Entreprise COUZON : 200 salariés privés d’emploi.

08-09-2005

COUZON : chronique d’une mort annoncée.

C’est une coutellerie emblématique qui vient de mettre le genou à terre, entraînant dans sa chute plus de 200 salariés. Fondée en 1947, première à fabriquer des plats inoxydables, la coutellerie COUZON employait il y a encore 10 ans, 700 salariés. Ce temps est révolu et COUZON s’en vient rejoindre la liste déjà trop longue des entreprises sacrifiées sur l’autel de la rentabilité. Le bassin d’emploi n’avait pas besoin de ce nouvel épisode.


Pourtant, cet ultime épisode n’est en rien surprenant. Au fil des ans, dans un marché de plus en plus livré aux prédateurs, dans cette belle jungle que les (déjà) candidats à l’élection présidentielle en zélés libéraux qu’ils sont, parent de toutes les vertus, le sort de COUZON était depuis longtemps scellé, comme inscrit dans l’acier de ces plats produits depuis près de soixante années. Reste aujourd’hui un gâchis humain dont on ne connaît pas encore toutes les répercussions. Il est vrai que le dépôt de bilan est devenu un mode de gestion des entreprises au même titre que les exonérations de charges, les aides à l’emploi ou les avantages fiscaux toujours bienvenus - là, personne ne hurle contre l’interventionnisme de l’Etat !- autant de cautères sur une jambe de bois qui ne profitent qu’aux seuls dirigeants laissant aux salariés le goût amère d’avoir été roulés dans la farine et surtout ce quotidien terrible à gérer : la perte du travail, et l’humiliation qui s’ensuit, les traites qui tombent, le caddy que l’on rempli un peu moins à chaque fois, le plein d’essence devenu un luxe. La vie qu’il faut bien vivre, malgré tout… COUZON, c’était ce que l’on appelait une belle affaire. Dans un marché encore régulé, c’était des commandes pour plusieurs mois, un personnel qui avec son savoir-faire inégalé savait qu’en bout de chaîne, le produit sorti serait de qualité. Un gage pour l’avenir en quelque sorte ! Pour COUZON, il n’y a plus d’avenir. Il n’y a même plus d’aujourd’hui. Et ce ne sont pas les quelques heures passées en garde-à-vue par un dirigeant- fossoyeur qui guériront les blessures même s’il est plutôt réconfortant de voir la justice agir. Mais tard, si tard. Trop tard.

Un mal ancien

Les difficultés rencontrées par le groupe ne sont pas nouvelles. Déjà en 2001, l’effectif était ramené à 490 salariés. Fin juin de cette année, le plan de licenciement collectif remis au comité d’entreprise concernait 108 salariés sur les 231. Début juillet, 50 d’entre-eux avaient reçu leur lettre de licenciement. C’est le 10 décembre 2001 que l’actuel P-dg reprend l’entreprise COUZON / DUROL INDUSTRIES 2001 suite à un dépôt de bilan du précédent exploitant. En 2002 le résultat d’exploitation fait apparaître une perte d’environ un million d’euros. Face à ce constat, le P-dg met en place fin mai 2003 un plan social de 116 personnes et délocalise 70 % de la production, tout en demandant un moratoire pour la dette fiscale et sociale ainsi qu’un rééchelonnement du solde de prix de cession au tribunal de commerce. Et ça continue encore et encore ! L’année 2003 fait apparaître une perte nette de 1,2 millions d’euros. Quant au chiffre d’affaires, il continue de baisser en 2004, et, malgré la fermeture du site de Chabreloche, la perte nette est toujours de 1,2 millions d’euros. Pourtant, les alertes au niveau régional et national n’ont pas manqué cette année.
En mars 2005, André CHASSAIGNE soulignait, dans son courrier au Préfet de Région, le laxisme des administrations chargées de lutter contre la fraude et de contrôler la circulation des marchandises, les services de répression des fraudes et les douanes ayant refusé d’intervenir alors qu’ils ont été informés de l’enlèvement des étiquettes « made in China » sur les produits importés, lesquels étaient étiquetés « France ». Il attirait également l’attention du Préfet sur plan de règlement obtenu du trésor public début 2005, concernant le règlement de plusieurs échéances de TVA, sous la condition que se concrétisent les négociations en cours avec le groupe américano-chinois JAMES HAN INTERNATIONAL, l’Etat prescrivant ainsi une cession de l’entreprise et encourageant de fait la délocalisation totale de la production.


Le 27 juillet 2005, André Chassaigne était enfin reçu au Ministère de l’industrie, par Monsieur François BUFFTEAU, conseiller technique « redéploiement industriel et entreprises en difficulté » au Ministère, pour s’entretenir de l’avenir de l’entreprise. Il était accompagné des représentantes du personnel, Georgette GRISSONNANGE et Yvette DUFRAISSE. Les déléguées syndicales et le député évoquaient devant le conseiller du Ministre leurs inquiétudes sur l’avenir de la société COUZON et notamment du site de Courpière. La question de la propriété de la marque « COUZON » y était notamment abordée. Le conseiller technique se voulut rassurant, considérant que les risques de vente de cette marque à l’étranger restaient limités. Il s’était même montré attentif à l’égard des revendications des représentantes du personnel en direction des salariés concernés par un départ en préretraite comme de ceux qui pourraient bénéficier de convention de reclassement personnalisée. Rassurant, attentif… quand on voit comment finit l’histoire…


Pressentant l’inévitable, André CHASSAIGNE fin août 2005, alertait une nouvelle fois Monsieur BUFFETEAU sur la dégradation de la situation :



  • Pour la vingtaine de salariés devant bénéficier d’une préretraite, dans le cadre d’une convention d’allocation spéciale du Fonds National de l’Emploi (FNE), la situation était bloquée du fait de l’obstruction du trésorier payeur général du Puy-de-Dôme ;

  • Du fait de l’annonce « prématurée » du plan social du groupe, à la fin du mois de mai 2005, les autres salariés menacés de licenciement s’étaient vus refuser le droit d’opter pour une Convention de Reclassement Personnalisé (CRP), ce nouveau dispositif n’entrant en vigueur qu’au premier juin.
    Les « chinoiseries » du P-dg

On connaît la suite ! Fait exceptionnel, le PDG a été mis en garde à vue à sa sortie du Tribunal le 7 septembre dernier, suspecté de banqueroute frauduleuse et de malversations sur l’étiquetage des produits… made in China ! En voilà un scoop ! ! ! La veille, les salariés s’étaient mis en grève, face au non paiement des salaires du mois d’août, l’arrivée d’intérimaires, et le déplacement des stocks de marchandises, C’est ce même jour, que le P-dg déclarait l’entreprise en cessation de paiement. L’audience du Tribunal de Commerce de Thiers du 7 septembre a conduit à une liquidation de l’entreprise et à une suppression des 231 emplois. Le PDG n’a pas redressé la situation, mais a, bien au contraire, contribué à la dégradation des conditions de travail, à la perte de chiffres d’affaires, ainsi qu’à l’augmentation des produits importés de Chine, qui correspondent aujourd’hui à la quasi-totalité des articles de coutellerie vendue par cette société ! A ce jour, ni les salariés ni l’inspecteur du travail ne disposent d’éléments leur indiquant qu’ils pourront bien bénéficier de préretraites du FNE ou de conventions reclassement personnalisé. C’est le flou le plus total. D’autre part, ainsi que les représentantes des salariés l’avaient évoqué, l’entreprise COUZON vient d’embaucher, fin août 2005, des salariés par contrat intérimaire, et ces mêmes missions intérimaires viennent d’être également proposées à des salariés en situation de préavis de licenciement.

Le député ne baisse pas les armes


Le Lundi 5 septembre, André CHASSAIGNE contactait le Préfet de Région sur le déménagement des stocks de marchandises durant le week-end ; ce dernier a adressé un courrier à Monsieur Gérard LARCHER, Ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, très argumenté, pour obtenir une dérogation de l’UNEDIC pour la mise en place de la Convention de Reclassement Personnalisé. Une table ronde s’est tenue le mercredi 7 septembre à 18 h 45 en sous-préfecture de Thiers, sous la présidence du nouveau sous-préfet de Thiers Monsieur Benoist DELAGE. Elle réunissait, avec le député, plusieurs élus du bassin : Thierry DEGLON, Maire de Thiers, Michel GONIN, Président de la Communauté de Communes de Courpière, le conseiller général de Courpière, André WILLS, Madame Jeanine SUAREZ, 1re adjointe au Maire de Courpière. Une délégation des salariés de l’entreprise COUZON et l’intersyndicale CGT-CFDT, ainsi que Gérard SUGIER, secrétaire général de la section syndicale CFDT coutellerie et métallurgie thiernoise, participaient à cette rencontre alors que les salariés étaient rassemblés devant la sous-préfecture.
Plusieurs points ont été abordés :



  •  Le jugement du tribunal de commerce prononcé le matin même, avec la liquidation de l’entreprise face à l’extrême importance de la dette de l’Etat qui s’élève à deux millions d’euros ;

  • La situation financière catastrophique de l’entreprise, et la banqueroute frauduleuse menée par le PDG, qui a entraîné sa garde à vue, au vu des liens tissés par ce dernier avec le groupe amério-chinois de Monsieur James HAN.



En fait, il semblerait que tout était prévu pour conduire à cette dégradation de la situation afin d’amener à cette liquidation, facilitant ainsi la cession des machines et des marques à au groupe américano-chinois. Cependant, le tribunal de commerce, face à ces suspicions de malversation de la part du PDG, a demandé une rétroactivité sur 18 mois afin de mettre en cause les accords ces accords passés pour la cession des machines et des marques. Le personnel, sans salaire depuis fin juillet, insiste sur le respect du plan social qui a été signé en juin, en particulier sur la mise en place de la convention d’allocation spéciale du Fonds National de l’Emploi pour ceux qui doivent bénéficier d’une préretraite, alors que le Préfet a souligné la très grande difficulté de mise en œuvre, le trésorier payeur général bloquant celui-ci au regard de l’importance de la dette envers l’Etat. Ils ont également insisté sur la mise en place Convention de Reclassement Personnalisé (CRP), ce nouveau dispositif n’entrant en vigueur qu’au premier juin, alors que les premiers les licenciements ont été prononcés fin mai. Il est important également que l’indemnité individuelle de 2 000 € par salarié soit versée ; contractualisée dans le plan prévu fin juin 2005, ils demandent aujourd’hui qu’elle soit étendue à l’ensemble des salariés. André CHASSAIGNE a souligné l’urgence de l’obtention pour les salariés de la totalité de ces revendications, qui conditionnera la paix sociale dans une situation globalement et particulièrement catastrophique sur le bassin thiernois.


D’autre part, les salariés s’interrogent sur la mise en place du fonds de garantie des salaires, par l’Association pour la Gestion du régime d’assurance des créances des Salariés (AGS), alors que chacun a en tête ici la fermeture de « la saraizienne » début 2003, et les 200 salariés qui ont attendu deux mois avant de voir les premiers versements. Si ce fonds de garantie mettait deux mois à se mettre en place, les 200 personnes qui n’ont pas touché leur paie du mois d’août devront patienter… jusqu’en novembre 2005 ! Le stock qui a été déménagé ce week-end dans trois entrepôts loués dans la région thiernoise est évalué à près de 400 000 euros, et le total des stocks dont dispose l’entreprise se monte à 4,5 millions d’euros.


C’est pourquoi les salariés sont prêts à bloquer les stocks si, d’ores et déjà, le salaire du mois d’août et la prime de 2000 € par salarié ne sont pas versés très rapidement. De plus, le comité d’entreprise qui a engagé des procédures contre le PDG n’a pas non plus été payé depuis janvier 2005, et exige du liquidateur nouvellement nommé une régularisation immédiate de cette dette. André CHASSAIGNE, qui a alerté à maintes reprises le Préfet de Région et le Ministère de l’Industrie, a multiplié les interventions sur ce dossier. Il demande aujourd’hui que soit rapidement donnée une suite favorable aux revendications des salariés, dans une situation globalement et particulièrement catastrophique sur le bassin thiernois. Il demande également la mobilisation des différents ministères, afin que la mise en place des mesures destinées aux salariés du bassin soit accélérée. Ainsi, la cellule inter-reclassement prévue dans le contrat de territoire signé, en juillet 2004, vient seulement d’être mise en place, près d’un an après… Elle doit prendre en charge au plus vite les salariés de Couzon : pour cela des moyens supplémentaires doivent être rapidement mobilisés pour les salariés. Jeudi 8 septembre, des scellés viennent d’être apposés sur les stocks de marchandises, et le personnel est dans l’attente des décisions de Maître PETAVY, liquidateur, qui se trouve sur place. Liquidateur, ça fait froid dans le dos !

Pour en savoir plus : André Chassaigne

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