Séance du jeudi 07 février 2019
Questions sur la mise en œuvre de la loi Agriculture et alimentation
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions sur la mise en œuvre de la loi Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018.
[…]
M. André Chassaigne. Ma seconde question porte sur les conditions d’atteinte des objectifs renouvelés en faveur d’une alimentation durable et de qualité, qui faisaient partie du second volet de la loi.
Les articles 24 et 25, en particulier, ont repris des engagements, déjà formulés à maintes reprises depuis les lois issues du Grenelle de l’environnement, en faveur du développement de l’agriculture biologique, que vous connaissez bien. Mais les producteurs qui ont fait, ou qui font, le choix de l’agriculture biologique sont toujours confrontés à des retards de paiement de leurs aides spécifiques pour les campagnes des années 2016, 2017 et 2018. Concrètement, alors que la demande pour ces produits est importante et continue de croître, les producteurs et productrices sont aujourd’hui placés en difficulté, faute d’avoir obtenu le solde des aides dont ils devaient bénéficier pour les dernières campagnes. J’ajoute que ces retards de paiement, insupportables pour les exploitants concernés, se cumulent à la baisse des montants de ces aides et à la suppression de l’aide au maintien. Cette situation est de plus aggravée par la guerre des prix imposée récemment par les grandes et moyennes surfaces aux entreprises de l’agroalimentaire biologique. Cette guerre des prix est d’autant plus préjudiciable que la filière, en développement, manque de produits nationaux.
Alors qu’une réelle dynamique de conversion, enclenchée ces dernières années dans les territoires, se traduit, enfin, par une hausse sensible de la surface agricole utile – SAU – en agriculture biologique au niveau national, les représentants des exploitants de cette agriculture m’ont fait part de leur très grande inquiétude au regard des perspectives de baisse drastique pour 2020 des soutiens d’État en faveur de l’animation et du suivi des projets dans les territoires.
Alors, monsieur le ministre, sur ce point spécifique de l’agriculture biologique, qui vous tient, je le sais, particulièrement à cœur, quels engagements comptez-vous tenir pour déployer de vraies mesures de soutien en face des engagements législatifs dans les années qui viennent ? (MM. Hubert Wulfranc et Dominique Potier applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre. L’objectif des états généraux de l’alimentation et de la loi Egalim était de promouvoir une alimentation saine, durable et de qualité. Nous allons dans ce sens.
D’abord, la France a une spécificité que tout le monde nous envie : notre alimentation est sécurisée et tracée – nous l’avons encore vu récemment avec le problème de la viande polonaise avariée, réglé en moins de trois jours, ce qui n’est pas forcément le cas dans d’autres pays.
Oui, la guerre des prix est un vrai sujet, sur lequel le Gouvernement – mon collègue de Bercy comme moi-même – exerce une pleine vigilance. Nous allons arrêter cette guerre des prix. Les opérateurs d’autres pays me disent qu’il n’y a qu’en France qu’une négociation s’ouvre sur une déflation ; ailleurs, on tente de faire avancer la filière en partant du niveau du marché. Chez nous, on part de la déflation des grandes surfaces, puis les industries agroalimentaires et les PME augmentent leur effort d’un certain montant : qu’est-ce que cela signifie ? On ne joue pas au bonneteau ! Nous avancerons sur ce sujet.
Vous avez posé plusieurs questions sur le bio. La SAU augmente sensiblement, ce qui nous réjouit : nous continuerons cet effort. Le plan « Ambition bio 2022 », mis en place par ce Gouvernement et voté par cette majorité, apportera 1,1 milliard d’euros : jamais une telle somme d’argent frais n’avait été débloquée ! Il faut donner les moyens aux opérateurs d’atteindre 50 % de signes officiels de la qualité et de l’origine – SIQO – dans la restauration collective, dont 20 % de produits bios ; voilà pourquoi, j’ai demandé aux services d’octroyer deux postes supplémentaires à l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, dite Agence bio, pour l’animation – celle-ci ne baisse donc pas : vous l’aviez tous demandé, et ces postes ont été créés au début de cette année. Tout cela avance.
Comme je l’ai déjà dit ici, je demande de bien vouloir excuser l’État et l’Agence de services et de paiement – ASP –, qui ont été défaillants. Je ne peux pas vous dire autre chose. J’ai totalement interdit à l’administration de créer le moindre problème à un jeune qui n’a pas touché ses aides bios depuis deux ans.
Mme Cendra Motin. Et les banques ?
M. Didier Guillaume, ministre. S’il faut intervenir auprès des banques, nous le ferons. Il faut étudier chaque cas personnel. Nous allons dans cette direction, monsieur le président Chassaigne ! (Mme Cendra Motin applaudit.)