Commission des affaires économiques
Mercredi 18 juillet 2012
– Audition, ouverte à la presse, de M. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif et de Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. La commission a auditionné M. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif et Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.
M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, nous vous souhaitons la bienvenue.
Monsieur le ministre, la Commission des affaires économiques vous attendait avec une certaine impatience : vous êtes le ministre de l’urgence sociale et de la reconquête industrielle, sachant que l’emploi est au cœur des préoccupations de tous nos concitoyens.
La situation de notre industrie est extrêmement inquiétante. Doux et PSA occupent l’actualité nationale, mais les problèmes sont présents partout : ainsi, dans ma circonscription, Thales veut se séparer de sa division radiologie – en faisant quelques dégâts au passage – et Ascométal, survivant de la sidérurgie, s’achemine lentement vers la mort.
Je suis impatient de voir arriver sur le bureau de l’Assemblée nationale, un texte que j’ai défendu lorsque j’étais dans l’opposition, et dont le premier signataire était le député François Hollande : il vise à interdire aux industriels qui veulent aller gagner toujours plus d’argent ailleurs – je ne parle pas de ceux qui sont en difficulté – d’appliquer la politique de la terre brûlée en refusant toute reprise. Certes, aujourd’hui, ils versent une toute petite contribution aux territoires, mais le site industriel et l’emploi disparaissent. Avec ce texte, la collectivité dans son ensemble, en lien avec les salariés, en lien avec les tribunaux de commerce, pourrait reprendre la main pour garder l’outil industriel sur nos territoires. Monsieur le ministre, j’espère que nous pourrons débattre de ce texte dès le trimestre prochain. En tout cas, j’en formule la demande, avec l’appui, je le sais, des députés de la majorité, et, j’imagine, de ceux de l’opposition.
Nous avons reçu ce matin M. Jean-Louis Beffa et M. Louis Schweitzer. Certaines de leurs propositions, notamment celles visant à favoriser l’investissement à long terme ou à modifier la gouvernance des entreprises, sont très intéressantes. Nous avons envie d’y travailler et nous le ferons certainement en liaison avec votre ministère.
J’ai lancé ce matin l’idée d’une mission d’information sur les coûts de production – coût du travail, mais aussi ceux l’énergie, de la formation, de la recherche, ou encore coût des contraintes normatives en matière d’environnement et de sécurité. N’oublions pas qu’une entreprise doit commencer par dépenser de l’argent avant d’en gagner, et que, parfois, certains éléments pèsent un peu lourd. En matière de compétitivité, il ne faut pas penser qu’au coût social ; M. Beffa et M. Schweitzer nous ont d’ailleurs dit ce matin qu’il ne fallait surtout pas abandonner notre modèle social.
Nous devrons aussi débattre de la manière dont les territoires peuvent aider la création d’entreprise. Nous sommes aujourd’hui sur la défensive, mais il faudra passer à la reconquête. À l’heure actuelle, notre pays compte un grand nombre de projets dormants, qui n’attendent que quelques capitaux, que quelques facilités de la part des banques, pour innover et faire émerger des emplois. L’heure n’est plus à l’attente : nous devons, tous ensemble, réveiller toute cette créativité qui ne demande qu’à l’être.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Je vous remercie de cette invitation ; celles et ceux avec qui j’ai partagé ces bancs pendant quinze ans connaissent mon attachement au travail parlementaire, à l’enrichissement par la discussion, à la confrontation des idées, à la coopération, dans l’esprit de la séparation des pouvoirs.
Je remercie le président François Brottes d’avoir organisé rapidement cette rencontre, qui en appelle d’autres.
La France rencontre de grandes difficultés économiques et sociales ; il y a donc urgence. Après la perte en dix ans de 750 000 emplois industriels, après la fermeture en trois ans de 900 usines, la chaîne économique est durement affectée. Le nom du ministère dont j’ai la charge implique presque une obligation de résultats. Le titre de « redressement productif », à la fois défi et hommage rendu à nos équipes, implique surtout la mobilisation de tous autour de la question industrielle et des capacités productives. Notre balance commerciale est, je le rappelle, déficitaire de 70 milliards : nous consommons de plus en plus ce que les autres produisent, et nous produisons de moins en moins ce que les autres consomment. Ce déséquilibre doit représenter pour nous tous un sujet de préoccupation.
Le « redressement productif » constitue également un hommage non dissimulé au grand président des États-Unis Franklin Delano Roosevelt, qui avait, en 1933, après l’effondrement qu’avait représenté la Grande Dépression de 1929, prononcé un discours marquant dans lequel il parlait de « redressement industriel national ». C’est donc une référence au New Deal, et aux idées de Keynes – membre de l’équipe du président Roosevelt – qui ont révolutionné le monde et sont toujours d’actualité.
Notre ministère a des exigences, porte une vision et développe une stratégie.
Ces dernières années, l’économie s’est mondialisée, sans que les peuples aient été étroitement associés à ce processus, sans qu’on les aide à réfléchir aux conséquences de cette mise en concurrence généralisée, multilatérale et uniforme des modèles sociaux, des niveaux de salaires, de la rémunération des capitaux, des fiscalités, et même des souverainetés. Des pays qui, en fonction de leur histoire et de leur géographie, ont fait des choix différents –certains ont des dépenses militaires, d’autres encore ont des services publics de haut niveau –sont ainsi mis en concurrence, comme s’ils vivaient tous sur le même palier ! Avec le rééquilibrage de l’Asie et les dégâts industriels que ce processus a causés dans le monde occidental anciennement industrialisé, vous voyez bien les difficultés que cela provoque
Les défis, pour notre continent et donc notre pays, sont absolument considérables. Les pays qui ont le mieux résisté à la crise, et ont parfois obtenu des résultats extraordinaires, sont ceux qui ont rassemblé les grands groupes, généralement transnationaux, c’est-à-dire la puissance privée, les PME, c’est-à-dire la puissance créatrice, et les pouvoirs publics, c’est-à-dire la souveraineté : je pense à l’Allemagne, à la Corée, à la Chine, et même d’une certaine façon aux États-Unis. Les pays où ces différents acteurs n’ont pas su s’unir se sont affaiblis.
J’appelle notre modèle actuel libéral-financier : libéral, au sens du laissez-faire le plus total, et financier, au sens où, dans les préférences collectives, la question financière a peu à peu suplanté celle de l’industrie et de la production. Ce modèle ne ressemble pas à celui qui a façonné l’histoire du capitalisme français, ni au célèbre modèle rhénan ; et il a causé beaucoup de dégâts.
Nous voulons, nous, évoluer vers un modèle de nature un petit peu colbertiste. Cela dit, Colbert n’a pas fait que de bonnes choses – il est, entre autres, l’auteur du code noir – et nous ne pouvons donc pas nous inspirer de toute son œuvre. Comme je l’ai fait devant la Conférence nationale de l’industrie, ouverte par le Premier ministre, je parle souvent de « colbertisme participatif » – même si, à l’époque de Colbert, il n’y avait pas de Parlement, pas de discussions dans la société, non plus que de société d’ailleurs ; il n’y avait que l’imperium unilatéral de l’État. Toutefois, il est juste de dire que l’idée de volonté de l’État doit être réhabilitée. L’État doit agir, la puissance publique doit se réarmer et assumer son leadership pour mobiliser les grands groupes, les PME, les territoires en vue d’une réindustrialisation.
Nous travaillons dans l’urgence, un peu comme des médecins urgentistes. Ainsi, dans le secteur des opérateurs téléphoniques, secteur dont Mme Fleur Pellerin a la charge, nous voudrions limiter, voire éviter la casse. Pour nous, tous les moyens sont bons pour faire renoncer aux décisions lorsqu’elles sont évitables – lorsqu’elles sont inéluctables, nous les assumons tous ensemble. Partout où nous pouvons faire l’économie de la destruction économique, industrielle et donc sociale, nous le faisons. Il faut pour cela user de toute la créativité possible, la nôtre, la vôtre. Les pays les plus mobilisés, les plus créatifs, s’en sont beaucoup mieux sortis que tous ceux qui ont fait preuve de conformisme : des solutions considérées il y a peu comme impensables, taboues, inimaginables, sont aujourd’hui inscrites à l’ordre du jour.
J’évoquerai maintenant plusieurs sujets.
Le premier est relatif à la compétitivité, aux conditions dans lesquelles nous nous battons pour défendre notre industrie. On nous parle beaucoup du coût du travail : c’est un facteur important, mais ce n’est pas le seul ! La compétitivité, c’est le prix des facteurs de production : le travail et la protection sociale ; le capital et sa rémunération ; l’énergie et son prix. J’ai eu l’honneur d’animer, avec M. Louis Gallois, ancien président d’EADS, ancien directeur général de l’industrie, ancien directeur de cabinet de Jean-Pierre Chevènement – qui fut lui-même un grand ministre de l’industrie au début des années 1980 –, l’un des ateliers de la grande conférence sociale imaginée par le Gouvernement. Nous nous sommes penchés sur la question de la compétitivité, en envisageant les trois facteurs de production. Pour le Gouvernement, il n’y a pas de sujet interdit ; tous doivent être examinés, quand nous les rencontrons. Le Premier ministre a confié une mission sur ce sujet à M. Louis Gallois, lequel rendra son rapport au mois d’octobre…
M. Lionel Tardy. Sur la compétitivité, ce sera le quarante-deuxième !
M. le ministre. C’est le premier ! Je suis sûr qu’il sera lu attentivement en Haute-Savoie. Je suis sûr que M. Gallois, qui est un homme prestigieux, saura, parce qu’il est estimé de tous, rassembler à la fois les syndicats et le patronat. Sur la question de la compétitivité, monsieur Tardy, il est plus important d’être rassembleur que diviseur.
Le deuxième sujet que j’aborderai est celui du financement de l’économie et du système financier et bancaire. Je ne reviens pas sur la destruction économique des dernières années. Le Gouvernement a le projet de créer les conditions d’un financement public de l’investissement des entreprises : aujourd’hui, celles-ci n’arrivent pas à se financer en utilisant le secteur bancaire, qui préfère des activités hautement spéculatives à d’autres, moins lucratives, mais plus utiles à un pays industrialisé comme le nôtre.
Nous allons donc voir comment drainer l’épargne des Français vers le financement des entreprises, notamment en privilégiant les circuits courts. Avec le livret d’épargne industrie, nous proposerons aux Français d’aider les PME – ces PME qui embauchent leurs enfants, leurs voisins, ces PME dont ils apprécient et consomment les produits, ces PME dont ils aiment les marques. Nous ouvrirons le chantier de l’assurance-vie, qui représente 1 600 milliards d’euros – dispositif qui bénéficie d’ailleurs d’une défiscalisation. À l’heure de la mondialisation, cet atout extraordinaire n’est-il pas sous-exploité ? Toutes ces questions seront traitées lors du débat sur la Banque publique d’investissement. Ce nouvel outil, que je piloterai avec Pierre Moscovici, sera pour nous le bras armé du redressement. Les territoires et les régions – qui disposent de la compétence économique – seront associés à ce travail ; pour cela, nous nous inspirerons du modèle financier allemand, organisé autour des Länder. Il faut faire évoluer le modèle de la banque universelle, qui a connu quelques déboires au cours de la crise des subprimes.
Le troisième sujet, c’est celui de la ressource énergétique et du prix de l’énergie. Tous les États émergents – ou depuis longtemps émergés – prennent le contrôle des gisements de matières premières. Souvent, les grandes entreprises transnationales sont marginalisées dans cette lutte pour le contrôle de cette richesse. C’est pour la France, comme pour les autres pays, un enjeu de souveraineté. La question des filières industrielles liées à l’énergie doit donc faire l’objet d’une attention particulière. Sur ce point, mon ministère, qui a la charge des mines et des matières premières, travaillera en liaison avec Mme Delphine Batho, ministre de l’énergie.
Le quatrième sujet que j’évoquerai concerne l’innovation. C’est un sujet sur lequel reviendra Mme Pellerin, première ministre officiellement chargée de la question de l’innovation. Il s’agit de l’un des enjeux pour lesquels le Gouvernement entend mobiliser les fonds publics, l’investissement privé, les territoires et les collectivités locales. Si nous n’inventons pas les technologies de demain, nous ne réussirons pas à fabriquer les produits de demain. Nous disposons de véritables atouts en matière scientifique et technologique, c’est même l’une de nos forces, l’un des éléments de notre rayonnement ; mais il nous faut réussir le passage vers la production et l’entreprise industrielle, et c’est l’un de nos points faibles. L’Allemagne, elle, a su créer la Fraunhofer-Gesellschaft. Nous souhaitons donc prendre des initiatives dans de nombreux domaines : crédit impôt recherche ; usage du grand emprunt – lequel est une bonne chose pour notre pays ; investissement technologique dans les territoires, domaine où nous devons rattraper notre retard ; pôles de compétitivité – que Mme Pellerin et moi considérons comme des atouts – pour lesquels les collectivités locales et les entreprises doivent continuer de se mobiliser pour en améliorer les performances. Nous souhaitons enfin débattre de la politique industrielle, de la commande publique.
Le cinquième sujet est celui de l’arbitrage, dans nos préférences collectives, entre le producteur et le consommateur – qui pourtant ne font qu’un. Ce dernier est devenu le roi moderne, mais le roi aveugle : en cherchant sa satisfaction exclusive, le consommateur nuit au producteur qu’il est pourtant aussi. En cette matière, nous devons faire le tri en ce qui résulte de la montée du low cost et ce qui n’en résulte pas, et dresser un bilan : la production de la Logan a été délocalisée dans les pays à bas coût, alors que c’est une voiture Renault ; il y a Easy Jet, et nous voyons où en est Air France ; Free offre certes une économie importante aux consommateurs, mais n’est-ce pas à courte vue dans la mesure où les organisations syndicales du secteur, celles des grands opérateurs téléphoniques comme celles des sous-traitants, nous annoncent des plans sociaux ? Bref, nous devons chercher un meilleur équilibre entre le producteur et le consommateur, et éduquer ce dernier pour qu’il prenne conscience qu’il est aussi acteur, citoyen, et producteur. Une étude du CREDOC parue il y a quelques mois montre que 60 % de nos concitoyens sont prêts à payer un peu plus cher – environ 5 % – si les biens qu’ils achètent sont fabriqués en France : il y a un désir de réconciliation entre le producteur et le consommateur, ces deux parties du cerveau de nos concitoyens.
Enfin, le sixième sujet que j’aborderai est celui de l’Europe. La bataille engagée par le Président de la République pour faire reculer l’austérité et faire émerger la préoccupation de la croissance passe aussi par la réorientation de la politique européenne de la concurrence et de la politique commerciale extérieure. Pouvons-nous continuer à vénérer des traités qui datent de 1957, qui ont été conçus à une époque où l’Europe se construisait et cherchait à s’homogénéiser, mais qui nous empêchent aujourd’hui de nous adapter à la compétition internationale, même déloyale ? Il faut poser la question de la réciprocité. Nombre de champions nationaux n’ont pas pu se constituer parce que les règles de la concurrence européenne sont trop tatillonnes, et des entreprises sont finalement tombées dans les mains d’autres entreprises dont les centres de décision se situent à des dizaines de milliers de kilomètres. Notre choix est évidemment de faire évoluer le bloc juridico-politique du droit de la concurrence européen, de l’assouplir pour permettre aux entreprises européennes de se défendre dans une compétition mondiale déloyale.
Voilà l’esprit dans lequel nous entendons agir pour redresser l’industrie de notre pays, pour nous rassembler autour de nos savoir-faire, de nos salariés, de nos territoires. Le travail que nous engageons est difficile. Jean-Paul Fitoussi, grand économiste, a écrit dans un ouvrage intitulé La règle et le choix : « L’Union européenne, c’est la vénération de règles, pour certaines d’ailleurs obsolètes, et pendant que nous vénérons ces règles, nous ne faisons pas de choix. » Nous préférerions, nous, défendre une souveraineté européenne partagée, plutôt que d’appliquer des règles qui, à l’heure de la mondialisation, nous affaiblissent. Sous notre impulsion, le modèle libéral-financier se transformera en modèle entrepreneurial, innovant, et patriotique.
(…)
M. André Chassaigne. Je commence par saluer les propos de M. le ministre. Le groupe de la gauche démocrate et républicaine ne se contentera pas de dire « chiche » ; nous voulons adopter une attitude résolument constructive.
Vous avez vous-même souvent évoqué la démondialisation. Lors d’un débat que nous avons eu ensemble à la Fête de l’Humanité l’an dernier, vous disiez : « La stratégie politique, économique, sociale des entreprises visant à faire d’autres choix que de défendre nos capacités industrielles peut être renversée par des sanctions économiques, des droits de douane, une stratégie ouvertement protectionniste ; nous devons dire à nos partenaires européens que le moment est venu de relocaliser un grand nombre de productions industrielles sur notre territoire ». Ces propos sont-ils toujours d’actualité ?
Quant à la banque de développement que vous envisagez, quel sera son périmètre ? S’agit-il seulement de créer un livret d’épargne industrie, ou bien comptez-vous aller plus loin en regroupant des banques existantes, en leur confiant des missions d’intérêt général dans le cadre du développement industriel ? C’est ce que nous avons appelé le pôle public : que pensez-vous de cette proposition ?
Selon quels critères pensez-vous réorienter le crédit ?
Ne pensez-vous pas qu’un développement des ressources énergétiques conforme à l’intérêt général rend nécessaire une maîtrise publique de ces ressources ?
Les pôles de compétitivité peuvent, c’est vrai, dans certains cas, aller dans la bonne direction. Mais, la plupart du temps – des rapports l’ont montré –, ils servent à drainer l’intelligence, la production, la technique vers de grands groupes multinationaux, sans servir suffisamment les PME. Comment le dynamisme des uns peut-il servir le développement des autres ?
Il faut poser la question du pouvoir d’achat. Si l’on a joué continuellement sur la baisse des coûts, c’est parce qu’il y avait une volonté politique de ne pas augmenter le pouvoir d’achat, notamment les salaires. Que comptez-vous faire sur ce point ?
Enfin, s’agissant du « fabriqué en France » – question cruciale –, pensez-vous reprendre une mesure contenue dans un texte dont nous avions commencé à débattre lors de la législature précédente, qui portait sur l’indication géographique protégée et sur le marquage d’origine pour les produits industriels, comme cela existe pour les produits agricoles ?
(…)
M. le ministre. Monsieur Fasquelle, il n’y a pas de chevauchement dans les intitulés des ministères. Je veux souligner que, pour la première fois dans l’histoire du ministère de l’industrie, nous disposons de l’autorité conjointe sur l’Agence des participations de l’État : cela nous permet d’être présents dans les conseils d’administration, sachant que nous attachons un grand prix à ce que les décisions prises soient en conformité avec les intérêts industriels de la nation. L’État devient une autorité active en matière industrielle, et nous comptons bien mettre notre nez dans les affaires des entreprises publiques comme des entreprises privées à participation publique, majoritaire ou minoritaire. Ainsi, j’ai interrogé Thales.
S’agissant du crédit impôt recherche, nous souhaitons le sanctuariser, car il est efficace, quitte à l’ajuster à la marge. Cela ne passe pas forcément par une évolution législative ou réglementaire, mais cela passe plutôt par une évolution de la pratique. Ainsi, nous voulons exclure les banques et les assurances : les contribuables n’ont pas à payer pour le laboratoire d’ingénierie financière de BNP-Paribas, ce que j’ai d’ailleurs dit aux dirigeants de ce groupe. Nous préférons utiliser cet argent pour les PME, pour l’innovation industrielle et technologique. Chacun ici, je crois, en sera d’accord.
Nous souhaitons renégocier les pôles de compétitivité. Je l’ai indiqué aux présidents de région : là où cela va bien, nous voulons nous engager plus avant ; là où cela ne va pas, il ne faut pas décourager les territoires mais les stimuler. Nous allons travailler en ce sens.
Je me suis exprimé sur la question du nucléaire devant la Conférence nationale de l’industrie : c’est une industrie importante, à laquelle la nation a renouvelé sa confiance. Elle doit donc perdurer, et elle a vocation à exporter. Nous devons faire évoluer notre mix énergétique, en investissant dans les énergies renouvelables car nous sommes en retard dans ce domaine, en trouvant de nouvelles sources d’énergie ; mais nous n’abandonnons pas notre industrie nucléaire, à laquelle nous croyons.
Beaucoup d’entre vous m’interrogent sur les outils dont nous disposons dans la mondialisation. L’Union européenne a beaucoup à faire pour apprendre ce que tous les autres continents, toutes les grandes nations industrielles pratiquent : ils utilisent tous les procédés que l’Europe nous interdit : les aides d’État, les manipulations monétaires, les concentrations excessives, les fonds souverains… La réciprocité, qui figurait il y a quelques jours pour la première fois dans le relevé de conclusions du Conseil européen, doit maintenant être transposée dans le droit. Je viens d’ailleurs d’écrire au Conseil de compétitivité, conseil des ministres de l’industrie de l’Union, pour proposer d’inscrire la réorientation de la politique de la concurrence et de la politique commerciale extérieure à l’ordre du jour de nos débats.
Nous sommes, à vingt-sept, la première puissance économique mondiale, avant les États-Unis, avant la Chine, et nous devrions nous soumettre aux règles imposées par les autres ? C’est absurde ! Défendons mieux nos intérêts. Les Chinois font pression pour que nous renoncions à la taxe carbone aéronautique ; sur ce point, nous ne devons pas faire preuve de la moindre faiblesse. Il s’agit d’une régulation environnementale, et nous posons nos propres règles face au reste du monde
Le Gouvernement prendra, de plus en plus souvent, des mesures de protection dans certains secteurs de l’industrie où nous sommes particulièrement déstabilisés par la mondialisation déloyale – je n’en dis pas plus car les arbitrages ne sont pas rendus. J’indique que M. Serge Guillon, auteur – avec M. Yvon Jacob, que j’ai renouvelé dans ses fonctions d’ambassadeur de l’industrie – d’un rapport intitulé « Pour lutter contre la mondialisation déloyale », est devenu secrétaire général des affaires européennes. Nous voulons construire une stratégie de réciprocité : ce que d’autres s’autorisent, nous voulons pouvoir le faire aussi, et nous demanderons pour cela à Bruxelles de modifier ses normes tatillonnes. C’est, si j’ose dire, la démondialisation en acte.
Monsieur Chassaigne, vous avez raison de poser la question de la maîtrise publique des ressources énergétiques. Nous en débattrons lorsque, avec Mme Batho, nous réformerons le code minier. Les États doivent bien sûr conserver la maîtrise des technologies d’extraction, ne serait-ce que pour garantir la transparence, la démocratie et le partage de la richesse.
Monsieur le président, le Gouvernement prévoit effectivement de déposer un texte qui permette de faire reprendre, par voie de justice, un site industriel rentable qu’un industriel voudrait fermer, stériliser, dès lors qu’un repreneur se manifeste. Ces situations sont très fréquentes sur notre territoire : finalement, ce sont des délocalisations déguisées ; l’industriel va produire ailleurs pendant que l’État paye la destruction de l’emploi, en finançant des plans sociaux, l’accompagnement, et que les sites industriels sont abandonnés. Nous n’acceptons pas cette logique, qui est celle d’intérêts financiers privés et non celle de l’intérêt général, et nous voulons donc un rééquilibrage. Certains industriels ont argué de la pression des agences de notation ; eh bien, maintenant, ils subiront aussi la pression des pouvoirs publics, et cela fera un équilibre ! Ils devront choisir, et ils choisiront, je crois, l’intérêt national.
Nous défendons l’esprit patriotique, et c’est comme cela que nous redresserons ce pays.
(…)
M. le ministre. Monsieur Moreau, l’Union européenne s’est construite sur les principes de liberté du commerce et de l’industrie et de libre circulation des capitaux. Le traité de Lisbonne, en instaurant, au rang de ses principes, la concurrence libre et non faussée a accentué l’idée selon laquelle l’UE devait se fixer pour objectif l’accroissement de la liberté commerciale au-delà de ses frontières. Cette direction a été suivie à tel point que l’ensemble des politiques engagées ces dernières années ont été de nature libre-échangiste. Un accord de libre-échange vient ainsi d’être signé avec la Corée du Sud dont une des principales dispositions prévoit l’abaissement, chaque 1er juillet, de 2 % des droits de douane. Inverser ce mouvement requiert donc une expression politique que le Gouvernement français souhaite porter. Ainsi, le Président de la République a mis à l’ordre du jour du dernier Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement la question de la réciprocité. Il s’agit maintenant de traduire cette volonté dans le droit de l’Union, ce qui ne pourra être accompli qu’au terme d’une longue bataille. Nous allons demander à la Commission européenne l’application des règles de protection dans les secteurs et pour les filiales qui connaissent une déstabilisation. Cette politique ne diffère en rien de celle conduite partout ailleurs dans le monde. Nous allons également défendre l’adoption de la taxe carbone qui traduit un choix de vie privilégiant des préférences environnementales que d’autres régions du monde ne partagent pas.
Au demeurant, l’Europe est l’un des plus grands marchés mondiaux. Son déficit commercial avec la Chine s’élève, certes, à 150 milliards d’euros – dont 27 milliards d’euros pour la France et 22 milliards pour l’Allemagne, pourtant présentée comme un modèle –, mais il traduit le fait que l’Union est l’un de principaux clients de ce pays, ce qui lui confère une influence auprès de ce dernier pour demander un rééquilibrage des relations commerciales.
En ce qui concerne la question du gaz de schiste, elle sera abordée lors de la conférence environnementale qui se tiendra à l’automne prochain. L’exploitation des gaz de schiste pose des problèmes environnementaux et démocratiques sérieux. Des évolutions technologiques sont possibles mais la nation doit choisir sa politique en la matière en toute transparence.
M. Herth peut être rassuré sur ma proximité de pensée avec le Président de la République. Je suis également en phase avec mes collègues du Gouvernement. M. Hugo Chavez est une référence négative dans mon esprit mais nul n’est besoin d’invoquer son exemple pour se rendre compte que la puissance publique a toute légitimité pour se pencher sur le contrôle des ressources naturelles. C’est ce que font d’ailleurs l’Allemagne, le Japon ou les États-Unis. Ma position personnelle est de défendre le contrôle par l’État – je l’ai dit aux dirigeants de l’industrie pétrolière française – des ressources naturelles du pays. Cette question sera au cœur de la réforme du code minier.
Dans le dossier Fralib, je tiens tout d’abord à rendre hommage à la lutte sociale. Des ouvriers et des cadres de cette entreprise ont été méprisés pendant 600 jours. Ils souhaitaient simplement la faire vivre et avaient élaboré un projet de société coopérative et participative, une Scop. Le Gouvernement a tout d’abord insisté pour que soient reconnues l’existence et la dignité de cette lutte sociale afin de faire comprendre à Unilever, qui possède cette unité de production d’ensachage de thé, qu’il était préférable de dialoguer. Ce groupe a accepté la discussion et a retiré les poursuites qu’il avait engagées contre certains salariés. Je remercie Unilever de ce changement d’attitude ainsi que d’avoir laissé sur le site les machines dont les salariés et les collectivités locales sont dorénavant propriétaires. Les conditions pour atteindre un bon compromis sont donc maintenant réunies. Notre objectif est que les salariés retrouvent un travail. Dans cette optique et avec l’aide de l’AFII, nous étudions l’implantation de projets extérieurs sur le site de Gémenos. Je regrette que cette démarche d’apaisement du conflit et de recherche d’une solution n’ait pas été conduite plus tôt.
Ces dernières années ont été marquées par une forte instabilité fiscale. Nous souhaitons rompre avec cette politique et stabiliser l’environnement dans lequel évoluent les entreprises. Le dispositif du crédit d’impôt recherche fonctionne bien. Des ajustements peuvent être débattus au Parlement mais nous privilégions le maintien de l’économie générale de ce crédit d’impôt.
Nous sommes très confiants dans le processus d’industrialisation du véhicule électrique que mène Renault. Il s’agit là d’un projet avant-gardiste qui va se concrétiser dans le modèle Zoé dont la sortie des usines de Flins est prévue dans les prochaines semaines. Le développement de cet avantage comparatif doit être soutenu par la puissance publique de même que notre marche vers l’hybride et l’électrique. Quant à la localisation des sites de production, elle se situe au cœur de nos préoccupations : au reste, un audit des difficultés existantes a commencé avec le directoire de Renault.
S’agissant de notre politique fiscale, vous n’ignorez pas, monsieur Taugourdeau, que le Gouvernement a hérité d’une dette publique écrasante. Puisque nous ne pouvons ni vivre ni financer notre protection sociale à crédit, nous sommes contraints de conduire une politique courageuse de redressement des comptes publics dont nous aurions aimé que nos prédécesseurs l’aient engagée.
Le groupe Rio Tinto Alcan a pu mener, grâce à une décision de la Commission européenne, une OPA hostile sur le groupe Péchiney il y a quelques années. Des regrets peuvent être exprimés sur la réalisation de ce rachat, la Commission européenne ayant refusé, dans un premier temps, que Péchiney puisse acquérir Alcan. Notre but est le maintien de cette activité industrielle rentable. La France importe la moitié de l’aluminium dont elle a besoin, situation inacceptable dans le pays qui a, le premier, en 1906, développé l’utilisation industrielle de l’aluminium. Si, dans le dialogue qui va s’ouvrir avec Rio Tinto, il apparaissait que ce groupe souhaitait ne plus posséder cette usine, nous tâcherions de trouver une solution alternative afin que le site puisse continuer de fonctionner. L’inquiétude que vous nourrissez, madame Santais, pour l’avenir de la filière aluminium et le maintien de la production sur le site de Dunkerque est légitime quand on constate le démantèlement des implantations du groupe Péchiney sur le territoire national : elles appartiennent souvent à des fonds d’investissement étrangers dont les préoccupations divergent, pour le moins, des nôtres. À nous d’imaginer la constitution d’un groupe d’aluminium français, voire européen.
(…)
M. le ministre. Les fils du dialogue sont en passe d’être repris dans le dossier de L’Union de Reims. Le CIRI travaille activement à la résolution du blocage actuel.
Tous les pays européens qui disposent encore d’une industrie subissent actuellement des dégâts considérables. Il est temps de les fédérer, et nous devons donc être audacieux et refuser le statu quo. Toutes les unions douanières régionales ont contrebalancé la mise en place d’une libéralisation commerciale et d’une harmonisation juridique à l’intérieur par le développement de protections vis-à-vis de l’extérieur. L’Union européenne se distingue par une double ouverture, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. Voilà pourquoi la réorientation de la construction européenne est au cœur de notre politique diplomatique et économique. C’est la cause que je plaiderai inlassablement dans les conseils des ministres de l’industrie.
Le médiateur de la relation inter-entreprises a réalisé un bon travail et je l’ai renouvelé dans ses fonctions. À mes yeux, il a créé une agence de notation informelle des donneurs d’ordres. Cela me paraît très utile qu’un peu de crainte puisse être distillée dans les directoires et les comités exécutifs par la parole publique de M. Jean-Claude Volot. Ce dernier a tout mon soutien et son pouvoir sera élargi.
Des sénateurs ont déposé une proposition de loi sur la sous-traitance automobile. Cette initiative nous paraît prématurée. Nous attendons en effet que la Conférence nationale de l’industrie, chargée d’émettre des propositions avec, fait nouveau, les régions et les partenaires sociaux, les porte à notre connaissance. Nous déciderons alors si une intervention législative ou réglementaire est nécessaire. Pour l’instant, l’État se concentre dans la correction, au cas par cas, des abus de position dominante. Des commissaires au redressement productif ont été nommés. Ils bénéficient, pour l’accomplissement de leur mission, du concours des services de l’État y compris les médiateurs du crédit et de la sous-traitance. N’hésitez pas, mesdames et messieurs les députés, à nous saisir : toute la nation doit être mobilisée pour défendre son tissu industriel.
En ce qui concerne la situation de l’entreprise Doux, M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, et M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire, ministres pilotes de ce dossier avec notre soutien, veillent à améliorer l’offre du consortium des coopératives qui vise à reprendre l’essentiel de l’activité de la société de M. Charles Doux. Cette procédure est délicate, d’autant plus qu’elle est gérée par un tribunal de commerce, ce qui induit de nombreuses difficultés.
Au sujet d’Arcelor Mittal, j’ai nommé un expert qui m’accompagne notamment au cours des visites que j’effectue en Belgique et au Luxembourg. Le Gouvernement luxembourgeois considère également qu’Arcelor Mittal ne respecte pas les accords qu’il a contractés. J’ai donc indiqué au directoire de ce groupe que les États européens sur les territoires desquels des sites de production étaient fermés souhaitaient s’organiser pour résister à la mise en œuvre de mesures négatives. M. Faure, vice-président du conseil général des mines, rendra un rapport le 27 juillet prochain, qui contiendra des propositions de solution. Sur la base de ces pistes de réflexion, viendra ensuite le temps de la discussion avec les organisations syndicales et la direction d’Arcelor Mittal. Nous souhaitons évidemment le maintien de l’activité chaude et froide à Florange.
La Commission européenne a certes sélectionné le projet Ulcos mais ne l’a pas placé au sommet de ses préférences. À nous de défendre ce projet auprès d’elle.
Les réponses aux questions posées sur l’avenir du véhicule électrique et du secteur de la sous-traitance seront apportées par le plan automobile que je présenterai au conseil des ministres du 25 juillet prochain.
Pour ce qui est de la question de l’industrialisation des territoires comme celui de la Martinique, tous les biens de consommation ne peuvent pas être produits sur place mais le développement de coopérations avec les régions limitrophes pourrait être encouragé. La limitation de la dépendance et le rapprochement des lieux de production avec ceux de consommation font partie des chantiers que je serai heureux de mener avec M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, et l’ensemble des élus concernés.
La mission de préfiguration de la BPI devrait s’achever avant le mois d’août et le projet de loi devrait être rédigé avant le mois de septembre afin que la BPI puisse fonctionner avant la fin de l’année. Nous voulons aller vite car la création de cet outil de financement de l’économie est attendue par tous les acteurs et notamment par les PME. Notre souhait est d’associer les régions, si ce n’est au capital de la BPI, tout au moins à la prise de décision à l’échelon national comme local. Cette question sera débattue au Parlement.
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M. le ministre. La première action à mener pour inciter à acheter français est de vanter la qualité des produits hexagonaux. Nombre d’organisations syndicales défendent l’idée d’une traçabilité des produits, traçabilité passant notamment par l’indication, sur les étiquettes, des atteintes aux droits sociaux et environnementaux commises dans le pays de fabrication. Les grands pays protectionnistes n’édictent d’ailleurs jamais de lois, ils favorisent le développement du réflexe patriotique.
Nous allons, en effet, madame Got, nous investir dans le dossier de l’usine Ford à Blanquefort afin que le préfet et les acteurs locaux ne soient pas isolés.
Monsieur Habib, je vous remercie pour votre hommage. S’agissant de l’acceptabilité industrielle, nous devons promouvoir les métiers de l’industrie. Les usines ont eu, pendant des années, mauvaise presse ; à tel point que la classe dirigeante vantait l’émergence d’une économie de services et l’existence d’une France sans usines. Le résultat de ce dédain est que l’industrie ne produit plus que 13 % de la richesse nationale et que nous sommes dépendants du monde entier. Dans le chantier de la reconstruction de notre industrie, l’acceptabilité par les populations est un élément important, et je suis preneur d’un travail parlementaire sur ce sujet.
Une circulaire définissant le périmètre des prérogatives des commissaires au redressement productif a été publiée. Leur action peut se comparer à celle du CIRI pour les 3 500 entreprises de plus de 400 salariés même si, en l’espèce, 3,5 millions de PME sont concernées. Vous pouvez échanger des informations avec les commissaires même si une exigence de confidentialité peut être avancée pour certains dossiers. Ils sont au service de la défense des outils industriels au plan local en liaison avec les créanciers, les actionnaires, les partenaires sociaux et les élus.
Je répondrai ultérieurement à la question de Mme Fabre.
L’avantage fiscal accordé aux épargnants qui souscrivent une assurance-vie ne va pas être remis en cause, mais il doit être accompagné de contreparties de la part des compagnies d’assurance en matière d’investissement.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. M. Jean-Charles Taugourdeau m’a interrogée sur la situation de Technicolor, ce qui renvoie au problème plus général des sous-traitants et des donneurs d’ordres. Thomson- Technicolor a une longue histoire industrielle. Son site d’Angers, avec 350 emplois, est menacé depuis plusieurs années, étant confronté à la concurrence internationale, spécialement asiatique. Cette menace s’est récemment aggravée à la suite de la décision de la Commission européenne d’abaisser les droits de douane sur les décodeurs télévisuels et du fait de l’annulation soudaine d’une importante commande pour non respect des délais de développement d’un produit. Le Gouvernement est intervenu dès la mise en redressement de l’entreprise. Les relations étaient bloquées entre l’intersyndicale et la direction de Technicolor ; nous avons donc immédiatement mis en place un groupe de travail permettant de renouer le dialogue. Nous cherchons en priorité une solution de reprise pérenne afin de préserver l’emploi dans le cadre d’une reconversion, et plusieurs réunions de travail se sont tenues à cet effet – la prochaine aura lieu vendredi prochain à Bercy. En liaison avec la région, l’État continue de se mobiliser sur ce dossier. Connaissant bien le tissu économique local et les possibles repreneurs, le commissaire au redressement productif exerce sur place un rôle très important, assistant les porteurs de projets éventuels.
M. Yannick Moreau m’a interrogée sur l’accès aux marchés publics et sur la préférence nationale. Notre réflexion en ce domaine s’oriente vers les moyens d’assurer un meilleur accès des PME aux commandes publiques, de l’État comme des collectivités locales, car leur place ne correspond pas à leur poids dans l’économie. Les PME constituent un facteur important d’innovation et nous souhaitons donc rééquilibrer les choses en leur faveur. Nous envisageons dans ce but des formules telles que la fixation d’un seuil d’achat innovant pour l’ensemble des marchés publics ou la création de concours à l’image de ce qui se pratique aux États-Unis : l’État soumet un problème à des entreprises, qui proposent une solution, et il achète celle qui est retenue.
Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Damien Abad ont évoqué les relations entre donneurs d’ordres et sous-traitants. Depuis plusieurs mois, une dynamique de collaboration semble s’être instaurée entre les grandes entreprises et les PME. Je souligne ici la réussite de la médiation conduite par M. Jean-Claude Volot : plus de 537 dossiers ont ainsi été reçus, représentant plus de 1,6 million d’emplois, avec un taux de succès de l’ordre de 80 %. Nous soutenons également, et financièrement, des initiatives privées comme celle de l’association Pacte PME. Les choses évoluent : plusieurs grands groupes ont, au cours des derniers mois, remis à plat leur politique d’achats dans le cadre d’un « co-développement » avec leurs fournisseurs. Pour autant, les relations interentreprises restent une préoccupation majeure : les entreprises au comportement vertueux restent encore minoritaires. L’essentiel du chantier est encore devant nous.
La question des délais de paiement a été soulevée par plusieurs commissaires. Après s’être améliorée au cours des deux dernières années, la situation se dégrade de nouveau. Il nous revient donc de veiller à ce que la loi soit respectée. Une plus grande présence des PME dans les commandes publiques pourrait également améliorer les choses.
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