15-04-2013

Infrastructures et services de transports : discussion des articles (contrôle technique, exonération écotaxe transports laitiers, régulation du cabotage maritime national)

Diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports

Première séance du jeudi 11 avril 2013

(…)

Avant l’article 5

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 62, 93 et 110.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 62.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement est relatif aux installations auxiliaires de contrôle technique. Le dossier des centres auxiliaires est l’exemple type des tracasseries que peuvent rencontrer les entreprises, aujourd’hui. Depuis 2004, en complément des centres spécialisés de contrôle technique, des centres auxiliaires pouvaient être ouverts par des réseaux de contrôle agréés. Ces centres auxiliaires répondaient à un véritable besoin des usagers sur le terrain, s’agissant, notamment, de tous les véhicules lourds, et permettaient de réduire les déplacements. Le système fonctionnait bien jusqu’à aujourd’hui. Le Conseil d’État a souhaité, en 2011, qu’il y ait une égalité de traitement entre les réseaux de contrôle technique et les centres indépendants. Pour répondre aux demandes formulées par le Conseil d’État, il était possible de permettre à tout le monde d’exploiter des installations auxiliaires, conformément au souhait de la quasi-unanimité des professionnels. C’est pourtant une décision contraire qui a été choisie par l’administration. Ainsi, la décision du 10 octobre 2012 de fermer, d’ici à 2016, donc dans un délai relativement proche, toutes les installations auxiliaires de contrôle technique concerne sans distinction les véhicules lourds et légers. Cela pose un véritable problème sur le terrain quant à la de transition énergétique évoquée par chacun, au regard des simplifications administratives souhaitées par tous et au niveau du choc de compétitivité.

C’est pourquoi nous suggérons d’insérer deux alinéas qui permettront aux installations auxiliaires de continuer à exister.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 93.

M. Xavier Breton. J’ai déposé cet amendement, avec vingt-six de mes collègues, notamment au nom du groupe d’études sur la filière des véhicules industriels, que je préside.

Le contexte juridique et technique a bien été exposé. Il convient tout de même de tenir compte aujourd’hui du contexte économique dans lequel nous nous inscrivons. À l’heure où le Gouvernement s’engage dans ce qu’il appelle un « choc de compétitivité », le secteur du transport va se trouver affaibli par des charges nouvelles liées aux déplacements des véhicules vers des centres de contrôle technique qui seront moins nombreux, donc plus éloignés. Or l’augmentation des déplacements ainsi induite représente des frais supplémentaires : carburant, affectation d’un chauffeur spécifique… Dans le climat économique actuel, le transport routier n’avait pas besoin de cela.

Le Gouvernement s’est prononcé aussi en faveur de la transition énergétique et de la rationalisation des déplacements routiers. Or la fermeture des centres auxiliaires aboutira à l’inverse de l’effet voulu. En effet, l’augmentation des déplacements qui sera ainsi induite générera davantage d’émissions polluantes.

Le Gouvernement travaille aussi sur le choc de simplification administrative. Or les files d’attente et les délais de contrôle vont augmenter progressivement, car les centres de contrôle technique seront moins nombreux, donc davantage sollicités. L’égalité territoriale sur laquelle il s’est engagé ne sera donc pas respectée.

Enfin, à l’heure où les entreprises souhaitent davantage de visibilité et de stabilité réglementaires pour investir, on décide de supprimer, en 2016, des installations auxiliaires qui avaient pourtant été autorisées et impulsées par le Gouvernement en 2004, afin d’assurer un bon maillage territorial.

On nous parle également souvent d’harmonisation européenne. Nous savons aujourd’hui qu’il y a un manque d’harmonisation européenne et que des normes techniques franco-françaises sont en contraction avec celles en vigueur dans d’autres pays. En dépit de cela, on refuse en France de conserver des installations auxiliaires qui existent et qui fonctionnent partout en Europe. On compte en effet 20 000 installations de ce type en Allemagne.

Cet amendement vise en conséquence à annuler la suppression des installations auxiliaires de contrôle technique et à étendre, pour la seule catégorie des véhicules lourds, à tous les acteurs, qu’ils soient réseau de contrôle agréé ou centre de contrôle non rattaché, la possibilité d’ouvrir des installations auxiliaires de contrôle technique.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n° 110.

M. Bertrand Pancher. Quelques semaines avant l’examen de ce texte de loi, j’ai été invité par un garagiste de Vaucouleurs, ville de ma circonscription. Il exploitait un centre de contrôle technique auxiliaire. Il m’a demandé d’intervenir auprès de vos services, ce que j’allais d’ailleurs faire, pour expliquer sa situation. Les centres de contrôle technique étaient auparavant gérés par l’État, lequel, ne réussissant pas à mener à bien sa mission, l’a confiée au secteur privé. Des grands groupes avaient donc prévu de mettre en place des centres de contrôle auxiliaire afin, comme l’ont précédemment souligné mes collègues, d’éviter les déplacements de poids lourds. Ainsi, à Vaucouleurs, petite commune de ma circonscription de 2 000 habitants, un garage a investi pour assurer le contrôle technique des camions. Il se trouve qu’un de ces grands groupes privés, considérant qu’il fallait tout regrouper pour des raisons de gains de productivité, a dénoncé les imperfections juridiques de la loi. Les centres de contrôle auxiliaire vont donc être interdits. C’est de la folie ! Le garagiste de Vaucouleurs, ne pouvant plus accueillir les camions, va donc cesser son activité. Les transporteurs locaux vont alors devoir se rendre à Toul ou à Nancy, ce qui est pour eux incompréhensible !

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Bertrand Pancher. Je termine, madame la présidente.

J’ajoute que ces dispositions sont tellement incompréhensibles que certains préfets n’entendent pas les appliquer et prennent le risque d’être condamnés. D’autres le feront, parce qu’ils pensent que cela va finir par coûter cher à l’État.

Mme la présidente. Merci de conclure vraiment !

M. Bertrand Pancher. Réglez ce problème, s’il vous plaît, monsieur le ministre, car la situation est incohérente pour toutes celles et ceux qui défendent sincèrement des grands objectifs environnementaux, comme la réduction du gaz à effet de serre.

M. Jean-Marie Sermier. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission !

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure. La commission du développement durable a rejeté ces amendements.

M. Martial Saddier. C’est bien dommage !

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure. Le décret de 2012 a supprimé la dérogation qui constituait une rupture d’égalité et a prévu que cette suppression ne prendrait effet que quatre ans plus tard, ce qui constitue un délai d’adaptation suffisant. Aujourd’hui, la couverture du territoire par les centres restants paraît suffisante.

M. Bertrand Pancher. Mais non !

Mme Catherine Beaubatie., rapporteure. Mais je m’étonne, ce matin, d’entendre mes collègues de droite remettre ainsi en cause le libéralisme et la liberté de la concurrence !

M. Bertrand Pancher. On va jouer là-dessus toute la journée !

Mme la présidente. Seule Mme la rapporteure a la parole ! Je vous remercie de l’écouter !

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure. La susceptibilité, c’est terrible !

La commission a donc donné un avis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Le Gouvernement donne également un avis défavorable à ces amendements.

En effet, vous avez, à l’origine, privatisé les contrôles pour les poids lourds, considérant que l’État n’était pas en mesure de remplir efficacement cette mission. La privatisation semblait ainsi être la seule solution en cas de défaillance ou de manque d’efficacité. C’était de votre responsabilité. Les centres de contrôle ont donc été privatisés. À l’époque, seuls les centres de contrôle rattachés à un réseau national ont bénéficié d’une dérogation, afin d’effectuer les contrôles techniques de poids lourds. Ils pouvaient donc être à la fois contrôleurs et réparateurs. Le Conseil d’État s’est prononcé. Il a alors considéré qu’il y avait une discrimination et qu’il n’y avait pas lieu de privilégier les réseaux nationaux. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi seuls les réseaux nationaux l’ont été ainsi !

L’argument pour cette dérogation, c’était le maillage territorial. Il y avait en effet des délais très long, avec 173 centres de contrôle sur le territoire. Il y en a aujourd’hui 336, soit une augmentation de 106 % depuis 2005, ce qui garantit le maillage territorial.

Dans un souci de clarté, notamment pour les personnes ayant recours à ces services, il nous paraît donc judicieux de séparer les activités. Vous êtes allé, dites-vous, dans votre circonscription. J’ai aussi vu combien ce type de confusion de lieux et d’activités pouvait être préjudiciable. Je ne souhaite pas jeter sur le doute sur la profession, parce qu’il y a des gens qui s’impliquent beaucoup, mais il faut mesurer l’importance du problème.

Les choses sont en train de se régler, la situation se stabilise. C’était une dérogation, et elle n’a plus lieu d’être.

Il y avait un régime exceptionnel, et il faut selon vous le maintenir et le généraliser. Non, un régime exceptionnel doit être transitoire, pendant une période d’adaptation, et nous prévoyons des dispositions pour répondre pendant quatre ans aux difficultés.

Comme Mme la rapporteure, je suis donc tout à fait défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je ne reviendrai pas sur l’explication technique, mes deux collègues l’ont clairement donnée, mais une telle disposition dévoile un peu plus chaque jour la politique du Gouvernement, cautionnée par la majorité, pour l’aménagement du territoire. Depuis un an, il n’y a plus d’aménagement du territoire au sein du Gouvernement. Chaque jour, chaque nuit qui passe dans cet hémicycle est funeste pour la représentation des territoires ruraux, pour l’aménagement du territoire. Avant-hier soir, c’était la suppression de la représentativité des territoires ruraux avec le découpage des cantons.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Quel rapport ?

M. Martial Saddier. Il y a la modification des modes de scrutin tous azimuts pour faire disparaître la représentativité du monde rural, la disparition de la prise en compte de la notion de temps de déplacement plutôt que de distance, la suprématie du monde urbain sur le monde périurbain et le monde rural.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Non !

M. Martial Saddier. Ce sont quasiment trente ans de combat, avec la loi montagne, la loi littoral, l’aménagement du territoire, les grands défis et les grands plans d’aménagement du territoire portés par la DATAR et soutenus par tous les gouvernements successifs, qui s’effilochent un peu plus chaque jour. C’est un exemple de plus de ce que vous voulez faire de la France, en reprenant tout en main.

Nous en avons eu hier la démonstration, avec une proposition du Haut commissariat à l’aménagement du territoire qui parlait d’elle-même et contre laquelle tous les députés, sur tous les bancs de la commission, se sont élevés. On présente, la main sur le cœur, de grandes lois de décentralisation qui sont en fait des coquilles vides et on reprend les choses en main par la voie réglementaire et administrative, avec une centralisation très forte sur l’ensemble des territoires de France.

J’ai cosigné cet amendement pour des raisons techniques et des raisons de fond. Réveillez-vous, mes chers collègues. Monsieur Chassaigne, vous qui êtes le grand défenseur des territoires ruraux, aidez-nous à faire comprendre à cette majorité qu’il faut arrêter de prendre de telles décisions qui vont faire très rapidement disparaître les territoires ruraux de notre beau pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Savary.

M. Gilles Savary. La tournure des débats me donne l’occasion d’intervenir sur le contrôle technique.

J’ai moi-même rencontré les enseignes de contrôle technique. Nous assistons en réalité, depuis que nous avons confié ces contrôles au secteur privé, à une mercantilisation de plus en plus grande de ce secteur, qui devient très concurrentiel, se concentre sous de grandes enseignes et recherche légitimement des marchés. Or il s’agit tout de même de missions d’intérêt public, qui ne peuvent pas être uniquement concurrentielles alors que nous ne prendrions en considération dans cet hémicycle que les intérêts du secteur. Il demande aujourd’hui que soient multipliés les contrôles techniques sur les véhicules. Il demande aussi que ces contrôles soient étendus aux motos ou encore aux tracteurs et aux remorques. Ce sont des revendications de marché que l’on ne peut pas traiter ainsi car c’est un contrôle légal et nous devons donc avoir une certaine éthique.

La question de fond, et cela ne concerne pas seulement les élus du peuple, c’est qu’il faut éviter des conflits d’intérêts, faire en sorte qu’un garagiste ne soit pas le contrôleur de ce qu’il vient de faire dans son garage. C’est un point essentiel et nous aurons le même débat pour les chronotachygraphes. Des gens qui les installent voudraient en être les contrôleurs. Nous avons connu cela à la belle époque de l’automobile, avec le trafic des compteurs de certains véhicules sur le marché de l’occasion.

C’est donc une décision très saine qui est prise aujourd’hui par le ministre et nous devons absolument l’accompagner.

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Il y a tout de même un grand nombre d’arguments qui plaident en faveur de l’adoption de ces amendements.

Le premier, c’est l’aménagement du territoire, le maillage territorial. Nous ne sommes pas dans la même logique pour les automobiles et pour les camions. Il y a pour les camions une logique professionnelle qu’il n’y a pas pour les automobiles.

Deuxième argument, il n’y a aucun coût pour le budget de l’État. Une telle mesure ne peut être justifiée par des contraintes budgétaires, il s’agit simplement de savoir quel est le meilleur service pouvant être rendu aux entreprises, notamment de transport routier, dans notre pays.

Troisième argument, c’est une demande qui émane aussi d’un groupe d’études, celui de la filière des véhicules industriels. On parlait tout à l’heure du club parlementaire pour le vélo, dont je fais partie. C’est très bien qu’il y ait un dialogue. Ayez aussi un dialogue avec le groupe qui défend la filière des véhicules industriels et les camions. Encore une fois, c’est aussi parce que nous avons été en contact avec les professionnels que nous combattons votre disposition.

C’est vrai que, depuis 2004, les réseaux étaient privilégiés puisqu’ils étaient les seuls à pouvoir ouvrir des centres auxiliaires, contrairement aux indépendants. C’est la raison pour laquelle, Véronique Louwagie l’a souligné, le Conseil d’État a confirmé dans sa décision du 21 octobre 2011 qu’il y avait une rupture d’égalité entre les réseaux et les centres indépendants.

Deux possibilités s’ouvrent alors à l’administration pour se conformer à l’avis du Conseil d’État : soit élargir à tous les acteurs la possibilité d’ouvrir des centres auxiliaires, soit fermer l’ensemble de ces centres. C’est la seconde option qui a été choisie, et l’on peut se demander quelles en sont les raisons, quels sont les intérêts qui sont derrière cette décision.

Il me semble justifié que l’on puisse ouvrir de tels centres uniquement pour les poids lourds, en tenant compte de la spécificité économique du secteur, et j’insiste donc particulièrement sur l’importance de ces amendements.

Mme la présidente. Sur les amendements identiques n°s 62, 93 et 110, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je voulais vous demander moi aussi un scrutin public, madame la présidente, mais, pour des raisons administratives, vous n’aviez pas encore reçu ma délégation ; je m’associe donc évidemment à cette demande.

Il est très important qu’il y ait un scrutin public, parce qu’il va mettre les uns et les autres devant leurs responsabilités. Un certain nombre de mes collègues proches de chez moi, y compris socialistes, monsieur le ministre, sont confrontés aux mêmes problèmes. Ainsi, le centre de contrôle auxiliaire de la commune de Neufchâteau, dans les Vosges, sera vraisemblablement fermé, ce qui est totalement stupide.

M. Martial Saddier. C’est une catastrophe !

M. Bertrand Pancher. Pour les poids lourds, c’est de la folie. Quand on vous interpellera, mes chers collègues, en vous demandant pourquoi vous avez autorisé la fermeture des centres de contrôle administratif, vous devrez vous justifier, y compris devant les grandes organisations environnementales, qui vont se poser des questions.

Vous nous répondez, monsieur le ministre, que nous avons privatisé, mais vous-mêmes, nationalisez. Vous avez le pouvoir, allez-y, nous vous soutiendrons. « C’est votre faute, nous sommes au pouvoir mais nous ne pouvons rien faire » : pendant combien de temps allez-vous encore tenir ce discours ?

Nous aurons dans la journée des débats particulièrement amusants.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Mes collègues ont montré tout l’intérêt que pouvait avoir ce maillage territorial, permettant, grâce aux centres ouverts dans les zones rurales, d’offrir un service à l’ensemble de nos concitoyens.

Je rappelle également que cela ne coûte rien au budget de l’État. Nous sommes bien conscients que les finances de l’État que vous gérez sont exsangues…

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Grâce à qui ?

M. Jean-Marie Sermier. …mais, quand on fait de l’aménagement du territoire sans avoir besoin d’un centime du contribuable, il est particulièrement dommage de changer de système.

On a parlé de conflit d’intérêts. Franchement, quand, dans une zone rurale, un centre technique est aussi un garage, ce qui permet à l’établissement de vivre,…

M. Martial Saddier. Il a raison !

M. Jean-Marie Sermier. …nous ne pouvons pas remettre en cause la bonne foi des intéressés. S’il y a un conflit d’intérêts entre ces deux structures, entre ces deux métiers, on va en trouver dans de nombreux autres secteurs, et c’est mal connaître la vie rurale, monsieur le ministre.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Qu’est ce que vous en savez ?

M. Jean-Marie Sermier. Je suis élu rural depuis une trentaine d’années et je la vis au quotidien.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Et alors ? Qu’est-ce que vous savez de moi ?

M. Jean-Marie Sermier. La vie rurale a justement besoin que l’on puisse associer plusieurs activités au sein d’un même établissement sans aucun coût pour l’État. Le groupe UMP soutiendra bien évidemment ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. André Chassaigne. Ma position n’entraînera, j’en suis certain, aucune instrumentalisation, elle est tout simplement le reflet de ce que je peux vivre sur le territoire que je représente.

J’ai moi-même été saisi d’un vrai problème de contrôle technique dans un arrondissement enclavé. La suppression des contrôles de proximité posera indiscutablement des problèmes.

M. Martial Saddier. Il a raison !

M. André Chassaigne. Nous parlons de zones rurales peu peuplées, avec un réseau commercial très diffus, notamment pour les réparateurs automobiles. Je voterai ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Martial Saddier. Très bien !

M. André Chassaigne. Ce n’est pas pour avoir des applaudissements, cela répond tout simplement à une attente des usagers de la région que je représente.

M. Martial Saddier. Je le savais !

M. Lionel Tardy. C’est du bon sens !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué J’ai rappelé le contexte et la façon dont les choses s’étaient mises en place, le fait de tolérer des dérogations uniquement pour des réseaux nationaux ayant été censuré par la Haute juridiction administrative. Nous revenons donc sur ce qui apparaît comme une malfaçon réglementaire et législative pour clarifier les choses.

Il nous semble impossible de faire coexister en un même lieu, au même moment, avec les mêmes personnes…

M. Martial Saddier. C’est faux !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …une fonction de réparation et une fonction de contrôle.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une forme de suspicion !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il n’est pas question de fermeture. Un établissement peut être scindé, le centre d’activités auxiliaire déplacé et transformé en centre de contrôle de plein exercice en quelque sorte.

M. Martial Saddier. Ce n’est pas possible dans les territoires ruraux !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il y a un paradoxe à vouloir absolument cette confusion des missions entre celui qui interviendra et celui qui se contrôlera lui-même. Ce n’est pas un gage de clarté et de transparence. Il faut évoluer, pour la crédibilité même des professionnels, car vous savez bien comment les choses se passent.

M. Martial Saddier. Ils sont crédibles !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je ne dis pas qu’ils ne le sont pas.

M. Martial Saddier. C’est une mise en cause !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je veux justement leur éviter d’être mis en cause alors même qu’ils font leur travail, et effacer le moindre doute sur cette profession. Les réparations et le contrôle de ces réparations, le contrôle technique, ne peuvent pas se faire au même endroit, au même instant, avec les mêmes personnes.

Les centres auxiliaires peuvent être matériellement scindés en fonction de contrôle technique et fonction de réparation. Je dirais même que cela incitera à une meilleure structuration des zones rurales (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI),…

M. Xavier Breton. Vous les asphyxiez !

M. Martial Saddier. Vous les assassinez !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …par le développement d’implantations supplémentaires.

Par ailleurs, le délai est de quatre ans, pour un domaine économique captif.

Votre argumentation est un peu absurde : vous prétendez, au fond, que les camions ne sont pas destinés à rouler puisque vous regrettez que le texte les oblige à faire des kilomètres pour se rendre sur un site de contrôle technique. C’est pourtant bien la mission des camions de transporter des marchandises ; ils peuvent s’arrêter à un point de contrôle sur leur itinéraire. Cet argument – « pour éviter les déplacements, ne changeons rien » – n’a vraiment pas de sens. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Je ne veux pas d’opacité, de confusion, je ne veux pas la moindre mise en cause de ces activités.

M. Martial Saddier. C’est vous qui les mettez en cause !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je veux au contraire de la clarté, plus de lisibilité, je souhaite éviter l’incompréhension des gens, leurs doutes – même à tort – et leurs incertitudes quant à la crédibilité de la mission de contrôle, en la séparant d’avec la mission de réparation.

Les centres auxiliaires ne disparaîtront donc pas, mais ils seront transformés en centres de contrôle. Aujourd’hui, matériellement, dans un même garage, l’atelier sert à contrôler comme à réparer ; il suffit tout simplement de séparer les fonctions. Le routier ou le conducteur qui a besoin d’un contrôle saura qu’il a affaire à cette fonction.

M. Martial Saddier. C’est laborieux !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Vous connaissez les difficultés que pose l’organisation actuelle. Vous êtes des députés de terrain : vous êtes donc souvent saisis par des personnes qui souhaitent plus de clarté et de crédibilité.

M. Martial Saddier. Vous mettez en cause la crédibilité des gens qui travaillent !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Nous créons, au service de la profession, les conditions de la transparence. C’est le chemin que je vous invite à prendre.

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Un vieil adage me revient : on ne peut être à la fois juge et partie. Nous ne pouvons donc voter ces amendements. Nous sommes au contraire d’accord avec M. le ministre sur l’absolue nécessité de séparer les activités. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Savary.

M. Gilles Savary. Nous suivrons le Gouvernement pour deux raisons.

M. Martial Saddier. Soyez courageux !

M. Gilles Savary. La rigueur, tout d’abord, qui consiste à éviter les conflits d’intérêts, doit être l’objet de la loi, laquelle s’honore de suivre une telle ligne de conduite.

Ensuite, j’observe une très grande concentration de ces activités auprès de grands groupes de contrôle aujourd’hui. Je suis moi-même un élu rural, 100 % rural,…

M. Martial Saddier. Alors votez les amendements !

M. Gilles Savary. …et je peux vous dire que nous avons de petits centres de contrôle technique qui sont très heureux d’être indépendants.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 62, 93 et 110.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 70

Nombre de suffrages exprimés 70

Majorité absolue 36

Pour l’adoption 20

contre 50

(Les amendements identiques nos 62, 93 et 110 ne sont pas adoptés.)

(…)

Après l’article 6 ter

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 6 ter.

(…)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je dois quitter l’Assemblée car j’ai rendez-vous à 12 heures 30 avec le Premier ministre, en tant que président de groupe, dans le cadre de la moralisation de la vie politique. Mais je voulais m’exprimer brièvement avant de partir, par honnêteté.

Je n’ai pas suivi toutes les discussions sur ce texte – je remplace Patrice Carvalho, souffrant – et je ne suis pas un spécialiste des questions de ce type, même si je siégeais durant le mandat précédent à la commission du développement durable, où elles ont été abordées. Je me souviens des échanges que nous avions alors, quand vous étiez dans la majorité. Nous étions tous d’accord sur la nécessité de prendre des mesures pour réduire le « tout routier » dans notre pays. Nous avons participé ensemble à des sommets, comme celui de Copenhague. Nous avons travaillé régulièrement en commission et nous étions sur la même longueur d’onde.

M. Martial Saddier. Comme tout à l’heure !

M. André Chassaigne. Nous avions cette exigence : il fallait prendre des mesures, qui étaient parfois susceptibles d’entraîner des effets difficiles à assumer.

Je pense qu’en ce moment, vous êtes sur une posture.

M. Florent Boudié. Il a raison !

M. Martial Saddier. Vous avez voté avec nous tout à l’heure !

M. André Chassaigne. Vous pourrez me critiquer une fois que je serai parti. Mais je veux dire en toute honnêteté – car je crois jouir ici d’une liberté de parole, même si, comme pour nous tous qui avons des fondements idéologiques et représentons des idées, des sensibilités, cette parole passe par un filtre politique – que nous devons cesser d’adopter, sur ces questions, des postures !

Il y a des mesures à prendre. Elles peuvent, très exceptionnellement, comporter des adaptations – je pense en particulier aux producteurs laitiers qui feront l’objet d’amendements présentés par vous-mêmes et par le groupe SRC. Mais cela ne peut être que très exceptionnel. Car si nous ne mettons pas en mouvement les quelques outils dont nous disposons pour lutter contre le réchauffement climatique, nous n’y arriverons pas, et ce sont les générations futures qui en souffriront !

Mme la présidente. Merci de conclure, pour être à l’heure à Matignon ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. La plupart des pays de la planète sont en train d’abandonner la lutte contre le réchauffement climatique. Les conséquences seront désastreuses pour les générations à venir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe UDI.)

(…)

Après l’article 6 ter (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Pour ma part, je soutiendrai cet amendement sans soutenir d’autres demandes de dérogation qui conduiraient à la suppression de l’écotaxe, et je veux m’en expliquer.

L’élevage laitier a des spécificités que ne partagent pas les autres élevages. La collecte est quotidienne, et les distances à parcourir sont importantes entre le moment où le lait quitte l’exploitation agricole où il est produit et celui où il rejoint son lieu de transformation.

M. Martial Saddier. Et les fruits et légumes ? Le maraîchage ?

M. André Chassaigne. D’ailleurs, ce problème n’est pas nouveau. Il avait été pris à bras-le-corps à l’époque où Hervé Gaymard était ministre de l’agriculture. Tous ensemble ici, nous avions essayé de peser au niveau de l’Europe pour que soit maintenue l’aide à la collecte qui existait. Elle a été supprimée parce qu’elle a été considérée comme une distorsion de concurrence.

On le voit bien sur nos territoires : des coopératives différentes et des laiteries s’entendent pour mutualiser la collecte afin de réduire les distances. C’est donc qu’il existe un réel problème de coût de la collecte du lait qu’on ne retrouve pas de la même façon dans les autres productions agricoles. Il faut le prendre en compte.

Quant à l’argument consistant à dire que l’on va pénaliser le transport du maïs et du soja, faisons attention. Si l’on a tant développé le transport des protéines dans notre pays, c’est parce qu’à un certain moment, il a été décidé de supprimer la culture de protéines.

M. Martial Saddier. Et les fruits et légumes ?

M. André Chassaigne. C’est pour cela qu’il faut importer aujourd’hui du soja d’Amérique du sud, avec les coûts que cela implique.

M. Martial Saddier. Et les fleurs ?

M. André Chassaigne. Tout cela pose la question d’une autre agriculture, centrée autour d’exploitations agricoles autonomes. Une exploitation agricole qui produit du lait doit aussi pouvoir produire les protéines pour éviter justement les charges de transport et le coût des intrants. C’est une chose aujourd’hui connue de tout le monde.

Souhaite-t-on la venue d’une agriculture d’un type nouveau ou le maintien d’une agriculture impliquant des consommations d’intrants massives et des importations de protéines d’Amérique du sud, tandis que les quotas laitiers disparaîtront ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

(…)

Article 23

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, inscrit sur l’article 23.

M. André Chassaigne. Cet article 23 concerne la régulation du cabotage maritime national.

L’Union européenne a ouvert le transport maritime en 1986, puis le cabotage maritime en 1992 à la concurrence européenne, mais les États membres ne se sont pas mis d’accord sur les critères communs d’immatriculation de leurs navires. Certains ont abaissé leur pavillon au standard international, y compris pour ce qui concerne le cabotage européen, instaurant ainsi une concurrence déloyale avec les navires immatriculés en France au pavillon de premier registre. Cela a eu pour conséquence de mettre à mal l’activité et l’emploi maritimes en France.

Or la situation s’aggrave en raison des distorsions de concurrence entre armateurs avec l’existence, en Europe, de véritables pavillons de complaisance. C’est ainsi que la compagnie Corsica Ferries a pu rafler, en son temps, à la SNCM les deux tiers du trafic vers la Corse, et cela grâce à des prix cassés. Pourtant, l’enregistrement sous le pavillon du premier registre français assure un haut niveau de garantie en matière de sécurisation et de droits des salariés. À l’inverse, des entreprises basées dans un autre État membre peuvent immatriculer leurs navires sous des pavillons équivalents à des pavillons de complaisance. Ainsi, des entreprises d’armement remplacent des équipages de marins sous statuts nationaux par des marins communautaires ou issus de pays tiers, afin de les employer à bas coût et à des conditions sociales minimales, selon les normes internationales en vigueur.

Ces normes tendent, au final, à devenir la règle en Europe et en France grâce à la création de pavillons sous registre international. Se dessine, ainsi, une harmonisation par le bas du secteur maritime sur fond de mondialisation et de libéralisation des échanges. Ces pavillons peuvent, par conséquent, afficher des coûts de transports 40 % moins cher. Des navires qui battent pavillon français ont la possibilité de naviguer sans plus aucun marin français à bord, les conditions sociales étant minimales et précaires.

Mes amendements ont justement pour objectif de faire reconnaître le pavillon français sur le territoire français, en particulier quand il s’agit d’entreprises et de services réguliers internes à notre pays, voire de cabotage sur nos côtes.

M. le président. Sur l’amendement n° 212 rectifié, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Sur l’article 23, je suis également saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 210.

M. André Chassaigne. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure. Cet amendement et les amendements suivants poursuivent le même objectif, à savoir le renforcement des règles applicables et l’affaiblissement du registre international français. Leur conséquence serait double : violer les règles européennes et faire condamner la France par Bruxelles ; priver de toute compétitivité les armements français.

Le texte va aussi loin que le permet le droit européen. Il est aussi ancré dans la réalité. C’est une avancée sociale et personne ne gagnerait rien à provoquer sa censure par jusqu’au-boutisme.

J’invite donc le groupe GDR à retirer cet amendement, à défaut j’en demanderai le rejet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je souhaite être précis concernant l’enjeu de l’article 23 parce que je ne voudrais pas qu’il y ait d’ambiguïté. Si nous devons ici interpréter des règles européennes, nous souhaitons en effet aller jusqu’au bout de ce qui est eurocompatible pour assurer une concurrence loyale et pour en finir avec ce qui, depuis un certain nombre d’années, fragilise la compétitivité de nos compagnies.

L’article 23 renforce le dispositif actuel qui a fortement évolué, notamment depuis la mise en œuvre de la libéralisation du cabotage. Nous souhaitons garantir des conditions de commerce équitable entre les entreprises maritimes qui opèrent sur les mêmes lignes en renforçant particulièrement les contrôles à bord du navire. Cette mesure concernera notamment les lignes desservant les îles dans le cadre d’un service de transport maritime régulier, de certains services maritimes dans nos eaux territoriales, de l’installation de champs d’éoliennes, ou d’autres services en mer.

Si nous voulons rapprocher les exigences de notre propre législation de celles applicables aux bateaux battant autre pavillon, mais qui naviguent dans nos eaux territoriales, c’est parce qu’à ce jour, nous n’avons pas une concurrence loyale. Vous me répondrez, monsieur Chassaigne, qu’il convient de réserver au pavillon de premier registre l’accès à nos mers intérieures ou autres liaisons nationales. C’est sur ce point que parfois nous nous comprenons difficilement avec certaines organisations syndicales. En effet, si nous exigeons le pavillon de premier registre, nous serons dans l’euro-incompatibilité, puisque tout autre pavillon sera exclu de l’activité maritime.

En revanche, faire en sorte que ceux, quel que soit le pavillon, qui assurent des services dans nos eaux territoriales soient soumis aux règles sociales les plus proches de nos propres règles nous place dans un cadre juridique eurocompatible.

On pourra toujours nous répondre que c’est insuffisant et qu’il faut rejeter cet article 23. Ce serait alors laisser perdurer une situation plus dégradée encore. Or ce Gouvernement est le seul qui, depuis longtemps, soit allé aussi loin.

M. Bertrand Pancher. Oh !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. C’est une réalité ! Jamais il n’y a eu de dispositif législatif permettant d’aller aussi loin pour garantir des règles sociales applicables à notre pavillon et aux pavillons extérieurs qui assureraient des liaisons maritimes ou autres activités telles que les services maritimes dans nos eaux territoriales.

Cet article apporte donc une garantie supplémentaire. Nous essayons, par ce biais, d’éviter les concurrences déloyales et de renforcer le pavillon français, les règles françaises et l’emploi français dans nos ports et dans nos compagnies !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je remercie Mme la rapporteure et M. le ministre pour leurs explications. Je connais sans doute beaucoup moins bien le dossier qu’eux !

Vous dites, monsieur le ministre, faire le maximum. Il serait essentiel de préciser ce que cela représente concrètement. Cela signifie-t-il que l’on pourra avoir, sur des bateaux battant pavillon français, des équipages étrangers, ce qui est déjà le cas depuis la mise en œuvre de la directive Bolkestein ?

En accordant certains avantages à ces salariés, on respecterait les règles européennes. Je m’en suis entretenu, comme vous d’ailleurs voilà quelques jours, avec une organisation syndicale : celle-ci considère que rien n’interdit à un pays d’imposer des règles sociales et fiscales spécifiques dans la mesure où ces règles concernent des activités régulières dans le pays, à l’exemple de celle où règne la concurrence entre Corsica Ferries et la SNCM. Il en va de même d’ailleurs pour le cabotage sur nos ports. Il y a donc là une différence d’interprétation entre nous.

M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure.

M. André Chassaigne. Je conclus, monsieur le président, encore que je n’interviendrai pas sur tous nos amendements – j’aurais d’ailleurs bien du mal ! (Sourires.)

Ce qu’elle soutient, c’est qu’il est juridiquement envisageable de légiférer pour inscrire de telles règles, ce qui aurait de grandes conséquences sur l’ensemble de l’activité maritime française.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Souffrez, monsieur le président, que nous prenions un peu de temps sur des dispositions importantes. Ce n’est pas parce que ce sont des questions maritimes que nous ne devons pas leur accorder tous les égards et tout le temps nécessaire.

M. le président. Vous avez tout le temps que vous voulez, monsieur le ministre.

M. André Chassaigne. Je vous ai trouvé très sévère à mon égard !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Vous-même n’avez pas manqué, il y a quelques instants, de faire en sorte que le débat ne soit pas bâclé.

Je ne mets pas du tout en cause votre présidence, monsieur le président,…

M. le président. J’espère bien ! Le ministre, en tout cas, parle aussi longtemps qu’il le veut.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …mais il y a un dédoublement de la personnalité. Le M. Le Fur qui était là-bas n’est pas le même que le président qui est là.

M. le président. C’est le même !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je me permets de le souligner, car je ne souhaiterais pas que la qualité du débat pâtisse du fait que du temps ait été monopolisé pour éviter une incompréhension et rendre lisible le dispositif de l’écotaxe poids lourds.

M. le président. Vous avez tout le temps que vous voulez, monsieur le ministre. Il en est toujours ainsi.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Du coup, nous venons de passer assez rapidement sur des articles extrêmement importants, et certains parlementaires sont sans doute quelque peu déçus que l’on n’ait pas porté autant d’attention à la sécurité ferroviaire. Je n’avais pas cité hier le nom de M. Savary, car je savais que je pourrais souligner son intervention et les observations qu’il a faites aujourd’hui pour montrer tout l’intérêt du texte.

Nous avons parlé du fluvial, pour lequel nous avons également pris des dispositions, et nous en venons au maritime et au social. Il est important que nous prenions notre temps. Certes, ces différents articles ne sont pas sous les projecteurs de l’actualité, mais méfions-nous : faute de traiter ces questions, l’actualité sociale pourrait peut nous rattraper, et je ne veux pas qu’il y ait d’ambiguïté. Vous avez donc raison, monsieur Chassaigne, de demander plus de précision.

L’article 23 impose le respect d’un certain nombre de règles sociales du code des transports à tous les navires, y compris ceux qui sont sous pavillon tiers.

Il est demandé que, dans les eaux territoriales, un certain nombre de règles sociales essentielles, les règles dites de l’État d’accueil, soient respectées par tous les opérateurs, quel que soit le pavillon, et j’ai expliqué aux organisations syndicales, mes collaborateurs également, que ce dispositif allait au-delà des conditions prévues par le décret du 16 mars 1999.

La loi élargit le champ d’application à l’ensemble des personnes travaillant à bord, notamment les personnels du service général, qui, jusqu’à présent, n’étaient pas couverts.

Il est imposé aux navires, quelle que soit leur nationalité, un certain nombre de règles relatives à l’équipage, qui concernent sa nationalité et sa composition. Je pense en particulier au traitement équivalent aux navires de premier registre français.

Il y a aussi des règles ayant trait à la protection sociale, et je réponds précisément à votre demande d’éviter que certains personnels ne bénéficient que d’un régime minimal de protection sociale relevant de l’un des pays de l’Union européenne. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

S’agissant des règles relatives au contrat de travail, les mentions obligatoires dans la convention collective applicable aux personnels à bord dans les compagnies étrangères sont également un plus.

L’article traite aussi des droits des salariés, de l’application des dispositions légales ou des stipulations conventionnelles pour les marins employés par des entreprises de la même branche d’activité établies en France.

Quant aux conditions relatives à la langue de travail à bord, elles doivent être conformes à la convention internationale STCW.

C’est donc, vous le voyez, un article exhaustif. Vous préconisez une rédaction, les organisations syndicales une autre, le groupe communiste du Sénat une troisième. Nous essayons de faire la synthèse, et nous le faisons volontiers car nous voulons éviter toute difficulté. Ce que nous souhaitons, c’est que le droit social soit à la fois le plus protecteur possible et le plus applicable aux compagnies, notamment aux compagnies tierces.

Enfin, il y a des documents qui doivent être disponibles à bord et présentés aux autorités de contrôle.

Ces règles sont étendues aux navires de prestations de services – c’est le cas de l’éolien off-shore, comme je l’ai dit, mais aussi d’autres prestations –, et sont assorties de sanctions dont l’armateur est passible en cas de non-respect de ses obligations.

Nous vous proposons donc le dispositif le plus complet qui soit ; il n’est peut-être pas parfait, j’en conviens, mais chacun est dans son rôle. Les organisations syndicales souhaitent aller plus loin, mais il ne serait pas responsable de notre part de prétendre qu’un dispositif plus exigeant soit à l’abri d’une annulation pour non-respect des dispositions européennes. Nous sommes allés jusqu’aux frontières de ce qu’il était possible de faire en matière de régime social notamment, de sécurité, de contrôle et de sanction, car le pavillon français, vous le savez, est particulièrement attaqué, notamment pour son activité « ferries ».

Dois-je rappeler le dossier SeaFrance, qu’il m’a fallu régler, et qui comportait la liquidation d’un pavillon français, d’une société nationale publique, deux vagues de licenciements concernant 1 500 emplois en tout ? Nous avons fait en sorte que puisse être relancée la SCOP MyFerryLink. Les salariés, les ouvriers ont décidé ensemble de ne pas baisser les bras, de ne pas accepter le traitement qui leur avait été réservé en d’autres temps par manque de volonté politique ou de décision responsable.

La compagnie Brittany Ferries est confrontée parfois aussi à des difficultés. Quant à la SNCM, nous connaissons les difficultés qui la guettent, nous savons quels sont les enjeux. Dès le premier jour, j’ai eu à cœur d’organiser une concertation avec l’ensemble des partenaires, y compris les organisations syndicales, directement ou par le biais de mes collaborateurs et de l’administration. Je souhaite que nous prenions toutes les garanties pour défendre le pavillon français.

Je disais tout à l’heure qu’un rapport serait demandé à Arnaud Leroy sur la compétitivité du pavillon français, un rapport sur l’organisation des ports étant confié à un autre parlementaire. Arnaud Leroy aura pour mission de lever tous les obstacles à la compétitivité du pavillon français, car il s’agit de l’emploi français.

S’agissant d’Armateurs de France - et je conclurai sur ce point, monsieur le président –, il est important que le monde maritime se retrouve dans les enjeux du débat. Il serait tout de même incompréhensible que, dans la presse, on ne voie pas d’interventions de députés bretons.

M. Thierry Benoit. Ils sont sortis faire un compte rendu dans la presse !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. J’expliquerai donc, monsieur le président, que vous présidiez cette séance et que vous ne pouviez donc prendre la parole et voir votre nom mentionné au Journal officiel. En revanche, pour les avoir reçus à plusieurs reprises, je puis témoigner que les députés socialistes bretons que vous avez mis en cause tout à l’heure ont été très actifs pour améliorer le texte sur l’écotaxe poids lourds.

M. Thierry Benoit. C’est déjà en ligne dans les médias !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Ils ont fait leur travail, et celui-ci n’a pas lieu que dans l’hémicycle. Il y a un travail en commission et à mon ministère. Ce n’est pas parce que M. Le Fur ne les a pas vus, faute d’être venu en commission, que les députés n’ont pas travaillé. Ceux dont le nom a été cité ont bien travaillé, je puis en attester et je leur rends hommage.

Bref, monsieur Chassaigne, nous nous efforçons que cet article 23 soit le plus efficace possible pour défendre l’emploi français.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je précise d’abord que je demanderai un scrutin public uniquement sur l’article dans son ensemble et non sur les différents amendements, sur lesquels, d’ailleurs, je ne reviendrai pas.

Je voudrais insister sur deux points, monsieur le ministre, pour essayer de bien comprendre.

S’agissant d’abord du choix du pavillon par un armateur, quelle est la limite ? La convention de Montego Bay stipule en son article 91 que : « Chaque État fixe les conditions auxquelles il soumet l’attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d’immatriculation des navires sur son territoire et les conditions requises pour qu’ils aient le droit de battre son pavillon. » À partir de là, il semble que le droit de l’Union européenne doive reconnaître le principe qu’un État est libre ou non d’accepter tel ou tel pavillon. Les informations que je donne sont tirées d’un récent rapport d’un cabinet indépendant qui a travaillé sur ces questions.

La Cour de justice de l’Union européenne a constamment affirmé qu’un État membre conservait le droit de prendre des mesures visant à empêcher des prestataires de tirer parti de façon abusive des principes du marché intérieur. Les abus de la part d’un prestataire devraient être établis au cas par cas, l’intégration en droit interne de la directive sur les contrôles dans le port de l’État d’accueil va dans ce sens.

Je reviens aux explications très précises que vous nous avez données sur les règles sociales qui sont imposées.

La question est de savoir quelle est la portée de ces règles sur l’État d’un pavillon. L’État français a-t-il la possibilité d’interdire à un armateur de choisir le pavillon d’un pays étranger si ce pavillon ne respecte pas les règles sociales que vous venez de définir ? Le problème se situe bien à ce niveau, et les conséquences sont énormes, qu’il s’agisse de la traversée de la Manche, de la liaison avec la Corse ou du cabotage de fret. Je ne veux pas revenir sur les différents points, mais c’est, je crois, le problème fondamental : quelle sera la portée des exigences que vous affirmez ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Vous avez raison, monsieur Chassaigne, c’est précisément là que nous avons des appréciations juridiques divergentes, mais qui ne portent pas sur l’objectif recherché : accroître le niveau d’exigence.

Il y a un droit international qui s’applique, et un règlement européen du 7 décembre 1992 sur le cabotage maritime qui concerne l’application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l’intérieur des États membres. Pour mémoire, c’est un règlement qui permet la libre prestation des services de transport maritime à l’intérieur d’un État membre pour les armateurs relevant d’États membres de l’Union européenne exploitant des navires immatriculés dans un État membre et battant pavillon de cet État membre, sous réserve que ces navires remplissent toutes les conditions requises pour être admis au cabotage dans cet État membre.

C’est là qu’intervient l’article 23. D’une part, nous relevons le niveau d’exigence des règles opposables à l’armateur. De l’autre, nous facilitons les contrôles, notamment par l’inspection du travail. Ainsi sera mieux prise en considération la réalité sociale, celle des marins comme des autres personnels des navires, et la concurrence dans les activités maritimes concernées ne sera pas faussée.

Nous poursuivrons les discussions avec les organisations syndicales. Nous en avons eu d’approfondies avec toutes celles du transport routier : FNTR, SEPTR, TLF… J’en ai également, pour le maritime, avec toutes les organisations. Je suis allé à Marseille et j’y retournerai pour les rencontrer de nouveau. Elles ont déjà noté elles-mêmes le changement que représentait un ministre s’intéressant, je ne dirai pas aux revendications, mais aux contributions des différents syndicats ou représentants de salariés, qui sont parfois, comme à la SNCM, actionnaires de leur société et ont un intérêt direct à sa compétitivité.

Tels sont, monsieur Chassaigne, les précisions que je souhaitais vous apporter.

M. André Chassaigne. Je vous remercie.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 210, dont nous avons bien compris qu’il avait reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

(L’amendement n° 210 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n° 219.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Nous essayons, monsieur Chassaigne, d’adapter par voie d’amendement ce qui représente une position mouvante. Je ne vous en fais pas grief…

M. André Chassaigne. Vous savez que je suis un grand spécialiste de ces questions ! (Sourires.)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. S’agissant du maritime, il n’est pas impossible que les choses soient mouvantes (Sourires) ; ce n’est en rien critiquable.

Il s’agit des textes auxquels il est fait référence pour ces fameuses conditions sociales. Lors de la discussion au Sénat, une sénatrice du groupe communiste a proposé par amendement une formulation à laquelle le Gouvernement s’est rangé, considérant que le texte en serait rendu plus compréhensible et serait moins contesté par les personnes concernées.

Or, il semblerait que les organisations syndicales évoquent un risque de références incomplètes. Par conséquent, nous reprenons l’énumération exhaustive des différents documents. Nous essayons ainsi de produire le texte le plus sécurisant et le plus susceptible de s’adapter et de répondre aux exigences communes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure. Elle n’a pas examiné l’amendement, qui n’a été déposé que ce matin.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. J’en suis désolé !

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure. Toutefois, on ne peut pas dire que ce soit une complète découverte, puisqu’il s’agit de la rédaction initiale du projet de loi, précédemment modifiée par le Sénat. Je note que le Gouvernement avait émis un avis favorable à l’initiative sénatoriale. J’ai moi-même écrit dans mon rapport que cette évolution rédactionnelle, sans changer grand-chose au fond, me paraissait aller dans le bon sens. Cela dit, il ne s’agit que d’une évolution rédactionnelle, et je crois comprendre que les partenaires sociaux ont sollicité un retour à la version initiale, qu’ils jugent, je ne sais pourquoi, plus sécurisante. C’est aussi le rôle du législateur de respecter le dialogue social, surtout quand le fond de la loi n’en pâtit pas. Ainsi, bien que la commission du développement durable ne se soit pas prononcée, je dirai qu’à titre personnel je ne suis pas défavorable à l’amendement.

(L’amendement n° 219 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 211.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

(L’amendement n° 211, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 212 rectifié.

M. André Chassaigne. Il est également défendu, et je renonce au scrutin public.

(L’amendement n° 212 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement n° 180.

Mme Catherine Beaubatie. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L’amendement n° 180, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 23, tel qu’il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 44

Nombre de suffrages exprimés 38

Majorité absolue 20

Pour l’adoption 36

Contre 2

(L’article n° 23, amendé, est adopté.)

(…)

Pour en savoir plus : André Chassaigne - AC

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