Mercredi 25 juin 2008 - Séance de 10h30
Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire
Nomination d’un rapporteur et examen de la proposition de résolution sur le bilan de santé de la politique agricole commune (n° 957)
[…]
La Commission a tout d’abord désigné M. Michel Raison rapporteur sur la proposition de résolution de la Délégation pour l’Union européenne sur le bilan de santé de la politique agricole commune (PAC).
[…] (interventions du rapporteur et d’autres députés)
M. André Chassaigne a d’abord souligné la pertinence de l’initiative conjointe de la délégation de l’Assemblée Nationale pour l’Union Européenne et de la Commission des affaires économiques qui permet, grâce à ce rapport d’information, de dresser un historique relativement complet et objectif de la politique agricole européenne intégrée, en partant de ses enjeux initiaux, en retraçant les multiples réformes, et en mettant au grand jour les motivations qui guident sa remise en cause actuelle.
C’est bien parce que cette politique a largement réussi à atteindre des objectifs de souveraineté et d’autosuffisance alimentaires, que dans leur immense majorité les citoyens européens ne connaissent plus aujourd’hui la faim et la malnutrition. Bien sûr, cette politique a connu certaines dérives, mais personne ne peut honnêtement soutenir qu’il convient de la supprimer.
Dans un contexte mondial marqué par la forte volatilité des matières premières agricoles, qu’accentue l’augmentation des cours des combustibles fossiles, et par des mouvements spéculatifs incessants aux effets dramatiques sur les populations, cette proposition de résolution traduit un positionnement politique salutaire de la France en matière agricole. Cette position est à la fois le fruit d’une histoire agricole et rurale particulière, et celle d’une certaine clairvoyance dans les enjeux qui se dessinent pour l’humanité.
M. André Chassaigne s’est réjoui que soient réaffirmés courageusement dans la proposition de résolution des principes aussi essentiels à notre avenir commun que ceux de l’autosuffisance alimentaire et de la préférence communautaire. Principes qui, il y a encore quelque temps, pouvaient paraître désuets pour certains libéraux. Il s’est satisfait également du fait que cette proposition réaffirme la singularité de l’agriculture qui constitue un secteur à exclure du champ d’application de la doctrine libérale de l’OMC. Les productions agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres, car comme l’accès à l’eau potable, elles satisfont un besoin primaire de l’humanité sans lequel il n’y a pas d’humanité possible.
M. André Chassaigne s’est félicité par ailleurs de l’inscription dans ce texte de la nécessité de conforter le budget agricole européen, si souvent stigmatisé. C’est parce que d’autres politiques publiques sont volontairement laissées en friche que celui-ci est apparu à certains comme déséquilibré et non l’inverse !
Mais il a précisé que ce satisfecit ne serait pas sincère, s’il ne faisait état de certains points où la proposition aurait sans doute dû pousser plus en avant ses propositions.
En ce qui concerne les ajustements nécessaires après l’instauration du régime de paiement unique, il aurait été souhaitable de faire figurer clairement le nom des secteurs les plus fragilisés et nécessitant une répartition plus équitable des aides, notamment les élevages bovin et ovin. De plus, une évaluation complète de l’introduction des « droits à paiement unique » se devait sans doute de déconstruire, avec plus de force, les mythes qui ne tiennent absolument pas compte des réalités de la production agricole.
Dans le cadre de son maintien, le paiement unique aux exploitations devrait concerner les hectares en réelle production mais aussi survaloriser les premiers hectares pour privilégier l’emploi en enrayant les processus de concentration, et ainsi stimuler l’installation.
-----
Le principe d’un plafonnement des aides directes par actif et par exploitation aurait pu être davantage affirmé, avec en contrepartie une réutilisation des montants dégagés dans le cadre de l’article 69 révisé pour un bonus aux exploitations répondant à des critères de durabilité, l’objectif étant de laisser aux États membres une certaine marge de liberté quant à l’affectation des montants dégagés.
Par ailleurs, dans le cadre de l’élargissement de l’article 69 à d’autres secteurs, le taux de prélèvement maximal sur les plafonds nationaux de paiements directs doit être porté bien au-delà du seuil des 10 % pour la mise en œuvre de mesures efficaces. Cela permettrait d’inscrire un véritable soutien à l’herbe au sein du premier pilier. Ce soutien revêt un caractère à la fois indispensable et urgent, afin de maintenir des systèmes herbagers qui sont l’identité même des territoires d’élevage en Europe, et qui sont des exemples opérants de la multifonctionnalité d’une activité agricole. La réorientation des soutiens, grâce à un article 69 ambitieux et rénové, est seule à même de servir le rééquilibrage entre les filières, de garantir l’équilibre social, économique et environnemental des territoires.
Il aurait été aussi souhaitable de voir apparaître le principe, au sein du premier pilier, d’un véritable « plan protéagineux » afin de limiter la dépendance de nos élevages aux matières premières importées pour la consommation des animaux.
D’autre part, il est nécessaire de maintenir le couplage de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) et d’ajuster à celle-ci le niveau de la prime à la brebis et à la chèvre (PBC), pour des raisons évidentes d’aménagement du territoire et de souveraineté alimentaire européenne. Il n’y pas de justification à la soumission forcée de nos productions animales à une concurrence internationale exacerbée, qui fait fi des normes sociales, sanitaires, environnementales les plus élémentaires et des besoins alimentaires des populations des pays du Sud.
Afin de garantir ces mêmes principes, aurait pu être inscrite la proposition de réévaluation des indemnités compensatrices de handicaps naturels (ICHN) dans le cadre du second pilier, ainsi que la proposition d’un soutien accru à la dynamique d’installation et de modernisation, en particulier en zone de montagne.
Mais ce renforcement du second pilier par une simple augmentation de la modulation exclut toute ambition de consolidation du budget européen. Vider le premier pilier au profit du second, moins lié à la production agricole, c’est tout simplement détruire avec habileté et un sens du marketing politique notre tissu agricole productif, en se faisant passer pour des aménageurs charitables. Voilà donc quelques problématiques qui auraient pu être intégrées dans le corps de ce texte tout en conservant son équilibre actuel.
Malgré cela, et compte tenu de la nécessité de fournir l’état de la réflexion française, les propositions inscrites dans la proposition de résolution apparaissent globalement satisfaisantes. Elles font part à la fois de l’intérêt que portent les parlementaires français au secteur agricole, avec responsabilité, et avec une vision d’avenir pour le modèle européen. Elles confirment le fait que l’agriculture n’est pas un « tiers secteur » à traiter vulgairement et à abandonner au libre arbitrage idéologique des négociateurs de l’OMC. C’est donc sur ces bases, en prenant en considération à la fois les avancées et les points perfectibles du texte, que M. André Chassaigne a déchttp://www.andrechassaigne.org/php/...laré soutenir cette proposition de résolution.
[…] (interventions des autres députés présents)
La Commission a ensuite adopté à l’unanimité la proposition de résolution sur le bilan de santé de la politique agricole commune.
(voir autres articles sur la PAC :
- Audition de M. Michel Barnier - 25/03/08
- Audition de Mme Mariann Fischer-Boel - 24/10/07)