10-11-2006

Crédits de la mission « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales »

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LOI DE FINANCES POUR 2007 -seconde partie- (suite)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.

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Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

M. le Président - Nous abordons l’examen des crédits de la mission « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

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M. le Rapporteur spécial - La PMTVA bénéficie d’une hausse de dotation de 8 millions, soit + 5 %. La priorité budgétaire donnée à ce dispositif de soutien marque la volonté du Gouvernement d’assurer la pérennité de ce secteur de production, dont l’importance est de premier ordre car il contribue à l’activité économique sur de vastes territoires qui, sinon, seraient soumis à une déprise irréversible.

Les ICHN permettent de consolider les activités d’élevage dans les zones difficiles du point de vue géographique, économique et climatique, ce qui est particulièrement le cas de la montagne.

M. André Chassaigne - Les promesses n’ont pas été tenues !

M. François Brottes - Les plus 50 %, on les attend toujours !

M. le Rapporteur spécial - Pour 2007, ce poste est doté de 232 millions de crédits nationaux et, grâce à la majoration de 5 % du taux de cofinancement de l’Union européenne, la dotation totale augmente de 18 millions. Cette hausse bénéficiera aux aides versées au titre des 25 premiers hectares primés pour les exploitations en zone de montagne et de haute montagne. Je défendrai tout à l’heure un amendement, adopté par notre commission des finances, pour augmenter de 5 % supplémentaires le montant de l’ICHN, conformément aux engagements pris par la majorité.

M. André Chassaigne - Il manquera toujours 10 % !

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M. Marc Le Fur - Pourquoi, cependant, la production porcine n’y figure-t-elle pas ? J’espère que vous pourrez résoudre cette anomalie dans un dispositif par ailleurs très bienvenu.

M. André Chassaigne - Dites-le donc aux agriculteurs qui attendent des subventions !

M. Marc Le Fur - Nous sommes victimes de notre propre succès ! Vous n’aviez rien fait, alors que nous proposons un plan efficace, que nous compléterons en loi de finances rectificative.

M. André Chassaigne - Vous serez loin du compte !

M. le Ministre - Vous auriez dû agir en votre temps : nous aurions gagné cinq ans !

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M. André Chassaigne - En écoutant M. Le Fur, je pensais à ce vieux dicton : « Aimons la vérité qui nous reprend et défions-nous de celle qui nous flatte » !

Monsieur le ministre, vous avez entendu le discours visionnaire du Président de la République, le 6 octobre dernier à Cournon d’Auvergne. Vous avez donc mesuré à leur juste niveau les défis que M. Chirac invite à relever et les perspectives novatrices qu’il assigne à notre agriculture. Je doute cependant que ce budget, qui aurait bien eu besoin du Trésor de Rackham le Rouge, les prenne en compte, comme l’illustre votre politique de la montagne. M. Chirac déclare qu’il faut la poursuivre quand votre budget constitue une étape supplémentaire vers sa disparition. Ainsi, au mépris des engagements pris par votre prédécesseur de revaloriser durant cette mandature l’ICHN de 50 % pour les 25 premiers hectares, vous ne portez cette revalorisation qu’à 35% en vous glorifiant cette année d’une hausse de 5 % ! Le manque à gagner est estimé à 20 millions pour le seul Massif Central. Il est nécessaire qu’une revalorisation plus forte soit votée aujourd’hui et nous soutiendrons tout amendement allant dans ce sens.

Quant à la PHAE, qui représente près de 30 % du revenu agricole dans ce même Massif Central, vous la dotez seulement de 260 millions alors que le minimum vital est estimé à 310 millions par les organisations syndicales - d’autant plus que l’attribution de cette prime est assortie de conditions environnementales toujours plus contraignantes pour les exploitations bénéficiaires, celles qui connaissent par ailleurs le plus de difficultés.

Nous nous sommes tous félicités du « plan bâtiments » qui apporte une bouffée d’oxygène aux exploitants les plus modestes. Mais, là encore, à l’opposé des visées présidentielles, vous proposez un programme sans commune mesure avec les défis auxquels l’agriculture familiale est confrontée. La prise en compte du retard accumulé par l’État pour financer ce plan est tardive et insuffisante. Ce sont des centaines de dossiers qui sont en souffrance dans les directions départementales de l’agriculture. Pour le seul département du Puy-de-Dôme, 150 dossiers sont en attente depuis le 1er janvier 2006 et il en arrive tous les jours. L’insuffisance de financement est d’ores et déjà chiffrée à 5,21 millions. Quant à la rallonge financière arrivée voilà une quinzaine de jours, elle n’a couvert que douze dossiers bloqués depuis 2005. Ce bel atour tenait davantage des faux bijoux de la Castafiore que de son émeraude ! Enfin, une politique de montagne n’a pas d’avenir sans une action déterminée permettant l’installation de nombreux jeunes agriculteurs. Monsieur le ministre, là encore vous n’avez pas su traduire dans ce budget le volontarisme de M. Chirac dont les propos étaient pourtant sans ambiguïté : « L’agriculture de la France passe par un renouvellement des générations. S’installer est bien plus qu’un projet professionnel, c’est un choix de vie. » À l’image des budgets précédents, vous continuez à exclure des milliers de jeunes du bénéfice de la DJA en ne faisant pas évoluer les conditions nécessaires à son obtention. Ainsi, non seulement vous réduisez à néant les vocations qui s’inscrivent pourtant dans le « choix de vie » exprimé par M. Chirac, mais vous tuez dans l’œuf les possibilités de voir se développer une nouvelle forme de travail paysan, une agriculture qui privilégie la diversification et la qualité des produits dans le cadre d’un aménagement harmonieux du territoire et du respect de l’environnement.

En ce qui concerne la politique forestière, vous n’avez pas mieux entendu le voeu présidentiel d’accorder « la priorité aux produits renouvelables en consolidant la filière bois ». Ainsi, les actions « gestion de la forêt » et « prévention des risques » voient leurs crédits amputés de 6 % et 5 %.

M. François Brottes - Exact.

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M. André Chassaigne - Ce choix alarmant pour l’avenir de nos massifs forestiers suscitera un profond mécontentement. Il relève d’une forme de mépris à l’égard de tous les professionnels de la filière qui se sont mobilisés durant de longues années pour revivifier l’énorme potentiel de nos forêts.

La mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » est quant à elle en hausse de 5,7 %. Mais il serait naïf de se laisser séduire par cet affichage. Ces crédits affectés à la structuration de l’enseignement supérieur et de la recherche autour de sept pôles de compétitivité sur les technologies du vivant et de l’environnement ont en effet un objectif louable ; mais, quand on connaît la philosophie usée jusqu’à la corde qui inspire cette politique - baisse des charges fiscales et sociales ou attribution de fonds publics à des entreprises par ailleurs florissantes -, on ne peut que douter de sa capacité à relever les défis évoqués par le Président Chirac. En fait, les grands groupes autour desquels se structureront ces pôles risquent d’être les seuls bénéficiaires de cette compétitivité que le plus sérieusement du monde un ministre auvergnat vient de présenter comme étant le moteur de la politique d’aménagement du territoire. J’invite le Gouvernement à venir faire partager ce point de vue à tous les paysans et plus précisément à ceux du Livradois-Forez qui, depuis des années, paient au prix fort les conséquences désastreuses de cette compétitivité avec l’anéantissement de l’activité économique des bassins d’emploi ruraux et la disparition des services publics à la campagne.

Par ailleurs, nous regrettons vivement que la question centrale du revenu paysan ne soit pas posée. Les effets conjugués de la baisse des prix, de la sécheresse et de la hausse du gasoil ne sont pas les seuls maux dont souffrent nos paysans : ils sont littéralement pillés par les trusts bancaires et industriels ! S’ils sont rackettés quand ils achètent leurs moyens de production, ils le sont une nouvelle fois lorsqu’ils vendent à des prix dérisoires leurs produits à de quasi-monopoles ! Ne croyez-vous pas qu’il est temps de reconnaître le métier d’agriculteur en revenant à une politique de prix rémunérateurs à la hauteur de la qualité de nos produits ? L’avenir de nos territoires ruraux et de nos agriculteurs est compté si l’Europe ne revient pas à un système de préférence communautaire avec le développement de coopérations équilibrées sous l’égide de l’ONU et de la FAO.

L’agriculture est à la croisée des chemins. Sa vocation à nourrir les hommes se double aujourd’hui d’une capacité à fournir les matières premières pour des activités d’avenir telles que la chimie végétale ou la production de biocarburants. Prendre ce virage exige une volonté politique que je ne n’entrevois pas dans ce budget, pas plus que la nécessité de s’attaquer aux tabous idéologiques. Laisser croire que la course à la concentration permettra à l’Europe d’être compétitive est une duperie. Même en ayant recours à toutes les performances technologiques, notre agriculture ne parviendra pas à damer le pion aux latifundia brésiliens. Quant aux avantages que pourrait tirer le consommateur de cette course effrénée au productivisme, ils sont illusoires. La baisse des prix agricoles ne conduit pas à la diminution des prix alimentaires ; au contraire, elle accroît l’accumulation financière de la grande distribution en sacrifiant nos paysans et nos territoires ruraux.

Toutes les analyses confortent les défis énoncés par le Président de la République. Elles nous invitent à répondre au plus vite à cette question : serons-nous capables demain de nourrir correctement les huit milliards d’êtres humains qui vivront sur notre planète en sachant préserver les équilibres écologiques ? La réponse mérite autre chose qu’un catalogue de recettes anciennes inscrivant notre agriculture dans le sillon idéologique tracé par les politiques dévastatrices qui ont inspiré les réformes successives de la PAC et les récentes soumissions aux diktats de l’OMC. Depuis la réforme de la PAC, en 1992, qui institutionnalisa l’abandon d’une politique de prix rémunérateurs, nous assistons à une véritable fuite en avant productiviste, orchestrée à l’échelle planétaire. La démarche conduite aujourd’hui pour franchir une nouvelle étape dans la libéralisation des échanges agricoles est strictement identique. Sous la houlette de l’OMC, l’Europe a passé la vitesse supérieure. Avec les DPU, vous instituez le découplage des aides qui favorise des rentes de situation scandaleuses et pervertit la vocation du métier d’agriculteur. Et ce n’est pas la mise en place du second pilier des aides européennes, auquel est assigné le noble objectif de développer la ruralité, qui masquera la duperie d’un parti pris libéral ! Vous savez bien que sans une remise en cause de la doctrine productiviste, ces aides pourtant indispensables à la vitalité d’une agriculture respectueuse des territoires et des équilibres environnementaux sont condamnées. Dans votre logique, elles ne sont qu’une médecine douce pour accompagner la liquidation programmée de centaines de milliers d’exploitations. En effet, comment laisser croire qu’à l’horizon 2013, avec les pays entrants et à budget constant, le montant des aides européennes sera maintenu ? Comme pour les retraites agricoles, dont la revalorisation globale est sans cesse repoussée avec le secret espoir que le déficit démographique épongera le trop plein de l’ardoise, n’y a-t-il pas pour les actifs agricoles le même calcul machiavélique fondé sur le scénario si souvent évoqué d’un seuil maximum de 150 000 exploitations ? D’ailleurs, la loi d’orientation agricole a déblayé le terrain avec l’objectif de façonner nos exploitations agricoles pour qu’elles épousent la logique productiviste des entreprises. Ainsi, le « fonds agricole » va renchérir les terres et accroître la concentration foncière au détriment des jeunes agriculteurs tandis que le fameux « bail cessible » laisse désormais aux bailleurs la possibilité d’expulser leur fermier à tout moment.

Le rôle que vous assignez au Fonds national de garantie contre les calamités agricoles est clair : plutôt que de le financer en sollicitant les profits considérables du système assurantiel, il est transformé en tiroir-caisse chargé de renflouer les assurances privées.

À l’opposé de L’Étoile mystérieuse que sont les propos du Président de la République invitant à l’offensive contre la domination des États-Unis, votre politique fait de la France l’élève zélé d’un libéralisme que les peuples rejettent de plus en plus. Quel terrible décalage, en cette fin de Ve République, entre les appels lénifiants du chef de l’État et la prosaïque réalité de votre politique. Vous la mettez certes en œuvre avec le sourire et dans un respect, louable, des avis divergents. Il n’empêche que vous la mettez en œuvre ! Décidément, la belle fusée lancée en Auvergne aura fait long feu : Objectif Lune n’a pas été atteint ! (Sourires)

Au final, les grandes orientations de votre budget sont sans ambiguïté sur la volonté du Gouvernement de livrer ce qui reste de notre agriculture familiale aux trusts de l’agro-alimentaire. Dans ces conditions, les députés communistes se prononceront bien sûr contre (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

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M. le Ministre - Je tiens tout d’abord à remercier les rapporteurs et l’ensemble des orateurs qui sont intervenus dans cette discussion générale. Ce dernier budget agricole de la législature, j’en suis convaincu, alloue les ressources de manière juste et efficace et permet de relever les défis de demain.

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Un effort inégalé a été accompli pour le plan bâtiments d’élevage. Au total, en 2005 et en 2006, près de 300 millions d’euros ont été délégués en autorisations d’engagement à ce titre. L’État a engagé 93,6 millions d’euros sur ces deux années, complétés par autant de crédits communautaires et à peu près autant de crédits des collectivités territoriales. Une avance sur 2007 a même été déléguée récemment aux régions. Les autorisations d’engagement pour 2007 progressent de 15 millions d’euros, pour s’établir à 60 millions, et un rattrapage de 20 millions d’euros vous sera présenté en loi de finances rectificative. Sur la période 2007-2013, les prévisions sont de 242 millions d’euros de crédits d’État, 77 millions des collectivités, et 320 millions du FEADER. Au total, 790 millions d’euros sont prévus sur la période, dont 286 en provenance du ministère. Bien sûr, si nous pouvions faire mieux, nous le ferions, ce qui permettrait de résorber plus vite les files d’attente. Si notre politique a en effet été victime de son succès, il ne faut pas, Messieurs Chassaigne et Peiro, nous le reprocher car les gouvernements que vous souteniez n’avaient rien fait du tout !

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La politique forestière occupe, Monsieur Chassaigne, une place importante dans ce budget puisque les dotations augmentent de 3,4 %, dans un contexte renouvelé. Pour la première fois depuis les deux tempêtes de 1999, le prix du bois augmente et nous assistons à un redémarrage extraordinaire de la filière bois, porté notamment par la construction et le chauffage - en particulier collectif. Des mesures de réduction de TVA y ont aussi contribué.

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Pour en savoir plus : Assemblée Nationale

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