31-07-2012

Audition du président-directeur général d’Orange

Commission des affaires économiques

Mercredi 11 juillet 2012

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La commission a auditionné M. Stéphane Richard, président-directeur général d’Orange.

M. le président François Brottes. Pour commencer, je voudrais vous donner lecture, après consultation de l’ensemble des groupes politiques, des noms des rapporteurs budgétaires nommés dans notre commission. L’avis budgétaire sur l’agriculture et alimentation sera rédigé par Mme Marie-Lou Marcel (SRC), celui sur la pêche par Mme Annick le Loch (SRC), celui sur la forêt par M. André Chassaigne (GDR), celui sur l’industrie par M. Jean Grellier (SRC), celui sur l’énergie par M. David Habib (SRC), celui sur les entreprises par Mme Anne Grommerch (UMP), celui sur le tourisme par M. Eric Straumann (UMP), celui sur le commerce extérieur par M. Joël Giraud (RRDP), celui sur la consommation par M. Damien Abad (UMP), celui sur les communications électroniques par Mme Corinne Erhel (SRC), celui sur les postes par Mme Michèle Bonneton (écologiste), celui sur l’outre-mer par M. Serge Letchimy (SRC), celui sur les grands organismes de recherche par M. Franck Reynier (UDI), celui sur la recherche industrielle par M. Christophe Borgel (SRC), celui sur la politique de la ville par M. François Pupponi (SRC), celui sur le logement par M. Daniel Goldberg (SRC) et celui sur l’économie sociale et solidaire par M. Philippe Kemel (SRC), sous réserve de son inscription imminente parmi les membres de la commission.

Je vous indique aussi que je propose que notre commission, sans attendre la fin de l’été, va s’intéresser à l’impact des mesures particulières qui existent dans notre pays pour les zones franches, afin que nous puissions faire des propositions dans le cadre de la loi de finances, à travers une mission d’information. Le rapporteur sera M. Henri Jibrayel et le président M. Michel Sordi, du groupe UMP. Je demande aux groupes qui le souhaitent de me transmettre le nom de députés souhaitant participer à la mission. Ce n’est pas une obligation. Il faudrait éviter que la mission comporte plus de dix membres. Et je souhaiterais qu’on me transmette encore au moins un nom du côté du groupe UMP et deux du côté du groupe SRC.

Je remercie en votre nom à tous le président de France Télécom-Orange d’avoir pu se mobiliser dans des délais très courts pour venir rendre compte, devant le Parlement, de l’incident grave de vendredi dernier. J’en profite pour rappeler que la téléphonie mobile n’est pas incluse dans le service universel : les obligations qui s’imposent aux opérateurs dérivent pour l’essentiel des licences et là, en tout état de cause, il semble qu’elles n’aient pas été respectées. Il faut que nous puissions comprendre avec vous, monsieur le président, les causes de l’incident de vendredi dernier, les modalités d’indemnisation proposées et surtout, les moyens qui pourraient permettre que cette situation ne se reproduise pas. Il y a un vrai besoin d’explication.

Nous avons d’ailleurs auditionné ce matin le président de l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), dans le cadre d’une réunion qui avait été prévue avant la panne. Je lui ai proposé de se joindre à nous cet après-midi mais je crois que des contraintes d’emploi du temps l’ont empêché de le faire… Je le dis avec le sourire, monsieur le président, mais je ne suis pas sûr que l’incident de vendredi vous ait fait sourire.

M. Stéphane Richard, président de France Télécom-Orange. Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés, pour votre invitation à venir vous parler d’un sujet qui a des répercussions, au-delà du groupe France Télécom-Orange, sur l’ensemble du pays. Je considère qu’il est de mon devoir de venir devant la représentation nationale. Je serai d’ailleurs auditionné la semaine prochaine au Sénat, dans le cadre d’une réunion programmé avant les évènements de vendredi dernier.

Je vais vous donner l’ensemble des éléments d’information et d’analyse qui sont en notre possession à l’heure actuelle, bien que le travail d’expertise ne soit pas complètement abouti. La panne de vendredi dernier a été importante puisqu’elle a touché un grand nombre de nos clients directs ou clients des opérateurs, virtuels ou non, que nous accueillons sur notre réseau. Cette panne a débuté vendredi 15h et duré jusqu’à samedi 3h20. Il s’agit d’un évènement rarissime dans l’histoire de France Télécom : il faut remonter à 2004 pour trouver un évènement similaire.

Quoi que rarissime, ce type de problème survient partout dans le monde. Le plus récent est un black-out de l’ensemble des services voix et SMS en Norvège. Tous les grands réseaux américains ont aussi été touchés par ce type de problème au cours des 18 derniers mois. Il faut réaliser qu’on est face à une technologie très complexe et qu’il est normal de connaître des problèmes à intervalles réguliers – vous voyez que nous sommes à une fréquence décennale.

C’est pour nous une leçon d’humilité. Nous avons accumulé une grande expérience ; notre réseau est fréquemment classé comme le meilleur en terme de qualité ; et nous investissons des sommes très importantes pour la mise à niveau et la maintenance de notre réseau. Mais devant ce type d’incident, il faut garder de la modestie.

Que s’est-il exactement passé ? Nous avons d’abord constaté que le trafic de communication s’est écroulé vers 15h vendredi. Il faut savoir que le trafic est supervisé seconde par seconde : nous sommes donc en mesure de détecter très rapidement des anomalies. A partir de 15h06, le trafic s’est fortement réduit. A 15h30, il était tombé de 30 % par rapport à la normale. C’était un jour de trafic important mais ce point n’a pas de rapport avec l’incident qui s’est produit. Nous avons activé rapidement le dispositif de crise maximale pour nous, que nous appelons « crise rouge », qui mobilise instantanément plus de 200 personnes de la direction technique et d’autres services.

J’en profite pour vous dire que je suis entouré d’une partie de l’équipe de direction : Delphine Ernotte, qui est en charge des activités mobile et fixe en France, Pierre Louette, secrétaire général, Philippe Chicaud, patron de la technique France, Michaël Trabbia et Jérémie Dutray qui travaillent également avec moi, et Thierry Bonhomme, qui est patron du réseau pour le groupe.

La situation a continué à se dégrader après l’activation de la « crise rouge » : à 19h seules 10 % des communications étaient acheminées par le réseau. Nous avons ensuite réalisé plusieurs interventions pour rétablir les communications, mais elles n’ont pu avoir d’effet que dans la soirée, après 23h pour la vois et les SMS tandis que l’internet mobile, la data, n’a pu être rétablie qu’entre 00h15 et 3h sur l’ensemble du réseau.

La réactivité interne de l’entreprise n’est pas critiquable. Le PC de crise a été activé et les équipes techniques se sont mobilisées très vite. La panne a été connue très rapidement, sur les réseaux sociaux et la blogosphère notamment. Il est désormais difficile d’éviter que certains responsables apprennent l’évènement par internet et non par l’entreprise directement…

M. le président François Brottes. …il est encore plus difficile de les prévenir avant.

M. Stéphane Richard. Cet évènement a eu immédiatement une portée médiatique importante. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place rapidement des moyens pour informer nos clients et j’ai organisé une conférence de presse dès le lendemain, samedi, afin d’expliquer de la manière la plus transparente possible ce qui s’était passé et les modalités d’indemnisation.

La panne a été d’origine logicielle. Elle a affecté un des éléments principaux du réseau mobile. Un réseau mobile est constitué de trois grandes partie : le cœur de réseau, constitué notamment de serveurs informatiques qui gèrent les abonnés, et leur localisation ; les réseaux de collecte, c’est-à-dire les infrastructures de transport de données qui permettent d’acheminer les informations sur l’ensemble du territoire ; et puis il y a ce qu’on connaît le mieux, les antennes et stations de base, l’élément radio des réseaux de téléphonie mobiles. Le HLR (home location register) est le cœur du système puisqu’il gère l’authentification et la localisation de tous les abonnés, directs ou hébergés sur le réseau. Le HLR contient deux types de machine. Il y a d’abord le back-end, composé de six grandes machines qui gèrent les données de nos 30 millions de clients. Ces machines sont triplées : il y a une seule machine active et deux qui tournent en parallèle afin d’assurer la redondance. Il y a ensuite le front-end, constitué de 9 machines. C’est le dialogue entre ces deux composantes qui assurent le bon fonctionnement du système. Les machines sont installées sur plusieurs sites en France. Elles sont fournies par Alcatel-Lucent, notre fournisseur cœur de réseau, et sont de dernières génération : le problème n’a donc en aucun cas été causé par une éventuelle vétusté du matériel.

Il se trouve que chaque année, les équipes d’Alcatel-Lucent mettent à jour ces équipements, comme on met à jour un logiciel d’ordinateur, par exemple pour passer de la 3G à la 4G. Cette mise à jour se fait par un patch. Une mise à jour est intervenue sur nos équipements HLR 3 jours avant l’incident. Il semble que cette mise à jour soit la cause-source de cet incident. Il se trouve que cet incident n’a pas fait l’objet d’une alerte automatique, qui doit permettre d’activer les équipements redondants. Peut-être sommes-nous là dans le défaut de conception du système ou dans la défaillance humaine, je ne le sais pas encore… Toujours est-il que les redondances ou solutions de secours prévues par le système n’ont pas apporté de solution car elles n’ont pas été mises en œuvre.

Ce problème n’est pas lié, a priori, à une attaque, à l’afflux de trafic, ou à un sous-investissement quelconque dans le réseau. Il s’agit tout simplement d’un accident logiciel. Dans tous les grands réseaux, il y a des problèmes qui peuvent survenir, présentant un caractère imprévisible, mais dont il est important de tirer un certain nombre d’enseignements.

Quels sont-ils ? Dès samedi, j’ai demandé un audit interne qui permette d’aller au bout de ce qui s’est passé, non pas sur le plan technique puisque nous en avons désormais une vision assez clair, mais plutôt sur les aspects périphériques comme la communication. J’en profite pour vous dire que j’ai eu M. Jean-Ludovic Silicani au téléphone samedi matin et de nouveau ce matin. Il m’a expliqué que vous aviez laissé ouverte la possibilité qu’il participe à l’audition de cet après-midi, ainsi que les raisons pour lesquelles il pensait qu’il ne s’agissait pas d’une bonne idée et c’est son droit le plus strict. Même s’il est normal qu’elle soit au courant d’incident comme celui de vendredi dernier, j’en profite pour rappeler qu’il n’y a aucune obligation juridique d’informer l’ARCEP…

M. le président François Brottes. …mais on peut mettre la courtoisie au rang des urgences, monsieur le président…

M. Stéphane Richard. La courtoisie a été respectée, puisque j’ai appelé M. Silicani dès le samedi matin. Je ne sais d’ailleurs pas s’il eût été courtois de le réveiller à 3h du matin…

Donc l’audit est en cours. J’ai demandé des conclusions pour le 10 septembre et un rapport d’étape pour la fin du mois de juillet. Par ailleurs, j’ai remis au Gouvernement, en application de l’article D. 98-5 du code des postes et des communications électroniques, un rapport détaillant les causes de l’incident et nos investigations complémentaires.

Au-delà des aspects purement juridiques, il y a pour nous des enseignements à tirer de cette crise. Il y a quelques jours, j’ai dit que nous mettrions beaucoup moins de temps pour revenir à une situation normale que vendredi dernier si nous étions confrontés à nouveau un problème de ce type. Il y a une phase nécessaire pour comprendre ce qui s’est passé, qui sera beaucoup plus rapide s’il devait y avoir une prochaine fois.

Je termine par la question de l’indemnisation. Il s’agit d’un sujet compliqué parce que d’un côté, il y a le terrain du droit, ce que prévoient les contrats, et de l’autre la politique commerciale. Cet incident n’est pas une bonne chose pour notre relation avec nos clients. Nous avons essayé de proposer quelque chose qui nous paraisse équilibré, mais il y aura forcément des situations individuelles ne s’inscrivant pas dans ce cadre. De manière générale, nous avons proposé pour nos clients au forfait une journée illimitée, voix et SMS, pour les clients au forfait une journée de SMS illimités et pour les clients disposant d’un forfait illimité 1 GO de data gratuite. Je signale que nous allons prendre soin de signaler aux clients quel sera le jour où ils bénéficieront de la gratuité. Il faut rappeler que la dernière fois qu’un incident de ce type était survenu, la gratuité avait été révélée a posteriori. Nous avons choisi la semaine de la rentrée pour cette journée de gratuité et nous le rappellerons à nos clients peu avant.

M. le président François Brottes. Durant les quelques années au cours desquelles j’ai présidé le Comité opérationnel d’expérimentations sur les antennes-relais (COMOP), j’ai entendu l’ensemble des opérateurs exprimer leurs réserves quant à la réduction de la puissance des antennes-relais sur un périmètre préalablement défini, au motif que cela constituerait un risque majeur susceptible d’entraîner des arrêts de fonctionnement du service. Mais, lors de ces débats, aucun opérateur n’avait pensé à un bug de l’importance de celui qui est survenu vendredi dernier. Je répète d’ailleurs que cet incident aurait pu frapper n’importe quel opérateur.

Par ailleurs, j’insiste sur le fait que l’on n’est pas passé brusquement, sur l’ensemble du réseau, d’une situation de fonctionnement normal à une situation de crise : un certain nombre de terminaux ont en effet continué à fonctionner tandis que d’autres s’arrêtaient. Cela a induit les clients en erreur, qui pouvaient croire à une panne de leur terminal ou d’un émetteur. La communication émanant des opérateurs est donc utile pour permettre aux clients, qui doivent souvent se contenter des informations plus ou moins fiables qui circulent sur les réseaux sociaux, de comprendre la situation et de prendre au plus tôt les bonnes décisions. Il me semble que vous devriez mener une réflexion sur ce point.

(…)

M. André Chassaigne. Vous nous avez fait part des enseignements que vous avez tirés de la panne ainsi que de l’audit interne qui a été engagé. Dès à présent, vous avez évacués, comme source de la panne, les questions de sous-investissement, de très forte intensité du trafic ou d’agression extérieure. Mais pourriez-vous préciser qui sont les opérateurs en charge de la mise à jour des logiciels ? S’agit-il des sous-traitants ou ces mises à jour sont-elles effectuées par le personnel d’Orange ? Par ailleurs, vous avez évoqué un geste commercial auprès de vos clients pour compenser la gêne occasionnée par la panne. Quel est le coût de cette mesure ? Plus largement, quel est le coût d’une telle panne pour la société ? Certes, Orange est une belle entreprise qui fournit des services de qualité mais, dans le même temps, l’entreprise enregistre un bénéfice net qui s’est élevé à 3,8 milliards d’euros en 2011. Un tel montant justifie une exigence de non défaillance. Enfin, je souhaiterais aborder un aspect humain en rappelant que de nombreux territoires défavorisés souffrent d’un manque d’accès aux télécommunications – je parle de téléphone fixe, il n’y a pas de connexion au téléphone mobile sur ces territoires – pendant plusieurs semaines parfois. Je considère qu’une entreprise qui dégage un tel bénéfice net ne peut laisser des pans entiers du territoire sans moyens de télécommunications.

(…)

M. Stéphane Richard. S’agissant de la communication sur l’incident, nous avons diffusé un communiqué national à 17h48, l’incident ayant démarré à 15h06. Il est exact que l’ensemble des équipements incriminés sont fabriqués par Alcatel-Lucent ; c’est un fait. Pour autant, je tiens à souligner que nous avons collaboré avec les équipes de ce fabricant dans des conditions parfaites, pour comprendre et résoudre l’incident. Je donnerai une estimation du coût de l’incident pour l’opérateur lors de la présentation semestrielle des comptes de l’entreprise, le 26 juillet prochain. Ce coût devrait être de plusieurs dizaines millions d’euros mais je ne peux pas donner d’estimation plus précise à ce jour.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué les associations de consommateurs. Toutes n’ont pas été critiques, certaines ont même approuvé les dispositions que nous avons prises. Nous sommes du reste habitués à certaines critiques, émanant notamment de certaines associations que je n’ai jamais entendu émettre d’appréciation positive sur notre secteur. En ce qui concerne la question sur les chiffres de satisfaction de la clientèle, les retours que nous avons de nos clients sont au contraire positifs. Il s’agit donc de prendre du recul. Nous essayons de rester dans les conditions générales de vente, je rappelle que la téléphonie mobile est une activité commerciale et concurrentielle. En cas d’interruption du service, l’indemnisation prévue par les conditions générales de vente est de un euro, ou dix minutes de communication. Nous avons essayé d’adapter l’indemnisation à la période d’indisponibilité de nos services. Je rappelle que l’interruption du trafic voix/SMS a duré à peu près huit heures, et que cette interruption n’a pas non plus concerné tout le monde. En France ou ailleurs, des problèmes de ce type surviennent fréquemment et nous avons donc regardé ce qui se faisait d’une manière générale. On ne peut pas non plus sortir complètement des usages de notre métier. Je n’aurai pas l’outrecuidance de rappeler ce que d’autres opérateurs, avec certes moins de clients, ont fait dans les mêmes circonstances, sans même parfois informer leurs clients. Nous essayons donc d’être honnêtes et transparents dans la communication, tout en étant conscients que nos propositions ne contenteront pas les clients ayant rencontré des problèmes particuliers du fait de l’interruption du service.

J’en profite pour revenir sur nos relations avec l’ARCEP, qu’il s’agisse de ses services, des membres du collège ou de son président. Ce sont des relations de travail normales, parfaitement fluides. Je ne voudrais pas qu’on construise une histoire de confrontation entre les opérateurs et l’ARCEP, qui tient le rôle qui lui est imparti en tant que régulateur. J’ai quelques éléments de comparaison puisque l’entreprise que je dirige est présente dans 34 pays. La situation en France est parfaitement normale.

S’agissant de la communication avec les pouvoirs publics, le code des postes et communications électroniques prévoit que notre interface unique est le ministère de l’intérieur, c’est notre seule obligation légale, en cas d’atteinte à la sécurité ou perte d’intégrité ayant un impact significatif sur le fonctionnement des réseaux et des services.

Les services d’urgence ont bien fonctionné pendant toute la durée de la crise et en particulier le numéro 112 car il peut être basculé sur d’autres réseaux que celui d’Orange. Je tiens à remercier les parlementaires qui ont adressé des compliments à l’entreprise. Cela nous touche car il est difficile de gérer un évènement d’une telle ampleur. Nous avons tâché de faire preuve de transparence et de réactivité. L’ensemble de nos équipes se sont mobilisées. Nous n’avons pas reçu de demandes de la part de particuliers ayant subi un préjudice particulier majeur. Cela s’explique, je pense, par plusieurs raisons. D’abord, il faut relativiser l’ampleur de la crise : je ne la minimise pas, mais il s’est agi d’une interruption de seulement quelques heures du réseau un vendredi en fin de journée. Ensuite, le réseau fixe dont les entreprises sont le plus souvent équipées ont continué de fonctionner. Pour l’instant, nous avons prévu le même type d’indemnité pour les particuliers et pour les professionnels. Si nous recevons des demandes spécifiques, nous les étudierons.

S’agissant des sujets ne relevant pas du bug, je voudrais répondre à M. le président sur le conflit des antennes mobiles. Il a en effet été l’un des artisans d’une réflexion associant les associations d’usagers et les opérateurs. Il faut garder à l’esprit que si l’on diminue la puissance des antennes, il est évident que cela ne peut s’accompagner, en l’état actuel de la technologie, d’une amélioration de la qualité du service. Il faut donc trouver une forme de compromis entre les différents acteurs. Je regrette que des conflits se soient cristallisés en plusieurs endroits, et notamment à Paris. La qualité du service en pâtit. Plusieurs sites ont été fermés à la demande des élus, et il est difficile aujourd’hui d’installer de nouvelles antennes mobiles permettant d’accompagner la croissance des usages. Or, le trafic des données a été multiplié par soixante-huit en cinq ans et devrait encore l’être par sept d’ici 2015. Ce phénomène est lié à une croissance extrêmement rapide des accès en mobilité. Ainsi, ce sont aujourd’hui deux tiers des accès aux réseaux sociaux tels que Facebook qui sont réalisés en mobilité, depuis le téléphone portable.

S’agissant de la qualité, une étude annuelle est menée par le régulateur, l’ARCEP. Elle nous a placés en tête du classement des opérateurs même si cela ne signifie pas que la qualité de service fournie soit uniforme sur l’ensemble du territoire.

Quant aux questions relatives au très haut débit, je veux souligner que France Telecom - Orange a annoncé un plan de deux milliards d’euros d’investissement jusqu’en 2015, notamment dans les zones denses. Nous n’avons pas l’intention d’y renoncer ou de revoir à la baisse nos ambitions. Nous avons passé des accords avec les trois autres grands opérateurs – SFR, Bouygues, Iliad – dans les zones moins dense. De plus, nous candidatons aux appels d’offre des collectivités publiques pour participer aux contrats d’initiatives publiques. En 2012, nous avons doublé nos investissements dans la fibre optique par rapport à l’année précédente, et nous allons encore les augmenter significativement en 2013.

S’agissant du débat relatif au quatrième opérateur, mon expérience de terrain ne me conduit pas à partager les observations de M. Silicani sur le solde net de destruction d’emploi (+2 000 -3 000). J’ignore d’où proviennent ces estimations, mais il me semble qu’il existe une différence entre la théorie de la concurrence – qui prévoit une baisse des prix profitable au consommateur dans le cas de l’augmentation du nombre d’acteurs sur le marché – et la réalité à court terme pour les entreprises, en termes d’emploi notamment. L’impact de l’arrivée de Free sur la filière en matière d’emploi me parait à tout le moins nuancé et clairement négatif si l’on prend en compte l’ensemble de la filière, en incluant les sous-traitants.

Certains d’entre vous m’ont interrogé sur le contrat d’itinérance. Certes, ce contrat est intéressant pour France Télécom - Orange, mais ses revenus ne compenseront absolument pas les pertes que nous subissons sur le marché de détail. L’arrivée du quatrième opérateur réduit nos revenus et nos marges ce qui nécessite des adaptations au niveau de l’entreprise. Nous n’avons pas décidé de réduire l’emploi à Orange. En effet, nous disposons d’une situation plus confortable que nos concurrents dans la mesure où les activités « mobile » en France ne représentent qu’un quart de nos activités à travers le monde et qu’en outre le siège social mondial se situant en France cela mobilise des emplois qui bénéficient à toutes les activités. En revanche, nous avons d’ores et déjà prévu de diminuer le rythme des recrutements au cours des prochaines années.

S’agissant des restructurations en Europe, je pense que nous sommes allés trop loin dans la fragmentation du paysage de l’industrie en Europe et qu’il faut désormais entrer dans une phase de consolidation. C’est d’ailleurs la voie qui est empruntée par plusieurs de nos voisins. A cet égard, il est singulier que ce soit justement la période choisie en France pour l’arrivée d’un quatrième opérateur mobile. La consolidation pourrait prendre plusieurs formes. Une baisse sensible du nombre d’opérateurs dans plusieurs pays se produira sûrement. En revanche, je ne pense pas que ce mouvement débouche sur le rapprochement des grands opérateurs nationaux, ni que l’on assiste à l’émergence d’opérateurs continentaux notamment pour des raisons liées à la régulation. Orange a par exemple une coopération très forte avec Deutsche Telekom, mais il n’est absolument pas envisagé d’opérer une fusion en tant que telle. Il me semble que l’on assiste à la prise de conscience au niveau européen de l’impossibilité d’augmenter d’une part les charges et les contraintes pour les opérateurs et d’autre part de leur demander toujours plus d’investissements. A cet égard, nous avons participé ce matin avec nos collègues italien, allemand et espagnol à une réunion intéressante avec la commissaire européenne en charge de ces dossiers, Mme Kroes. Un changement profond d’approche est à l’œuvre au sein de la commission concernant tant la régulation – le prix d’accès au réseau fixe - que la fiscalité. Il faut espérer qu’il inspirera également les régulateurs nationaux. On ne peut alourdir sans cesse les charges qui pèsent sur les opérateurs sans les mettre en danger économiquement. Ainsi, la valorisation boursières des cinq principaux opérateurs mobile européens – Orange, Deutsche Telekom, Telefonica, Telecom Italia et KPM – qui emploient 600 000 personnes à travers le monde et comptent près d’un milliard de clients, ne représente même pas la moitié de celle d’Apple, et est légèrement inférieure à celle de Google. Les opérateurs sont des géants aux pieds d’argile. La troisième révolution industrielle de l’économie numérique ne peut se faire sans disposer des réseaux adéquats. Or, ceux-ci nécessitent des investissements majeurs que sont seuls à même de réaliser les opérateurs, en ces temps de niveaux élevés d’endettement public. Il faut créer des conditions favorables à l’investissement.

S’agissant des questions liées à la fracture numérique, je veux souligner que nous disposons d’un maillage territorial important. En outre, nous avons introduit un système des directeurs régionaux qui sont les interlocuteurs privilégiés des collectivités territoriales. Nous sommes donc présents sur l’ensemble du territoire. Il faut cependant être conscient des difficultés qu’engendre l’entretien d’un réseau de cuivre ramifié aussi complexe. La maintenance est compliquée et coûteuse même si ce n’est pas un domaine pour lequel nous cherchons à faire des économies. Nous essayons de donner la priorité aux incidents collectifs. Quand des problèmes se produisent, je vous incite à vous rapprocher du délégué régional, qui est l’interlocuteur dédié, et le mieux à même de disposer des informations pertinentes.

Quant à la question de Mme Catherine Vautrin relative à l’enfouissement, je reconnais qu’il y a eu ponctuellement des décalages entre nos engagements et les investissements effectivement réalisés. Le cas dont vous m’avez fait part est néanmoins en voie d’être réglé puisque les investissements nécessaires ont été prévus pour 2012. Il y a des économies qui ne valent pas la peine d’être faites en raison du déficit d’image qu’elles peuvent provoquer, je pense que c’est le cas de l’enfouissement. Le problème majeur est cependant qu’il ne rapporte rien à l’opérateur. Or, dans une période comme celle que nous connaissons actuellement, il est tentant de se consacrer à d’autres priorités et investissements productifs même si nous savons qu’il s’agit d’un point important pour les élus et le public. Par ailleurs, le très haut débit arrivera partout, selon un calendrier en fonction des zones.

Je vous remercie pour vos questions et l’intérêt que vous portez à notre entreprise.

M. le président François Brottes. Je vous remercie, monsieur le président. Je vous renouvelle notre invitation pour une audition plus complète au semestre prochain consacrée aux sujets de la 4G et du très haut débit fixe.


Voir le compte-rendu intégral sur le site de l’AN.

Pour en savoir plus : André Chassaigne - JB

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