Article de Sébastien Crépel, paru dans L’HUMANITE du jeudi 28 novembre 2002

28-11-2002

« Le gouvernement a choisi de passer en force »

L’examen du projet de loi sur la décentralisation a pris du retard. Est-ce à dire que les délais impartis par le gouvernement étaient trop courts pour permettre un vrai débat ?

André Chassaigne. Le gouvernement a voulu faire passer ce texte de loi à la hussarde, en ne prévoyant qu’un délai réduit de trois jours de discussion. Or, en réalité, il aura fallu près de trois semaines pour étudier les différents articles. Le retard est aussi dû au fait que beaucoup d’amendements ont été déposés, par la gauche et par notre groupe, pour obtenir des garanties sur cette loi constitutionnelle.

Peut-on dire que la gauche et votre groupe aient été entendus ?

André Chassaigne. Non, on ne peut pas dire que la gauche et le groupe communiste et républicain aient été entendus, mais nous avons mis à profit la discussion pour montrer à quel point ce texte était dangereux, qu’il pouvait avoir des conséquences catastrophiques pour les collectivités territoriales, et qu’il ne répondait pas à la forte exigence de citoyenneté. Sur le détail des dispositions du texte, en revanche, le gouvernement a établi un véritable verrouillage, de manière qu’aucun amendement ou presque ne puisse être retenu, y compris ceux présentés par la majorité, voire par le rapporteur de la commission des Finances lui-même, Pierre Méhaignerie.

Ce qui signifie que le gouvernement choisit de passer en force, alors même que son texte ne fait pas l’unanimité dans ses propres rangs ?

André Chassaigne. C’est tout à fait ça. En fait, il s’agit d’un texte extrêmement flou et ambigu dans les perspectives qu’il trace, se limitant aux grandes généralités d’une loi constitutionnelle. Le gouvernement a systématiquement refusé d’apporter des précisions ou de donner des garanties, en renvoyant chaque fois nos demandes aux lois organiques ou aux lois ordinaires qui seront discutées au printemps et dans les mois à venir.

Vous avez l’impression que votre apport n’a pas été utile, faute d’être entendu ?

André Chassaigne. Non, car nous avons été très présents durant ces jours de débats, grâce à un travail mené en équipe, dans la continuité de l’action des sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen, et nous nous sommes efforcés de nous faire les porte-parole des collectivités les plus défavorisées, qui seront les premières victimes de ce texte.

Quelle va être l’attitude des députés communistes et républicains sur les suites du débat sur la décentralisation ?

André Chassaigne. Une fois que le vote solennel, prévu pour mercredi prochain, aura eu lieu, bien entendu nous n’en resterons pas là. Nous allons continuer à travailler sur des propositions précises, conformes à notre conception de la décentralisation. Nous apportons ainsi notre pierre à un travail que les sénateurs CRC ont eux-mêmes déjà enrichi. Nous souhaitons nous appuyer sur ces propositions riches, qui sont le produit de la réflexion et de l’expérience collectives, pour continuer la lutte dans la discussion des lois organiques et des lois ordinaires qui vont suivre. Notre participation à ce débat parlementaire a été par la force des choses une résistance à un texte constitutionnel que nous considérons comme dangereux. Mais, pour ce qui est des lois organiques et des lois ordinaires, nous avons la ferme volonté de faire avancer nos propositions dans la discussion. Nous sommes animés d’une volonté constructive dans ce débat, dans la mesure où nous sommes très attachés au principe de décentralisation et que, si nous refusons celle qui nous est proposée, cela ne nous empêchera pas d’agir pour faire évoluer les textes de loi dans le bon sens.

Entretien réalisé par Sébastien Crépel

P.-S.

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