Monsieur le Ministre,
Je viens de recevoir la copie du courrier alarmiste et révolté que vous a adressé la coordination des apiculteurs de France, au sujet des dégâts attribués au Gaucho et au Régent et de leur demande d’indemnisation.
Je vous avais déjà interpellé le 21/01/03 et le 18/02/04 sur la nécessité d’interdire ces deux produits au plus vite, étant donné leur responsabilité dans la mortalité importante des abeilles… même si cette responsabilité n’est pas complètement avérée.
Il apparaît en effet à de nombreux spécialistes ou responsables que les interactions multiples existantes dans les écosystèmes naturels ne facilitent pas l’établissement de « preuve » irréfutable de l’innocuité ou de la nocivité des produits ou des méthodes utilisés par l’homme. Cependant, il peut exister des présomptions ou des faits redondants qui permettent d’établir de façon quasi certaine leurs effets négatifs sur l’environnement, comme c’est le cas pour le Gaucho et le Régent.
Parallèlement, d’une manière plus globale, vous savez comme moi la nécessité de réduire la pollution chimique par notre agriculture, qui a des répercussions sur notre santé et celle de nos agriculteurs. En aucun cas cet objectif est contradictoire avec celui de l’autosuffisance alimentaire ou de la sauvegarde des emplois, bien au contraire. Ainsi, non seulement l’utilisation des produits chimiques, et de semences traitées, entraîne souvent une pollution insidieuse et durable de notre environnement, mais elle développe aussi le chiffre d’affaires des laboratoires multinationaux, et réduit la part de l’emploi local dans la valeur ajoutée, par des « intrants » économiseurs de « facteur travail » au sein de l’exploitation.
Alors, même dans ce contexte d’absence de « preuve », pourquoi continuer à défendre l’utilisation de type de produits qui sont d’ores et déjà négatifs pour l’environnement, la biodiversité, les apiculteurs et l’emploi local, voire aussi pour les consommateurs, et… même pour la santé des agriculteurs ?
Ainsi, suite à votre décision d’autoriser pour des raisons économiques l’écoulement des stocks de semences enrobées et étant donné le niveau de la production de miel en 2004, qualifiée de « plus catastrophique que jamais », je souhaite apporter mon appui à la demande d’indemnisation formulée par les apiculteurs, pour les dégâts constatés dans les ruches depuis plusieurs années.
Par ailleurs, j’ai pris note des informations particulièrement graves relatées par la coordination des apiculteurs, comme par exemple l’insuffisance de moyens pour réaliser les études promises ou leur manque apparent de fiabilité, du fait de « manipulation » d’informations : je ne manquerai pas de me tenir au courant des suites données à ces affirmations.
Enfin, j’ai noté leur demande d’éclaircissement sur vos propos récents dans un média, concernant les raisons de la mortalité des abeilles et sur vos sources d’informations : il me semble effectivement qu’il faudrait dissiper les malentendus éventuels et, je le souhaite, revenir sur ce point à plus de sérénité et de responsabilité entre les parties concernées.
D’une manière générale, croyez bien que je suis particulièrement préoccupé par cette situation : elle m’apparaît comme symptomatique de la capacité des représentants d’importants intérêts financiers à empêcher par divers moyens, comme l’influence sur l’information publique, la prise de décisions positives en matière de gestion de la production agricole, de santé publique et de sauvegarde de l’environnement.
Restant confiant dans votre esprit d’indépendance et de responsabilité, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de ma plus haute considération.
André CHASSAIGNE