1re séance du 22 novembre 2007 à 9h30
Développement de la concurrence au service des consommateurs
Discussion des articles (suite)
M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles de ce projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n° 78 avant le titre 1er.
Avant le titre Ier (suite)
[…]
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je voudrais dire à mes collègues socialistes que cet amendement me contrarie : je regrette de ne pas l’avoir déposé moi-même.
M. Jean Gaubert. Nous pouvons vous y associer, cher collègue !
M. André Chassaigne. Si je l’avais déposé, peut-être l’aurais-je formulé différemment, mais quoi qu’il en soit, il répond, comme vient de le dire l’orateur précédent, à un problème réel, que nous vivons tous dans nos circonscriptions. Nous recevons dans nos permanences des personnes qui se retrouvent en difficulté pour avoir souscrit des prêts qu’elles ne sont pas en mesure d’honorer. C’est une réalité. Nous pouvons tous être d’accord sur ce constat.
Je précise au passage qu’il est de plus en plus compliqué pour nous, élus, d’accompagner les personnes concernées par le surendettement, du fait que les antennes de la Banque de France, qui étaient nombreuses dans notre pays, ont été fermées. Tout cela a été centralisé. Les relations entre les élus de terrain comme nous et la Banque de France sont aujourd’hui beaucoup plus difficiles si nous voulons intervenir sur des dossiers de ce type.
À partir de ce constat, quelle réponse convient-il d’apporter ?
La première, à laquelle je tiens beaucoup, c’est ce qu’on appelle l’éducation populaire. Il faudrait davantage informer, faire passer des messages, d’abord à l’école, puis tout au long de la vie. Cette éducation populaire, chacun sait qu’elle s’est fragilisée. On a de plus en plus de mal à convaincre, à faire en sorte que le consommateur soit aussi un citoyen.
La deuxième réponse possible consiste à prendre des mesures telles que celle proposée par l’amendement. Cela peut permettre d’empêcher des achats que l’on peut considérer comme liés à une certaine forme d’addiction. Car le problème est là pour beaucoup de gens. Et ce sont souvent les personnes les plus en difficulté, celles qui vivent le plus dans la misère, qui peuvent s’y laisser prendre, parce qu’il y a un côté addictif dans ce type d’achat.
Il faut donc adopter cet amendement. Mais je me demande pourquoi notre rapporteur, notre cher rapporteur, manifeste une telle opposition. Essayons de comprendre.
La première raison possible, monsieur le rapporteur, c’est que vous estimez que cet amendement ne se justifie pas. Mais je crois que tout le monde est d’accord ici pour dire que le problème est réel et qu’on ne peut pas l’occulter.
La deuxième raison possible, c’est que vous pensez que cet amendement porterait un coup à la consommation, et que, en particulier, la grande distribution subirait une baisse d’activité. Ainsi, au bout du compte, ceux qui touchent les dividendes en toucheront moins. Vous considérez donc qu’il ne faut pas porter atteinte à cette forme de consommation. Vous préférez que des actes de consommation de ce genre mettent des gens en difficulté plutôt que d’élever un mur qui pourrait éviter de tels glissements.
La troisième raison possible, c’est que vous pensez qu’il faut que les banques fonctionnent. Et pour qu’elles fonctionnent, il faut qu’il y ait des gens qui empruntent, même si c’est pour se heurter finalement à des difficultés.
Donc, en fait, mon cher rapporteur, ce n’est pas seulement une réponse de bon sens que vous avez apportée. Excusez-moi d’employer de grands mots, mais c’est une réponse de classe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.
M. Christian Jacob. Je propose de rejeter cet amendement. Monsieur Gaubert, vous fondez toute votre argumentation sur la notion d’« enceinte ». Cela ne répond absolument pas au problème que vous soulevez. Car on sait bien, comme l’a fort justement souligné notre rapporteur, qu’il est très facile de contourner l’interdiction que vous proposez, par exemple en disant que le paiement ne se fera pas sur le site où a lieu l’ouverture du crédit mais sur un site voisin.
M. Jean Dionis du Séjour. Il a raison.
M. Christian Jacob. Le problème de fond, c’est celui du surendettement, et donc de la responsabilité des organismes de crédit. C’est de cette manière qu’il faut aborder le sujet. Avec cet amendement, on se fait plaisir en ne résolvant aucun problème, puisqu’il est très facilement contournable.
[…]
-----
Le problème n’est pas là, il est dans la responsabilisation des organismes prêteurs. Et nous le rencontrerons d’ailleurs à nouveau deux amendements plus loin.
M. André Chassaigne. Le problème, c’est surtout de préserver certains intérêts !
M. Jean Dionis du Séjour. Mais non ! Ça n’a rien à voir, cher collègue !
Le groupe Nouveau Centre votera contre cet amendement, parce qu’il est inefficace. Nous allons ensuite ouvrir le débat sur la responsabilisation des organismes prêteurs et sur le fameux fichier positif recensant les encours des crédits utilisés par les particuliers. Le débat de fond aura lieu à ce moment-là.
M. le président. La parole est à M. François Brottes, qui s’est engagé à être très bref.
M. François Brottes. En tant que signataire de cet amendement, je voudrais que tous nos collègues comprennent que notre souci est bien d’être protecteur et de faire de la prévention, s’agissant d’actes d’achat qui pourraient entraîner le surendettement. Si on achète dans la joie, on peut se retrouver dans la tristesse très rapidement.
Je ne peux pas sous-amender cet amendement, mais je propose qu’un collègue d’un autre groupe le fasse, en ajoutant après les mots : « de l’achat d’un bien », les mots : « ou être proposés par le même vendeur ». Ce sous-amendement réduirait à néant les arguments qui nous sont opposés, et que je comprends, au sujet de la notion d’ « enceinte ».
Ce que nous voulons, c’est que l’ouverture d’un crédit ne puisse se faire qu’après un temps de réflexion supplémentaire, autrement dit que l’achat et le crédit ne puissent pas se suivre dans la même séquence. Le sous-amendement que je souhaiterais voir déposer contraindrait au moins l’acheteur à avoir deux interlocuteurs. Car on sait que dans cette séquence qui voit l’achat et le crédit se succéder en étant proposés par le même vendeur, on peut parfois s’emballer.
Si notre collègue Chassaigne, par exemple, voulait proposer ce sous-amendement, cela permettrait à beaucoup de nos collègues de se rallier, du coup, à notre démarche.
M. le président. Monsieur Chassaigne, vous vous êtes déjà exprimé. Je ne vous donne la parole que pour proposer ce sous-amendement si vous le souhaitez.
M. André Chassaigne. Bien sûr que je le souhaite, monsieur le président.
Je propose donc un sous-amendement tendant à compléter l’alinéa 2 de l’amendement n° 75 par les mots : « ou être proposés par le même vendeur ».
M. Jean Dionis du Séjour. C’est touchant !
Mme Fabienne Labrette-Ménager. C’est émouvant, même !
M. le président. L’amendement n° 75 fait ainsi l’objet d’un sous-amendement, n° 317.
La commission y est défavorable, n’est-ce pas, monsieur le rapporteur ?
M. Michel Raison, rapporteur. En effet, monsieur le président.
Je souhaiterais, par la même occasion, répondre à certaines questions qui m’ont été posées, ainsi qu’à certaines affirmations.
[…]
M. Michel Raison, rapporteur. Votre sous-amendement va donc complètement à l’inverse du noble but que vous poursuivez.
C’est pourquoi je maintiens évidemment mon avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 317 ?
M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur Brottes, j’ai l’impression que, sous couvert de protéger le consommateur, vous voulez en fait le mettre sous tutelle.
M. Émile Blessig. Tout à fait !
M. François Brottes. C’est un peu fort !
M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Ce n’est pas notre conception. Nous considérons que le consommateur est un être responsable, libre de ses choix,…
M. André Chassaigne. Cela arrange bien certains !
M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. …auquel il convient de fournir des informations et des protections. Par ailleurs, votre amendement ne résout rien, car il ouvrirait la voie à tous les contournements. D’ailleurs, s’agissant des crédits revolving, la personne qui établit le contrat dans les magasins est différente de celle qui vend le bien. Outre qu’il conduirait à déresponsabiliser le consommateur, il pourrait avoir un impact sur la consommation : comme je l’ai indiqué tout à l’heure, 40 % des Français n’auraient pas acheté leur bien s’ils n’avaient pas bénéficié d’un crédit et ce taux atteint 46 % pour les crédits revolving, soit près d’un Français sur deux. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement maintient sa position et n’est favorable ni à l’amendement ni au sous-amendement.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 317.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)