09-06-2008

Modernisation de l’économie - 1 -

1re séance du jeudi 5 juin 2008 - 9h30
Modernisation de l’économie
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi
Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 5.

[…]

Article 6

[…]

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Comme vient de le dire M. Tardy, la longueur des délais de paiement est un problème crucial pour la survie même de notre réseau de petites entreprises. Nous le constatons tous dans nos territoires respectifs. Les créances clients représentent aujourd’hui 25 % du bilan des PME françaises contre seulement 8 % en Allemagne. Ce chiffre est considérable. On estime en effet que les entreprises consentent à leurs clients 600 milliards d’euros de crédit, soit quatre fois plus que le crédit bancaire !

Réduire les délais de paiement dégagerait donc des milliards d’euros de trésorerie, un fonds de roulement essentiel pour les investissements, car plus le solde commercial est élevé, moins les PME investissent. De fait, elles investissent beaucoup moins qu’en Allemagne, par exemple. Les retards de paiement sont, en outre, à l’origine de 21,6 % des défaillances des PME françaises.

Dans le même temps, les distributeurs, en particulier la grande distribution, font indûment fructifier par des placements financiers les sommes qu’ils devraient normalement verser à leurs fournisseurs. À un bout de la chaîne, les petits producteurs se démènent pour boucler leur budget, quand ils ne ferment pas leur entreprise, parce qu’à l’autre bout, de grands groupes et leurs actionnaires gagnent de l’argent en dormant.

La situation se détériore d’année en année. Les conclusions du rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement, que je vous encourage à lire,…

M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. C’est moi qui l’ai commandé !

M. André Chassaigne. …sont édifiantes : ces délais s’accroissent pour les très petites, petites et moyennes entreprises, qui ne peuvent plus négocier face aux distributeurs du fait de relations commerciales de plus en plus déséquilibrées. En 2007, les délais de paiement n’ont baissé en moyenne que pour les entreprises les plus importantes. C’est la jungle ! Plus l’entreprise est petite - dans ma circonscription, le secteur de la plasturgie est emblématique de cette situation -, plus elle est étranglée, par la grande distribution en particulier.

Dans ce cadre, la limitation à soixante jours des délais de paiement proposée par le projet de loi est un objectif bien modeste à mes yeux. Que signifierait une mesure consistant à baisser les délais de paiement à soixante jours, alors qu’ils sont déjà en moyenne de soixante-six jours ? Prenons plutôt exemple sur d’autres pays d’Europe qui ont su réduire leurs délais de paiement de manière volontariste : le Danemark les a ramenés à trente-cinq jours en moyenne, le Royaume-Uni à cinquante-deux jours, l’Allemagne, qui est exemplaire s’agissant des PME, à quarante-sept jours. Plutôt que d’être à la traîne de l’Europe, soyons aux avant-postes ! Je présenterai divers amendements en ce sens.

[…]

Mme la présidente. Je vous donne la parole quelques instants, monsieur Chassaigne, étant entendu que ce que j’ai dit pour M. Brottes vaut aussi pour vous.

M. André Chassaigne. J’en suis bien conscient, madame la présidente.

Nous sommes tous d’accord pour faire passer à trente jours les délais de paiement, conformément aux préconisations de l’Observatoire des délais de paiement.

Mme Catherine Vautrin. Tout à fait !

M. André Chassaigne. Pour une fois nous nous rallions tous à une proposition de Jacques Attali, au risque d’apparaître un peu schizophrènes en lui offrant cette reconnaissance !

Je ne pense cependant pas qu’il soit bon de retarder l’application de ces délais, comme le prouve a contrario l’article 26 de la loi Perben du 5 janvier 2006, qui a intégré ce type de délai dans les conditions générales de vente de la filière des transports. Le rapport de l’Observatoire des délais de paiement a souligné les effets positifs et rapides de l’application de cette loi, qui a fait passer le niveau de solde commercial de 32 jours en 2005 à 27 jours en 2006.

Si nous décidons que l’application doit être immédiate, les délais de paiement vont se réduire très vite. Reporter la décision à 2012 revient en revanche à freiner ce mouvement. J’aurais préféré - et tel était l’objet d’un de mes sous-amendements - que nous décidions dès maintenant de fixer ce délai à trente jours, comme cela a été fait dans le domaine du transport, où des effets positifs ont été observés - faute de temps, je ne reviendrai pas sur les chiffres - parce que la décision était d’application immédiate.

[…]

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Mme la présidente. L’amendement n° 545 est retiré.
Je suis saisie d’un amendement n° 739.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Le présent projet de loi renforce les pénalités de retard, ce qui apparaît comme une bonne mesure. En prévoyant de fixer ces pénalités à un taux supérieur de sept points au taux de refinancement de la Banque centrale européenne, le texte va dans le bon sens, car ce taux se rapproche, aux conditions de marché actuelles, du chiffre de 10 %, jugé dissuasif.

L’Observatoire des délais de paiements a cependant noté dans son rapport de décembre 2007 que les pénalités ne sont appliquées que dans 11 % des cas. Cela est dû à un rapport de force très défavorable aux fournisseurs dans leur face-à-face avec la grande distribution. Les petits producteurs, contraints de se livrer entre eux à une concurrence débridée pour accéder à des débouchés commerciaux, sont comme pieds et poings liés face à quelques centrales qui définissent les conditions d’achat des produits. Aussi, lorsque le délai de paiement est dépassé, les fournisseurs n’osent-ils pas exiger le versement des pénalités, de crainte que le marché ne leur échappe. La libre négociabilité commerciale que ce texte renforce en son article 21 accentuera encore ce phénomène.

Dans ce cadre, il ne sert donc à rien de mettre en place un délai légal de paiement s’il ne s’accompagne pas d’un dispositif de contrôle. Au vu, cependant, de la dépendance des petits producteurs, il est peu probable que des sous-traitants saisissent spontanément les autorités de contrôle, notamment la DGCCRF, ou la justice pour faire respecter leurs droits. Il convient donc que les autorités de contrôle appliquent elles-mêmes automatiquement la réglementation, exonérant ainsi les PME sous-traitantes d’engager une action contre leurs donneurs d’ordre.

Toutefois, cette mesure ne pourra par ailleurs s’appliquer que si les moyens de la DGCCRF sont considérablement accrus. En effet, cet organisme dispose d’un personnel très réduit face au nombre très important d’entreprises, phénomène que renforce la filialisation croissante dans notre économie.

Les députés communistes et républicains proposent donc de confier à la DGCCRF le contrôle du versement des pénalités de retard, afin de permettre un contrôle efficace et généralisé du respect des dispositions. Faute de quoi les mesures les plus ambitieuses demeureront sans conséquence, et le plus terrible serait de donner espoir aux petites entreprises de sortir de l’ornière avant de les décevoir en ne permettant pas la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions. Je précise pour conclure que cette proposition est reprise d’un rapport de notre collègue Martial Saddier sur les entreprises sous-traitantes de la métallurgie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Deux choses. Tout d’abord, la DGCCRF a déjà pour mission de procéder à ces contrôles et il n’est donc pas nécessaire de le mettre dans la loi.
[…]

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Je rejoins l’argumentation du rapporteur pour donner un avis défavorable à l’amendement n° 739. En effet, monsieur Chassaigne, la DGCCRF exerce déjà, au titre de ses missions, le contrôle du respect de la loi dans ces domaines, et notamment de la réglementation relative aux délais de paiement.

Je m’associe bien évidemment à l’hommage qui vient d’être rendu à la DGCCRF et salue la présence de son éminent directeur au banc des commissaires du Gouvernement.

M. André Chassaigne. Les pénalités de retard ne sont appliquées que dans 11 % des cas : le chiffre est parlant !

[…] (intervention d’autres parlementaires…)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le rapporteur, il ne faut pas laisser croire que l’amendement que j’ai présenté serait une remise en cause du travail de la DGCCRF. Ce n’est pas du tout le cas, je tiens à le préciser.

Monsieur le secrétaire d’État, il serait très intéressant d’établir un rapport - je ne doute pas que vous le ferez - sur l’évolution des emplois, sur le remplacement des départs à la retraite, sur les moyens qui vont être donnés pour mettre en application les engagements que vous prenez. Il ne faut pas se contenter de se féliciter de son excellent travail, il faut aussi se donner les moyens d’en tirer les fruits. Je ne doute pas qu’avant la fin de notre débat vous serez en mesure de nous donner des précisions sur l’évolution de l’emploi à la DGCCRF !

En outre, vous et le rapporteur rendez hommage, à juste titre, au rapport de Martial Saddier de 2006. J’en lis un extrait : « Il ne servirait à rien de mettre en place une réduction des délais de paiement, volontaire ou législative, si elle n’était pas accompagnée d’un dispositif de contrôle. » Il ajoute : « Je l’ai souligné dans mon propos : il ne faut pas attendre des sous-traitants qu’ils saisissent les autorités de contrôle, notamment la DGCCRF ou la justice, en cas de non-respect de la loi. »

M. Jean-Paul Charié, rapporteur et M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes d’accord !

M. André Chassaigne. «  À tort ou à raison, leurs craintes de répercussions sont fortes. Seul un dispositif de nature automatique, exonérant les petites et moyennes entreprises sous-traitantes d’engager une action contre leur donneur d’ordre permettra un contrôle efficace et généralisé du respect des dispositions de la loi. »

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est évident !

M. André Chassaigne. Il précise que lors des auditions conduites dans le cadre de la mission, ce principe de transparence et de contrôle a reçu un accueil unanimement favorable. Et l’amendement que j’ai défendu reprend les propositions de Martial Saddier, dont vous saluez le travail. Chacun sait qu’il faut que le dispositif soit automatique parce que, sinon, les PME n’oseront pas engager de procédure. Mais il faut donner les moyens à ce nouveau dispositif. Je crois que vous vous y êtes engagé, et qu’avant la fin de l’examen de ce projet de loi vous serez en mesure de nous dire très concrètement en quoi consiste l’augmentation de ces moyens !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 739.
(L’amendement n’est pas adopté.)

[…]

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Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 499 tombe.
Je suis saisie d’un amendement n° 740.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. L’amendement reprend un thème que nous avons très souvent abordé, que ce soit lors des débats sur la loi Dutreil ou sur la loi d’orientation agricole.

Par cet amendement, nous proposons que, pour les produits agricoles frais et périssables, le délai de règlement des sommes dues soit fixé au septième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée au lieu des trente jours prévus par la loi de 1992.

En effet, trop souvent les marchandises achetées par les centrales d’achat sont retournées aux groupements de producteurs sous prétexte de l’endommagement des produits. Il suffit, par exemple, d’une salade abîmée pour pouvoir prétendre que l’ensemble de la palette n’est pas satisfaisante. Or, dans la plupart des cas, il s’agit en réalité d’invendus que la grande distribution - cette bande de grands racketteurs ! - ne veut pas prendre à sa charge. Les fournisseurs en sont alors réduits à gérer des stocks qui devraient relever des distributeurs. Si une centrale achète à un fournisseur dix palettes de pommes et que les consommateurs, pour des raisons diverses, en achètent une moins grande quantité, la centrale est tentée de trouver des moyens subalternes pour les retourner et ne pas assumer les conséquences de ses mauvaises prévisions. Très souvent, les centrales d’achat achètent plus que de besoin et retournent la marchandise pour faire pression sur les prix. Et elles ont aussi généralisé la pratique des factures antidatées, c’est-à-dire qu’elles émettent des factures postérieures à la livraison. Que de travail pour contrôler tout cela !

Dans ce cadre, le passage à un délai légal de paiement de sept jours a selon nous de nombreuses vertus.

Tout d’abord, ce délai est parfaitement adapté à un secteur où les cycles sont courts. Or la longueur actuelle des délais moyens pèse considérablement sur des producteurs, souvent de faible taille, qui ont alors à gérer d’importants problèmes de trésorerie, susceptibles de les acculer à la faillite. Est-il normal que, dans le même temps, les centrales d’achat, dont on connaît les fortes marges bénéficiaires, fassent fructifier cet argent en le plaçant en bourse alors qu’en réalité celui-ci ne leur appartient pas ?

Ensuite, ce délai apparaît tout à fait raisonnable et ne mettra pas la grande distribution en difficulté, puisque celle-ci est dotée des moyens administratifs et techniques nécessaires pour régler la somme dans les temps.

Enfin, le délai de sept jours est tout à fait adapté pour laisser le temps au distributeur de juger de la conformité du produit. Réduire le délai à sept jours empêchera le distributeur d’attendre si la marchandise se vend ou non, évitant ainsi de faire peser sur le producteur la charge d’éventuels invendus.

Pour éviter les abus, nous proposons également que les produits non conformes soient constatés à la livraison, le réceptionnaire devant apporter la preuve de la non-conformité en en informant par courrier électronique le producteur. Ainsi, les fournisseurs pourront vérifier la bonne foi des distributeurs et ce document servira de base juridique pour un contrôle par la DGCCRF - qui aura bien sûr les effectifs suffisants pour l’effectuer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Monsieur Chassaigne, je peux vous suivre à propos des pratiques déloyales que vous dénoncez, mais en partie seulement car certains de vos propos sont excessifs. Moi aussi, j’ai dénoncé rigoureusement,…

M. André Chassaigne. Très souvent !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. …comme beaucoup d’autres ici, le terrorisme et les pratiques de racket de certains partenaires. Nous y reviendrons à l’article 21.
Mais le délai de sept jours que vous proposez est beaucoup trop court. C’est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Avis défavorable.
[…]

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour présenter l’amendement n° 741.

M. André Chassaigne. Défendu !

Mme la présidente. L’avis du Gouvernement est favorable aux trois amendements.
Je mets aux voix l’amendement n° 162.
(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements n°s 119 et 741 tombent.

[…]

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 742.

M. André Chassaigne. Défendu !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 742.
(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 460.

M. André Chassaigne. Défendu !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 460.
(L’amendement n’est pas adopté.)

[…] (poursuite de la discussion et de l’examen des articles)

Pour en savoir plus : Site de l’AN

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