09-10-2009

Jeux en ligne - Art. 1 à 2

Séance publique

2e séance du mercredi 7 octobre 2009 - 21h30 - suite

Ouverture à la concurrence des jeux d’argent en ligne

(voir : début de cette séance (discussion générale - suite))

Discussion des articles

Article 1er A (…)

La parole est à M. André Chassaigne. pour défendre l’amendement n° 83.

M. André Chassaigne.. Cet amendement complète très utilement celui qui vient d’être adopté en matière de subsidiarité.

L’article 1er A ne nous satisfait pas totalement parce qu’il crée une confusion, laquelle apparaît d’ailleurs dans les explications que vous venez de donner à l’amendement de M. Giscard d’Estaing. Je relis cet article : « Les jeux donnant lieu à des paris d’argent ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ; ils doivent faire l’objet d’un encadrement strict au regard des enjeux d’ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé. » Nous proposons d’ajouter un second alinéa ainsi rédigé : « Un monopole public est chargé de l’exploitation des jeux donnant lieu à des paris d’argent. »

Certains d’entre vous considéreront sans doute comme un pléonasme que de préciser qu’un monopole public est nécessaire pour garantir un encadrement strict. C’est aussi bien de l’inscrire dans la loi, car nous avons été très nombreux, et pas seulement dans les rangs de la gauche, à développer cette idée.

Or vous êtes orientés, dans le reste des articles, vers l’ouverture à la concurrence qui, à notre avis, ne permettra pas d’avoir un encadrement satisfaisant. Surtout, vous entrouvrez une porte qui débouchera très rapidement sur une généralisation de la concurrence et sur une perte d’importance des opérateurs historiques au profit d’une domination des opérateurs privés. C’est d’ailleurs ce que vous recherchez, vous l’avez dit. Cela répond à votre conception de la société. Vous pensez qu’un service public, ou qu’une forme de service public, ne permet pas une régulation suffisante. Nous pensons le contraire. Cet amendement a donc pour objet d’affirmer le maintien du monopole public pour l’exploitation des jeux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Lamour, rapporteur. Le monopole public ne marche pas, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne.. Parce que vous n’avez pas essayé de le faire marcher !

M. Jean-François Lamour, rapporteur. Aujourd’hui, dans les paris sportifs à cote, 96 % du marché sont illégaux, 4 % seulement relèvent de la Française des jeux. Voilà la situation !

M. André Chassaigne.. Il faut la faire évoluer !

M. Jean-François Lamour, rapporteur. Je reviens sur le cas portugais, que l’on a évoqué de manière institutionnelle, juridique. La situation au Portugal ne change pas, il y a toujours autant d’offres illégales et un monopole. On est exactement dans la même situation.

(…)

M. Eric Woerth, ministre du budget. Le Gouvernement est également défavorable. Comme le rapporteur, je pense que le monopole ne marche pas non plus dans ce domaine. (…) Nous ne pouvons pas juger en fonction des circonstances portugaises, qui ne sont pas les circonstances françaises et qui, à mon sens, ne permettent pas d’installer un monopole dans ce domaine. Vous pouvez nous dire le contraire et je respecte votre position, mais nous y avons beaucoup réfléchi et notre conviction est profonde.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne..

M. André Chassaigne.. Vous vous en doutez, je ne suis pas convaincu. Vous êtes persuadés qu’en légalisant des sites aujourd’hui illégaux, vous allez régler le problème de l’ensemble des sites illégaux.

Mme Michèle Delaunay. Exact !

M. André Chassaigne.. Actuellement, on évalue à peu près à 25 000 le nombre de sites qui fonctionnent en toute illégalité. Si je suis votre raisonnement, vous allez légaliser ces 25 000 sites. Je vous souhaite beaucoup de courage ! Vous arriverez peut-être à légaliser cinquante ou cent sites couvrant une partie du marché, mais un nombre immensément plus important de sites illégaux continuera à fonctionner.

M. Jean-François Lamour, rapporteur. Alors que faut-il faire ?

M. André Chassaigne.. Vous venez vous-même de faire la démonstration qu’il n’est pas possible de s’attaquer à ces sites illégaux.

Mme Michèle Delaunay. Exactement !

M. André Chassaigne.. Vous nous dites que, dans le cadre de la loi, les moyens seront mis en place pour s’attaquer à ces sites illégaux, qu’on pourra les sanctionner, les réduire. Pourquoi, dans ce cadre-là, cela ne marcherait-il pas avec un monopole des jeux ou avec les opérateurs historiques ?

Mme Michèle Delaunay. Exactement !

M. André Chassaigne.. Pourquoi ce que vous mettez en œuvre pour les uns ne marcherait-il pas pour les autres ? Simplement parce que vous n’avez pas la volonté politique. Vous pouvez apporter toutes les démonstrations possibles, il n’en reste pas moins que ce que vous démontrez est absurde. Vous dites tout et son contraire. Pourquoi ce qui serait valable d’un côté, ne le serait-il pas de l’autre, si la mise en œuvre s’effectue au profit des opérateurs historiques qui existent actuellement dans notre pays ?

Je crois que derrière tout cela, il y a un artifice, non seulement un artifice – je suis trop gentil quand je parle d’artifice –, mais une hypocrisie – et je suis encore trop gentil, lorsque je prononce le mot d’hypocrisie. En fait, c’est un mensonge. Vous savez en effet parfaitement qu’il est possible de maintenir un monopole et vous ne le voulez pas parce que derrière cela se cache votre conception de la société. Vous considérez que l’ouverture à la concurrence des sociétés privées réglera tout, d’un coup de baguette magique

Pourtant vous savez fort bien que l’objectif des sociétés privées est de faire de l’argent. Or, en matière de jeux, notre éthique historique, la morale de notre République est que l’argent va pour l’essentiel – 75 % pour le PMU – aux joueurs par la mutualisation, le reste étant utilisé à des mesures d’intérêt général : le sport pour tous et l’accompagnement du sport hippique.

Vous savez qu’avec votre projet de loi, un glissement s’effectuera petit à petit au profit des opérateurs privés, que vous voulez servir, parce que, aujourd’hui, votre texte est en fait une loi de porteur d’eau, et non une loi qui vise à répondre aux exigences de notre République.

Monsieur le ministre, tout à l’heure, vous avez été courroucé quand nous avons eu le malheur d’avancer la possibilité que le monopole pourrait convenir. Cela vous mettait en colère. Votre argumentation pourrait aujourd’hui déclencher du chagrin – elle en déclenche – mais elle déclenche surtout de la pitié. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Colère pour colère, monsieur Chassaigne, vous n’êtes pas mal non plus. Vos propos m’ont abasourdi : « absurdité, arrière-pensées »… et bien d’autres termes qui m’ont été droit au cœur, soyez en certain mais qui ne reflètent en aucun cas la réalité. Nous ne voulons pas légaliser des sites illégaux. Nous voulons réguler un marché. C’est assez différent. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(…)

M. Eric Woerth, ministre du budget. On fait ce qu’on peut ! Monsieur Chassaigne, la connotation que vous donnez à ce débat n’est, pour moi, pas la bonne. On régule un système qui, sinon, échapperait à toute régulation. Vous pouvez regarder votre monopole avec les yeux de Chimène, mais si celui-ci ne monopolise rien du tout, cela ne marchera pas. Votre monopole ne peut pas fonctionner, parce que cela ne marche pas avec internet.

(…)

Pour en savoir plus : Site de l’A.N. - Séance publ.

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