26-06-2013

Déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement

Déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement

Première séance du jeudi 20 juin 2013

Discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement (nos11061, 1104).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, retenu par l’ouverture de la deuxième grande conférence sociale. Je représenterai donc le Gouvernement qui, en lien avec le Parlement, en particulier sa majorité, a travaillé sur ce projet de loi.

Comme vous le savez, le Gouvernement s’est doté depuis un an de nombreux outils pour créer les conditions de la reprise économique. Par touches successives, nous avons choisi d’élaborer une politique cohérente et équilibrée, articulée autour de deux axes complémentaires : restaurer, d’une part, les conditions de la reprise de l’activité des entreprises, et favoriser, d’autre part, le pouvoir d’achat des salariés – notamment par l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire – pour créer les conditions de la reprise de la demande.

C’est dans le cadre des mesures favorables à la reprise de la demande que se situe cette proposition de loi dont l’initiative revient au groupe socialiste.

Le Président de la République avait annoncé le 28 mars dernier sa volonté d’ouvrir la possibilité de déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement pendant une période de six mois.

L’annonce du Président de la République a été rapidement reprise par des parlementaires qui ont déposé cette proposition de loi, à laquelle le Gouvernement apporte son plein et entier soutien.

Cette proposition de loi vise bien un déblocage exceptionnel, et limité dans le temps et dans son montant, de la participation et de l’intéressement, afin de permettre aux ménages d’utiliser ces sommes.

Cette mesure répond à une exigence : soutenir la consommation à un moment où tous les leviers doivent être mobilisés au service de l’emploi. L’épargne salariale représente 90 milliards d’encours. La part des sommes bloquées au sein de cet encours global concerne potentiellement quatre millions de salariés. Rendre cette épargne disponible, c’est donner, en période de crise, un coup de pouce au pouvoir d’achat des salariés.

La proposition de loi fait le choix de la simplicité et de la lisibilité : les sommes perçues au titre de la participation ou de l’intéressement, aujourd’hui bloquées, pourront être perçues, sans préjudice du maintien du régime fiscal favorable y afférent. Les salariés auront six mois pour déposer leur demande et pourront débloquer jusqu’à 20 000 euros.

J’indique par ailleurs qu’il ne saurait être question, par ce dispositif, de tarir les sources de financement des entreprises solidaires : les fonds solidaires ne sont pas concernés par cette mesure, ce qui évitera de déstabiliser cette source fondamentale de financement dédiée à des entreprises exigeantes socialement que sont les entreprises agréées solidaires.

Le dispositif préserve également les sommes investies dans l’entreprise elle-même, puisque ces sommes ne pourront être rendues disponibles que lorsqu’un accord aura été conclu à ce sujet.

Nous faisons face à un enjeu important : faire de ce dispositif un véritable catalyseur pour aider les ménages confrontés à la crise.

Il faut de la souplesse pour ne pas enfermer les possibilités de déblocage dans des cases qui le contraindraient excessivement – c’est aux salariés de décider de l’affectation de leur épargne –, mais il est dans le même temps important de donner une orientation précise et contrôlable de l’utilisation des sommes débloquées. C’est ce que permet cette proposition de loi.

Le Sénat a souhaité préciser l’objectif du dispositif : favoriser l’achat de biens, notamment dans le secteur automobile. Il nous reste donc, pour notre part, à souhaiter que les véhicules acquis dans ce cadre soient fabriqués en France et que leurs émissions soient réduites au minimum, ce qui permettra à cette proposition de loi de participer à la transition écologique de notre pays.

Ce Gouvernement a fait de la réforme de l’intéressement et de la participation l’une des priorités issue de la grande conférence sociale de juillet 2012. Je tiens à vous rappeler l’importance des mécanismes d’intéressement et de participation : nous avons entre nos mains l’un des outils fondamentaux d’association des salariés à la performance et à la durabilité de l’entreprise. C’est bien légitime car c’est précisément par l’engagement collectif des salariés que l’entreprise crée de la richesse.

Comme le Président de la République l’a rappelé à la fin de l’automne dernier, il nous appartient de repenser, conforter et développer ces mécanismes qui ont souffert de réformes inabouties parce que partielles. C’est le sens de la réforme d’ensemble qui sera proposée aux partenaires sociaux en vue d’une négociation interprofessionnelle sur le sujet, dans la mesure où cette question relève d’abord de la négociation collective.

Cette réforme de l’épargne salariale appellera la mobilisation des partenaires sociaux dans les prochains mois. Pour la préparer, l’installation du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié en constituera la première étape.

Je vous remercie donc de soutenir et d’adopter cette proposition de loi comme vous l’aviez fait, à une très large majorité, me semble-t-il, en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Richard Ferrand, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 13 mai dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement. Ce texte constitue la traduction concrète et rapide d’un engagement pris par le Président de la République en mars et réaffirmé le 16 juin dernier. Il doit permettre d’accroître le pouvoir d’achat des Français, en réorientant une partie de l’épargne salariale vers la consommation, et, par ce biais, d’alimenter la croissance.

Cette proposition de loi complète utilement les mesures que nous avons déjà mises en œuvre pour redresser l’économie de notre pays et améliorer le quotidien des Français. En effet, face à la situation difficile que vivent nombre de nos concitoyens, nous nous sommes fortement mobilisés depuis un an, en adoptant des mesures telles que l’encadrement des loyers, la lutte contre les frais bancaires et la mise en œuvre de nouveaux outils pour créer des emplois, tels que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, les contrats de génération et les emplois d’avenir.

Cette proposition de loi offre un dispositif simple, équilibré et avantageux pour les salariés. Elle prévoit, tout d’abord, que les salariés puissent débloquer les sommes acquises au titre de la participation et de l’intéressement, ce qui doit bénéficier aux salariés travaillant dans de grandes entreprises mais également dans de plus petites sociétés, où l’intéressement est plus présent que la participation.

Afin de préserver l’épargne salariale pour la retraite et de ne pas déstabiliser la trésorerie des entreprises solidaires, ont été exclues du dispositif les sommes investies dans des PERCO et des fonds solidaires.

Par ailleurs, le déblocage est limité à 20 000 euros par personne et doit intervenir pendant une période de six mois, sur simple demande du salarié ou après conclusion d’un accord collectif.

À cet égard, l’employeur est tenu d’informer les salariés de leur droit exceptionnel au déblocage dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi.

Enfin, le salarié conserve, à l’égard des sommes débloquées, des exonérations fiscales et sociales qui leur étaient attachées du fait de leur blocage.

En première lecture, en séance publique, à mon initiative, l’Assemblée nationale a apporté trois modifications à ce dispositif.

Notre assemblée a, tout d’abord, opéré un fléchage des fonds débloqués vers « l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de services », pour éviter les comportements d’optimisation et de transfert entre supports d’épargne. En effet, l’objectif de la mesure demeure le soutien à la consommation des ménages. Afin de garantir l’effectivité de ce fléchage, nous l’avons assorti d’un dispositif de précaution, consistant à demander au salarié de conserver les pièces justificatives attestant l’usage qu’il a fait des sommes perçues, qu’il devra présenter, le cas échéant, à l’administration fiscale.

Deux autres modifications ont été apportées au dispositif, aux fins de clarification : l’une portant sur les modalités de déblocage, l’autre instaurant une période de déblocage fixe, de date à date, du 1er juillet au 31 décembre 2013.

Enfin, à l’initiative du groupe UDI, l’Assemblée nationale a ajouté un article additionnel – l’article 1er bis – demandant au Gouvernement la remise au Parlement, dans un délai d’un an, d’un rapport dressant le bilan du déblocage exceptionnel, ce qui n’avait pas été fait lors des déblocages précédents. Il me semble nécessaire d’assurer le suivi et l’évaluation des lois que nous votons.

Par la suite, la commission des affaires sociales du Sénat a rejeté la proposition de loi. La Haute assemblée a donc examiné, en séance publique, le texte issu de nos travaux. Elle a adopté l’article 1er bis conforme, puis approuvé la suppression de l’article 2, qui comportait un gage levé par le Gouvernement. Elle a également apporté une modification à l’article 1er sur laquelle je souhaite m’arrêter un instant.Formellement, cette modification a été adoptée à l’initiative du Gouvernement, car le délai de dépôt des amendements était clos. En réalité, elle est issue d’une demande du groupe UDI, qui souhaitait restreindre l’utilisation des sommes débloquées au paiement de prestations de services ou de prestations non délocalisables. Cette limitation de l’objet posait d’évidents problèmes, comme l’a démontré le ministre Benoît Hamon : un salarié aurait ainsi pu débloquer des fonds pour financer la pose d’une cuisine sans pouvoir les utiliser, dans le même temps, pour l’achat d’un équipement électroménager.

À l’issue de ce débat, une rédaction assez étonnante et, pour tout dire, dénuée de sens et de portée, a été élaborée en guise de compromis. Elle consiste à maintenir le dispositif de fléchage des sommes que nous avons adopté en précisant que l’achat d’un bien doit intervenir « en particulier dans le secteur de l’automobile ».

Cette trouvaille intempestive du Sénat, sans améliorer texte, le dote d’un appendice inutile. En effet, cette modification me paraît dépourvue de toute portée normative. De plus, il n’est pas opportun de viser un secteur économique particulier. Le secteur de l’automobile connaît certes des difficultés, mais ce n’est malheureusement pas le seul. L’ajout en question n’apporte donc rien, ni au secteur visé ni à la qualité du texte.

Au-delà de ces regrettables broutilles, je tiens à rappeler l’importance de la mesure inscrite dans cette proposition de loi, qui peut constituer un levier de croissance et de relance de la consommation.

En effet, comme l’a rappelé la ministre, les dispositifs d’épargne salariale mettent en jeu des sommes considérables : l’encours global de l’épargne salariale représentait ainsi 90 milliards d’euros au 30 juin 2012. Ils concernent en outre de très nombreux salariés : en 2010, près de 8,8 millions de salariés, soit 57,3 % des salariés, ont bénéficié d’une mesure d’épargne salariale.

Dans le contexte économique difficile que connaît aujourd’hui la France, il m’apparaît donc nécessaire de mettre en œuvre rapidement le dispositif de déblocage que nous avons adopté.

Or, si notre assemblée décidait de modifier le texte adopté par le Sénat, par exemple en supprimant la mention inutile du secteur automobile, cela priverait les salariés d’une entrée en vigueur de la mesure de déblocage au 1er juillet prochain.

En effet, devraient alors intervenir une deuxième lecture au Sénat, puis, si le Sénat rétablissait son texte, une commission mixte paritaire, qui, si elle échouait, entraînerait une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale puis au Sénat et, enfin, une lecture définitive à l’Assemblée nationale - beaucoup de bruit pour rien, en somme, ce que je vous propose d’éviter.

Au vu de l’ordre du jour très chargé de nos assemblées, il semblait difficile de mener l’ensemble du processus à son terme avant le 1er juillet.

Mes chers collègues, notre devoir est d’abord de penser aux salariés. Nous ne devons en aucun cas les pénaliser du fait d’un galimatias législatif. Il faudra impérativement veiller, lors de la mise en œuvre, à ce que les sommes qui pourront être débloquées - et qui le seront - incluent réellement l’ensemble des sommes épargnées au titre de la participation et de l’intéressement, c’est-à-dire à la fois les sommes versées au titre de ces mécanismes d’épargne salariale et les abondements patronaux et salariés, car telle est bien l’intention du législateur.

C’est pourquoi, afin de respecter le calendrier prévu et de tenir l’engagement présidentiel, la commission des affaires sociales a adopté sans modification, le 4 juin dernier, le texte de la proposition de loi tel qu’il avait été voté par le Sénat. Je vous invite, mes chers collègues, à la suivre en ce sens.

Discussion générale


Déblocage exceptionnel de la participation et… par andrechassaigne

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à nous prononcer sur une proposition de loi qui fait écho à une mesure annoncée par le Président François Hollande le 28 mars dernier pour relancer la consommation. Permettez-moi de citer les propos du chef de l’État : « Je propose que [la participation], pour tous ceux qui en ont l’usage – 4 millions de Français bénéficient d’un accord de participation –, puisse être débloquée immédiatement sans pénalités fiscales jusqu’à 20 000 euros, et utilisée pour quelque achat que ce soit, sans aucune raison, pour acheter un bien, une voiture [… ]. Cela durera six mois, mais cela permettra pendant ces six mois de débloquer une épargne pour l’affecter à la consommation. »

Conformément à cette annonce, la présente proposition de loi prévoit que les salariés qui ont déjà placé en épargne salariale des primes d’intéressement ou leur participation disposeront de six mois pour débloquer jusqu’à 20 000 euros nets de prélèvements sociaux.

Il est bien sûr difficile de s’opposer à une telle mesure. Elle permettra à ceux de nos concitoyens qui en bénéficieront de rehausser un peu leur pouvoir d’achat. Nous exprimons néanmoins les plus vives réserves sur l’efficacité de ce dispositif et la philosophie qui le sous-tend.

Nous regrettons tout d’abord que ces dispositions soient inscrites dans une proposition de loi. Ce choix n’est pas fortuit car il a pour effet de nous priver d’une étude d’impact, laquelle aurait probablement révélé le peu de pertinence de ce type de dispositif.

Rappelons en effet qu’une mesure identique avait été initiée par Nicolas Sarkozy. La majorité d’alors prétendait ainsi elle aussi « remettre du carburant dans la croissance française et le pouvoir d’achat ».

Le moins que l’on puisse dire est que le résultat n’a pas été à la mesure des espérances : alors que le Gouvernement espérait injecter 12 milliards d’euros dans l’économie, nos concitoyens n’ont débloqué que 3,9 milliards d’euros. Ce résultat témoigne bien de la limite de l’exercice qui consiste à stimuler artificiellement le pouvoir d’achat en incitant les salariés à puiser dans leur épargne.

Nous sommes de fait davantage dans l’effet d’annonce que face à une réelle mesure de soutien au pouvoir d’achat.

Ceux des bénéficiaires qui doivent faire face à des dépenses urgentes débloqueront sans doute leur participation, mais ils peuvent déjà le faire dans de nombreuses circonstances. La grande majorité des autres préféreront à l’évidence tout simplement conserver leur épargne. La précaution prise de faire en sorte que la participation débloquée ne soit pas réinvestie dans l’épargne sonne à cet égard comme un aveu : l’aveu de la faiblesse structurelle de ce type de mesure en période de crise.

Vous savez comme nous que les ménages modestes et moyens, qui subissent de plein fouet les conséquences de la crise actuelle, ne vont pas dilapider leur épargne. Ils n’attendent pas du Gouvernement et de la majorité qu’ils usent et abusent d’artifices comme le déblocage de la participation. Ils attendent une politique volontariste de soutien actif au pouvoir d’achat.

Le pouvoir d’achat a reculé de 0,4 % en moyenne l’an dernier, pour la première fois depuis près de trente ans. Selon l’INSEE, la consommation n’a depuis bientôt cinq ans progressé en moyenne que de 0,2 % par an.

La raison en est simple : des quatre leviers de croissance que sont la consommation, les dépenses publiques, l’investissement des entreprises et le commerce extérieur, nous avons sacrifié les deux premiers au profit des deux autres.

Ces politiques économiques uniquement fondées sur l’offre n’ont pas eu les effets escomptés : la baisse de la consommation et des dépenses publiques a entraîné non pas le redressement de notre économie mais, au contraire, la baisse de l’investissement des entreprises. Pourquoi en effet une entreprise augmenterait-elle l’investissement quand la demande qui lui est adressée, et donc son chiffre d’affaires, est en baisse ? Pourquoi voudriez-vous que le commerce extérieur se porte mieux, alors que nos partenaires les plus importants sont aussi en récession ? Pourquoi proposer un pacte de compétitivité qui accorde 20 milliards d’euros de baisse d’impôts aux entreprises si celles-ci n’investissent pas et utilisent leur surcroît de marge pour continuer à augmenter les dividendes versés aux actionnaires ?

Il est temps selon nous de nous interroger en profondeur sur les choix qui continuent d’orienter notre politique économique malgré leur échec évident. Ce qui est en faillite, c’est non pas notre pays, mais son modèle de développement.

Nous préconisons pour ce qui nous concerne une tout autre stratégie fondée sur la relance de l’investissement public et, ce qui est plus important encore, de la consommation.

Nous ne croyons pas aux vertus d’un prétendu socialisme de l’offre. C’est la demande qu’il faut stimuler…

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. André Chassaigne. … et il faut pour cela redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens par le moyen le plus sûr et le plus efficace : l’augmentation des rémunérations. Je ne suis pas certain que vous approuviez ce dernier point, monsieur Ollier.

Le déblocage de la participation ne saurait tenir lieu de politique salariale. Il ne saurait remplacer un relèvement significatif du SMIC, des pensions et des minima sociaux.

Les Français des classes populaires attendaient de l’alternance une amélioration de leurs conditions de vie et de travail, un meilleur partage des richesses, lesquelles sont le fruit de leur travail. Les dix années de politique de droite ont été vécues à juste titre comme des années noires, des années qui ont vu se multiplier les injustices criantes. Elles se sont soldées par une aggravation des inégalités. Comme l’a montré la dernière étude de l’Insee, cette politique s’est traduite par l’appauvrissement des pauvres et l’enrichissement des riches. Le niveau de vie de la majorité de la population a globalement stagné, voire baissé, nous l’avons dit. Mais l’étude montre par surcroît que la crise de 2008 a touché plus spécifiquement les couches modestes, les personnes les plus fragiles. Le niveau de vie des 5 % des Français les plus riches a progressé de 1,3 % en 2010 alors que celui des 20 % des Français les moins aisés a baissé de plus de 1,2 %.

Il faut aujourd’hui une politique active en faveur d’une nouvelle répartition des richesses, capable non seulement d’améliorer le niveau des ménages modestes et moyens, mais encore d’irriguer le tissu économique. La question des rémunérations est au cœur des enjeux centraux de la transformation de notre agriculture et de la transition écologique, qui sont gravement entravées aujourd’hui par la course au moins-disant salarial et social.

Nous sommes donc inquiets d’apprendre qu’il n’y aura pas de nouveau coup de pouce au SMIC cette année et que les salariés de ce pays devront donc se contenter d’une augmentation de 0,6 % sur deux ans. Nous sommes inquiets de la décision de gel du point d’indice des fonctionnaires annoncée mardi par la ministre de la fonction publique. Nous sommes inquiets du renoncement à plafonner la rémunération des dirigeants et cadres dirigeants d’entreprise. Ce n’est pas uniquement une question de morale ou de justice, c’est une question économique, car la concentration sans cesse accrue des richesses dans les mains de quelques-uns n’est pas un facteur d’embellie économique. Cette concentration souligne au contraire combien la fièvre du profit contrarie l’intérêt général.

Nous pensons également qu’il est plus que temps de revenir sur les 20 milliards d’euros de cadeaux fiscaux consentis aux entreprises dans le cadre du plan de compétitivité, car ils bénéficient à toutes les entreprises sans distinction et sans contrepartie : les banques, les assurances, la grande distribution, les cliniques privées, pour ne citer que les secteurs les plus emblématiques, vont ainsi se voir attribuer un crédit d’impôt injuste.

Vous refusez obstinément de cibler le dispositif pour en diminuer le coût et de consentir en contrepartie un véritable effort sur les rémunérations, les pensions, les minima sociaux et l’investissement des PME, qui sont notre poumon économique.

Nous n’aurons de cesse de vous convaincre que c’est la voie à suivre, madame la ministre, vous convaincre qu’il n’y aura pas de croissance sans relance de la consommation, vous convaincre qu’il n’y a pas d’avenir pour la gauche si elle persiste à appliquer les recettes de ses prédécesseurs et ne s’emploie pas à répondre aux attentes et aux espoirs qui l’ont portée au pouvoir.

Pour l’ensemble de ces motifs, les députés du Front de gauche s’abstiendront sur ce texte, comme ils l’ont fait en première lecture.

(…)

La parole est à M. le rapporteur.

M. Richard Ferrand, rapporteur. Je souhaite revenir sur les propos de certains des intervenants. À M. Chassaigne, je dirai qu’à défaut d’étude d’impact, nous avons pris la décision sur la suggestion du groupe UDI de mener un véritable travail d’évaluation de cette mesure. Après tout, 4 milliards d’euros mobilisés dans un contexte de consommation atone, cela peut représenter jusqu’à 0,1, 0,2 % de croissance, ce qui n’est pas négligeable dans le contexte actuel.

Opposer participation, intéressement et rémunération est une erreur. Il est des domaines où nous sommes très favorables au cumul. (Sourires.) Le salaire, c’est la rémunération du travail. La participation et l’intéressement, c’est associer les salariés à la prospérité et à la durabilité de l’entreprise.

M. Patrick Ollier. Nous sommes d’accord.

M. Richard Ferrand, rapporteur. Merci, monsieur le président.

Opposer les uns aux autres n’est sans doute pas de bon aloi. Dans la situation qui est la nôtre, dire que l’on souhaite débloquer par anticipation une partie de l’épargne salariale, ce n’est pas espérer que cela se substitue au salaire. C’est seulement donner un coup d’accélérateur au bénéfice de la consommation, moteur pour la croissance. Dans cet esprit, le rapporteur général Eckert a indiqué que le texte s’inscrivait dans une logique plus globale de mobilisation de l’épargne, importante en France, en direction de l’économie réelle. Aujourd’hui, c’est en faveur de la consommation, mais le projet de loi de finances permettra de voir comment les sommes épargnées dans le domaine de l’assurance-vie pourront être mobilisées en direction de l’économie réelle.

Je voudrais aussi, très respectueusement, rassurer le président Ollier, pour lui dire qu’il n’y a pas de coup politique dans cette affaire.

M. Patrick Ollier. Bien sûr !

M. Richard Ferrand, rapporteur. Vous nous faites remarquer que nous créons 30 milliards d’impôts nouveaux. Cela n’a pas grand rapport avec le texte, mais il faut bien que l’on remplisse les caisses que vous avez laissées vides, monsieur le président. Ce texte ne mérite ni excès d’honneur ni indignité. Il s’agit de répondre à un enjeu d’urgence, à savoir la baisse du pouvoir d’achat, que nous avons dû déplorer en 2012. Nous sommes d’accord, notre collègue Grandguillaume le rappelait, pour optimiser et donner à la participation et à l’intéressement une portée plus vaste encore. Le gaullisme s’userait si l’on ne s’en servait pas. (Sourires.) Nous allons le mettre à profit pour développer la participation et l’intéressement.

Ce texte, monsieur Habib, n’est pas révolutionnaire. S’il l’était, vous ne l’auriez sans doute pas voté !

M. Meyer Habib. C’est probable.

M. Richard Ferrand, rapporteur. Le texte doit permettre de nourrir le moteur de la consommation et je vous remercie à cet égard de vous être prononcés favorablement.

M. Alauzet l’a dit, on ne peut pas rester inerte face à l’atonie de la consommation et aux besoins de nos compatriotes.

Mme Girardin a, elle, insisté sur les imperfections, mais la perfection n’est pas de ce monde, ma chère collègue, ni même de cette Assemblée. (Sourires.) Nous avons essayé de trouver un point d’équilibre entre le souci partagé de ne pas rater la cible – à savoir débloquer pour consommer – et de ne pas créer de bureaucratie par une conditionnalité trop forte. Le point d’équilibre auquel nous sommes parvenus par un travail d’horloger en quelque sorte a été de décider qu’il fallait garder les justificatifs de l’utilisation des sommes si d’aventure l’administration fiscale venait à les réclamer. Il s’agit davantage d’une digue psychologique pour éviter que le dispositif soit utilisé de manière pas tout à conforme à notre intention. Mais en aucun cas, il ne s’agit d’une conditionnalité contraignante.

Voilà les quelques précisions que je souhaitais apporter aux différentes interventions de l’ensemble des collègues des groupes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Je n’ai à peu près rien à ajouter aux propos du rapporteur qui a excellemment porté la proposition de loi émanant des Parlementaires si ce n’est une précision du Gouvernement. Je vous confirme que l’intention du législateur sera bien respectée dans la mise en œuvre de cette mesure et que l’ensemble des sommes épargnées au titre de la participation et de l’intéressement sont bien concernées. Je dis bien : l’ensemble des sommes concernées.

Mme la présidente. Merci de cette précision.

Mme la présidente. J’appelle maintenant dans le texte de la commission l’article de la proposition de loi sur lequel les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Discussion des articles

Article 1er

(L’article 1er est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)


Voir le compte-rendu intégral sur le site de l’AN.

Pour en savoir plus : André Chassaigne - AC

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