21-03-2013

Motion de censure contre le Gouvernement : intervention d’André Chassaigne

Première séance du mercredi 20 mars 2013

Motion de censure

Discussion et vote

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée, en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution, par M. Christian Jacob et 144 membres de l’Assemblée.

(…)


Motion de censure : discours d'André Chassaigne par deputesCRCPG

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, disons-le d’emblée : nous ne sommes pas dupes de l’objet de cette motion de censure. Derrière la mise en cause de la responsabilité politique du Gouvernement, l’UMP continue à se complaire dans les manœuvres politiciennes qui ne sont pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens confrontés à une crise impitoyable pour les plus faibles.

L’opposition cherche ainsi à occulter ses responsabilités en se défaussant des conséquences de sa politique calamiteuse.

Car enfin, chers collègues de droite, quel était votre objectif pendant les dix années au cours desquelles vous étiez en responsabilité, pour ne pas dire votre unique objectif ? Tout simplement la création de valeur actionnariale au détriment du développement des capacités productives, en sacrifiant l’investissement productif et les salaires.

L’ampleur de la crise qui sévit depuis 2008 a pourtant révélé la faillite de ce modèle. Mais vous vous êtes toujours refusé à remettre en cause les règles du système. Bien au contraire, vous avez permis aux marchés et aux banques de sortir gagnants et de se refaire une santé sur le dos de nos concitoyens.

M. Nicolas Sansu. Très bien !

M. André Chassaigne. Pour confirmer ce constat, rappelons-nous des propos de Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur : le sauvetage des banques européennes a coûté 37 % du PIB européen, permettant ainsi aux banques de transférer leur dette vers celle des États, aux frais des contribuables. Entre octobre 2008 et octobre 2011, ce sont 4 500 milliards d’euros d’aides d’État qui ont été réinjectés dans les banques européennes.

Chacun le sait : les États européens ont financé ce plan de sauvetage des banques par les cures d’austérité, présentées en remède universel.

Au final, la part de la dette qui peut être indiscutablement assignée à la finance elle-même représente, pour la France, les vingt points de PIB qui séparent 2007 de 2011 !

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. André Chassaigne. C’est de ce processus dont vous avez été les promoteurs infatigables.

Et, contrairement à ce que vous affirmez dans le texte de votre motion de censure, les causes de nos difficultés ne sont pas à chercher dans le niveau prétendument trop élevé des dépenses publiques, ou dans le fait que les Français vivraient au-dessus de leurs moyens. Elles sont à chercher dans les choix politiques désastreux que vous avez opérés, notamment l’allégement de la fiscalité des plus fortunés et les 172 milliards d’euros de niches fiscales et de cadeaux divers et variés accordés aux entreprises, sans la moindre contrepartie en termes d’emplois, tout cela au nom de la compétitivité. Or, votre politique n’a nullement été synonyme de création d’emplois. Elle n’a pas non plus permis d’éviter que nos entreprises industrielles ne se délocalisent.

Dans la Confession d’un enfant du siècle, Alfred de Musset s’interrogeait : « On ne sait, à chaque pas que l’on fait, si l’on marche sur une semence ou un débris. » Chers collègues de droite, avec votre bilan, la question ne se pose pas. Cinq millions de nos concitoyens sont aujourd’hui au chômage ; le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de 20 % en dix ans ; notre balance commerciale affiche un déficit record de 70 milliards d’euros ; 500 000 emplois ont été détruits dans le secteur industriel depuis 2008.

M. Jean-Paul Bacquet. Et cela continue !

M. André Chassaigne. Au regard de ce bilan, le texte de votre motion de censure est pour le moins troublant. Que proposez-vous ? De nouvelles coupes franches dans les dépenses publiques !

M. Jean-Paul Bacquet. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Vous voulez ajouter l’austérité à l’austérité, alors que l’immense majorité des économistes, jusqu’au FMI, alertent l’ensemble des pays de l’Union des effets récessifs des politiques de rigueur imposées par les règles européennes.

M. Jean-Paul Bacquet. Exactement !

M. André Chassaigne. Contre toute logique, vous continuez de vous faire les avocats intransigeants d’une orthodoxie budgétaire aveugle qui fixe aux États européens des objectifs de réduction de déficit totalement irréalisables.

Vous invoquez, en outre, un prétendu matraquage fiscal. Vous ne ferez pourtant pas oublier que le gouvernement Fillon a consacré les derniers mois de son quinquennat à faire adopter des hausses successives de TVA, dont la fameuse TVA anti-sociale.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. André Chassaigne. Bien entendu, vous avez aussi réduit de moitié l’impôt sur la fortune : c’est un marqueur politique pour vous.

M. Jean-Paul Bacquet. Et le bouclier fiscal !

M. André Chassaigne. Nous avons combattu ces mesures. Nous sommes d’autant plus à l’aise pour dénoncer aujourd’hui votre attitude que nous n’avons pas ménagé nos critiques à l’égard des hausses de TVA votées ces derniers mois. Nous continuons de considérer que le Gouvernement doit supprimer ces mesures. Ce même gouvernement a eu, en revanche, raison de revenir sur les cadeaux fiscaux consentis aux privilégiés sans aucune utilité économique. Mais il faut encore aller beaucoup plus loin, monsieur le Premier ministre, dans le sens de la justice fiscale, en renforçant notamment la progressivité de l’impôt et les dispositions de taxation du capital improductif.

L’opposition tente aujourd’hui de capitaliser sur le mécontentement d’un certain nombre de nos concitoyens, mais les Français ont tourné le dos à sa politique : ils ne veulent plus d’une politique au service des forces de l’argent. Bien au contraire, lors des scrutins présidentiel et législatif de l’an dernier, c’est une profonde volonté de changement qui s’est exprimée. Cette volonté s’est d’autant plus affirmée que la crise s’intensifie en Europe et en France, et que le chômage s’accroît dans des proportions inquiétantes, sans perspective de sortie de crise à court et moyen termes.

Les Français attendent une réelle alternative politique. Si nombre de nos concitoyens expriment aujourd’hui leur déception et parfois leur colère, c’est qu’ils attendent du Gouvernement qu’il se donne enfin les moyens du changement,…

M. André Schneider. Ah oui !

M. André Chassaigne. …qu’il se dote enfin d’une vraie ambition économique et sociale.

Mais il faut bien le dire, monsieur le Premier ministre : nous sommes loin du compte ! Où sont les mesures attendues de revalorisation des salaires et de soutien au pouvoir d’achat des ménages ? Où sont les mesures de lutte contre les licenciements boursiers et l’avidité des actionnaires ?

M. Jean-Paul Bacquet. C’est du Mélenchon, ça !

M. André Chassaigne. Où sont les politiques sociales ambitieuses en matière de santé, de retraite et d’emploi ?

Nous avons, quant à nous, la conviction que la gauche doit incarner la résistance au pouvoir de la finance. Sinon, nous sommes convaincus que la politique gouvernementale ira dans le mur. Elle en prend malheureusement le chemin en succombant aux sirènes de la course à la compétitivité, qui détruit des milliers d’emplois et les solidarités sur lesquelles repose notre pacte républicain.

M. Jean-Paul Bacquet. Ce n’est pas la fin de l’URSS !

M. André Chassaigne. Terrible renoncement ! À l’inverse, la priorité est aujourd’hui d’infléchir la politique européenne et, face aux fanatiques de l’austérité, de retrouver le chemin de la raison.

Le Président de la République a eu tort de faire profil bas sur la scène européenne en acceptant le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en Europe sans le renégocier. Il a eu tort de se contenter d’un pacte de croissance de 120 milliards d’euros sur trois ans qui consiste, pour l’essentiel, en des dépenses déjà programmées.

Il est nécessaire de promouvoir une profonde réorientation de la politique européenne, qui prenne l’exact contre-pied du projet d’accord du Conseil européen sur le futur cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, lequel ouvre la voie à sept années d’austérité et de ralentissement économique en Europe en reniant la plus élémentaire solidarité européenne. En refusant d’approuver ce projet, le Parlement européen a ouvert une brèche dans le dogme de la réduction des déficits. La France doit se saisir de cette opportunité pour convaincre ses partenaires de la nécessité de rompre avec les politiques ruineuses de restriction budgétaire promues par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.

Il faut pour cela desserrer l’étau d’une politique monétaire trop rigide et rétablir une politique de change. L’action de la Banque centrale à l’égard des banques doit désormais être guidée par le refus de prêter de l’argent à celles qui financent des opérations spéculatives. Le préalable de cette mesure est la réalisation d’une vraie séparation entre les banques de dépôt et les banques d’affaires. Il est temps de mettre la politique monétaire et le système bancaire au service de la société.

Pour les députés du Front de gauche, il n’y a pas de fatalité au triomphe de la logique libérale de mise en concurrence des territoires et des peuples. Il n’y a pas de fatalité à la désindustrialisation de nos territoires. Il n’y a pas de fatalité à voir le MEDEF imposer ses vues dans un accord qui organise le recul des droits des salariés. C’est parce que nous refusons cette fatalité que nous combattrons pied à pied l’accord de prétendue sécurisation de l’emploi,…

M. Marc Dolez. Très bien !

M. André Chassaigne. …accord minoritaire qui facilite les licenciements et offre aux employeurs de baisser les salaires et d’augmenter le temps de travail.

Nombreux sont ceux, bien au-delà des rangs du Front de gauche, qui attendent du Gouvernement un changement de cap en faveur de la relance et de l’emploi.

Nous ne voterons pas pour autant la motion de censure proposée par la droite, dont les motivations et les arguments sont une invitation à l’austérité dogmatique et systématique. Nous ne voterons pas cette motion de censure qui invite le Gouvernement à reproduire les erreurs de ses prédécesseurs. Nous pensons, au contraire, que le temps est venu pour l’ensemble de la gauche de rebattre les cartes de la politique actuelle et de prendre en compte l’humain d’abord.

M. Jean-Charles Taugourdeau. On n’est pas à la CGT !

M. André Chassaigne. Chers collègues, vous pouvez compter sur notre détermination à agir dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

(…)

M. le président. La discussion est close.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin, et que le vote se déroule dans les salles voisines de l’hémicycle.

Le scrutin va être ouvert pour trente minutes : il sera donc clos à dix-neuf heures vingt-cinq.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin :

Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée : 287

Pour l’adoption………………………………..228

La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pour en savoir plus : André Chassaigne - AC

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