Deuxième séance du lundi 28 octobre 2019
Projet de loi de finances pour 2020
Seconde partie
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 390 et 393, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. André Chassaigne, pour les soutenir.
M. André Chassaigne. Le fameux article de la loi EGALIM qui interdit de diffuser dans notre pays des produits alimentaires qui ne respectent pas la réglementation européenne implique l’existence d’une autorité administrative capable de prendre les mesures susceptibles de faire respecter cette interdiction en effectuant des contrôles efficaces sur les denrées alimentaires importées.
Plusieurs organismes contribuent à ces contrôles : la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, DGCCRF, les services des douanes et la Direction générale de l’alimentation, DGAL. D’après un récent rapport sénatorial, celle-ci ne dispose actuellement que de quatre-vingt-dix agents au sein du service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières, capables d’effectuer les contrôles. C’est très insuffisant.
L’amendement que je propose ne résoudrait pas le problème, puisqu’il ne permettrait d’ajouter qu’une dizaine de postes. Je le soumets à votre attention pour montrer que la DGAL ne dispose pas de moyens suffisants pour mener ses tâches à bien. Or les contrôles qu’elle effectue, qui concernent quelque 3 à 7 % des lots, révèlent un taux de non-conformité d’environ 10 %. En faire davantage permettrait donc de détecter bien plus de lots non conformes qu’aujourd’hui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial. Vous soulevez un problème important, mais la perspective du Brexit nous a précisément conduits à consentir une ouverture de crédits très importante dans ce domaine. Il est d’ailleurs compliqué d’embaucher des vétérinaires, car ils sont peu nombreux, ce qui nous oblige à faire appel à des professionnels en CDD venant d’autres pays européens. En effet, on prévoit une augmentation de 300 ETP pour cette année. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Guillaume, ministre. Monsieur Chassaigne, je sais que ce n’est pas votre cas, mais je ne voudrais pas que nous sombrions dans l’« administration-bashing ». J’ai confiance en la DGAL et dans les quatre-vingts fonctionnaires qui font ce travail. Pour accompagner le Brexit, nous finançons l’ouverture de 340 postes de plus, répartis entre le budget de l’année dernière et celui de cette année.
M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial. Plus précisément, 40 l’année dernière et 300 cette année.
M. Didier Guillaume, ministre. Les quatre-vingts fonctionnaires de la DGAL ont mis moins de trois jours pour récupérer 800 kilos de viande polonaise, peut-être avariée, entrés frauduleusement dans notre pays. La France a l’une des meilleures polices sanitaires d’Europe, et nous pouvons en être fiers. Sur la base de la DGAL, rattachée au ministère de l’agriculture et de l’alimentation, j’ai proposé, au nom de la France, de créer une police sanitaire commune au niveau européen, un groupe de travail qui puisse effectuer des contrôles en direct.
Car ce qui s’est passé en Pologne l’année dernière est très simple : il y a eu une fraude dans un abattoir, puis la viande est partie. Or, dans le cadre de l’Union européenne, nous sommes soumis au principe de la libre circulation des personnes et des marchandises ; nous nous limitons donc aux contrôles documentaires, sauf si une plainte, une dénonciation ou une suspicion nous poussent à intervenir. C’est ce qui va se pratiquer au niveau de la nouvelle frontière à la suite du Brexit – s’il a bien lieu un jour. Vous faites bien, par le biais d’un amendement d’appel, de souligner que nous devons être encore plus stricts en matière de sécurité sanitaire, mais la DGAL possède un service de contrôle sanitaire de très grande valeur, que je soutiens totalement et qui fait un travail remarquable.
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je prends acte des annonces de création de postes que vous évoquez. Depuis une dizaine d’années – donc bien avant votre arrivée aux commandes –, les suppressions ont été très nombreuses. Je n’ai pas aujourd’hui les chiffres exacts, mais ces suppressions, que j’avais dénoncées il y a dix ou douze ans déjà, avoisinaient les 350 postes et se sont faites au fil du temps. En revanche, je n’ai jamais, absolument jamais, mis en cause l’action de la DGAL !
M. Didier Guillaume, ministre. Comme je l’ai dit, ce n’est pas votre cas !
M. André Chassaigne. Si, vous laissez entendre que je l’ai fait ! Je n’ai jamais mis en cause l’action de la DGAL, bien au contraire, puisque je souligne que, quand elle effectue des contrôles, elle arrive à des taux de 8 à 12 % de denrées alimentaires non conformes.
Au contraire, je salue leur travail. Il faut qu’ils soient encore plus nombreux car, avec le développement du libre-échange voulu aujourd’hui au niveau européen, il y a du pain sur la planche !
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive. J’irai dans le même sens que M. Chassaigne. Monsieur le ministre, nous prenons acte de vos propositions et soutiendrons votre très bonne idée d’une DGAL européenne ; nous resterons cependant vigilants quant aux standards, qui ne sont pas les mêmes en France qu’en Pologne, par exemple, y compris s’agissant de la définition du bio.
M. Didier Guillaume, ministre. Bien sûr !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier. Il y a un aspect de la réforme que n’a pas abordé André Chassaigne : la coordination entre la DGCCRF et la DGAL n’est pas optimale, ce qui entraîne un trou dans la raquette. Il s’agit là d’un point à améliorer en termes d’effectivité des contrôles et de réactivité. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, et sur vos services pour faire des propositions en la matière.
(Les amendements nos 390 et 393, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Les amendements rejetés ci-dessous :
Voir aussi sur le même thème :
- Accroissement de la dépendance agricole et alimentaire de la France et insuffisance des moyens de contrôle des importations - question écrite
- Importations alimentaires : arme de destruction massive d’une agriculture européenne durable - Julien Brugerolles
- LOI AGRICULTURE ET ALIMENTATION (EGALIM) : UNE SUCCESSION DE RENONCEMENTS QUI MÈNENT À L’ÉCHEC (INTERVENTION)