LOI DE FINANCES POUR 2007 -seconde partie- (suite)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.
Recherche et enseignement SUPÉRIEUR (suite)
M. le Président - Nous poursuivons l’examen des crédits relatifs à la recherche et à l’enseignement supérieur.
Questions
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M. André Chassaigne - Le développement des biocarburants figure au nombre des priorités affirmées par le ministre de l’économie, Thierry Breton. La France veut rattraper son retard, et le Gouvernement a fixé des objectifs plus ambitieux que ceux de la directive de 2003, qui impose d’atteindre un taux d’incorporation - la part des biocarburants dans la consommation globale de carburants - de 5,75 % d’ici à 2010. Cet objectif devrait être atteint dès 2008 dans notre pays, puis il faudrait monter à 7 % en 2010 et à 10 % en 2015.
Les avantages de cette nouvelle filière énergétique semblent nombreux. Il y a d’abord l’avantage environnemental puisque, selon l’ADEME, les biocarburants émettant moins de gaz à effet de serre que les carburants classiques. Ainsi, l’an dernier, avec un taux d’incorporation de 2 % seulement, la France a « économisé » plus de 900 000 tonnes de gaz à effet de serre. La production de biocarburants améliorerait aussi notre indépendance énergétique et allégerait notre facture pétrolière, à condition que la matière première agricole soit bien produite en France. L’enjeu du développement des biocarburants est aussi agricole, les filières agricoles concernées sont unanimes sur ce point.
Cependant, l’implantation d’une usine de biocarburants voit sa portée écologique limitée si l’on y utilise des matières premières agricoles dont la production est elle-même fortement consommatrice d’énergie et polluante, si elle est approvisionnée en matières premières par une noria de poids lourds fonctionnant au gazole et si les produits finis sont amenés vers les lieux de distribution par un mouvement en sens inverse, tandis que l’électricité fournie aux machines de production provient de centrales au charbon ou au gaz.
Un bilan global, écologique et énergétique, doit donc être dressé pour mettre l’accent sans ambiguïté sur les conditions qui assureront l’efficacité des solutions envisagées. Or, il semble qu’en ce domaine le savoir scientifique ne soit pas encore tout à fait constitué. Certes, des études sont conduites mais elles restent ponctuelles et marginales, alors que les inquiétudes sur l’avenir de la planète appellent la mise au point d’instruments d’analyse de portée générale.
Pouvez-vous préciser, Monsieur le Ministre, quelles études sont en cours pour permettre un bilan global énergétique et écologique de la production de biocarburants, et si des instruments d’analyse existent pour éclairer en ce domaine les politiques publiques ?
M. le Ministre délégué - Une approche scientifique objective est en effet nécessaire pour mieux cerner l’impact de la production des biocarburants sur l’émission de gaz à effet de serre, en intégrant dans l’analyse l’ensemble des filières. À l’INRA, au CNRS, au CEA, nous disposons d’équipes scientifiques remarquables. L’Agence de la recherche, à elle seule, a consacré 17 millions en 2005 et en 2006 aux programmes de recherche sur les bioénergies et à l’analyse de leur impact écologique et social. Il est désormais établi que la filière du bioéthanol comme celle du diester permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre de quelque 60 % par rapport à l’essence d’une part, au gazole d’autre part. Ce bilan, objectif, est donc satisfaisant. Les analyses se poursuivront pour les carburants de la troisième génération, et l’INRA sera sollicité à cette fin. Des efforts méthodologiques sont en effet nécessaires. L’Agence de la recherche, parce qu’elle favorise la confrontation des théories et l’évaluation par les pairs, concourt à l’élaboration de méthodologies aussi incontestables que possible.
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M. André Chassaigne - Je vous remercie, Monsieur le ministre, de la précision de votre réponse. Mon collègue Patrick Braouezec souhaitait vous interroger sur la campagne de recrutement du CNRS pour 2007. Alors que le Centre dispose de 473 possibilités d’embauches de titulaires pour les chercheurs et de 659 pour les ingénieurs et techniciens, la direction n’a mis au recrutement que 426 postes de chercheur et 534 postes d’ingénieurs techniciens, gelant donc 47 possibilités d’embauche pour les chercheurs et 125 pour les ingénieurs techniciens. Qu’en est-il ? Quelle est l’incidence sur cette situation de la LOLF, qui prévoit une fongibilité asymétrique ? Par quels moyens entendez-vous assurer la pérennité du fonctionnement et du rayonnement national du CNRS ? J’ai noté que vous avez répondu ce matin à la question de la dette du CNRS à l’UNEDIC.
Il me reste donc à vous interroger sur la dégradation continue de la situation sanitaire et sociale des étudiants, mal protégés, puisque 20 % d’entre eux ne bénéficient pas, faute de moyens, d’une couverture maladie complémentaire. Les conséquences sont lourdes : 32,5 % des étudiants indiquent avoir renoncé à des soins au cours des douze derniers mois, 15,3 % à des soins ophtalmologiques et 17,3 % à des soins dentaires. Ils sont de plus ne plus nombreux à se déclarer fatigués, angoissés et parfois en détresse. De fait, 15 % d’entre eux disent avoir eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois. Le faible nombre des structures de santé propres aux étudiants ainsi que leurs trop faibles moyens ne permettent pas de répondre efficacement aux besoins spécifiques de cette population. Cette situation ne laisse pas d’inquiéter. Quelles mesures entendez-vous prendre, Monsieur le ministre, pour améliorer la situation sanitaire et sociale des étudiants ?
M. le Ministre délégué - Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit pour le CNRS la création de 50 emplois de chercheurs, de 74 CDD de haut niveau et 150 emplois d’ingénieurs, techniciens et personnels administratifs. Qu’entend-on par « fongibilité asymétrique » ? La LOLF permet que des crédits de personnel soient utilisés à d’autres fins, alors que l’inverse n’est pas possible. Le budget du CNRS intègre pleinement les créations d’emplois ci-dessus mentionnées. Comme je l’ai indiqué ce matin, diverses questions pendantes, dont celle de la dette du CNRS vis-à-vis de l’UNEDIC, ont été réglées, si bien que la situation financière de l’établissement de recherche est aujourd’hui meilleure qu’il y a peu encore. Le suivi de l’exécution budgétaire au CNRS est complexe, du fait notamment que les autorisations d’engagement sont réparties entre les différentes unités. Ce suivi n’a pas toujours été parfait, d’où les difficultés de gestion, apparentes mais sans fondement véritable, apparues par le passé. Mais aujourd’hui, je puis être totalement rassurant.
Pour ce qui est de la santé des étudiants, deux rapports ont été remis, dont les résultats sont assez contradictoires. Les étudiants, qui, s’émancipant de leur famille, découvrent l’autonomie, ne se préoccupent pas toujours de leur propre couverture sociale. La sécurité sociale de base étudiante coûte 189 euros par an, ce qui n’est pas très cher, sans compter que les boursiers en sont totalement exonérés. La couverture complémentaire, elle, coûte selon les mutuelles et le taux de couverture choisi de 8 à 15 euros par mois. Beaucoup d’étudiants ignorent par ailleurs qu’ils peuvent bénéficier de la couverture complémentaire de leurs parents jusqu’à l’âge de 25 ans. Il existe un problème sanitaire chez les étudiants, nul ne le nie. L’Assemblée nationale s’est saisie de la question et un rapport doit être prochainement remis. C’est à la lumière de ces travaux que nous examinerons ce qu’il est possible de faire pour améliorer à la fois la couverture maladie et la santé des étudiants.
M. le Président - Monsieur Chassaigne, n’hésitez pas à interroger M. Bouvard sur la fongibilité asymétrique. Il en est l’un des meilleurs spécialistes… (Sourires)
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Recherche et enseignement supérieur
État B
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M. Pierre Cohen - On voit bien ici la difficulté de l’exercice : nous pouvons pointer des manques, mais où ensuite aller chercher les moyens nécessaires ? Je suis donc un peu sceptique sur ces amendements qui consistent à aller ponctionner un budget notoirement insuffisant, celui de la recherche, pour renforcer les moyens de l’enseignement supérieur. Nous nous abstiendrons donc, en nous étonnant particulièrement que Mme Comparini propose de retirer de l’argent à la recherche dans le domaine de la gestion des milieux. On ne va pas chercher les moyens qui manquent du côté de la pénurie !
M. André Chassaigne - L’exercice est en effet scandaleux ! Nous savons tous que les crédits affectés aux IUT sont insuffisants, mais ce n’est pas une raison pour retirer 4 millions à la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources. En tant que rapporteur pour avis de ces crédits, j’ai justement expliqué ce matin à quel point ils étaient essentiels, compte tenu des enjeux que représentent la protection de l’environnement, le développement des biocarburants, la fracture alimentaire mondiale… Croit-on vraiment que l’INRA, le BRGM, le CEMAGREF, le CIRAD ou l’IFREMER aient trop de moyens ?
Si l’on veut donner plus de moyens aux IUT, il faut aller chercher l’argent ailleurs - du côté des exonérations de charges des entreprises, par exemple, qui ne servent absolument à rien !
Dans les amendements de la majorité s’en trouve un qui retire 2 millions au programme « vie étudiante ».
M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Il a été retiré !
M. André Chassaigne - J’en suis heureux. C’est la preuve d’une certaine lucidité, même si elle est un peu tardive, face aux urgences qu’il faut traiter dans ce domaine.
M. le Président - Sans rentrer dans le fond de vos propos, Monsieur Chassaigne, je me permets de vous rappeler que sous l’ancienne réglementation, un parlementaire ne pouvait déposer aucun amendement qui aggrave les charges publiques. La LOLF nous permet de modifier la répartition prévue, au sein d’un même programme.
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M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Il est vrai que l’exercice auquel nous sommes astreints est difficile, mais il nous oblige aussi à rechercher, pour faire des redéploiements, les économies possibles. Mais nous n’en sommes qu’à la deuxième année de la LOLF : nous n’avons pas encore eu les premiers rapports annuels de performance, qui nous permettront peut-être de mieux identifier les crédits mobilisables.
Les amendements 88 et 89 rectifié abordent le problème de l’enseignement privé, qui est moins subventionné par l’État que l’enseignement public. Certes, il dispose d’autres ressources, en provenance du milieu industriel par exemple, mais il accueille un nombre croissant d’étudiants et a besoin de davantage de moyens - nous en parlons de façon récurrente. Le président Méhaignerie a donc souhaité un redéploiement dans ce sens. La commission a adopté un amendement 88, qui retire 2 millions au programme « orientation et pilotage de la recherche » au profit du programme « formations supérieures et recherche universitaire ». Mais plusieurs membres de la commission, dont le président et Jérôme Chartier, auteur du rapport sur l’enseignement privé, avaient déposé un amendement 89, prévoyant un redéploiement de 4 millions, que la commission n’a pas adopté parce qu’il opérait un prélèvement sur le programme « vie étudiante ». Par crainte de l’ire d’André Chassaigne - et parce que tout le monde est d’accord pour accomplir des efforts en la matière - cet amendement a été rectifié. Ainsi, les 4 millions sont prélevés par moitié sur les programmes « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et « orientation et pilotage de la recherche ».
Nous ne voulons pas spécialement retirer de l’argent à ces programmes : tout cela a pour but d’obtenir du ministre un engagement à trouver 4 millions pour l’enseignement privé. Avec un redéploiement de 2 millions, compte tenu de l’inflation et de l’élargissement du cercle, nous ne faisons que maintenir les moyens de l’enseignement privé : ajoutés à ce que prévoit déjà le budget, soit 1,3 million, on en revient au niveau de l’an dernier. Si l’on veut opérer un rattrapage, il faut aller au-delà : avec les 4 millions de l’amendement 89 rectifié, on arriverait à 5,3 millions.
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M. André Chassaigne - Je ne vous reprocherai pas de faire une omelette à partir des œufs qui vous ont été fournis, Monsieur le ministre, mais tout n’est pas aussi clair sur le plan des amendements : l’un est cosigné par M. Bouvard qui diffère de celui qu’il a simplement signé en tant que rapporteur spécial. Lequel est le bon ? Je note que dans le premier, M. Bouvard estimait qu’il était possible de faire des économies sur la recherche scientifique et technologique en sciences de la vie, biotechnologie et santé alors que de nombreux intervenants ont affirmé ce matin, avec raison, que les sciences de la vie étaient une priorité. J’ai participé à une mission d’information sur les OGM dont les conclusions ont montré que les crédits consacrés aux sciences de la vie étaient insuffisants et que la question du lien entre les biotechnologies et la santé n’était pas assez abordée. Et voilà que vous voudriez, au détour d’un amendement, réduire ces crédits !
Concernant les établissements d’enseignement privés, nous n’en sommes plus à sortir la kalachnikov…
M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Bravo !
M. André Chassaigne - …mais il aurait été intéressant de disposer d’une fiche détaillée les concernant : selon une expression auvergnate, « on n’achète pas un âne dans un sac ».
M. le Ministre délégué - Je vous la communiquerai.
M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - J’ai cosigné l’amendement auquel vous faites allusion, Monsieur Chassaigne, uniquement pour qu’il puisse être discuté, sachant que son principal signataire, M. Méhaignerie, ne pouvait participer à nos travaux cet après-midi.
Notre objectif était donc de porter cet effort supplémentaire à 4 millions. Compte tenu des propos de M. le ministre délégué sur le redéploiement, qui sont dans la droite ligne de la LOLF, je retire les amendements. Je souhaite que chacun, et la presse en particulier, se rende compte que nous avons cet après-midi déplacé pas moins de 5 millions afin de procéder à des ajustements.
Les amendements 89 rectifié et 88 sont retirés
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M. André Chassaigne - Alors que les Français attendent aujourd’hui que nos responsables politiques aient le courage et la volonté de s’opposer à la pression du capitalisme financier, qui fragilise notre système économique, mais également qu’ils prennent des mesures de relance économique, vous nous présentez un budget bien peu propre à stimuler l’emploi, la croissance et le développement de nos entreprises !
Certes, je reconnais volontiers votre cohérence, mais elle frise l’aveuglement. Vous avez échoué à relancer l’économie sur des bases saines, car nous accusons un retard de croissance considérable du fait du manque d’attractivité de notre territoire. Pour y remédier, vous pensez que nous devons suivre la voie du moins-disant en matière de fiscalité, de salaires et de recherche-développement. Pour notre part, nous voulons orienter la dépense et l’action publique de telle façon qu’un service public de qualité, un bon niveau de rémunération et de formation, et la recherche deviennent les leviers de la croissance.
En 2005, les sorties nettes de capitaux se sont élevées à 61,7 milliards et les grandes entreprises ont engrangé 84,1 milliards de bénéfices - ce sera 100 milliards en 2006 -…
M. Xavier de Roux - C’est la croissance.
M. André Chassaigne - …dont seulement 10 % réalisés en France.
M. le Ministre - Et alors ?
M. André Chassaigne - Alors, nous subissons une véritable hémorragie de capitaux…
M. le Ministre - Pas du tout.
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M. André Chassaigne - …qui s’investissent essentiellement aux États-Unis et au Canada. La raison en est votre politique catastrophique. Ce retard de croissance tient aussi à de véritables gabegies. Depuis la fin des années 1990, les bénéfices sont engloutis dans les dividendes à verser aux actionnaires, les intérêts versés aux créanciers, les placements financiers…
Pour toute solution, vous multipliez les mesures fiscales aussi injustes qu’inefficaces. Pourtant, selon la Cour des comptes, les exonérations de charges ne peuvent relancer la croissance. En nous enfermant un peu plus dans cette spirale dangereuse, vous contribuez à détruire nos capacités productives et vous menacez l’attractivité de notre pays.
Le déficit commercial, qui atteint 30,1 milliards contre 22,8 milliards en 2005, témoigne de l’étendue du désastre. Tous les postes sont atteints : notre industrie perd sa vitalité.
Les PME qui emploient près de 60 % de la population active et représentent plus de la moitié de la valeur ajoutée de l’ensemble de l’industrie, du commerce et des services, sont un atout majeur pour notre pays. Mais elles sont aussi l’un des secteurs les plus exposés aux conséquences de la dérégulation, de la concurrence entre grands groupes, de la financiarisation croissante de l’économie. Qui d’entre nous ne peut citer une entreprise locale étranglée par des donneurs d’ordres sans scrupules, des financiers exigeant une rentabilité disproportionnée, en particulier les fonds d’investissement qui n’ont qu’une loi, celle du profit ? Pour les neuf premiers mois de 2006, ils ont réalisé plus de 500 millions de recettes sur le marché français. Mais à quel prix ?
Vous mettez en avant le nombre de créations d’entreprises. Mais nous ne faisons que renouer avec une moyenne historique.
M. le Ministre - Non !
M. André Chassaigne - Et surtout, ces créations ne font pas barrage à la montée du chômage D’ailleurs, après trois ans d’existence, près de quatre PME et TPE sur dix ferment leurs portes.
M. le Ministre - Il y en a donc six qui survivent.
M. André Chassaigne - Même si d’aucuns voudraient nous le faire croire, les 35 heures et le manque de flexibilité du droit du travail ne sont pas, loin s’en faut, leur principal problème.
M. Philippe-Armand Martin - Si.
M. André Chassaigne - La vraie question est la croissance, qui commande l’embauche. Or, elle reste aujourd’hui trop faible. Dès lors, comment votre budget allégerait-il les difficultés des PME et tout particulièrement des TPE ? Il ne comporte aucune mesure propre à encourager l’activité économique, à modifier le comportement des banques, qui prêtent aux plus petites entreprises à 6 ou 8 %, alors qu’elles consentent 2 à 3 % aux grands groupes. Rien n’est fait non plus, ou si peu, pour lutter contre les conduites prédatrices de certains de ces groupes.
De même, vous ne faites rien pour soutenir la formation, essentielle à la pérennité des entreprises, alors qu’il faudrait y investir massivement, de façon volontariste, et revaloriser les métiers de l’artisanat auprès des jeunes.
Et ce n’est pas en légalisant les pratiques commerciales honteuses de la grande distribution, comme vous avez fait l’an passé, que vous aiderez les PME. Il s’agit moins aujourd’hui d’élaborer un nouvel arsenal législatif contre les pratiques déloyales, tels que les accords de gamme ou la pratique des marges arrière, que de faire appliquer la loi. Or, vous ne renforcez ni les contrôles ni les sanctions. Cela supposerait des moyens budgétaires nouveaux, pour la DGCCRF, en particulier : l’embauche de nouveaux fonctionnaires, en somme. Ce à quoi, bien sûr, vous vous refusez obstinément.
Votre politique d’allégement des charges sociales des entreprises, de casse du code du travail, de précarisation des emplois, d’exploitation des travailleurs les plus faibles, contraire aux attentes des Français, a échoué. Pourtant, vous continuez de vouloir appliquer toujours les mêmes recettes qui empoisonnent notre économie. Le peu de croissance que nous connaissons est dû à l’endettement des ménages, que vous encouragez, dans votre impuissance à trouver ailleurs les moyens de la relance. Devant votre refus opiniâtre de changer de politique, nous voterons contre ce budget.
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M. Xavier de Roux - La France triomphe sur les marchés du luxe et de la haute technologie et, paradoxalement, bien qu’elle se soit opposée de toutes ses forces à la directive Bolkestein, elle occupe la quatrième place mondiale pour les échanges de services (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).
Si des outils intéressants ont été créés comme le réseau des missions économiques, l’assurance export, Ubifrance ou bien encore le volontariat international en entreprise, les crédits pour 2007 n’en sont pas moins en baisse de 3% par rapport à 2006. Ils seront certes « utilisés au mieux », nous dites-vous, mais n’est-ce pas toujours ce que l’on dit lorsqu’il faut faire avec moins ?
Un grand chantier a été lancé, celui du regroupement des PME à l’exportation. Il faudrait aller plus loin en ce domaine. Pourquoi par exemple ne pas suivre l’exemple du Japon et créer une véritable structure de négoce à l’export ? Une telle structure aurait plus facilement accès au crédit et permettrait de mutualiser les risques.
M. André Chassaigne - Mais vous proposez là une politique publique administrée !
M. Xavier de Roux - Le « marché-monde » ne doit être ni un miroir aux alouettes ni un risque mortel. Pourquoi ne pas transformer Ubifrance en opérateur pour le compte des PME de croissance, ces « gazelles » dont vous appelez de vos vœux un développement plus important encore ?
Sur 2,5 millions d’entreprises, 110 000 exportent, mais en réalité, une poignée d’entre elles réalise 80 % de nos exportations. C’est sur ce chaînon manquant de notre commerce extérieur qu’il faut faire porter l’effort, que cela se fasse par Ubifrance ou par une autre structure. Si l’initiative privée est défaillante, pourquoi l’initiative publique ne prendrait-elle pas le relais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. André Chassaigne - D’accord sur ce dernier point.
M. le Président - J’invite les ministres à la concision s’ils ne veulent pas revenir ce soir.
M. le Ministre - J’entends l’appel du président et je circonscrirai donc mon propos aux questions qui m’ont été posées, en commençant cependant par remercier les rapporteurs et les différents orateurs.
Auparavant, je voudrais toutefois rappeler la contribution vigoureuse des PME et des TPE à la lutte contre le chômage, en particulier grâce au Contrat nouvelles embauches, qui fait ici, je crois, l’objet d’un consensus.
M. André Chassaigne - Pas du tout !
M. le Ministre - Certains contestent aux TPE le droit de se développer et de contribuer à la lutte contre le chômage. Il est vrai que leur fonds de commerce est le chômage ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Ce n’est pas le nôtre. Nous nous réjouissons donc que 70 000 emplois aient été créés grâce au CNE, sans aucun euro de dépense publique supplémentaire !
Par ailleurs, la hausse des créations d’entreprise se confirme, sans que l’on constate en parallèle une augmentation sensible du nombre de défaillances. Au contraire, le nombre de défaillances enregistrées au premier semestre 2006 est inférieur de 11 % à celui du premier semestre de 2005. Cela veut bien dire que le stock d’entreprises augmente et que non seulement nous encourageons la création d’entreprises mais qu’en outre, nous diminuons la mortalité de celles-ci, succès à mettre au compte du Gouvernement et de la majorité, bien sûr, mais aussi à celui de l’ensemble des acteurs économiques.
Je ne suis pas de ceux qui pensent que l’efficacité d’une politique en faveur des PME se mesure exclusivement au volume de ses crédits. À côté du budget lui-même, il y a des mesures essentielles comme le soutien aux « gazelles », ces PME à fort potentiel de croissance qui sont les championnes de demain. Cette disposition, qui est une grande première, est très bien accueillie.
Autres mesures importantes : les exonérations de charges. Il faut croire que vous n’avez pas bien lu le rapport de la Cour des comptes, Monsieur Vergnier, car il préconise exactement ce que nous faisons,à savoir concentrer ces exonérations sur les très petites entreprises. À partir de juillet 2007, l’exonération de cotisations patronales sera totale au niveau du SMIC et dégressive jusqu’à 1,6 fois le SMIC pour les entreprises de moins de 20 salariés.
Nous avons pris également une mesure en faveur des business angels, auxquels l’article 40 du projet de loi de finances étend le dispositif Madelin. Citons aussi la mise en œuvre du plan de croissance en faveur de l’emploi et de la modernisation du secteur des hôtels, cafés, restaurants.
Je suis d’accord, Monsieur Novelli, pour charger un groupe de travail de regarder de plus près les conséquences de la hausse de la TACA. Vous m’interrogez d’autre part sur les fusions de chambres de commerce et d’industrie. Dix schémas directeurs régionaux ont déjà été publiés au Journal officiel et un onzième, celui de la Haute-Normandie, m’a été transmis récemment. Cela étant, je suis conscient des obstacles que peuvent rencontrer certaines chambres décidées à fusionner. Nous nous efforcerons de réduire les délais.
Le projet de décret relatif à la tutelle de l’État sur les CCI sera très prochainement soumis à l’examen du Conseil d’État.
Serge Poignant a évoqué le délicat dossier des FAF, les fonds d’assurance formation de l’artisanat. Je peux le rassurer : cette réforme va aboutir et elle aura sa place dans le projet de loi de finances rectificative. Il a parlé aussi des contrats d’apprentissage, succès incontestable de la politique gouvernementale, puisque leur nombre a augmenté de 10 %. Encore faut-il veiller à ce que les sommes collectées à ce titre soient bien dirigées vers ceux qui doivent en bénéficier. C’est ce que nous faisons.
S’agissant des transmissions, deux décrets doivent être pris, celui relatif au tutorat et celui relatif à la prime de transmission. Le premier est quasiment au point aujourd’hui, le second suivra rapidement. Nous veillerons à ce que ces textes très attendus sortent très bientôt.
Je vous confirme, Monsieur Poignant, que la majoration de 25 % est bien neutre fiscalement, mais aussi socialement, ce grâce à l’article 10 du PLFSS pour 2007.
Dans un souci de plus grande efficacité, plusieurs types d’intervention ont été sortis des contrats de plan État-régions, outils lents.
J’ai déjà répondu à M. Vergnier sur les exonérations de charges, grâce auxquelles nous avons créé beaucoup d’emplois. J’invite les députés socialistes et communistes à pousser la porte d’une boulangerie pour demander aux commerçants ce qu’ils pensent de cette politique. Ils en ressortiront avec du bon pain et peut-être des convictions différentes.
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M. Michel Vergnier - Parlons du prix de la baguette !
M. le Ministre - Je ne désespère pas de la pédagogie du boulanger.
Mme Comparini et M. Chassaigne ont parlé de la grande distribution. Grâce à la réforme qui a été votée, les PME sont beaucoup mieux défendues que par le passé. En s’attaquant à l’inflation des prix dans les grandes surfaces, elle a eu aussi un impact très important sur le pouvoir d’achat des ménages.
Mme Ramonet a fait un tableau exhaustif et très pertinent de la politique du Gouvernement en faveur des PME. Je partage son attachement aux aides du FISAC.
Notre pays sait fabriquer des produits de très grande qualité, produits de marque ou produits moins connus qui sont le fruit du travail d’artisans. C’est pour distinguer ce savoir-faire que j’ai créé le label « entreprises du patrimoine vivant ». Je labelliserai plusieurs centaines d’entreprises d’ici à la fin de l’année.
Enfin, je pense qu’il nous faudra réformer la loi Raffarin, qui n’a pas suffi à endiguer la prolifération des mètres carrés indifférenciés en périphérie. Il nous faut passer à une autre politique, davantage fondée sur le développement durable des territoires et sur un meilleur équilibre entre la périphérie et le cœur de ville. Nous voulons un commerce diversifié et respectueux des petites et moyennes entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
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