02-08-2011

Gaz de schiste et fracture numérique : audition du ministre chargé de l’Energie et de l’Economie numérique

Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Le 1er juin à 16 h 15

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, sur le gaz de schiste et la fracture numérique.

M. le président Serge Grouard. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir accepté de traiter cet après-midi à la fois des énergies renouvelables et du bouquet énergétique, de la fracture numérique – à laquelle notre Commission, qui est aussi celle de l’aménagement du territoire, s’intéresse tout particulièrement –, ainsi que de l’exploration et de l’exploitation des gaz et huiles de schiste.

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. C’est avec plaisir que je vais m’attacher à vous rendre compte de l’action du Gouvernement en ce qui concerne les énergies renouvelables, la couverture numérique du territoire et ce qu’il est convenu d’appeler les gaz de schiste.

Les énergies renouvelables sont partie prenante de notre politique énergétique. Celle-ci poursuit cinq objectifs, qui tous supposent actions et résultats : la sécurité des approvisionnements et la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles ; la compétitivité des prix pour les particuliers et pour les entreprises ; la protection de notre environnement et la lutte contre le réchauffement climatique ; l’accès de tous à l’énergie ; l’objectif industriel de développement de filières porteuses de croissance et d’emploi.

Notre politique de maîtrise de l’énergie tend notamment à respecter l’objectif européen de 20 % de progression de notre efficacité énergétique à l’horizon 2020. Je ne reviens pas sur les mesures concrètes déjà adoptées tel le renforcement début 2011 des certificats d’économie d’énergie, avec un objectif aujourd’hui largement dépassé, et la révision de l’éco-prêt à taux zéro, qui peut désormais aller jusqu’à 3 000 euros : 150 000 éco-PTZ avaient déjà été conclus à la fin de 2010. Plus récemment, nous avons créé la prime à la casse pour les chaudières usagées, qui va aider les Français à réduire durablement leur facture de chauffage par l’installation d’une chaudière plus performante. Notre objectif est clair : la modernisation d’un million de chaudières au cours des cinq prochaines années !

En matière d’énergies renouvelables, le cap est ambitieux et vous le connaissez bien : d’ici à 2020, elles devront représenter 23 % de notre consommation finale. L’essentiel de l’effort portera sur les énergies renouvelables non électriques, au premier rang desquelles la fourniture de chaleur : nous voulons qu’elle représente 10 millions de tonnes équivalent pétrole en 2020. Le Gouvernement encourage à ce titre le recours à la biomasse pour la cogénération, c’est-à-dire la production simultanée de chaleur et d’électricité. C’est l’ambition de l’appel d’offres « CRE 4 » : lancé en juillet 2010, il porte sur une série de quatre tranches représentant 800 mégawatts de capacité installée. La première tranche permettra de sélectionner des projets de centrales de cogénération pour une capacité de 200 mégawatts : la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a reçu 20 dossiers de candidature.

Nous avons enfin instauré un dispositif de soutien renforcé pour la production de biogaz et d’électricité par méthanisation : depuis le 21 mai dernier, le tarif de rachat de l’électricité produite à partir de biogaz a été revalorisé de 20 % en moyenne pour les petites et moyennes installations agricoles, ce qui représentera un soutien de l’ordre de 300 millions d’euros par an à l’horizon 2020, pour une hausse d’environ 1 % de la facture d’électricité des consommateurs. En parallèle, le biogaz issu de la méthanisation pourra être injecté dès cet été dans les réseaux de gaz naturel.

Dans le même temps, les objectifs d’énergies renouvelables du Grenelle seront atteints en matière d’éolien et de photovoltaïque. Ces quatre dernières années, la capacité installée en éolien terrestre a été quadruplée. L’éolien en mer en est à ses débuts, mais c’est une filière très prometteuse : j’ai saisi hier la CRE à propos du lancement de la première tranche d’un appel d’offres qui vise à doter la France d’une capacité de 3 000 mégawatts, dont le cahier des charges sera publié début juillet au Journal officiel de l’Union européenne, pour des réponses attendues début janvier et une désignation des lauréats début avril 2012. Je vous rappelle les ordres de grandeur : 3 000 mégawatts d’éoliennes en mer, c’est une production annuelle de 9 térawattheure, soit près de 2 % de la consommation nationale ; c’est l’équivalent de 4,5 millions de foyers alimentés en électricité ; c’est un investissement de 10 milliards d’euros, financé au final par le consommateur au titre de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) ; c’est aussi un potentiel de création de plus de 10 000 emplois.

Le Gouvernement a été extrêmement vigilant quant aux retombées économiques et industrielles de ce projet. Les modalités de l’appel d’offres ont été soumises à consultation. Les contributions des acteurs ont été prises en compte dans la version du cahier des charges transmise par la CRE. Des assouplissements ont ainsi été apportés à la version initiale, sur trois points : possibilité de revoir à la baisse la puissance proposée pour chaque zone ; assouplissement des modalités de notation du critère de prix, en supprimant le caractère éliminatoire du prix plafond ; desserrement de certaines obligations financières imposées aux candidats, en particulier réduction du montant des provisions demandées, qui auraient été répercutées dans les offres de tarif de rachat. La pondération des trois critères de sélection des offres demeure inchangée : 40 % pour le prix, 40 % pour le critère industriel, 20 % pour le volet environnemental.

Pour le photovoltaïque, la capacité installée en France a été multipliée par 70 depuis 2007. Parmi les 6 400 mégawatts de projets qui étaient en attente avant la suspension de l’obligation d’achat, 3 400 mégawatts n’ont pas été touchés par le moratoire et on estime qu’au moins 2 000 mégawatts seront effectivement réalisés. À ces projets viendront s’ajouter nos 500 mégawatts de cible annuelle : 200 mégawatts bénéficient aujourd’hui de tarifs de rachat et 300 mégawatts feront l’objet d’appels d’offres qui seront publiés à l’été. Je lance une consultation sur le projet de cahier de charges de ces appels d’offres. Notre ambition est claire : créer les conditions d’émergence d’une filière industrielle française innovante.

Un mot sur l’hydroélectricité : les premières étapes du renouvellement des concessions hydroélectriques ont été engagées. Une première consultation pour un conseil en ingénierie a été lancée le 12 mai ; elle sera clôturée le 22 juin.

À ces deux piliers de notre politique énergétique que sont la maîtrise de l’énergie et la diversification de notre bouquet énergétique, il convient d’ajouter l’innovation industrielle. Notre effort en faveur de la compétitivité de nos industries se décline aux niveaux tant européen que national.

Au niveau européen, nous avons déposé début mai auprès de la Commission cinq dossiers structurants dans le domaine du captage et stockage du CO2, des énergies marines et éoliennes et des biocarburants. Ces projets de démonstrateurs préindustriels sont en compétition pour l’obtention des aides du fonds NER 300 (New Entrant Reserve 300).

Au niveau national, dans le cadre des Investissements d’avenir, nous avons lancé récemment plusieurs appels à manifestations d’intérêt : dans les énergies décarbonées, le stockage de l’énergie, l’hydrogène, les énergies solaires et les biocarburants.

Je suis très heureux de vous faire part des premiers résultats de l’appel à projet pour des Instituts d’excellence dans le domaine des énergies décarbonées. Deux projets de grande qualité dans la chimie du végétal et l’optimisation des procédés ont déjà été sélectionnés – nous en avons rendu compte aujourd’hui même avec mes collègues Valérie Pécresse et Nathalie Kosciusko-Morizet ainsi qu’avec René Ricol, Commissaire général à l’investissement ; six autres projets seront examinés à partir du 15 juillet.

Le Gouvernement élabore en outre la Stratégie nationale de la recherche en énergie, la SNRE. Nous réunirons le 6 juillet, pour la première fois, son Comité stratégique qui proposera, d’ici à septembre, une feuille de route pour la recherche en énergie à l’horizon 2030-2050.

J’en viens brièvement aux gaz et huiles de schiste. Je ne reviendrai pas sur les faits : votre Commission a été au cœur des débats, avec l’examen de la proposition de loi déposée par Christian Jacob. Je veux saluer votre travail ainsi que celui des deux rapporteurs, Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet. Je suis sensible à l’introduction dans le texte de la notion d’expérimentation : ainsi, la France ne fermerait pas la porte à des perspectives responsables et respectueuses de développement.

Évitons les paradoxes ! En 2010, la facture pétrolière et gazière de la France s’est élevée à 45 milliards d’euros ! Peut-on considérer que les gisements gaziers exploités en France seraient émetteurs de CO2 et, en même temps, continuer à importer, sans s’interroger, du gaz venant par exemple d’Algérie ou de Russie ? Peut-on simplement renoncer à connaître le potentiel, aujourd’hui méconnu, du sous-sol français qui, selon la mission interministérielle que nous avons lancée, pourrait représenter un siècle de consommation ?

Quant aux techniques d’extraction, en particulier la fracturation hydraulique, il ne faut en minimiser ni les enjeux ni les risques. Cette technique est ancienne : elle date de 1949 et a été pratiquée des dizaines de fois en France sans faire débat et sans difficulté. Mais son utilisation soulève des questions nouvelles dans le cas des gaz de schiste car il en serait fait un usage de plus grande ampleur, donc de plus grande conséquence environnementale. Nous devons nous assurer que ses conditions d’utilisation sont respectueuses de l’environnement et que sa mise en œuvre sera encadrée. Je souhaite, comme plusieurs d’entre vous, qu’on puisse procéder à des expérimentations, sous strict contrôle public et en toute transparence.

Votre Commission a ouvert la voie et la Commission de l’économie du Sénat a marché dans vos pas et introduit la possibilité d’engager dès à présent des programmes expérimentaux. Cette proposition peut-elle faire consensus entre vos deux assemblées ? Je le souhaite.

M. Philippe Martin. Vous faites peu de cas de notre mission d’information !

M. le ministre. Je la respecte pleinement, mais le but de la présente audition n’est-il pas que je vous fasse connaître mon avis, pour autant que vous permettiez au ministre que je suis d’avoir un avis sur la question.

Les sénateurs débattront de la proposition de loi ce soir en séance publique ; puis viendra la CMP, dont je ne doute pas qu’elle saura trouver la meilleure voie de consensus.

J’en viens enfin à la couverture numérique des territoires. La révolution numérique que nous connaissons impose de développer des réseaux de qualité, devenus une composante décisive de l’attractivité de nos territoires. Grâce au plan France numérique 2012, nous aurons doté la France de l’un des réseaux numériques les plus étendus et les plus compétitifs d’Europe.

Aujourd’hui, 99,8 % des Français bénéficient d’une couverture en téléphonie mobile. Ils sont 99 % à pouvoir accéder, y compris outre-mer, au haut débit par l’ADSL, et 100 % à être couverts par le haut débit par satellite. Et je peux vous annoncer que l’on compte désormais 1 150 000 foyers éligibles à la fibre optique ! La télévision numérique terrestre (TNT) couvre quant à elle dès à présent 93 % de la population. Au 30 novembre 2011, cette couverture atteindra 95 %, les 5 % restant étant couverts par le satellite.

Dans ce contexte, l’action du Gouvernement se concentre sur deux priorités : les réseaux fixes et les réseaux mobiles.

S’agissant des réseaux fixes, l’équipement de la France en fibre optique représente sur une quinzaine d’années un chantier estimé à 25 milliards d’euros, ce qui nécessitera chaque année 1,7 milliard d’euros d’investissement pour 1,7 million de foyers à équiper.

Afin d’accélérer ce chantier, le Gouvernement intervient de trois façons complémentaires.

Premièrement, nous avons défini un cadre juridique garantissant l’accès de tous les opérateurs aux réseaux de fibres optiques déployés et organisant un partage des efforts d’investissement entre ces acteurs. Cette évolution a permis l’engagement de tous les opérateurs dans le déploiement sur nos territoires du très haut débit : France Télécom, SFR, lliad, Bouygues Télécom et Numericable.

Deuxièmement, nous avons établi une obligation de pré-équipement des immeubles collectifs neufs, pour que les futurs logements disposent d’un accès au très haut débit. Le décret et l’arrêté correspondants seront pris cet été.

Troisièmement, nous consacrons 2 milliards d’euros, dans le cadre du programme national « Très haut débit » des Investissements d’avenir, au déploiement des réseaux dans les zones les moins denses pour éviter toute fracture numérique dans nos territoires.

J’insisterai un instant sur les différents volets du programme national « Très haut débit ». Premier volet : 1 milliard d’euros de prêts vont être accordés aux opérateurs pour qu’ils couvrent la plus grande partie de la population. Ils ont l’intention d’équiper dans les dix prochaines années plus de 3 600 communes, représentant 57 % des foyers. Le Gouvernement suivra avec la plus grande vigilance le respect des engagements pris par les opérateurs.

Deuxième volet : 900 millions d’euros de subventions seront accordées aux projets des collectivités territoriales, qui porteront principalement sur le déploiement de la fibre optique en zones rurales ainsi que d’un réseau de haut débit de qualité en complément du très haut débit.

Troisième volet : entre 40 et 100 millions d’euros serviront à préparer les solutions satellitaires de très haut débit pour les zones les plus reculées de notre territoire.

En ce qui concerne les réseaux de téléphonie mobile, le Gouvernement a pris plusieurs initiatives.

Nous avons en premier lieu poursuivi la mise en œuvre du programme « Zones blanches » lancé en 2003 pour parachever la couverture en téléphonie mobile. Avec la coopération des opérateurs et des collectivités, il a permis l’installation d’environ 2 000 antennes couvrant près de 3 000 centre-bourgs qui n’étaient encore couverts par aucun opérateur ; 364 nouveaux centre-bourgs ont été identifiés en 2008, qui sont en train d’être couverts. Ce programme aura déjà nécessité un investissement supérieur à 600 millions d’euros.

Nous veillons, ensuite, à faire appliquer les obligations de couverture en technologie 3G. Les opérateurs ont déjà couvert 91 % de la population en haut débit mobile. D’ici à la fin de l’année, ils devront avoir couvert 98 % de la population.

Enfin, nous allons attribuer cette année – l’appel d’offres a été rendu public ce matin – les licences 4G, avec des critères très ambitieux en matière d’aménagement du territoire, conformément à la loi que vous avez votée : 99,6 % de la population devront être couverts par l’ensemble des opérateurs en moins de quinze ans ; pour la première fois, il est prévu une obligation départementale puisque 90 % de la population de chaque département devra être couverte d’ici à douze ans ; pour la première fois également, une zone prioritaire a été définie, qui représente 18 % de la population mais 60 % du territoire, donc les zones les plus denses. La 4G sera ainsi le premier réseau à être déployé simultanément dans les villes et dans les campagnes.

L’énergie et l’économie numérique sont deux domaines vis-à-vis desquels l’attente de nos concitoyens est forte ; ils contribuent, par la création d’emplois, à notre activité et à notre croissance.

(…)

M. André Chassaigne. J’aimerais moi aussi que vous précisiez comment vous entendez réduire cette dépendance aux énergies fossiles.

Concernant plus précisément les gaz de schiste, le Sénat semble prêt à ouvrir, après enquête publique, des possibilités d’expérimentation à des fins scientifiques. Si cette orientation était confirmée, ce que je regretterais, cela supposerait de modifier le code minier afin de pouvoir conduire des études d’impact et de consulter la population. Pouvez-vous nous indiquer une échéance ?

Si de réels progrès ont été enregistrés dans la lutte contre la fracture numérique, des pans entiers de notre territoire demeurent totalement abandonnés. Comment l’implication de l’État que vous avez annoncée s’articulera-t-elle avec celle des régions et des départements ? Entendez-vous soutenir les collectivités territoriales qui ont fait le plus d’efforts ?

(…)

M. le ministre. En ce qui concerne l’exploitation des gaz de schiste, je constate les événements, mais je n’ai pas à les juger. À titre personnel, je regrette que la rationalité ne l’ait pas emporté, car il aurait été préférable que la mission parlementaire, comme les conseils généraux, aillent au bout de leurs travaux. Cela dit, je prends acte de certaines initiatives. Des propositions de loi ont été déposées, de part et d’autre de l’hémicycle, et l’opinion publique s’est mobilisée, ce qui a permis la discussion actuelle.

J’espère que la CMP retiendra la position que défend Mme Nathalie Kosciusko-Morizet au Sénat. Il y a accord sur l’abrogation des trois permis, non d’exploitation, mais d’exploration, qui ont été accordés. En effet, selon le Premier ministre, les industriels ne sont pas en état de prouver que l’exploitation respecterait des normes environnementales que nous considérons comme minimales. Des divergences demeureront peut-être entre ceux qui veulent fermer définitivement la porte à l’exploitation des gaz de schiste et ceux, dont je fais partie, qui considèrent qu’il faut toujours laisser une fenêtre ouverte sur le progrès. Rien ne dit que, le moment venu, la science ne permettra pas d’exploiter proprement ce potentiel. Les États-Unis, d’abord décriés à juste titre, imposent de nouvelles normes aux industriels. D’autres pays, qui viennent de se découvrir un important potentiel en gaz de schiste, les imitent. En France, le Premier ministre a demandé que les études soient encore poursuivies pendant un an, pour que nous disposions de références plus complètes.

M. Martin et M. Chassaigne m’ont interrogé sur la dépendance énergétique. Du fait des gaz de schiste, les États-Unis acquièrent en ce moment une autonomie impressionnante et révisent en permanence leur potentiel d’exploitation. Avant même l’accident de Fukushima, ils avaient différé la relance de leur programme nucléaire en constatant que leur potentiel d’exploitation des gaz de schiste était en forte augmentation. D’autres pays, comme le Royaume-Uni, en font autant. La France va en geler l’exploitation, non sans poursuivre le travail scientifique qui permettra peut-être un jour d’exploiter dans des conditions favorables à l’environnement un potentiel que personne ne connaît réellement.

Selon des experts qui ont comparé la nature géologique de la France à celle d’autres pays de structure équivalente, où l’on a trouvé des réserves, notre potentiel représenterait un siècle de consommation, mais nul n’est capable de l’affirmer. Seule une exploration au moyen de sondes, menée de manière transparente, publique et maîtrisée, permettrait d’évaluer sa réalité. Le président de Total n’a pas tort de déclarer, sous forme de boutade, que tout le monde s’écharpe sans aucune certitude. Je souhaite que la CMP abroge les permis d’exploiter, mais retienne la possibilité d’une exploration maîtrisée.

M. André Chassaigne. Quid de l’évolution du code minier ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Et quand ?

M. le ministre. Nous proposerons à votre Commission dans des délais assez brefs de faire évoluer le code minier. Elle sera invitée à participer au groupe de travail que nous créerons sur le sujet.

Pour réduire la fracture territoriale, le Gouvernement investira, à travers le programme très haut débit, 2 milliards d’euros dans les réseaux des zones rurales. Pour diminuer la fracture sociale, il a créé cette année le tarif social de la téléphonie mobile. Celui de l’accès à internet s’appliquera également avant 2012, conformément à l’engagement du Premier ministre. Le sujet est en discussion avec la Commission européenne et l’Autorité de la concurrence. Nous avons pris des initiatives dans le cadre du programme Ordi 2.0 pour que tous les ménages défavorisés puissent accéder à des ordinateurs recyclés à moins de 100 euros. Enfin, la France pousse des programmes d’accès à internet haut débit par satellite à destination de l’Afrique et du Maghreb, preuve, monsieur Demilly, que nous ne sommes ni cliniques ni résignés.

J’en viens à la question de M. Cochet, partisan assumé de la décroissance, avec laquelle il confond la diminution de la consommation d’énergie, alors que le Gouvernement réfléchit, lui, en termes d’efficacité énergétique, réduisant la consommation quand c’est possible et recherchant pour le reste une croissance plus sobre. Les renouvelables ne sont pas stagnants. Depuis 2007, nous avons multiplié l’éolien par 4 et le photovoltaïque par 60 ou 100, selon le moment choisi. Certes, nous partions de très bas – 14 mégawatts –, et nous n’en sommes qu’à 1 400, mais une multiplication de la production par 100 mérite d’être saluée. Nous tenterons de poursuivre dans cette voie, en nous dotant d’une vraie filière industrielle, car, pour l’instant, le développement du photovoltaïque a principalement favorisé des importations étrangères de piètre qualité. La géothermie n’a pas été oubliée. J’ai demandé des études à mes services, et nous allons prendre, pour déterminer des sites potentiels, des initiatives dont je vous informerai rapidement.

En ce qui concerne les investissements d’avenir, des orientations ont été présentées le 27 avril : 1 milliard pour les opérateurs, 900 millions pour les collectivités et de 40 à 100 millions pour les zones les plus reculées qui seront couvertes par satellites. Nous avons souhaité mettre en place une articulation entre les investissements publics et privés, afin de créer un effet de levier. Il faut que l’argent de l’État serve à obtenir la plus grande couverture, le risque étant qu’agglomérations et opérateurs, investissant seulement dans la couverture des zones les plus denses, ne délaissent les zones rurales. La complémentarité permettra de mettre en œuvre une solidarité mécanique, puisque les subventions ne seront accordées qu’à ceux qui proposeront un programme d’ensemble. Attention, cependant : à vouloir trop bien faire, on risque paradoxalement de freiner les programmes des collectivités locales. Nous en parlons régulièrement avec René Ricol. Après une phase d’ajustement, le programme sera ouvert cet été. Nous en affinons les dernières règles, qui devraient satisfaire vos légitimes préoccupations.

Mes déclarations récentes relatives à l’impact de la position allemande sur notre politique énergétique n’ont pas toujours été comprises. Globalement, la France est exportatrice d’électricité, même si elle en importe à certaines périodes de l’année. Notre parc nucléaire puissant nous permet d’exporter, mais offre peu de souplesse en période de pointe, car on ne peut mettre en marche une centrale nucléaire supplémentaire comme on le fait pour une centrale à gaz ou à charbon. Vous avez remédié à la situation en votant la loi portant organisation du marché de l’électricité (NOME). Elle prévoit qu’en contrepartie du prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), les fournisseurs d’énergie autres qu’EDF devront acquérir de la capacité pour compenser les pics de consommation.

Nous importons de l’électricité d’Allemagne depuis 2004, mais – et c’est sur ce point que mes propos ont été mal compris – la situation s’est inversée en 2011, du fait tant de la décision allemande d’arrêter sept réacteurs, que des conditions climatiques et de la très bonne disponibilité du parc nucléaire français, EDF ayant augmenté depuis le début de l’année le coefficient de disponibilité des centrales nucléaires. Durant les cinq derniers mois, nos exportations vers l’Allemagne ont augmenté de 54 %, alors que nos importations diminuaient de 45 %.

Quant aux prix, les chiffres Eurostat publiés le 27 mai montrent que la France a encore accru sa compétitivité. Au second semestre de 2010, chez nos voisins européens, l’électricité a été plus chère de 60 % pour les industriels et de 40 % pour les particuliers. En Allemagne, elle a été plus chère de 75 % pour les premiers et de 90 % pour les seconds. Voilà qui devrait clore le débat sur le sujet !

M. Yanick Paternotte. Comment la décision allemande va-t-elle faire évoluer la situation ?

M. le ministre. L’Allemagne étant souveraine, je n’ai pas à critiquer sa décision, mais elle devra résoudre quelques questions délicates. Par quoi remplacera-t-elle l’énergie nucléaire ? À quel coût ? Comment limitera-t-elle ses émissions de gaz à effet de serre ? À court terme, sa décision n’est pas sans conséquences pour la France, car les sept centrales qu’elle a fermées produisaient 10 % de l’électricité allemande.

Nos deux pays étant interconnectés, la décision allemande jointe à la sécheresse exceptionnelle que nous connaissons risque de créer des problèmes cet été. Le 9 juin, je réunirai tous les acteurs concernés – administration, EDF, fournisseurs d’énergie et RTE – pour arrêter les mesures à prendre. J’en rendrai compte à votre Commission. Somme toute, les conséquences de la décision allemande sont préoccupantes.

J’en viens, monsieur Chanteguet, à l’éolien terrestre. La situation temporaire que nous connaissons est fréquente lors d’un changement de droit applicable. L’État met tout en œuvre pour que le nouveau droit, notamment les schémas régionaux climat-air-énergie et les prescriptions réglementaires au titre de la législation des installations classées, entre en vigueur le plus rapidement possible.

En matière d’efficacité énergétique, nous sommes ambitieux, et je pense que nous respecterons nos objectifs.

Sur les 4,5 milliards des investissements d’avenir consacrés au numérique, 2 milliards concerneront les réseaux. Sept communes pilotes ont été choisies, parmi lesquelles Chevry-Cossigny et Mareuil-sur-Lay-Dissais, ainsi que la communauté de communes Cœur de Maurienne.

Sur les 2 milliards que le Gouvernement consacrera en zone rurale au programme très haut débit, afin de réduire la fracture numérique, 900 millions aideront les collectivités à couvrir l’ensemble du territoire. Une fois ces crédits épuisés, nous créerons un fonds pour continuer à aider toutes les collectivités, puisque notre objectif est d’atteindre la couverture de 100 % de la population en très haut débit avant 2025.

J’insiste sur le fait que les pays européens sont interdépendants, notamment du fait de leur interconnexion, alors même que le mix énergétique relève de la souveraineté de chacun. Les traités sont clairs. C’est d’ailleurs une situation que nous revendiquons.

Vous savez, monsieur Pancher, que les affirmations de Mme Lepage doivent, par principe, être prises avec précaution (rires).

L’idée selon laquelle le prix de l’électricité serait sous-évalué est un serpent de mer. Il en est longuement question dans le rapport Champsaur ou dans celui de la Commission de régulation de l’énergie sur le prix du nucléaire historique. Le Gouvernement, qui a fixé l’ARENH à 41 ou 42 euros en début d’année prochaine, s’est vu reprocher de choisir un chiffre trop élevé, alors que certains observateurs ou industriels demandaient 39 ou 40 euros. Autant dire qu’on lui adresse des critiques contradictoires. Voilà maintenant qu’il aurait sous-estimé le prix, non de l’exploitation, mais du démantèlement des centrales, alors que, si l’on cumule les réserves de différents opérateurs, plus de 50 milliards ont été provisionnés à cet effet. Pour clore le débat, le Premier ministre a chargé la Cour des comptes de déterminer en toute transparence les coûts de la filière nucléaire, y compris ceux relatifs au démantèlement des installations. À cette fin, elle sollicitera des économistes et des associations, notamment hostiles au nucléaire, dont elle entendra les arguments.

M. Jean-Paul Chanteguet. Comment se répartissent ces 50 milliards ?

M. le ministre. Je vous répondrai par écrit.

Par ailleurs, nous avons un juge de paix, puisque la Cour des comptes est saisie. Si elle concluait à une sous-évaluation, qui ne pourrait être que légère, le Premier ministre augmenterait la provision.

Je confirme que l’État soutient le projet SYNDIESE aux conditions fixées par le Commissariat à l’énergie atomique. Pour l’entériner, la réunion du comité de haut niveau interviendra en Meuse ou en Haute-Marne avant la fin de l’année.

Le Grenelle 2 prévoit que les éoliennes terrestres seront considérées comme des ICPE. Leur permis de construire ayant fait l’objet d’attaques presque systématiques, nous avons choisi de leur attribuer ce statut juridique plus solide, qui limite le risque de contentieux. Le classement en ICPE, qui s’appliquera en métropole comme dans les DOM, permettra de développer l’éolien terrestre.

M. le président Serge Grouard. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la clarté et de la précision de vos réponses.

Pour en savoir plus : André Chassaigne - JB

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