.
Même si cela ressort de l’intérêt particulier de la RATP, il est de l’intérêt général d’investir massivement et rapidement dans des moyens de transport modernes dits lourds, c’est-à-dire de type ferroviaire. Aussi ne puis-je que m’inquiéter pour la réalisation de ce projet essentiel pour le pays lorsque je vois le sujet du financement un peu laissé de côté ou que l’on envisage d’étaler les recettes et d’en redistribuer une partie en faveur de la rénovation urbaine !
Si la RATP a des valeurs solides nées de l’après-guerre – celles du service public dont chacun est fier au sein d’une entreprise nationale –, il nous faut aussi favoriser l’esprit d’entreprise. C’est ainsi qu’au-delà d’un corpus de valeurs très partagé sur lequel nous nous appuyons, nous avons progressivement introduit des obligations économiques à toutes les équipes, afin de les rendre les plus efficaces possible dans l’utilisation des moyens de production. Si la RATP avait toutes les qualités en termes de fiabilité, de sécurité ferroviaire et de compétence technique, elle avait besoin de s’approprier la dimension économique, qui est un enjeu majeur pour son avenir.
Les réformes législatives sont venues clarifier le modèle économique de la RATP. C’est ainsi que nous préparons, pour le 1er janvier prochain, la séparation comptable entre l’activité de gestionnaire de l’infrastructure et celle d’opérateur de transport. Nous allons créer une sorte de RFF interne à la RATP, en rendant distinct le volet gestion des voies, de l’énergie et des tunnels, de la partie fourniture de services de transport et maintenance. Une telle séparation de deux branches à l’intérieur d’un même EPIC est une excellente chose, car une seule organisation économique et juridique intégrée doit continuer de contrôler les deux activités afin de résoudre les problèmes d’arbitrage qui se posent sans cesse entre les moyens à attribuer à l’infrastructure et ceux requis par le fonctionnement du service. Les exemples abondent de situations où les arbitrages à effectuer non pas à l’intérieur d’une même entreprise – comme cela sera de ma responsabilité –, mais d’une entreprise à une autre sont compliqués à rendre. À cet égard, il ne faut jamais sacrifier le long terme au détriment de la viabilité et de la soutenabilité du réseau. Certes, ne pas investir dans l’infrastructure permet d’améliorer le « cash », de réduire la dette et de présenter de beaux bilans, mais, comme cela a été le cas à Londres par exemple, le prix à payer ensuite en termes d’investissement correctif est énorme ! Prenons garde de ne jamais nous placer dans une telle situation.
Je souhaite que la RATP conserve longtemps la forme unitaire d’EPIC de l’État, avec un conseil d’administration composé pour un tiers de représentants des salariés et pour un tiers de représentants de l’État actionnaire, le troisième tiers étant constitué de personnalités qualifiées de premier plan. Une telle organisation unitaire, qui permet de piloter non seulement les deux branches – infrastructure et transport –, mais aussi toutes les activités de développement externe, est excellente pour faire évoluer les esprits au même rythme et pour les faire adhérer à un projet et à un modèle partagés. Si le dialogue social, qui est ma première préoccupation depuis que je suis président de la RATP, fonctionne bien, c’est parce que nos salariés appréhendent les enjeux de l’avenir en plaine connaissance de cause.
À cet égard, les lois que vous avez votées nous ont, je le répète, beaucoup aidés puisqu’elles permettent de bâtir l’entreprise sur un modèle clarifié. J’en donne un exemple. L’un des problèmes majeurs de la RATP est de pouvoir se financer, sur le marché financier et donc d’être suffisamment crédible pour pouvoir emprunter de l’argent aux meilleures conditions. Or, notre dette est de type dette souveraine, c’est-à-dire que nous empruntons, en nous appuyant sur l’État actionnaire et sur notre note « AAA », pour rembourser le principal, ce qui n’est pas un schéma habituel d’entreprise. C’est ce que l’on appelle une dette perpétuelle. Cependant, dès lors que le règlement européen limite dans le temps nos droits d’exploitation et qu’en 2024 un tiers du chiffre d’affaires de l’EPIC sera mis en concurrence avec le réseau de bus de Paris qui est l’un des plus gros du monde – avec 1 milliard de passagers par an –, il faut expliquer au marché financier comment nous ferions pour payer notre dette si nous perdions une partie de notre chiffre d’affaires.
Il convient à cet égard de bien distinguer la gestion de l’infrastructure et les services de transport.
S’agissant de la première, qui est une mission pérenne de l’entreprise dévolue par l’État – la propriété juridique de l’infrastructure nous ayant été donnée par votre vote –, nos financements en la matière sont sécurisés puisqu’il s’agit d’une dette perpétuelle. En effet, nous n’avons pas besoin de rembourser le capital dans la mesure où nous sommes suffisamment crédibles pour pouvoir emprunter. S’agissant des services de transport, nous sommes tenus d’expliquer comment nous aurons remboursé toute la dette afférente en 2039, pour ce qui concerne le métro et le RER.
La séparation comptable donne ainsi au marché les clés du fonctionnement financier de la RATP, ce qui est extrêmement rassurant, tant pour le marché que pour nos possibilités d’investissement futur.
M. le président Serge Grouard. La première série de questions vous sera posée par les représentants des groupes.
(…)
M. André Chassaigne. Je vous remercie à mon tour pour votre présentation extrêmement claire, ce qui n’a d’ailleurs rien d’étonnant puisque votre passage dans la région Auvergne vous aura forcément permis d’acquérir un très grand esprit de synthèse… (sourires)
Concernant la séparation entre l’infrastructure et le service, des études ont-elles permis d’établir ce que seraient les droits de péage dans le cadre de la mise en concurrence que vous avez située en 2014 ?
M. Pierre Mongin. Permettez-moi de profiter de l’occasion pour rectifier un lapsus : l’ouverture du marché est prévue pour 2024.
M. André Chassaigne. Votre lettre de mission tendant au renforcement des positions sur le territoire national – et international – quels sont vos projets de développement en dehors de l’Île-de-France, sachant qu’un montant de 1,5 milliard d’euros est prévu en investissement dans cette dernière région ? Une telle orientation répondant selon vous à l’ouverture à la concurrence – laquelle concernera également des sociétés de transport en province –, pouvez-vous apporter des précisions sur les pourparlers qui ont été engagés non seulement avec l’entreprise T2C dans l’agglomération clermontoise, mais éventuellement avec d’autres, sachant que Veolia, Keolis et d’autres seront sans doute intéressées ?
Votre feuille de route ayant également trait au développement durable, quels sont vos choix concernant la durée de vie des rames ? Privilégiez-vous la rénovation et la modernisation des rames avec une volonté de recyclage ou le neuf ? Si le patron de Bombardier a voulu vous rencontrer ce matin, n’est-ce pas parce que des investissements sont en vue ?
S’agissant du soutien à l’activité industrielle nationale, l’entreprise ACC à Clermont-Ferrand est en pourparlers avec Alstom pour une entrée de celle-ci à son capital, ce qui permettrait de sauver ses 300 à 400 emplois. Cette entreprise, qui travaille justement à la rénovation de rames de la RATP ou de la SNCF entre autres, a besoin d’une visibilité à moyen terme. Sachant que des pourparlers sont par ailleurs en cours avec la RATP, êtes-vous en mesure, puisque vous avez été un donneur d’ordre d’ACC, de faire des annonces en termes de carnet de commandes ?
M. le président Serge Grouard. Je vous laisse répondre à ces premières questions avant d’en venir à celles de nos autres collègues.
M. Pierre Mongin. Concernant la question de M. Paternotte relative à la part respective de nos activités dans le chiffre d’affaires – lequel atteindra 4,5 milliards d’euros cette année –, les opérations de transport hors Île-de-France représenteront 650 millions, 40% étant réalisés en France et 60 % à l’international. À mon arrivée, 2 % du chiffre d’affaires de l’entreprise se faisaient hors Île-de-France par les filiales : aujourd’hui, le pourcentage est de 15 à 20 %, ce qui me semble une bonne chose pour l’avenir de l’entreprise.
Dans ce contexte, Mme Lepetit s’est interrogée sur la répartition des financements. Nous avons privilégié, pour combler les retards en Île-de-France et améliorer la qualité du service rendu aux voyageurs, les investissements dans cette région. C’est ce qui explique que nos résultats économiques, qui sont donc de l’ordre de 180 millions d’euros par an, fassent apparaître un très faible investissement en dehors de l’Île-de-France. La forte croissance du chiffre d’affaires hors de la région capitale est due au dénouement du dossier Transdev, où nous étions minoritaires, la fusion de cette société avec Veolia ayant rendu possible la sortie de la RATP du capital. Nous avons monnayé nos 25 % contre des actifs en transport que nous contrôlons désormais à 100 %. Cette opération très profitable à la RATP – même si certains actifs restent à redresser – a permis d’améliorer le chiffre d’affaires sans sortir d’argent, donc sans distraire l’essentiel de nos financements au profit de l’Île-de-France.
Pour répondre plus précisément à Mme Lepetit, 40 % du montant de 1,5 milliard d’euros prévu en investissement dans cette dernière région sont assurés par des subventions directes relatives à des projets – dont nous sommes maîtres d’ouvrage ou maîtres d’ouvrage délégués – financés, à l’exception du matériel roulant, par le contrat de plan État-Région. C’est le cas notamment de tous les développements en matière de tramways : l’Île-de-France disposera ainsi d’ici à 2014 d’un maillage incluant les banlieues les plus défavorisées grâce au déploiement de 80 kilomètres supplémentaires de tramway. Concernant le matériel roulant, que la RATP finance à 100 %, nous sommes en discussion avec le STIF pour aligner nos conditions de financement sur celles faites à la SNCF, c’est-à-dire à 50/50.
Quant aux 60 % restants en termes d’investissement, ils sont assurés soit par autofinancement pour un montant de 620 millions d’euros par an – à cet égard, les résultats dus à la productivité constituent, pour un montant entre 180 et 200 millions d’euros par an, un apport décisif – soit par l’endettement qui est aujourd’hui de 1 milliard d’euros. Faute d’avoir réussi à boucler l’équation avec l’autofinancement et les subventions du STIF et de l’État, la RATP a dû, au cours des cinq dernières années, accroître son endettement à long terme de 1 milliard. Aussi nos modèles économiques tendent-ils à stabiliser la dette, voire à commencer d’en rembourser une partie dès la fin du prochain contrat entre la RATP et le STIF.
Nous négocions avec le président Huchon le contrat qui débutera le 1er janvier 2012 et qui devrait, je l’espère, durer cinq ans et non pas quatre – nous sommes à peu près d’accord pour considérer ce délai comme trop court. Hors le fait que le STIF ne choisit pas son opérateur, étant obligé de travailler exclusivement avec la RATP jusqu’en 2024, ce contrat ressemble à s’y méprendre à un contrat de délégation de service public, avec toutes les clauses afférentes en matière de qualité de service, de pénalités, de bonus, etc. Telle devrait donc être la deuxième version du contrat que Jean-Paul Huchon et moi-même avons négocié pour la première fois au sein du STIF « nouvelle formule » en 2006, années de nos arrivées aux commandes respectives.
Nous sommes conscients de la demande de clarification des 75 indicateurs qui surveillent en permanence la RATP – ce qui a d’ailleurs un coût exorbitant en termes de recueil des informations sans pour autant être très lisible. J’ai bien compris que l’accent devait être mis sur la régularité, ce qui ne pose pas de problème s’agissant du métro puisque, selon un indicateur mesuré par le STIF lui-même, 90 % des voyageurs estiment qu’il est très régulier. Le système de cadencement des trains autorise en effet l’arrivée d’un métro dans les trois minutes au plus à l’heure de pointe, dans les cinq minutes le reste de la journée et dans les dix minutes la nuit. En revanche, la question de la régularité de nos deux RER se pose, comme pour la SNCF, dans des termes différents. Nous sommes en effet conscients de la nécessité d’améliorer leur régularité, et je ne doute pas que la partie financière du contrat concernera ce sujet plus fortement que précédemment. Quant aux autres critères relatifs à la propreté ou encore à la disponibilité des appareils de vente, nous sommes plutôt bien notés et le contrat intégrera des exigences nouvelles du STIF, ce qui est normal. Nous sommes prêts à les discuter.
Concernant le Grand Paris et plus précisément le prolongement de la ligne 14, je suis bien obligé de prendre acte de la décision prise par les pouvoirs publics et la Société du Grand Paris – où siègent d’ailleurs les élus régionaux comme les représentants de l’État – d’arrêter cette ligne à Pleyel. Sachant cependant que la liaison CDG Express prévue par la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports – projet de partenariat public-privé (PPP) dérogatoire au STIF qui faisait de l’État le maître d’ouvrage en la matière – est enlisée voire impossible à boucler dans les termes actuels – nous avions nous-mêmes posé notre candidature avec une société de travaux publics pour être opérateur de ce projet avant de nous retirer en raison des conditions juridiques et économiques imposées –, je propose, Monsieur Paternotte, une solution pour desservir en direct l’aéroport Charles de Gaulle. Il s’agit d’une solution « tout public » SNCF-RATP qui ferait de nos deux entreprises des co-opérateurs à 50/50 – comme c’est déjà le cas sur la ligne B du RER du fait de l’interopérabilité – d’un projet limitant les investissements à 150 ou 200 millions d’euros au lieu des 700 à 800 millions du PPP et opérant un train direct entre la gare du Nord et l’aéroport Charles de Gaulle. Un tel projet, qui pourrait être opérationnel en deux ans et demi, desservirait ainsi l’aéroport sans arrêt, en évitant la confusion des flux entre voyageurs avec bagages et travailleurs du Nord de la région parisienne, ce qui pose un vrai problème pour les uns comme pour les autres.
Cette solution « tout public », que j’ai donc proposée au Gouvernement et à Guillaume Pepy, bute, il faut bien le dire, sur une première approche des capacités de la gare du Nord. Cependant, toute destination autre que cette dernière imposerait des ouvrages d’art sur ou sous le périphérique qui seraient très compliqués à insérer dans le paysage parisien où l’on veut développer le logement. C’est une solution simple, à condition que l’on trouve de la place pour l’arrivée de ces trains spéciaux à la gare du Nord.
La ligne 14 reste le premier maillon du Grand Paris puisque nous avons décidé, tant avec l’État qu’avec la Société du Grand Paris et le STIF, qu’elle serait prolongée jusqu’à Saint-Ouen le plus rapidement possible afin de régler le problème de la surfréquentation de la ligne 13 au Nord. Nous serons probablement en mesure, en tant que maître d’ouvrage avec le STIF de ce premier prolongement de la ligne 14 au Nord, de présenter dès l’hiver prochain un dossier à l’enquête publique préalable à une déclaration d’utilité publique (DUP), de manière à avancer le plus rapidement possible dans la voie de la désaturation de la ligne 13.
Un autre avantage de ce prolongement au Nord est d’autoriser la construction de garages à Saint-Ouen, qui permettront d’allonger les trains de la ligne 14, lesquels seront à terme trop courts. À cet égard, tous les quais – je tiens à rassurer Mme Lepetit sur ce point – ont été prévus pour accueillir des trains à 8 voitures. Il n’y a donc aucun problème d’infrastructure.
Mme Annick Lepetit. En fait, je ne parlais pas des quais eux-mêmes, mais de leur accès.
M. Pierre Mongin. Nous verrons avec les services de secours et d’incendie si la sécurité est suffisante : il est possible que les quais ne soient pas toujours assez larges et que quelques escaliers supplémentaires soient à prévoir, mais cela reste relativement marginal par rapport à l‘ensemble du projet. Le problème est plutôt de définir en termes de financement si le passage de 6 à 8 voitures fait partie du projet du Grand Paris ou des projets ordinaires du STIF car il s’agit d’un investissement conséquent. On n’échappera pas à ce débat qu’il n’appartient pas à la RATP de trancher, sachant tout de même qu’il y a tout intérêt à décider le plus vite possible qui paye et comment.
Pour en terminer avec la ligne 14, le mélange des technologies ne peut être qu’un élément de complication, y compris des activités de maintenance. À cet égard, je ne crois pas du tout, contrairement à un procès qui a été fait un peu vite, que la technique du métro sur pneus, privilégiée lors de la création de la ligne 14 Météor à Paris, soit à rejeter car elle présente l’avantage, d’une part, d’offrir des possibilités de freinage bien plus rapides et sécuritaires que le fer et, d’autre part, d’éviter du bruit et des vibrations dans l’environnement immédiat. Ces deux avantages considérables sont à mettre en regard d’un seul inconvénient, à savoir l’augmentation de la consommation d’énergie, sachant toutefois que celle-ci est relativement limitée et qu’elle peut être compensée par l’amélioration des performances des moteurs. Cela étant, c’est un débat qui ne dépend plus aujourd’hui de la RATP, mais de la Société du Grand Paris. Le choix a été fait, avec cette rupture de charge à Pleyel, de pouvoir envisager une autre technologie au Nord, mais rien n’est encore décidé à cet égard et nous saurons aussi nous préparer à une technologie fer. C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avons créé récemment une filiale à 50/50 avec Alstom afin de développer, dans le cadre des investissements innovants et avec l’aide du Commissariat général à l’investissement, une nouvelle génération de métros automatiques qui seront les métros du XXIe siècle.
Monsieur Chassaigne, la question des droits de péage arrive un peu trop tôt. Nous sommes en effet en plein exercice d’évaluation du flux financier nécessaire à la rémunération de l’infrastructure, lequel sera arrêté dans le cadre de la contractualisation dont nous discutons avec le président du STIF, sachant que le niveau des péages dépendra des besoins du financement de l’infrastructure dans la durée.
Concernant notre feuille de route nationale et les 650 millions d’euros de chiffre d’affaires hors Île-de-France que j’évoquais, nous sommes en pourparlers avec le sénateur-maire de Clermont-Ferrand, M. Serge Godard, pour envisager une prise de participation au capital de la société anonyme d’économie mixte des transports en commun de l’agglomération clermontoise – T2C. Nous souhaitons – c’est aujourd’hui public – racheter les parts de la Chambre de commerce pour entrer au capital de cette SEM, car nous pensons que la RATP, qui est une grande entreprise de service public, a vocation, comparée à ses deux concurrents que vous avez cités, Veolia et Keolis, à jouer le rôle que la Caisse des dépôts a longtemps tenu dans sa relation avec les collectivités locales, pour aider celles-ci à construire des systèmes de transport urbain de qualité. Notre responsabilité d’entreprise nationale, c’est aussi sans doute d’investir dans des SEM lorsque nous en avons l’occasion.
Concernant, enfin, la maintenance ferroviaire, j’ai appelé l’attention lors de mon audition devant la commission d’enquête sur la situation de l’industrie ferroviaire présidée par M. Alain Bocquet et dont le rapporteur était M. Yanick Paternotte, sur l’entreprise de réparation ferroviaire ACC. Nos programmes, en accord avec le STIF, visent à faire durer les matériels le plus longtemps possible, dans le respect de certaines règles en matière de coût et de sécurité. Mais si nous avons besoin en France d’une industrie de la rénovation, nous ne pouvons pas être les seuls donneurs d’ordre et il est donc nécessaire qu’elle trouve d’autres clients que la RATP ou la SNCF. Nous sommes en tout cas préoccupés par la situation de relative fragilité de cette industrie dont, je le répète, nous avons besoin avec le STIF pour assurer une optimisation de nos investissements dans le futur.