LUTTE CONTRE LE TERRORISME (CMP)
M. le Président - J’ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l’approbation de l’Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.
[…]
M. André Chassaigne - Tous les parlementaires, comme tous nos concitoyens, sont convaincus de la nécessité de lutter contre le terrorisme. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail remarquable qu’effectuent nos services secrets, notamment la DST : la semaine dernière, tout un réseau a ainsi été démantelé, et un arsenal de guerre découvert en Seine-Saint-Denis, ce qui montre bien l’efficacité de notre dispositif de lutte antiterroriste ! Certes, il est toujours possible d’en améliorer le fonctionnement, en luttant par exemple contre la délinquance financière, une de ses sources de financement.
Mais notre seul objectif aujourd’hui doit être de concilier Etat de droit et lutte contre le terrorisme, en donnant aux services secrets les outils pour contrôler l’émergence de tout groupe terroriste, pas en organisant un contrôle policier de la société.
C’est pourtant ce que nous propose ce projet de loi issu de la CMP, qui étend la vidéosurveillance. S’il s’agit d’une recette miracle, convenez qu’elle est bien légère : elle peut certes permettre de retrouver les terroristes après qu’ils ont assassiné, mais elle ne peut déjouer un attentat. Les terroristes de Londres n’avaient que faire des caméras qui les ont filmés, jusqu’au dernier moment !
Vous proposez d’étendre les pouvoirs de la police administrative, qui aura désormais les mêmes prérogatives que la police judiciaire, lorsqu’elle mène des actions ciblées et ponctuelles. Là encore, imaginez-vous que des mesures d’ordre général comme le sont les actions de la DST permettront d’arrêter un terroriste ? Vu les ravages que font dans les banlieues les très nombreux contrôles d’identité au faciès, ces mesures ne feront qu’exacerber la tension et légitimer les critiques contre la police.
Enfin, vous prévoyez d’étendre l’accès à des données relatives aux communications électroniques, de constituer des fichiers sur les étrangers qui voyagent, de contrôler et de photographier, en tout point du territoire, les occupants de véhicules et de permettre aux agents de la police et de la gendarmerie nationale de consulter ces fichiers.
Personne n’a pu démontrer l’efficacité de telles mesures d’exception, en revanche, leur impact sur nos libertés publiques est patent. Le ministre d’Etat, dit-on, est un grand admirateur des Etats-Unis : quatre ans après l’adoption, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, du Patriot Act - loi qui restreignait sévèrement les libertés publiques au nom de la lutte antiterroriste - de nombreux Américains réalisent qu’ils ont affaibli le modèle démocratique qu’ils pensaient protéger et le Sénat américain s’est montré fort réticent lorsqu’il s’est agi de proroger cette loi liberticide.
L’Etat de droit se protège avec les règles de l’Etat de droit : loin de renforcer la lutte antiterroriste, vous affaiblissez les règles de cette démocratie que les fanatiques cherchent à détruire. Enfin, vous encouragez l’amalgame entre terrorisme et immigration, terrorisme et délinquance, terrorisme et jeunesse, semblant vous saisir, à l’image des Britanniques, du prétexte des attentats pour imposer des mesures sécuritaires et porter de nouvelles atteintes à nos libertés publiques. C’est pourquoi les députés communistes, bien que très attachés à lutte contre le terrorisme, voteront contre ce texte liberticide !
[…]
M. le Ministre délégué - Puisque plusieurs orateurs soulèvent la question, je réaffirme une fois pour toutes, au nom du ministre d’Etat, l’engagement solennel du Gouvernement de soumettre les services de renseignement au contrôle parlementaire. Dès l’adoption de ce texte aujourd’hui même, un groupe de travail parlementaire composé de représentants des groupes à la proportionnelle se mettra en place, et un projet ou une proposition de loi seront présentés au plus tard le 15 février 2006.
M. Jean Dionis du Séjour - Nous sommes très sensibles à cette réponse immédiate, et à la brièveté des délais que vous annoncez.
D’autre part, on ne luttera pas efficacement contre le terrorisme sans renforcer encore la coopération internationale. L’UDF a suggéré que l’on procède rapidement à la ratification des conventions du Conseil de l’Europe et à la transposition de la directive européenne sur le terrorisme et le blanchiment d’argent. C’est d’un espace judiciaire européen que nous avons besoin.
Nous apprécions également l’adoption de l’amendement de M. Baguet sur le hooliganisme, qui permettra de mieux lutter contre la violence qui, outre le football, gagne désormais d’autres sports.
Le groupe UDF soutiendra donc ce texte dont il partage les objectifs. Un tel sujet aurait mérité le consensus. M. Caresche n’en était pas loin, m’a-t-il semblé, et M. Chassaigne a hésité. (Sourires) Dommage, c’est une occasion ratée de nous retrouver dans cette guerre contre la démocratie.
Enfin, s’il faut renforcer notre arsenal juridique et policier, on doit aussi se pencher sur les causes du terrorisme, sur le plan social, idéologique, religieux, donc prendre des initiatives diplomatiques, mais aussi d’autres, pédagogiques, pour encourager la tolérance, le respect et le dialogue. Vaincre le terrorisme, c’est aussi faire triompher ces idées.
La discussion générale est close.
L’ensemble du projet, compte tenu du texte de la CMP, mis aux voix, est adopté.
[…]
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LOI D’ORIENTATION AGRICOLE (CMP)
M. le Président - M. le Premier ministre m’informe qu’il soumet à l’approbation de l’Assemblée le texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation agricole.
En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.
[…]
M. le Rapporteur - …[…] Au total, nous aboutissons, grâce à un consensus très large entre les deux assemblées, à un texte cohérent et novateur, qui prépare l’agriculture à relever les défis de demain. Et il me semble que les discussions récentes à Bruxelles et à Hong-Kong sont de nature à ouvrir des perspectives. Je rends hommage à nos collègues de l’opposition, en particulier M. Gaubert et M. Chassaigne, qui ont apporté leur contribution constructive tout au long de la discussion. Enfin, je remercie le ministre pour l’attention et l’écoute permanente dont il a fait preuve.
[…]
M. André Chassaigne - Notre débat d’aujourd’hui n’a qu’un caractère formel. En déclarant l’urgence sur ce texte, le gouvernement aura réussi à écourter nos débats, mais il ne sera pas parvenu à dissimuler sa précipitation à mettre notre agriculture sur une pente extrêmement dangereuse. Cependant, Monsieur le ministre, il est vrai qu’à l’instar des baux ruraux, qui nous enseignent qu’il faut jouir de la terre en bon père de famille, vous êtes parvenu, avec beaucoup d’habileté, à faire croire que ce texte était plutôt secondaire - d’où le silence des médias, qui vous a bien arrangé…
Pourtant, en créant le fonds agricole, vous n’aboutirez qu’à valoriser de façon tout à fait artificielle les exploitations agricoles ; leur transmission sera plus chère, le renouvellement des générations en agriculture plus difficile. En créant le bail cessible, vous ne parviendrez qu’à précariser le statut des fermiers ; les pas de porte seront légalisés, le renchérissement des prix des loyers des fermes va se généraliser, les fermiers n’en seront que plus fragilisés.
Avec le dynamitage du contrôle des structures, vous livrez le marché foncier aux spéculateurs, et le prix des terres va continuer d’augmenter. Comment les jeunes pourront-ils désormais s’installer ? Mystère… Et heureusement que le Sénat fut plus clément à l’égard des SAFER que notre assemblée ! Ce texte est une terrible illustration de ce bon mot de Balzac : « Les lois sont des toiles d’araignée à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites »…
Avec les modifications apportées au statut des organisations professionnelles, vous décidez d’intensifier l’intégration des agriculteurs aux filières de transformation de l’industrie agroalimentaire. Au moment où la filière avicole traverse une grave crise, conséquence directe de sa forte intégration, vous cherchez à généraliser à toute l’agriculture un modèle qui démontre chaque jour son inefficacité.
Ainsi, toutes les conditions seront désormais réunies pour faciliter la concentration foncière et transformer les derniers paysans de France en « agromanagers ». Tout rachat d’exploitation, toute installation de jeune agriculteur deviendra progressivement impossible sans apport massif de capitaux externes. C’est bien la porte ouverte à la disparition de l’exploitation familiale, qui avait pourtant montré sa capacité à se moderniser et à répondre aux enjeux de notre époque, comme en témoigne la réussite des GAEC.
Nous avons appris la semaine dernière que le revenu des paysans avait baissé de 10% l’année dernière, après une baisse de plus de 7% en 2004. Ce projet de loi répond-il à l’urgence sociale posée par la chute du revenu des agriculteurs ? Non, aucune disposition ne va dans le sens d’une meilleure rémunération du travail paysan. Pour les paysans de France, ce projet de loi est simplement hors sujet !
L’orientation que vous souhaitez donner à notre agriculture est en outre, au regard du contexte européen et international, absolument suicidaire pour la « ferme France ». Que nous a-t-on dit la semaine dernière à propos de la réunion de l’OMC à Hong-Kong ? Les riches pays du Nord subventionneraient leur agriculture pour accroître leurs marchés et donc pousser à la faillite les petits paysans du sud, Nous savons tous que ce discours est mensonger, que les seuls vainqueurs de la libéralisation du commerce international seront les grands propriétaires du Brésil ou du Canada.
En encourageant les grandes exploitations et en appliquant à notre agriculture une logique capitaliste, vous préparez de nouvelles reculades dans les instances internationales. En favorisant une agriculture d’entreprise soumise aux lois du marché, vous légitimez les critiques de ceux qui, derrière la Grande-Bretagne, dénoncent les distorsions que crée le soutien européen à notre agriculture. Voilà pourquoi vous avez reculé à Bruxelles comme à Hong-kong !
Cette loi place les paysans dans une impasse. Vous anticipez les mutations imposées par les nouveaux inquisiteurs de l’OMC ; même ainsi, votre projet de loi demeure hasardeux. Avec le renchérissement de l’accès à la terre et des baux à ferme, les charges financières des exploitations, que jamais leur excédent ne suffira à acquitter, vont exploser. Vous prétendez préparer la ferme France à affronter la concurrence internationale ; au contraire, vous la lestez de charges nouvelles et handicapantes. Pour toutes ces raisons, les députés communistes voteront contre ce projet de loi.
Vous avez récemment, Monsieur le ministre, cité Camus de manière erronée - ces choses-là peuvent arriver. Je changerai à mon tour - volontairement - l’incipit de L’Etranger : aujourd’hui, l’agriculture familiale est morte…
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M. le Ministre - C’est moins beau que Camus…
M. André Chassaigne - …ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Petite agriculture familiale décédée - enterrement demain - sentiments distingués ». Cela ne veut rien dire, c’était peut-être hier.
Quoi qu’il en soit, nous pouvons être sûrs aujourd’hui qu’elle sera bien morte demain ! (Applaudissements de MM. Gaubert et Dionis du Séjour)
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M. Michel Raison - …puisque vous vous êtes bagarré ces jours-ci sur la scène européenne et mondiale. Je vous rends hommage, Monsieur le ministre, ainsi qu’à Mme Lagarde, car la délégation française a su s’unir avec ses partenaires européens et convaincre M. Mandelson de tenir bon dans les limites de son mandat. N’opposons pas l’Europe au reste du monde : tout est lié, et la loi d’orientation agricole va de pair avec les négociations de l’OMC.
M. André Chassaigne - Elle les anticipe !
M. Michel Raison - Notre débat a su, en dépit de ceux qui souhaitaient ringardiser l’agriculture française, tenir compte du contexte international.
M. André Chassaigne - C’est une capitulation !
M. Michel Raison - N’opposons pas non plus l’agriculture à l’industrie : là encore, tout est lié !
Retenons surtout l’esprit de cette loi d’orientation, qui redonne de l’oxygène à notre métier d’agriculteur. Comment un jeune choisira-t-il ce métier s’il ne peut pas y respirer ? En outre, on donne un élan nouveau aux produits agricoles non alimentaires - carburants verts, mais aussi amidons de maïs et de pomme de terre par exemple.
M. André Chassaigne - On enterre la souveraineté alimentaire !
M. Michel Raison - Le débat a été riche et a dépassé les clivages politiques. Je remercie le rapporteur, ainsi que le ministre pour l’écoute sincère dont il a fait preuve tout au long de cette négociation - certes plus facile qu’à Hong-kong. Les agriculteurs sauront utiliser cette loi : la qualité d’une exploitation agricole n’est pas due à sa taille mais à la qualité de son chef d’entreprise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)
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M. Jean Gaubert - Dans ma commune, avec cette réforme, aucun dossier n’aurait été présenté en commission ! Cela découragera un peu plus les jeunes de s’installer, eux qui sont déjà de moins en moins nombreux et qui devront payer cher leur installation. Nous allons vers une agriculture avec des exploitations de plus en plus importantes recourant largement à un salariat sous-payé. Peut-être que le Polonais dont on se plaint aujourd’hui quand il est plombier sera très recherché demain comme ouvrier agricole ? Tant mieux, mais encore faut-il qu’il soit embauché à des salaires raisonnables !
Avec ce projet de loi, nous avons raté l’occasion de mieux adapter notre agriculture aux enjeux européens et mondiaux. C’est bien une loi d’orientation, en ce sens qu’elle est tournée vers un modèle d’ailleurs paradoxal : celui d’une d’agriculture résolument libérale mais percevant des subventions importantes et parfois mal réparties entre les secteurs - en France, ce sont les plus grands exploitants qui reçoivent les subventions les plus fortes. Au demeurant, ces subventions sont appelées bientôt à disparaître.
Le groupe socialiste ne veut pas « ringardiser » l’agriculture, à moins qu’être moderne signifie abandonner les agriculteurs, empêcher les jeunes de s’installer et concocter une loi pour les rentiers, car les dispositifs d’exonération fiscale bénéficieront aux seuls vendeurs. L’installation étant rendue plus difficile, les 600 000 agriculteurs que la France compte aujourd’hui pourraient bientôt n’être plus que 50 000, comme l’a évoqué M. Lassalle. Le groupe socialiste ne peut s’inscrire dans cette perspective. Il ne votera pas ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)
M. André Chassaigne - Excellent !
[…]
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M. le Ministre - Je souhaite remercier les orateurs, M. Dionis du Séjour pour le soutien qu’il apporte de la part du groupe UDF, M. Raison, porte-parole du groupe UMP et M. Méhaignerie, qui a inscrit notre réflexion dans le cadre plus large de l’Europe. J’ai bien noté les critiques que m’ont adressées, dans un esprit constructif, MM. Chassaigne et Gaubert.
J’ai bien entendu les préoccupations qui se sont exprimées au sujet des centres d’économie rurale : nous devrons en reparler. MM. Martin, Feneuil et Dionis du Séjour ont bien compris que le conseil d’agrément et de contrôle avait pour objet de renforcer la crédibilité du dispositif de qualité. Pour autant, il ne prive pas les comités existants de leurs prérogatives, l’implication des professionnels devant être préservée. Nous associerons les différentes filières à la rédaction de l’ordonnance et veillerons à mettre à la disposition de l’INAO les moyens financiers nécessaires.
Si cette loi est votée, notre objectif prioritaire sera de la mettre en œuvre en faisant paraître au plus vite les textes d’application, à propos desquels je souhaite l’implication du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
L’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP, mis aux voix, est adopté.
La séance, suspendue à 11 heures 45, est reprise à 11 heures 55.
[…]
LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2005 ( CMP)
M. le Président - J’ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l’approbation de l’Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2005.
En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire.
[…]
M. André Chassaigne - Le projet de loi de finances rectificative qui nous est présenté cette année n’a rien d’une simple loi de conclusion de la gestion budgétaire, puisqu’il contient un nouveau train de mesures fiscales destinées une fois de plus à gonfler le portefeuille de contribuables privilégiées et à favoriser le capitalisme boursier au détriment d’une économie valorisant l’emploi stable et le travail correctement rémunéré.
Votre politique économique est un échec, mais vous demeurez « droit dans vos bottes », Monsieur le ministre, insensible à l’ensemble des signaux qui devraient vous alarmer…
M. le Ministre délégué - Vous me faites de la peine.
M. André Chassaigne - …parmi lesquels l’aggravation considérable de la dette publique, évaluée à 2 000 milliards d’euros par la commission Pébereau.
Une des mesures clés de ce projet est l’exonération des plus-values sur les actions détenues depuis plus de huit ans. Il faut dire que votre majorité défend depuis le début une politique systématique de réorientation de l’épargne vers les placements en actions, s’attaquant parallèlement à l’épargne populaire, tant avec la baisse du taux du livret A qu’avec la décision plus récente de soumettre à l’impôt sur le revenu les PEL détenus depuis plus de douze ans. Tout en se lamentant sur les effets néfastes de la globalisation financière et sur la multiplication des plans sociaux, le Gouvernement fait des choix qui confortent la logique à l’œuvre dans cette évolution. Il devrait méditer la phrase de Bossuet : « Le ciel se rit des prières qu’on lui fait pour éloigner de soi des maux dont on persiste à accepter les causes. »
M. le Ministre délégué - Cette phrase me touche. (Sourires )
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M. André Chassaigne - Vous savez fort bien en effet que les fonds de placement opèrent une pression destructrice sur l’emploi, les salaires et les investissements productifs. Vous n’en restez pas moins fidèle à une politique qui ne vise qu’à favoriser le capital au détriment du travail, à favoriser une poignée de nantis au détriment de la majorité de nos concitoyens.
Nous estimons quant à nous que l’Etat devrait garantir des taux satisfaisants pour l’épargne réglementée, qui pourrait constituer un authentique levier du développement économique, en permettant de réorienter les masses financières disponibles vers des investissements utiles à la collectivité - emploi, formation, recherche, logement.
Dans ce contexte, que pèse l’unique mesure « généreuse » de votre projet de loi, à savoir la fameuse taxe sur les billets d’avions ? Pas grand-chose, au mieux 200 millions d’euros, alors que le « bouclier fiscal » va coûter 250 millions d’euros, et ce au seul bénéfice des 14 000 ménages français les plus aisés.
De quel poids pourrait-elle être, de toute façon, alors que vous livrez les moindres parcelles de notre économie aux appétits destructeurs des marchés financiers ? Nous ne sommes pas dupes de cette hypocrisie. Les Français non plus. Les mesures fiscales que vous nous présentez ont vocation, dites-vous, à renforcer l’attractivité de notre territoire. Quelle supercherie ! L’impôt est en effet loin d’être le facteur essentiel de l’attractivité de notre pays. Et il n’y a vraiment pas lieu de continuer à favoriser une poignée de rentiers, dont vous nous expliquez sans rougir qu’ils sont la force vive de notre pays !
De leur côté, les PME indépendantes ont surtout besoin de crédits à taux bonifiés et de crédits pour la recherche-développement, alors que le soutien public est aujourd’hui monopolisé par de grands groupes. Elles sont plus étranglées par les donneurs d’ordres que par les charges.
On voit donc que les mesures fiscales voulues par le Gouvernement témoignent avant tout de l’étroitesse de ses grilles d’analyse et du peu de cas qu’il fait de la poursuite de l’intérêt général.
Vous n’avez pas l’ambition de permettre à nos concitoyens, particulièrement les plus fragilisés, d’avoir des conditions de vie décentes. Votre politique économique est elle-même condamnée à l’échec, les pertes de recettes fiscales qui résultent des mesures d’exonération affectant durablement l’attractivité de la France à travers nos services publics, notre protection sociale et nos petites entreprises, tout en aggravant les inégalités sociales.
Le Gouvernement ne modifie en rien sa politique budgétaire : il continue d’ignorer les attentes de nos concitoyens, son seul but étant d’améliorer les profits des entreprises, les gains des actionnaires et le train de vie des plus favorisés. Les 6,2 milliards que coûtent des dispositions fiscales hasardeuses auraient pu servir à lutter contre le développement de la grande pauvreté et contre la terrible fracture territoriale de notre pays… Vous l’aurez compris, Monsieur le ministre, nous voterons contre votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)
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M. Michel Bouvard - Je me félicite que le Gouvernement dépose à nouveau cet amendement dans une forme compatible avec la réglementation communautaire. Nous sommes dans une situation d’extrême urgence : en neuf mois, le mégawatt/heure est passé de 30 à 45 euros, et des dizaines de milliers d’emplois sont menacés. Le Parlement a attiré l’attention sur les problèmes du marché de gros de l’électricité, où certaines actions spéculatives détruisent l’emploi.
M. André Chassaigne - C’est la contradiction du système !
M. Michel Bouvard - Ce dispositif permet de rééquilibrer le marché. C’est une solution adaptée à un secteur où les cycles économiques sont longs, et cohérente avec nos choix d’investir dans le nucléaire. On ne peut pas pleurer sur les délocalisations et ne pas prendre les mesures qui permettent le maintien de notre grande industrie. En outre, dans ce domaine, le Parlement doit conserver son rôle de surveillance.
Les amendements 1 et 9, successivement mis aux voix, sont adoptés
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