18-01-2005

Implication du service d’ordre du Front National lors d’agressions à caractère raciste.

André Gérin - Je pose ici la question que devait poser notre collègue André Chassaigne. Le 9 juin 2004, un jeune habitant de Thiers, étudiant en BTS à Vichy, Maaty Bouanane, a été violemment agressé devant la gare de Vichy par des membres du service d’ordre du Front national. Il a dû subir une greffe de cornée en juillet dernier, et doit prochainement subir une seconde intervention chirurgicale à la paupière. Ce jour-là, accompagné de deux amis, il attendait l’autobus qui devait le ramener à Thiers, lorsqu’un bus du Front national est venu stationner près d’eux. En pleine campagne pour les élections européennes, les militants accompagnaient leur chef, tête de liste du parti aux élections régionales - présent donc lui aussi sur les lieux de l’agression. Trois d’entre eux, membres du service d’ordre du parti, se sont approchés de M. Bouanane et de ses amis, leur adressant des invectives racistes. Deux passantes, révoltées, se sont interposées, qui ont elles aussi été copieusement insultées. Dans un second temps, ces personnes ont aspergé M. Bouanane d’un liquide lacrymogène issu d’un pistolet d’alarme et l’ont frappé à coups de pied.

Cette triste affaire a aussi, hélas, mis à jour un comportement pour le moins troublant des gardiens de la paix de Vichy, rapidement présents sur le lieu de l’agression. A aucun moment en effet, les militants du Front national n’ont été fouillés, alors qu’il aurait été facile de retrouver l’arme. Il n’a été procédé qu’à un contrôle de police administrative. Alors qu’un délit d’une particulière gravité venait d’être commis, les policiers ont même été réticents à recueillir la plainte de M. Bouanane.

Je sais la détermination du ministre de l’intérieur à lutter contre de telles violences racistes. Pour autant, ce fait divers me pousse à l’interroger sur deux points précis. Le comportement des forces de police tout d’abord. Sans bien entendu jeter l’opprobre sur l’ensemble de celles-ci, la commission d’enquête relative aux agissements du service d’ordre du Front national avait pointé l’indulgence coupable des services à l’égard des quelques policiers, certes très peu nombreux, mis en cause pour des agissements racistes. Dans cette affaire, plusieurs parlementaires ont saisi la commission de déontologie de la sécurité publique et demandé la saisine de l’Inspection générale de la police nationale. Le conseil municipal de Thiers, dont est membre un frère de la victime, a formulé, unanime, la même demande. Pourrait-on connaître les conclusions de toutes ces procédures administratives ?

La deuxième question porte sur les auteurs de l’agression, qui n’ont toujours pas été entendus, encore moins mis en examen. La commission d’enquête précitée avait pourtant montré combien les membres du service d’ordre du Front national étaient régulièrement impliqués dans des actes délictueux, voire criminels. Aucune suite n’avait alors été donnée à cette commission d’enquête. L’affaire de Vichy, mais aussi le lien mis à jour entre les profanations de cimetières juifs en Alsace et un militant de ce service d’ordre, prouvent encore, s’il était besoin, quel danger constituent ces individus pour l’ordre public. Le ministre compte-t-il donner des instructions claires aux services de police les appelant à une plus grande vigilance à l’égard des militants de ce parti, xénophobe et raciste ?

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l’intérieur - L’agression dont a été victime M. Maaty Bouanane à Vichy, à quelques jours des élections européennes, de la part d’un groupe de militants du Front national, est inqualifiable. Vous connaissez la détermination du ministre de l’intérieur à assurer la sécurité de l’ensemble de nos concitoyens et à lutter contre les violences physiques de toute nature, en particulier à caractère raciste.

M. Chassaigne interroge aujourd’hui, à nouveau, le Ministre sur le comportement des agents de police qui ont suivi cette affaire. Comme vous le savez, dès qu’il a été saisi de ces faits, le ministre a demandé à ses services d’enquêter sur les conditions d’intervention des fonctionnaires de police. Les résultats de l’enquête n’ont mis en évidence aucun manquement aux principes de droit et de déontologie fixés par le code de procédure pénale. Bien au contraire, cette affaire a été traitée avec toute la rigueur nécessaire. Une enquête policière a été menée, le jour même des faits : les parties intéressées, comme les témoins, ont été entendus par la police de Vichy. Les déclarations de M. Bouanane ont bien été enregistrées, avant que celui-ci ne soit conduit au service des urgences. Elles ont été retranscrites dans le procès-verbal relatant l’agression. Un complément de plainte a ultérieurement été demandé par la police de Thiers, ville où réside M. Bouanane. Le directeur départemental de la sécurité publique de l’Allier a personnellement suivi le déroulement de l’intervention, comme celui de la procédure.

Par la suite, la procédure judiciaire concernant l’incident au cours duquel M. Bouanane et un militant du Front National ont été blessés, a été menée, sous le contrôle permanent du Parquet de Cusset. Celui-ci a été tenu informé régulièrement du déroulement des investigations et a reçu tous les procès-verbaux. Le procureur de la République a ordonné l’ouverture d’une information judiciaire, confiée au juge d’instruction près le tribunal de grande instance de Cusset et l’enquête est encore en cours aujourd’hui.

Dans cette affaire, les services de police ont donc agi avec toute la célérité qui s’imposait, faisant preuve de professionnalisme et d’une totale impartialité. Ce comportement est conforme aux instructions données par le ministre de l’intérieur de faire preuve de la plus extrême vigilance dans la lutte contre les actes racistes et antisémites.

M. André Gerin - Je vous remercie de cette réponse complète. Une procédure judiciaire est donc en cours. J’espère qu’à son terme, les membres du service d’ordre du Front national seront entendus et sanctionnés de manière exemplaire

Pour en savoir plus : André CHASSAIGNE

P.-S.

Question n° 1012 publiée au JO le 18/01/05
Réponse publiée au JO le 19/01/05

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