Première séance du mercredi 30 mars 2016
Débat sur le coût de la filière nucléaire et la durée d’exploitation des réacteurs
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M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le rapport de la commission d’enquête sur le coût de la filière nucléaire et la durée d’exploitation des réacteurs.
La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes.
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Débat sur le coût de la filière nucléaire : intervention d’André Chassaigne.
Posté par Les députés du Front de Gauche sur mercredi 30 mars 2016
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dix-huit mois après la conclusion de la commission d’enquête conduite par notre assemblée, nos collègues du groupe écologiste nous convient de nouveau à débattre du coût de la filière nucléaire, dans un contexte d’incertitude à propos de l’avenir d’EDF et du devenir de notre parc vieillissant de centrales.
La polémique sur les coûts de la filière n’est pas nouvelle – elle est presque aussi ancienne que l’industrie nucléaire. Elle porte à la fois sur les coûts de production, le coût de la maintenance des cinquante-huit réacteurs répartis sur le territoire, les charges de démantèlement, les coûts de l’investissement dans un nouveau parc, les coûts de traitement et d’enfouissement des déchets.
Dans un rapport publié en 2014, la Cour des comptes avait estimé le coût global de production de l’électricité nucléaire à 60 euros le mégawattheure en 2013, en prenant en compte tant les dépenses d’exploitation que les investissements sur le parc existant, la provision pour gestion des déchets et du combustible usé et la provision pour démantèlement.
Toujours d’après la Cour des comptes, la hausse du coût de production de l’électricité nucléaire – le tarif du mégawattheure a grimpé d’une dizaine d’euros entre 2010 et 2013 – devrait se poursuivre dans les années à venir, notamment parce que le coût du grand carénage, chantier de maintenance et de sûreté, pourrait atteindre 100 milliards d’euros d’ici à 2030.
Dans ces investissements, la Cour inclut les travaux nécessaires dans l’après-Fukushima mais aussi les dépenses liées au prolongement de la durée d’exploitation des centrales actuelles au-delà de quarante ans. Les investissements avaient déjà plus que doublé par le passé : ils expliquent la moitié de la hausse du coût de production entre 2010 et 2013.
Au-delà du coût de production du nucléaire exploité, se pose la question du coût final de la mise en service future des réacteurs de nouvelle génération. Nous pouvons, je crois, nous accorder sur ces constats et sur les incertitudes pesant à cet égard sur l’avenir.
Je voudrais toutefois souligner deux choses. Le nucléaire nous est aujourd’hui indispensable. Le secteur du nucléaire civil – troisième filière industrielle du pays – constitue, au-delà même de la question du coût, un atout stratégique,…
M. Bernard Accoyer. Bien sûr !
M. André Chassaigne. …qui doit être conforté pour relever les défis d’une énergie décarbonée et accessible à tous.
M. Bernard Accoyer. C’est l’évidence !
M. André Chassaigne. Si le coût du nucléaire semble exorbitant au regard des autres formes de production d’énergie, il faut néanmoins nous rendre à l’évidence : il n’est pas souhaitable de nous orienter vers le recours accru aux énergies fossiles, qui s’amplifie à la faveur de la chute des cours du charbon ; il faudrait au contraire les réduire massivement.
Il n’est pas davantage envisageable, à court et à moyen termes, de substituer au nucléaire les énergies renouvelables.
M. Denis Baupin. C’est faux !
M. André Chassaigne. Non seulement ces énergies nécessitent des subventions massives mais elles ne peuvent toujours pas être stockées.
M. Bernard Accoyer. Bien sûr !
M. André Chassaigne. Pour mener à bien le projet de mix énergétique diversifié, garant de notre indépendance énergétique, de la transition énergétique et de prix accessibles, nous devons également accepter de revenir sur la libéralisation du marché de l’énergie.
Aux yeux des marchés, nous le savons, le nucléaire n’est pas rentable. De fait, le nucléaire français est le fruit de choix stratégiques bien antérieurs au mouvement de dérégulation opéré depuis quinze ans. Je vais citer à mon tour des propos tenus récemment par Jacques Repussard, directeur général de l’IRSN : « Le nucléaire fait partie des grandes infrastructures nationales et doit être traité comme tel. […] Le nucléaire exige un modèle économique qui tienne compte du long terme. »
Il est certes essentiel que la part des énergies renouvelables progresse rapidement, mais dans un cadre mieux régulé et dans la perspective de construction d’un mix énergétique où le nucléaire aurait aussi toute sa place, en ayant éventuellement recours à des réacteurs moins puissants.
Il exige de sortir de la loi du marché, de la course au moindre coût. Comme l’ensemble des filières énergétiques françaises, le nucléaire doit faire l’objet d’un plan de développement industriel ambitieux, sous maîtrise publique. Car la maîtrise publique est le meilleur garant de la réponse aux besoins, d’un développement harmonieux du territoire et d’une maîtrise démocratique des enjeux de développement durable.
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M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. André Chassaigne. Monsieur le secrétaire d’État, je pose cette question au nom de mon collègue Gabriel Serville, député de la Guyane, qui ne peut être présent cet après-midi. Elle doit entrer dans le champ de notre débat : celui-ci porte sur « le coût de la filière nucléaire », intitulé qui n’exclue pas le nucléaire militaire.
La France consacre chaque année 3,6 milliards d’euros à l’entretien et à la modernisation de sa force de frappe nucléaire, soit l’équivalent de l’effort demandé à nos collectivités du fait de la baisse de leurs dotations – voilà une comparaison intéressante.
Selon un rapport, publié en 2012, de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, cette force de frappe nous a ainsi déjà coûté 300 milliards d’euros et il nous coûtera encore 32 milliards dans les quinze prochaines années.
Notre stratégie de dissuasion peut pourtant être garantie par d’autres moyens que les armes. Selon un sondage réalisé en octobre 2015 par l’IFOP, 74 % des Français sont favorables à une interdiction totale des armes nucléaires dans le monde. Le peuple français n’a cependant jamais été consulté sur ce sujet majeur.
M. Bernard Accoyer. Cette question n’a rien à voir avec notre débat !
M. Michel Sordi. Nous devons lutter contre le terrorisme !
M. André Chassaigne. Aussi, Gabriel Serville vous demande de bien vouloir nous éclairer à propos de la position du Gouvernement concernant l’interdiction et l’élimination complète des armes nucléaires.
M. Benoist Apparu. Notre collègue est favorable au désarmement unilatéral ! C’est ridicule !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Cette question relève certes d’un autre ordre…
M. Benoist Apparu. C’est le moins qu’on puisse dire !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. …mais il est de mon devoir de répondre aux interrogations de M. Serville, transmises par l’intermédiaire de M. Chassaigne.
M. Bernard Accoyer. M. le secrétaire d’État est bien aimable !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Effectivement !
La période 2014-2019 prévoit la poursuite de la modernisation des composantes aéroportées et océaniques, ainsi que la préparation de leur renouvellement.
M. Bernard Accoyer. Hors sujet !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Mais cela vous intéresse aussi !
Le budget 2016 s’inscrit dans cette dynamique. Les ressources consacrées à la dissuasion dans le projet de loi de finances pour 2016 sont conformes à celles qui étaient inscrites dans le projet de loi de programmation militaire, à savoir 3,6 milliards d’euros en crédits de paiement.
L’entretien des forces de la dissuasion vise au maintien en condition opérationnelle des systèmes d’armes et des infrastructures nucléaires, afin de respecter dans la durée des exigences toujours plus draconiennes en matière de sécurité.
En 2016, environ 1,5 milliard d’euros sont consacrés à l’entretien des forces de la dissuasion, soit 40 % de l’ensemble du programme de dissuasion. Cet effort budgétaire consacré à l’entretien est globalement sanctuarisé pour toute la période couverte par la loi de programmation.
Vous comprendrez, monsieur le député, que je ne n’aille pas plus avant dans ma réponse, votre question soulevant des points sans rapport direct avec notre débat, à savoir la pertinence de l’appui de la stratégie de défense française sur la dissuasion nucléaire et la position de la France sur le sujet complexe du désarmement nucléaire mondial.
M. Bernard Accoyer. Vaste sujet !
M. André Chassaigne. Au nom de M. Serville, je vous remercie pour votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
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