18-05-2004

Explication de vote

EXPLICATION DE VOTE

PROJET LOI ORGANIQUE AUTONOMIE FINANCIERE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

ANDRE CHASSAIGNE. 18 MAI 2004

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, chers collègues,

Ce projet de loi organique constitue la première déclinaison financière du projet général de décentralisation. Il s’inscrit dans le réaménagement de l’architecture institutionnelle et administrative de la République. Ce simple aspect suffirait à justifier notre hostilité.

Avec cette décentralisation, je le répète puisque toute pédagogie suppose répétition, vous cherchez avant tout à adapter nos institutions républicaines aux critères d’efficacité définis par votre idéologie libérale. Votre but est d’affaiblir, dans une Europe des régions, tous les contrepoids existant, aujourd’hui, au règne sans partage des logiques de domination capitaliste. Aussi, toute déclinaison de ce projet, aussi partielle soit-elle, ne recueillira l’assentiment des députés communistes et républicains.

En outre, ce texte sibyllin comprend suffisamment de dispositions pour susciter, en lui-même, notre franche opposition.
D’abord, nous ne partageons pas votre conception de l’autonomie financière. Vous signifiez que la libre administration est garantie à partir du seul moment où les ressources des collectivités territoriales sont, de façon déterminante, constituées de ressources propres, c’est-à-dire pour l’essentiel d’impôts.

Mais la libre administration des collectivités territoriales nécessite avant tout qu’elles disposent de marges de manœuvre pour utiliser leurs recettes fiscales. Qu’elles aient la faculté de fixer elles-mêmes les orientations politiques du territoire dont elles ont la charge. Ce n’est pas par leurs seules compétences obligatoires que les collectivités affirment leur libre administration… Mais bien davantage par les initiatives particulières, adaptées aux spécificités et besoins locaux, qu’elles sont amenées à prendre. C’est pourquoi, même en transférant des impôts nationaux aux collectivités territoriales, vous affectez profondément leur libre administration, avec le transfert autoritaire de compétences obligatoires.

D’autant plus que, nous avons toute raison de penser, malgré vos engagements, que les compensations financières ne couvriront pas, dans la durée, l’évolution des dépenses liées à ces transferts. Vous avez d’ailleurs rejeté tous nos amendements visant à garantir une croissance des compensations correspondant à l’évolution des dépenses.

D’autre part, ce texte s’attache exclusivement à clarifier les relations financières entre l’Etat et les collectivités territoriales. Il fait passer au second plan les problématiques essentielles relatives aux finances locales que sont la réforme de la fiscalité locale ou l’indispensable croissance des dotations de péréquation. Désormais, votre définition, tout à fait arbitraire d’ailleurs, de l’autonomie financière, conditionnera toute évolution potentielle et significative des dotations versées par l’Etat au titre de la péréquation. Par cet artifice, cette loi organique aura des conséquences inverses à l’objectif affiché et portera, au contraire, atteinte à l’autonomie financière des collectivités territoriales.

Par les effets pervers que nous avons largement démontrés durant les débats, elle conduira à geler la progression des dotations de péréquation et fera de fait reposer l’édifice des finances locales sur les seuls impôts locaux. Comme les bases de ces impôts sont très inéquitablement réparties sur le territoire, les inégalités financières seront fortement renforcées entre les collectivités territoriales. Il s’agit bel et bien, dans votre esprit, d’aiguiser la concurrence fiscale et donc d’ancrer, dans le droit local, le dogme libéral du « chacun pour soi », à l’origine de tant de fractures, d’exclusions et de déséquilibres.

Enfin, ce texte ne résout pas le problème de la définition juste des ressources propres. En assimilant tout impôt, même ceux dont les collectivités territoriales ne maîtriseront pas les taux, à des ressources propres, le gouvernement cherche, de facto, à limiter au maximum le montant des compensations financières devant accompagner les transferts de compétences imposés avec la décentralisation.
Ainsi, le transfert de la TIPP n’est qu’un expédient. Vous en faites la clef de voûte de l’autonomie financière alors que les collectivités territoriales n’en maîtriseront pas les taux et que cet impôt ne peut être rattaché à un territoire donné. Et surtout, vous n’ignorez pas que les bases de la TIPP ont très peu évolué ces dernières années, et qu’elles risquent même, à l’avenir, de diminuer. Au fond, vous cherchez plus à vous débarrasser d’un impôt à l’avenir incertain qu’à renforcer l’autonomie financière des collectivités territoriales…

Les débats qui se sont déroulés sur ce texte, souvent très techniques et inaccessibles à nos concitoyens, n’ont pas été en mesure de répondre à ces interrogations. Vous avez eu certes, Monsieur le Ministre, une attitude réceptive durant nos échanges. Elle tranchait avec celle de votre prédécesseur. Mais au final, aucune proposition de l’opposition, ni même de vos partenaires d’ailleurs, n’a été prise en compte. Aussi, le groupe des députés communistes et républicains votera fermement contre ce projet de loi organique.

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