Première séance du mardi 28 octobre 2014
Questions au Gouvernement
Drame de Sivens
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Drame de Sivens / agriculture intensive… par andrechassaigne
M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, terrible drame que la mort du jeune Rémi Fraisse alors qu’il défendait ses convictions face au projet de construction du barrage de Sivens. Aucun projet d’aménagement, quelle que soit sa vocation, ne peut justifier de telles violences et la mort d’un jeune adulte. Vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre : toute la lumière doit être faite sur les causes de ce drame.
Mais il est consternant qu’il ait fallu, après des mois de mobilisation, la mort de ce jeune homme pour prendre enfin en considération les motifs d’opposition à ce projet. Ce drame aurait pu être évité en privilégiant le dialogue plutôt que l’usage de la force. Il est tout aussi consternant d’apprendre, seulement après le début des travaux, les conclusions d’un rapport d’expertise qui remet clairement en cause la pertinence de ce projet au regard de son objectif de soutien à l’agriculture intensive.
Monsieur le Premier ministre, cette situation est d’abord le fruit des carences de l’État dans le débat public et dans l’évaluation des projets agricoles. Aujourd’hui même, neuf militants de la Confédération paysanne sont poursuivis pour avoir manifesté leur opposition au projet industriel de la ferme des « Mille vaches ». Ce projet, lui aussi, est la concrétisation d’un modèle agricole capitaliste ultra-productiviste. Là encore, des militants syndicaux n’ont fait que défendre des convictions, que nous partageons depuis toujours, en refusant un modèle agricole qui se construit au détriment de l’agriculture paysanne et au détriment de la transition écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
Monsieur le Premier ministre, ces deux mobilisations sont l’expression d’un même problème : celui de l’industrialisation de l’agriculture, soutenue par les politiques de libéralisation européennes.
M. Christian Jacob. Mais non !
M. André Chassaigne. Qu’entendez-vous faire pour remettre en cause tous les projets qui symbolisent avant tout l’échec de la réorientation de notre modèle agricole ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit le Premier ministre à propos des événements que vous évoquez s’agissant du barrage de Sivens. Mais vous avez, dans votre question, abordé un sujet de fond : quel sens donner à l’agriculture aujourd’hui ? Vous avez été l’un de ceux qui ont le plus participé à la construction de la loi d’avenir pour l’agriculture. Vous savez que celle-ci fixe des objectifs agro-écologiques pour l’ensemble de l’agriculture et, pas plus tard qu’hier, j’ai remis les trophées de l’agriculture durable à des exploitations agricoles dont une correspond à la fois en termes d’organisation – c’est un groupement agricole d’exploitation en commun, autrement dit un GAEC – et en termes d’objectifs – l’agro-écologie – au modèle que nous devons promouvoir. On ne peut résumer la conception globale de l’agriculture à ce qui se passe dans deux endroits.
Je vous rappelle aussi que la réforme de la politique agricole commune a été négociée, y compris les objectifs de verdissement de cette politique, la reconnaissance de l’organisation collective des agriculteurs au travers des GAEC, la mise en place, après un long débat, de paiements majorés pour les cinquante-deux premiers hectares,…
M. Christian Jacob. Une catastrophe !
M. Stéphane Le Foll, ministre. … justement pour assurer à notre agriculture un élément essentiel : elle doit rester avec des agriculteurs, avec des paysans. Par conséquent, si le débat est possible et dans le cadre du respect du droit, le projet que nous devons soutenir est celui qui a été négocié à l’échelle européenne et que nous avons discuté lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture. On ne peut pas confondre ce que nous allons continuer à faire avec des sujets particuliers même si, j’en suis parfaitement conscient, ils sont importants et nécessitent, eux aussi, des débats et des corrections à apporter. Il faut voir l’ensemble de la question et pas uniquement des aspects liés à l’actualité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)