18-05-2006

Loi sur l’eau : eau minérale et boues - examen des articles 16 à 21

Eau et milieux aquatiques (suite)


Après l’Article 15


[…]


M. André Chassaigne - Il ne faut pas s’étonner qu’un député auvergnat défende l’amendement 877 rectifié, que j’ai cosigné avec notre président de groupe Alain Bocquet ! Vous n’êtes pas sans savoir en effet que les Auvergnats ont inventé non seulement les volcans, mais l’eau minérale. Je ne sais pas si vous mesurez la qualité de ce patrimoine : savez-vous que l’eau qui est embouteillée a commencé par circuler pendant des siècles ? On dit que l’eau de Chateldon - dans l’arrondissement de Thiers, dont je suis le député -, qui est comme chacun sait la meilleure eau de France, met plus de 4000 ans à arriver à la source.


Mme la Présidente - Vous allez sans doute nous proposer une dégustation ! (Sourires)


M. André Chassaigne - Mais certainement. Il faut savoir aussi que la production annuelle d’eau de Chateldon correspond à deux heures de production d’eau de Volvic.
Cet amendement tend à revenir, s’agissant de la surtaxe que les communes peuvent percevoir sur les eaux minérales, à un calcul par litre ou fraction de litre. En effet la loi de finances rectificative pour 2001 a rendu cette taxation applicable à l’hectolitre, ce qui a entraîné des difficultés pour certaines communes. Ces difficultés ont d’ailleurs conduit, à l’article 95 de la loi de finances pour 2006, à autoriser les communes à dépasser la limite de 0,58 euros par hectolitre pour aller jusqu’à 0,70 euros. Mais cet article 95 est une véritable usine à gaz…


Mme la Présidente - Une usine d’eau pétillante, alors ! (Sourires)


M. le Rapporteur - Avis défavorable.


Mme la Ministre - Même avis, mais j’aurais souhaité le retrait car l’article 95 de la loi de finances pour 2006, qui répond à certaines situations exceptionnelles, vous donne d’ores et déjà satisfaction.


M. André Chassaigne - Renonçant à demander une suspension de séance pour solliciter l’avis de M. Bocquet, je maintiens l’amendement.


M. Jean Gaubert - Je n’interviens pas pour défendre l’eau de Plancoët, qui est la seule eau minérale de Bretagne, mais je soutiens cet amendement car si la présence d’une source d’eau minérale est une richesse, c’est aussi une contrainte ; il est donc normal que la commune perçoive une surtaxe.


M. Jean Lassalle - Étant certainement celui d’entre nous qui a bu le plus d’eau au cours de ces dernières semaines, je suis un spécialiste… (Sourires). J’ai d’ailleurs eu l’occasion de goûter l’eau de Chateldon, qui me faisait du bien ! Quand on a une eau de cette qualité, il faut se donner les moyens de la produire dans de bonnes conditions. Je soutiens donc moi aussi cet amendement.


M. Yves Cochet - On vient de faire un peu de publicité à quelques marques, mais il faut rappeler que nos concitoyens sont les champions du monde de la consommation d’eau minérale, ce qui n’est sans doute pas la meilleure chose pour l’état sanitaire de la population. Ce qu’il faut, c’est reconquérir la qualité de l’eau du robinet. Certaines villes l’ont fait : à Grenoble, où j’étais avant-hier, l’eau - en régie municipale directe - est particulièrement pure ; de même, la société Eau de Paris distribue de l’eau de très bonne qualité à plus de trois millions de personnes. L’eau du robinet vaut beaucoup moins cher que l’eau minérale, laquelle coûte au litre plus cher que le pétrole - peut-être pas pour très longtemps…

L’amendement 877 rectifié, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. André Chassaigne - Il faudrait s’attaquer aux surprofits réalisés par Danone, Nestlé ou d’autres sur l’embouteillage de l’eau alors que celle-ci est un patrimoine commun de l’humanité.
J’appelle toute l’attention de mes collègues, en me tournant en particulier vers Jean Lassalle, qui a une source sur son territoire, ou encore vers M. Simon, très concerné lui aussi : notre amendement 876 tend à étendre aux expéditions vers un autre État membre de l’Union européenne et aux exportations vers les pays tiers l’application de la surtaxe ; actuellement, en effet, celle-ci n’est due que sur les quantités livrées sur le marché intérieur français, ce qui est préjudiciable aux collectivités locales.


M. le Rapporteur - Avis défavorable.


Mme la Ministre - Si l’amendement n’est pas retiré, je m’y opposerai. Cette surtaxe est en effet un droit d’accise, qui en tant que telle est, par principe, exigible sur les seules quantités destinées à être consommées sur le plan national. La mesure proposée nuirait à la compétitivité de nos eaux minérales sur les marchés étrangers, et par voie de conséquence à l’emploi en France.


M. Jean Gaubert - Je m’étonne de cette argumentation : on ne pourrait pas taxer les eaux exportées pour un motif de compétitivité, mais on pourrait taxer celles qui restent sur le territoire, alors qu’elles sont elles-mêmes concurrencées par les eaux étrangères… La logique serait d’appliquer le même régime dans les deux cas.


L’amendement 876, mis aux voix, n’est pas adopté.

[…]

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Article 21


M. François Guillaume - Le problème de la destination des boues crée de nombreux conflits. Les populations s’opposent généralement à l’épandage des boues sur le territoire sur lequel elles vivent. Nous assistons aussi à des conflits entre ruraux et urbains, les premiers considérant qu’on leur impose sans contrepartie les déchets de la ville. Conflits aussi entre les agriculteurs qui acceptent l’épandage sur leurs terres et ceux qui les refusent pour ne pas porter préjudice à l’image de leurs produits - ce préjudice pouvant aller jusqu’à la remise en cause de l’appellation d’origine contrôlée. Conflits encore entre les propriétaires et les exploitants, les propriétaires estimant que le dépôt des boues acceptées par les exploitants menace la qualité de leurs terres. Bien souvent, les préfets sont donc embarrassés lorsqu’il s’agit d’autoriser ces épandages.
[…]
L’article 21 se propose de répondre aux problèmes d’assurance en créant un fonds de garantie qui prolonge les conventions souscrites par les maîtres d’ouvrage. Mais pourquoi passer d’un système privé à un système public de réassurance, avec le risque que les prélèvements effectués au profit du fonds de garantie soient utilisés à d’autres fins ? Pourquoi ne pas laisser les assurances privées organiser leur propre caisse de réassurance ? Cela leur permettrait d’ajuster les primes additionnelles aux besoins et d’utiliser les provisions à des immobilisations et autres placements. En bonne logique, la loi devrait constituer l’obligation d’assurance pour toute collectivité publique produisant des boues et laisser aux assureurs le soin de se réassurer pour les dommages importants. Ce serait plus efficace et moins onéreux.


M. André Chassaigne - Cet article est en effet très important. Il se propose, via un fonds de garantie des risques, d’apporter une réponse définitive aux problèmes que pose l’épandage agricole des boues urbaines ou industrielles. Le texte fait d’ailleurs une confusion entre boues urbaines et boues industrielles, qu’il faudrait à mon sens mieux distinguer, d’autant que la nature de ces boues a évolué, ce qui impose de revoir la réglementation.
Le texte n’est pas assez précis, d’autre part, sur la notion de dommages écologiques. Le dommage est en effet évalué comme un dommage aux seuls exploitants agricoles, voire aux propriétaires des terres. Mais les boues peuvent être à l’origine d’autres dommages : pollution des eaux par ruissellement, dommages au milieu naturel ou aux tiers. Le fonds de garantie ne règle donc rien.
Je voudrais également aborder le problème de l’entretien et des vidanges des fosses toutes eaux. Le traitement de ces effluents va devenir une question très importante dans les années à venir : parce qu’on manque de structures de traitement, l’on fait parfois appel à des intervenants non qualifiés. Il faut lever cette chape de silence. Ces effluents ne sont pas constitués que d’excréments, mais aussi de métaux lourds, de biocides…
J’en viens aux normes de qualité. Elles relèvent certes du domaine réglementaire, mais il nous appartient d’être vigilants. Des chartes de bonnes pratiques existent déjà, par exemple pour le compostage agricole. Les décrets devront définir très précisément les normes de qualité des boues.


[…]


M. André Chassaigne - Mes sous-amendements 1065 et 1066, qui remplacent « et » par « ou » en deux points du texte, ont pour objet de bien préciser que le fonds de garantie peut indemniser les préjudices consécutifs à l’épandage de boues industrielles comme de boues urbaines. C’est une simple clarification.


M. Alain Gouriou - Pourquoi est-il écrit que le fonds indemniserait « dans la limite de ses ressources » ? Cela semble sous-entendre qu’il pourrait y avoir des cas où le fonds ne suffirait pas.


M. Jean Launay - Notre sous-amendement 1086 rectifié tend à ce que l’assiette de la contribution soit la matière épandue plutôt que la tonne sèche de boue produite.


M. le Rapporteur pour avis - Le texte dit que le fonds peut recevoir des avances de l’État. Cette formule vague fait de l’État le garant ultime des dommages indemnisables par le fonds, sans toutefois préciser son degré d’engagement. Elle présente aussi l’inconvénient de mettre en jeu la responsabilité financière de l’État sans donner de signal clair aux agriculteurs. La rédaction proposée dans le sous-amendement 1067 de la commission des finances établit de manière plus nette le degré d’imputation budgétaire pour l’État et apporte en même temps une assurance claire aux citoyens concernés.


M. Jean Launay - Le sous-amendement 1029 est défendu.


Mme la Présidente - Un autre sous-amendement vient d’arriver (murmures) : le 1262 de M. Le Fur.


M. Marc Le Fur - Il y a une pression très forte sur les terres. On peut y épandre des déjections animales, des boues urbaines ou des boues industrielles. Le but dans cette affaire est d’éviter des conflits, sachant qu’un certain nombre d’agriculteurs se plaignent de ce qu’on les « embête » lorsqu’il s’agit d’épandre leurs effluents, alors qu’on leur demande d’accueillir des effluents urbains et industriels sur lesquels ils n’ont pas de contrôle. Il faut qu’il y ait des efforts des uns et des autres pour réduire les quantités épandues. On en demande aux agriculteurs, il faut aussi en demander aux urbains et aux industriels. C’est pourquoi je propose, dans mon sous-amendement, que le fonds concoure au financement d’opérations réduisant la quantité de boues épandues. On se doit d’être intelligent.


[…]


Le sous-amendement 1065, mis aux voix, est adopté.
Le sous-amendement 1006, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
Le sous-amendement 1086 rectifié, mis aux voix, n’est pas adopté.
Le sous-amendement 1067, mis aux voix, est adopté.
Le sous-amendement 1029, mis aux voix, n’est pas adopté.
L’amendement 199 rectifié ainsi modifié, mis aux voix, est adopté et l’article 21 est ainsi rédigé.


APRÈS L’ART. 21


M. le Rapporteur - L’élimination des boues de stations d’épuration par la filière agricole est la voie à privilégier, les autres modes d’élimination étant coûteux et moins respectueux de l’environnement. Par notre amendement 200, nous souhaitons inscrire dans la loi que les clauses des contrats de fourniture de produits agricoles visant à empêcher l’épandage des boues sont interdites, parce qu’abusives. Il convient de réaffirmer que ces boues ne présentent pas de caractère de dangerosité.


M. Jean Launay - Mon amendement 553 étant quasiment identique, je le retire au profit de celui du rapporteur.


Mme la Ministre - Le Gouvernement est favorable à l’amendement 200.


[…]


M. André Chassaigne - Lors de la préparation de ce débat, beaucoup d’agriculteurs m’ont fait observer que cet article était inapplicable en l’état, parce que leurs cahiers des charges interdisaient l’épandage de boues. Nous pouvons bien voter un fonds de garantie, il ne sera pas utilisé, ou très peu ! Mais le problème est réel : certaines filières qualité ont des cahiers des charges extrêmement difficiles à respecter. Il arrive qu’une clause interdise la présence d’OGM par exemple, mais les agriculteurs ne trouvent plus de soja sans OGM ! Il faut donc vraiment réfléchir à la question et je remercie le rapporteur d’avoir déposé cet amendement, mais on ne peut l’accepter pour l’instant.


[…]


M. le Rapporteur - Le débat était très intéressant. Il a permis de voir la limite entre l’idéal et la réalité. Le mieux étant l’ennemi du bien, je retire l’amendement 200.


[…]
La séance est levée à 19 heures 50.

Pour en savoir plus : Assemblée Nationale

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