22-03-2013

Demande de moratoire sur les expulsions locatives

Questions à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement

Deuxième séance du mercredi 20 mars 2013


Moratoire sur les expulsions locatives - André… par andrechassaigne

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Comme vous le voyez, mes questions sont d’une efficacité redoutable ! (Sourires.)

Le Premier ministre a annoncé il y a dix jours la prorogation de quinze jours de la trêve hivernale des expulsions locatives. Cette décision était la bienvenue en cette période de grand froid, mais ce sursis ne saurait suffire à toutes les familles qui seront chassées de leurs logements sitôt survenue la date du 31 mars.

À l’heure où la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale fait état d’une hausse de 28 % des demandes d’hébergement d’urgence en février 2013 par rapport à février 2012, l’accès à un logement doit être plus que jamais un droit ; personne ne doit se retrouver à la rue, sans solution de relogement.

Selon nous, il n’est pas acceptable de mettre à la rue des familles de bonne foi dont les membres, occupants légitimes d’un logement, frappés par un accident de la vie ou confrontés à la précarité, se trouvent simplement dans l’incapacité de payer leur loyer.

De nombreux maires – du Front de gauche, mais aussi d’autres courants politiques – prennent chaque année des arrêtés anti-expulsions. Chaque année plus nombreux depuis 2004, ces maires expriment leur refus des expulsions locatives, pratique digne d’un autre temps. Le coût de l’accompagnement des personnes victimes ou en instance d’expulsion pourrait pour une bonne part financer le maintien dans les lieux de milliers de familles.

Face à cette réalité, les choix du Gouvernement sont timides. Le sursis décidé pour les personnes reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable n’est que justice. En cette période économique très difficile, et alors que le Gouvernement risque – au moins jusqu’à demain matin, semble-t-il – d’alourdir le fardeau des locataires en portant la TVA de 7 % à 10 %, les députés que je représente renouvellent leur soutien aux arrêtés anti-expulsions.

Madame la ministre, un moratoire sur toutes les expulsions locatives est une nécessité. Souscrivez-vous à cette idée ? Que comptez-vous faire face au défi des expulsions ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le député, votre question est intéressante car les expulsions locatives sont un enjeu central. On sait très bien, en effet, que c’est souvent au moment d’une expulsion qu’une famille ou une personne se trouvent projetées à un niveau de précarité bien plus important. La prévention et la lutte contre les expulsions sont donc des éléments majeurs d’une vraie politique d’inclusion sociale.

Sur ce point, vous avez eu raison d’évoquer les personnes de bonne foi. Aujourd’hui, l’expulsion est le dernier recours dont dispose un propriétaire qui voit ses loyers impayés pour recouvrer l’usage de son bien. Il convient de ne jamais oublier que c’est bien là le but de ces décisions qui connaissent une hausse tendancielle.

Cela ne nous dispense pas de travailler non seulement sur la prévention des expulsions, mais aussi sur la possibilité pour les personnes d’avoir accès à un logement dans de bonnes conditions. Je m’explique. Comme vous l’avez suggéré, certaines familles sont victimes d’un accident de la vie, par exemple une séparation. Si l’on sait que les membres de cette famille n’auront pas, de façon durable, les moyens de subvenir à leurs besoins et de payer un loyer qui était adapté à la composition antérieure du foyer, il faut pouvoir travailler sur leur changement de logement.

Nous envisageons de faire ce travail dans le cadre de la garantie universelle des loyers. C’est un chantier très important, annoncé par le Président de la République, qui vise à prévenir, dès le premier impayé, les décisions douloureuses qui peuvent survenir. En travaillant au plus près des familles, on peut intervenir de manière efficace auprès d’elles ; on peut également identifier les locataires de mauvaise foi qui profitent des failles de la loi de 1989.

Cependant – et je vous remercie de l’avoir rappelé –, nous avons pris une décision très claire : aucune expulsion avec recours à la force publique ne peut intervenir pour les bénéficiaires de la priorité au titre de la loi DALO, puisque la responsabilité de l’État est de reloger ces familles. Cette circulaire, cosignée par Manuel Valls, ministre de l’intérieur, et moi-même s’applique dès aujourd’hui.

Pour en savoir plus : André Chassaigne - AC

Imprimer