07-11-2004

Examen des crédits du Plan pour 2005

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La Commission a ensuite examiné les crédits du Plan pour 2005.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis des crédits du Plan pour 2005, a rappelé qu’il avait estimé que les crédits du Plan pour 2004 traduisaient la renonciation du Gouvernement à une vraie politique de planification. Il a estimé que le budget du Plan pour 2005 confirmait doublement cette tendance, d’une part, parce que les crédits du Plan sont en baisse et d’autre part, parce que le périmètre du Plan est lui-même réduit. Aussi a-t-il qualifié ce budget de budget d’abandon estimant que cet abandon était d’autant plus regrettable que le contexte économique actuel devrait au contraire inciter l’Etat à mieux prévoir et mieux anticiper les mutations de nos cycles économiques par une planification adaptée.

S’agissant des crédits du Commissariat Général du Plan et des organismes qui lui sont rattachés, il a indiqué qu’ils s’établissaient à 18,48 M€. Il a souligné le caractère drastique de la baisse de 25,16 % qu’ils subissaient par rapport à la loi de finances pour 2004.

Il a rappelé que cette baisse s’expliquait en partie par une mesure dite « de périmètre », les subventions de l’Etat à trois organismes de recherche étant transférées à d’autres budgets. Il a rappelé que le CREDOC (Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de vie) était désormais rattaché à Bercy ; le CEPREMAP (Centre d’Etudes Prospectives d’Economie Mathématique Appliquées à la Planification) au ministère de la Recherche et l’OFCE (Observatoire Français de la Conjoncture Economique) au ministère de l’Education nationale. Il a toutefois jugé que, même dite « de périmètre », cette mesure n’était pas neutre. Admettant que certes, l’OFCE, le CEPREMAP et le CREDOC continueraient à fonctionner, il a vivement regretté le fait que les réseaux du Plan soient ainsi démantelés. Il a estimé que ce démantèlement traduisait le renoncement de l’Etat à se doter d’un pôle cohérent d’analyse prospective et de planification.

A ce sujet, il a rappelé que l’intérêt pour l’Etat de disposer d’un tel pôle était précisément de donner à la planification comme à la prospective une dimension pluridisciplinaire : au CREDOC la sociologie, au CEPREMAP les mathématiques et la sociologie quantitative, à l’OFCE la macro-économie. Il en a donc conclu que le démantèlement de ce réseau signifiait non seulement l’abandon d’une planification digne de ce nom, mais aussi l’appauvrissement méthodologique de la prospective de l’Etat stratège.

Revenant sur les crédits du Plan, il a indiqué qu’à périmètre constant, ils étaient également en baisse.

Il a souligné que cette baisse touchait d’abord les moyens des services, en recul de 2 %. Constatant la diminution de 5 % des crédits de fonctionnement du Commissariat au Plan et de ses organismes, il a concédé que les précédentes coupes dans ces crédits de fonctionnement avaient pu inciter le Plan à rationaliser sa gestion courante, mais a estimé qu’il n’y avait, aujourd’hui, plus de marges d’économies dans le fonctionnement courant du Plan.

Il a ensuite indiqué que les effectifs du Plan perdaient 6 emplois, soit 3 % de l’effectif total, 4 emplois budgétaires étant supprimés et 2 autres transférés à l’Agence pour le Développement de l’Administration Electronique. Il a ensuite estimé que la suppression de ces emplois ne devait pas faire oublier la gestion de ceux qui restent, gestion qu’il a jugé discutable. Après avoir indiqué qu’il avait déjà émis les plus vives réserves sur la politique de recrutement de contractuels plutôt que d’agents titulaires, il a estimé qu’aucun progrès n’avait été accompli en la matière, ce qu’il a jugé regrettable à plusieurs titres : les modalités de recrutement des experts extérieurs ne sont pas aussi claires que celles des titulaires ; ces contractuels n’ont pas le temps de se forger une véritable expérience ni de s’adapter à la culture de la planification ; rappelant que la loi du 3 janvier 2001, relative à la résorption de l’emploi précaire dans la fonction publique fixait comme objectif pour l’Etat d’éviter le recours aux contractuels en dehors des tâches ponctuelles, il a enfin estimé que la gestion du Plan faisait peu de cas de ce principe légal.

Il a précisé que la baisse du budget du Plan n’épargnait pas les crédits d’intervention, qui permettent de financer des organismes de recherche puisqu’ils baissent de 8 %, qu’il s’agisse de la dotation de l’IRES (institut de recherches économiques et sociales) ou des diverses subventions versées pour des soutiens ponctuels à divers organismes de recherche.

Il a enfin indiqué que cette baisse touchait aussi les crédits d’investissements alors qu’ils sont particulièrement utiles, car ils permettent au Plan de s’associer les services de chercheurs universitaires ou étrangers.

Après avoir indiqué que la baisse des crédits était donc générale, il a relevé que le Gouvernement l’expliquait par le recentrage du Plan sur la « prospective de l’Etat stratège », notion dont il a souligné le caractère sibyllin. Il a ensuite estimé que la planification avait ceci de commun avec la prospective qu’elle ne pouvait être utile et sérieuse que si elle s’appuyait sur des travaux de recherche pertinents.

Notant que la politique économique actuelle avait tendance à subir les crises, ponctuelles comme structurelles, de nos économies mondialisées, il a illustré le caractère dommageable du manque de planification par deux exemples concrets : les restructurations industrielles et les grandes infrastructures de fret.

Pour ce qui est des restructurations industrielles, il a estimé que l’Etat intervenait tel un pompier, ne mettant en place ses dispositifs d’aide (contrats de sites et de territoires notamment) qu’une fois que la crise avait éclaté. Il a rappelé que l’intérêt du Plan était, a contrario, de détecter les crises, de les anticiper et de les prévenir. Il a estimé que c’était là le rôle d’un Etat qui serait « stratège » et que les moyens d’une telle politique n’étaient pas donnés au Plan.

S’agissant du « plan fret » de la SNCF, il a estimé que la SNCF cherchait à s’adapter aux circonstances, au fil du temps et sans stratégie délibérée pour la guider. Il a estimé que la politique de densification des lignes de fret ne constituait pas une véritable stratégie de développement du fret ferroviaire à moyen et long terme. Là encore, il a jugé que l’élaboration d’une stratégie concertée de développement du fret serait du ressort du Plan si celui-ci n’était pas vidé de ses moyens, année après année, tant en termes de crédits de fonctionnement qu’en termes de crédits d’investissement.

Concluant son propos, il a estimé que pour toutes ses raisons il ne pouvait qu’appeler la Commission à émettre un avis défavorable sur les crédits du Plan pour 2005.

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Revenant sur l’intervention du Rapporteur, le président Patrick Ollier a rappelé que ces questions lui tenaient particulièrement à cœur, dans la mesure où il avait exercé lui-même les fonctions actuelles de M. André Chassaigne sous la précédente législature.

Il a ensuite estimé que l’Etat ne renonçait pas à la planification mais qu’il en modernisait les objectifs. A ce propos, il a reconnu que l’heure n’était plus aux grands plans quinquennaux, mais il a jugé que la planification se concentrait désormais sur les études prospectives dont il ne faut, selon lui, pas occulter l’importance.

Il a ensuite indiqué que si les moyens de fonctionnement du Plan connaissaient un tassement général de 2 %, les moyens de fonctionnement du Commissariat général du Plan stricto sensu augmentaient de 15,12 %. Il en a conclu que l’on ne pouvait pas réellement parler d’abandon complet du Plan.

En outre, il a rappelé que la planification n’avait pas disparu et était devenue plus territoriale, les contrats de plan Etat-région mobilisant 40 milliards d’euros. Il a relevé par ailleurs que la planification pouvait être sectorielle : il a cité en exemple le plan de développement des infrastructures de transport à l’horizon 2025.

Enfin, il est revenu sur les propos du rapporteur concernant le « plan fret » de la SNCF. Administrateur de la SNCF lui-même, il a estimé que le « plan fret » connaissait ses premiers succès et a jugé que le bon déroulement de ce plan était toutefois plus entravé par le déclenchement de grèves locales que par le manque d’études stratégiques et prospectives.

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Revenant sur les remarques des différents intervenants, le président Patrick Ollier a relevé le consensus de la Commission sur la nécessité d’élaborer une vision d’avenir pour la France. Il a rappelé qu’il avait proposé d’instaurer, au sein de la Commission, des séances mensuelles de débats sur les questions économiques : les jeudi de l’économie. Il a, en conclusion, suggéré à M. Léonce Deprez et aux autres orateurs d’exprimer en séance publique leurs propositions pour le Plan.

Contrairement aux conclusions de M. André Chassaigne, rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du Plan pour 2005.

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Pour en savoir plus : Site de l’Assemblée

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