29-10-2012

Budget 2013 « Agriculture, alimentation, forêt » : audition du ministre de l’agriculture

Commission des affaires économiques

Mardi 23 octobre 2012

Audition, ouverte à la presse, de M. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt – Avis sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » :

  • Agriculture et alimentation (Mme Marie-Lou Marcel, rapporteure pour avis),
  • Forêt (M. André Chassaigne, rapporteur pour avis).

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235), la Commission a auditionné M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, nous sommes heureux d’accueillir M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, qui vient nous présenter le budget de son ministère, dont les priorités sont l’éducation, la qualité sanitaire, l’installation des jeunes et l’élevage.

M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Contrairement à ce qu’on a pu lire dans la presse, le projet de budget pour 2013 prévoit une baisse des crédits du ministère de l’agriculture de 3 %, et de 5 % hors enseignement. Voilà la réalité.

Mme Marie-Lou Marcel, rapporteure pour avis, pour l’agriculture et l’alimentation. Les crédits alloués à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s’élèvent en 2013 à 3,31 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,36 milliards en crédits de paiement. Ces chiffres s’entendent hors contribution directe de l’État au compte d’affectation spéciale pensions, et hors crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2012 relatifs à la mesure non mise en œuvre – pour cause d’incompatibilité avec le droit communautaire – d’exonérations de charges sociales pour l’emploi permanent en agriculture.

Il s’agit d’un budget adapté à une situation de crise, qui s’inscrit dans un projet plus vaste, un budget général qui a la double obligation de conjuguer effort et justice. C’est donc un budget qui s’inscrit dans l’action gouvernementale de rétablissement de nos finances publiques et de priorisation des crédits.

La mission agriculture du projet de loi de finances pour 2013 subit, comme la quasi-totalité des missions budgétaires, des gels, voire quelques baisses. C’est notamment le cas pour les budgets des programmes 154, « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires », et 215, « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture ». Malgré ce cadre particulièrement contraint, le projet de budget augmente les dotations du programme 206, « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ».

Le programme 154 préserve les dispositifs indispensables au maintien des revenus des exploitants de certaines filières : sont ainsi reconduits au même niveau qu’en 2012 les crédits consacrés à la part nationale de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, à hauteur de 165 millions d’euros, et les crédits dédiés à l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), pour 248 millions d’euros.

Les montants de la dotation pour l’installation des jeunes agriculteurs correspondent à la possibilité d’accompagner 6 000 installations en 2013. Les montants budgétés sont supérieurs à ce qui a été effectivement engagé en 2011, année où le nombre d’installations a été de 5 040. La diminution de ces lignes de crédits ne correspond pas à une diminution du soutien à l’installation des jeunes agriculteurs, mais au souci d’une budgétisation plus sincère.

Cependant, monsieur le ministre, qu’en est-il du fonds d’incitation et de communication pour l’installation en agriculture (FICIA) qui connaît une baisse importante ? De manière plus générale, quelle sera votre politique de l’installation ?

La contrainte budgétaire qui porte sur les aides à la modernisation des exploitations agricoles a conduit à privilégier, face au renchérissement de l’énergie, le renforcement de la performance énergétique. La dotation du plan de performance énergétique augmente de 3 millions d’euros, passant de 9 millions en 2012 à 12 millions en 2013. Les enjeux environnementaux ont été pris en compte avec le maintien à 4 millions d’euros de la dotation budgétaire du plan végétal pour l’environnement. Le thème de l’avis budgétaire dont je suis rapporteure sera d’ailleurs consacré à l’impact de la volatilité du prix des matières premières sur la filière de l’élevage et sur les adaptations qui peuvent être envisagées.

Néanmoins, il me semble que le plan de modernisation des bâtiments d’élevage, qui vise à renforcer la compétitivité et la durabilité des exploitations et à maintenir une activité d’élevage respectueuse de l’environnement au travers de la rénovation et de l’adaptation des bâtiments d’élevage, subit une baisse importante en autorisations d’engagement, passant de 48 millions d’euros en 2012 à 31 millions d’euros en 2013. Il est à noter que cette baisse est beaucoup plus réduite pour les crédits de paiement, qui passent de 47 à 46 millions d’euros. Cette tendance pourra-t-elle être réduite par une fongibilité entre les différents plans ? Cette fongibilité pourrait-elle être envisagée entre régions lorsque les enveloppes ne sont pas entièrement consommées ?

Par ailleurs, je déposerai en séance publique un amendement visant à proroger le dispositif du crédit d’impôt pour remplacement, qui a largement fait la preuve de son efficacité, notamment pour les éleveurs. Pouvez-vous nous confirmer votre soutien à cette prorogation, comme vous vous y êtes engagé dans votre communiqué de presse du 18 octobre ?

Je souhaite également vous interroger sur le dispositif de l’article 60 relatif au recentrage sur les bas salaires de l’exonération des cotisations patronales dues pour l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles. Cet article exclut également du champ de l’exonération les cotisations accidents du travail et maladie professionnelle, afin de favoriser la prévention en la matière. Ne risque-t-il pas cependant de créer une trappe à bas salaires ?

Je me réjouis enfin de la priorité que vous accordez à l’enseignement technique agricole, dont chacun connaît l’utilité pour l’insertion professionnelle. Les crédits augmentent de 1,7 % et 230 postes vont être créés. Ce point ne relève pas directement du domaine de mon avis, mais je tenais à le souligner, car cette tendance fait suite à des années de désengagement pour cet enseignement d’excellence.

En conclusion, j’émets un avis favorable sur les crédits de la mission agriculture.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis, pour la forêt. Mes chers collègues, on a trop cru que seules des politiques d’austérité pouvaient réduire les déficits et relancer la croissance. Il en est de la forêt comme de bien d’autres dépenses utiles. Ce que les Français attendent, ce n’est pas que nous nous enfermions sous l’écorce de la rigueur, mais que nous dégagions des perspectives nouvelles, dans le souci de l’intérêt général et d’un réel développement durable.

Ce volontarisme s’impose plus encore, chacun le comprend, s’agissant du programme 149 consacré à la forêt. À l’heure où l’on fait grand cas de l’environnement, où l’on promeut l’utilisation du bois dans le bâtiment, le chauffage au bois et la biomasse, il serait regrettable que les crédits affectés à la forêt traduisent un manque d’ambition, et d’autant plus que le déficit de la balance commerciale de la filière bois s’élève à 6,6 milliards d’euros en 2011, alors que nous avons l’une des plus belles forêts du monde.

Les dotations globales du programme 149 pour 2013 s’élèvent à 290,74 millions d’euros en autorisations d’engagement, au lieu de 349,68 millions en 2012, et à 315,42 millions d’euros en crédits de paiement, au lieu de 358,44 millions en 2012. Cela représente une baisse de 17,2 % en AE et de 12,3 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2012.

Certes, cette baisse traduit principalement le ralentissement programmé des engagements et des paiements du plan tempête Klaus de 2009, pour lequel l’accent avait été mis sur les premières années. Mais, même en excluant les crédits affectés à ce plan, les crédits de l’action 12, « Développement économique de la filière et gestion durable », accusent une baisse de 15 %. À l’échelle de l’ensemble du programme 149, cette baisse n’est cependant que de 3,3 %.

Monsieur le ministre, quatre forestiers se sont suicidés à l’été 2011, ce qui porte le nombre de suicides à 20 agents patrimoniaux en six ans. Ce métier a connu de grands bouleversements ces dernières années, passant d’une logique de service public – veiller sur un patrimoine boisé et répondre aux besoins des usagers – à une logique de chiffres consistant à atteindre des objectifs productivistes et financiers. Comment améliorer les conditions de travail des salariés dans ce contexte ?

L’Office national des forêts (ONF) aura perdu 2 200 emplois entre 2001 et 2016, et comptera environ 300 unités territoriales en 2016 contre 340 aujourd’hui. Peut-il encore assurer un véritable maillage territorial dans ces conditions ?

Le système des quotas carbone va permettre de récupérer des droits à polluer en 2013. La directive européenne exige que 50 % des sommes récoltées soient affectées à des actions vertueuses. À ce titre, la séquestration du carbone par la forêt et l’utilisation du bois en substitution des énergies fossiles donneraient une légitimité à la filière pour revendiquer une part des crédits dans le cadre d’un fonds forestier stratégique carbone. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?

Compte tenu des réserves que je viens d’évoquer, je ne puis donner un avis favorable aux crédits affectés au programme « Forêt ». J’en conviens néanmoins : l’État respecte pour l’essentiel ses engagements vis-à-vis de l’ONF. C’est pourquoi, dans le souci d’éviter une opposition stérile, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

M. le président François Brottes. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez mon soutien en ce qui concerne le fonds carbone.

M. le ministre. Je le rappelle : les priorités de ce budget sont l’enseignement et la sécurité sanitaire.

Le Gouvernement est très attaché à garantir la capacité d’installation. Les crédits inscrits au budget 2013 permettront de financer 6 000 installations – 5 000 devraient être enregistrées cette année. Nous compléterons les 7 millions d’euros initialement prévus au FICIA par 4 millions, afin d’atteindre les 11 millions inscrits au budget précédent. Les Assises de l’installation qui se tiendront en janvier permettront de débattre d’un cadre rénové de l’installation dans la perspective de la loi d’avenir. Elles seront l’occasion de repenser les prêts bonifiés, ainsi que les installations hors cadre.

La fongibilité des enveloppes entre les plans et les régions sera possible. Cela permettra d’assurer le financement du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, en particulier en faveur des jeunes.

Nous irons jusqu’au bout sur le dossier européen du bien-être animal, en particulier des truies gestantes.

Je vous le confirme : le crédit impôt remplacement sera prolongé pour deux ans.

Les exonérations pour les travailleurs occasionnels ont coûté 610 millions en 2012, alors que 500 millions d’euros ont été budgétés dans le PLF 2012. J’ai pris l’engagement de maintenir ce budget à hauteur de 500 millions pour 2013. Le dispositif intégrera le volet des accidents du travail et sera concentré sur les salaires à hauteur de 1,5 SMIC. Il concernera 91 % des emplois occasionnels. Je ne peux donc pas laisser dire que la capacité des entreprises à employer des travailleurs saisonniers est remise en cause.

L’exonération du travail permanent, gagée sur les taxes sur les boissons sucrées votées par la précédente majorité, avait été inscrite pour un montant de 212 millions en loi de finances initiale 2012 ; or ils n’ont jamais été dépensés. La Commission européenne avait en effet indiqué que, en cas de non-conformité au droit européen, cette exonération devrait être remboursée. Par conséquent, personne n’a rien fait. Je vous indique donc que 140 millions d’euros reviendront à la Mutualité sociale agricole (MSA). C’est d’autant plus important que les exonérations prévues sur le travail saisonnier n’étaient pas remboursées à la MSA. Ainsi, nous rééquilibrons le système au travers des deux mécanismes.

S’agissant des accidents du travail, l’ensemble des syndicats de salariés que nous avons rencontrés ne comprend pas l’existence d’une exonération. Nous sommes donc revenus sur cette spécificité.

Monsieur Chassaigne, la forêt est un sujet qui a été abandonné ces dernières années. Sur les 72 milliards du déficit de la balance commerciale, 6 milliards concernent le bois. Les billes de bois que nous produisons sont sciées en Autriche, et la Chine nous renvoie même des meubles faits avec le bois de nos forêts ! Dans le même ordre d’idées, je signale au passage que nous produisons 18 000 tonnes de miel et en importons 15 000 de Chine : cette situation n’est pas acceptable et je prévois un grand plan sur le miel.

Il faut fixer une stratégie pour la forêt. L’ensemble des syndicats de l’ONF, que j’ai rencontrés ce matin, m’a fait part de son profond malaise. Certes, l’investissement est primordial, monsieur Chassaigne, mais la spirale de l’endettement risque de nous conduire vers davantage de difficultés. Nous devons dégager des marges de manœuvre pour l’avenir. Des groupes de travail réfléchiront au statut de droit privé des salariés de l’ONF, au déficit de l’Office sur un marché du bois en difficulté, aux investissements pour la forêt. En outre, l’Assemblée nationale débattra de ce sujet spécifique de la forêt au printemps, avant la discussion de la loi d’avenir sur la forêt.

Le contrat d’objectifs et de performance (COP) fixe un cadre. Certains auraient souhaité aller plus loin, puisque l’objectif de baisse des effectifs pour les ministères non prioritaires a été fixé à 2,5 %. Il ne sera que de 1,5 %.

Nous devons avoir une ambition pour la forêt, lui donner un deuxième souffle. Dans le cadre de la conférence environnementale, j’ai plaidé pour qu’elle soit partie prenante du futur fonds carbone. Il sera nécessaire de dégager des recettes pour la replantation et la rénovation. Il faudra aussi consentir des investissements pour le sciage et la transformation. Tous ces sujets seront abordés dans le cadre de la loi d’avenir.

(…)

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Les indemnités journalières, inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, au bénéfice des agriculteurs en cas de maladie ou d’accident de la vie privée, représentent une avancée indéniable pour la profession. Toutefois, le montant envisagé, entre 20 à 27 euros par jour, est très inférieur au coût réel du remplacement, qui est estimé entre 90 à 130 euros par jour. La mesure pourrait-elle être conditionnée au remplacement effectif sur la ferme ? Cela permettrait d’assurer une indemnisation à la hauteur des besoins.

(…)

M. le ministre. (…) L’abaissement à 1,5 SMIC de la dégressivité des cotisations sociales des travailleurs occasionnels est plus favorable au secteur que le taux adopté sous le gouvernement de François Fillon. Tout en entrant dans le cadre de la contrainte budgétaire, cette mesure permet de concentrer l’aide sur les travailleurs saisonniers de la viticulture ou des fruits et légumes.

(…)


Voir le compte-rendu intégral de l’audition sur le site de l’AN.

Pour en savoir plus : André Chassaigne - AC

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