07-10-2004

Motion de renvoi en commission et article 1er.

1re SÉANCE DU JEUDI 7 OCTOBRE 2004

La séance est ouverte à neuf heures trente.

DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX - deuxième lecture- (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

[…]

M. Henri Nayrou - …mais finalement disparates, multiplié les cavaliers, pour aboutir à un ensemble qui n’est guère à même de remobiliser les ruraux.

En première lecture, je m’étonnais du nombre d’articles consacrés à l’agriculture, alors qu’était annoncée une loi de programmation sur ce sujet. Il en va de même pour la chasse, qui aurait mérité un projet spécifique. Et comment ne pas rêver d’une nouvelle mouture de la loi montagne, vingt ans après, au lieu de quelques amendements grappillés ça et là, comme si la montagne pouvait survivre à coup d’expédients, avec le tourisme d’été et de week-end ? Finalement, ne nous étonnons pas que la presse, hier, se soit contentée pour présenter ce projet « rural » de parler de la viticulture !

Une loi sur la ruralité du XXIe siècle ne saurait être un conglomérat de mesures sectorielles, si justifiées soient-elles.

Une loi sur la ruralité aurait dû préparer l’avenir de millions de Français qui veulent vivre loin des villes en assurant l’égalité des citoyens sur tout le territoire. Elle aurait dû accompagner cette tendance de fond qui fait qu’on ne peut plus parler désormais de 20 % de ruraux qui vivent sur 80 % du territoire mais bien, selon l’INSEE, de 40 % de nouveaux « rurbains » qui occupent 60 % de l’espace national. Ces derniers veulent savoir ce que le Gouvernement leur propose pour l’emploi, les services, le logement, l’accès au haut débit.

M. André Chassaigne - C’est là l’essentiel.

M. Henri Nayrou - Là plus qu’ailleurs il faut inventer, organiser développement économique, services publics, logement, transports, désenclavement. Où sont vos projets ? Ils sont absents faute de volonté politique, faute de moyens aussi, car le monde rural a besoin de l’argent public pour compenser ses handicaps, et votre dogme libéral, c’est la loi du plus fort sur le marché. Mais rural ne peut rimer avec libéral.

M. André Chassaigne- Très bien !

M. Henri Nayrou - Sans intervention publique, le déclin économique se poursuivra. En mai 2003, Augustin Bonrepaux avait proposé de doter les secteurs ruraux en forte déprise de zones franches similaires à celles des banlieues en difficulté. Refusé ! Pourtant, la discrimination positive est bien la méthode la plus efficace pour créer de l’emploi là où il n’y en a plus. M. Coussain se félicite de ce que les zones de revitalisation rurales soient alignées sur les zones franches urbaines. Il pêche par excès d’optimisme, car cela n’a pas la même portée.

Quant aux services publics, ils devraient être les piliers du développement rural et l’Etat, garant de la solidarité territoriale, devrait jouer tout son rôle dans ce domaine. Mais cela a un coût, que vous ne pouvez assumer, en raison des difficultés financières dans lesquelles vous vous êtes empêtrés.

Pour ne rien arranger, le Sénat est revenu sur les quelques acquis de notre Assemblée en supprimant les articles 37 A à 37 E qui garantissaient le maintien et l’égalité devant les services publics. Ces articles ont été remplacés par un article 37 F nouveau qui nous paraît passablement insuffisant : si l’idée de faire du préfet le pivot de la procédure d’alerte et de concertation va dans le sens du rapport que j’ai rédigé en 2001 pour la Délégation à l’aménagement du territoire, ce dispositif a un caractère par trop défensif et a déjà fait la preuve de son inefficacité.

Deux grands principes doivent guider la politique relative aux services publics : tous doivent avoir un égal accès à ceux-ci et il faut se garder de toute référence systématique à une notion de rentabilité. La gestion de ces services suppose à la fois des actes de solidarité territoriale et sociale, le respect de choix de vie des citoyens, le souci de l’aménagement du territoire et la volonté de rendre espoir.

De cela, je prendrai quatre exemples. Le premier a trait au nouveau profil sociologique du monde rural : un récent Atlas des nouvelles fractures sociales a confirmé une paupérisation que nous pressentions. « Les populations modestes tendent à se concentrer à la campagne, où les prix du logement sont les plus accessibles », écrivent les deux auteurs. Pis : ils expliquent que, « loin du mythe du départ à la campagne des cadres et autres néo-ruraux reliés par Internet, ces nouvelles populations sont même souvent exclues du monde du travail » et que « près de la moitié des ménages arrivés depuis cinq ans sont des ménages en situation précaire ou pauvres ». Ce que je constate en Ariège ne peut que leur donner raison et, de ce point de vue, votre projet apparaît bien insuffisant et inconséquent.

S’agissant d’autre part des maisons de services publics, vous n’avez rien trouvé de mieux que d’en confier la gestion au privé. Comme si ce tour de passe-passe allait régler les problèmes administratifs qui pourrissent parfois la vie des ruraux !

Quant à la Poste, il faudrait que ce gouvernement de libéraux cesse de se cacher derrière son petit doigt : la responsabilité majeure incombe bien à l’Etat qui ordonne les missions de service public et doit donc en payer le prix ! S’il oubliait cette évidence, gageons que les élus locaux, qui ont adopté 5 400 délibérations sur le sujet, sauront la lui rappeler, ainsi que les syndicats. Dans le prolongement de la loi de régulation postale, la direction de la Poste vient d’adopter un « plan d’évolution » qui compromet l’égalité d’accès à ses services et ouvre à terme la voie à une privatisation. Ce plan est tout à fait inacceptable, comme est inacceptable la fermeture programmée de 6 000 bureaux de plein exercice, sur les 11 422 ouverts. Or chacun se souviendra que la première annonce en fut faite, dans Le Parisien, le 17 septembre 2003, par le président Ollier - annonce aussitôt démentie, naturellement, mais qui se trouve vérifiée aujourd’hui, au grand désespoir des ruraux !

[…]

M. le Président de la commission des affaires économiques - Certes, notre collègue vient de se livrer, avec une certaine difficulté d’ailleurs, à un exercice convenu. Je comprends bien qu’il était en mission - en mission politique -, mais, dans son propos, je n’ai pas retrouvé celui qui défend avec constance la cause de la montagne et du monde rural.

Il a défendu une motion de renvoi en commission des affaires économiques mais, étant membre de la commission des affaires sociales, il aurait dû s’enquérir de la façon dont nous avons travaillé. Dès le départ, nous avons dit que les 76 articles présentés ne constituaient pas une véritable politique d’aménagement du territoire et, avec l’accord du Gouvernement, nous nous sommes employés à renforcer le dispositif. S’agissant de la loi montagne, M. Brottes par exemple nous a apporté un certain nombre d’idées. Ce travail que j’ai donc voulu consensuel nous a amenés à examiner 1 500 amendements en première lecture. Pour cette lecture-ci, nous en avons vu plus de 600. Au total, nous avons consacré 33 heures à la discussion de ce texte qui est parti au Sénat fort de 182 articles et qui nous revient avec 200. Je reconnais que nous avons travaillé rapidement cette fois-ci, mais on peut travailler vite et bien, Monsieur Nayrou ! En tant que président de la commission, je ne saurais admettre ce que vous avez dit…

M. André Chassaigne - N’en rajoutez pas !

M. le Président de la commission des affaires économiques - Je me borne à énoncer des faits.

Après avoir fait le tri parmi les 600 amendements présentés, nous allons maintenant proposer 30 articles nouveaux. Il est rare qu’on puisse faire un travail aussi constructif et j’exprime ma reconnaissance à tous ceux qui l’ont permis, mais c’est pourquoi je ne puis accepter la charge à laquelle s’est livré M. Nayrou. Attaché à la cause qu’il défend, notre collègue devrait d’ailleurs savoir que la pire des choses pour celle-ci serait que ce texte revienne en commission. Il y a urgence à statuer, dans l’intérêt du monde rural, et je demande donc le rejet de cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

[…]

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M. Nicolas Forissier, secrétaire d’Etat - Enfin, le Gouvernement serait selon vous aux abonnés absents. Sans doute parlez-vous du gouvernement précédent… Sur 22 ans, votre famille politique a été plus de 15 ans au pouvoir : on peut en conclure qu’elle est responsable à hauteur des trois quarts des difficultés du monde rural (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Ce gouvernement et sa majorité, au contraire, mettent en place des outils diversifiés pour relever le défi de son développement. Je suis certain que très bientôt, vous vous associerez à cette démarche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. André Chassaigne - Cher Président Ollier, nous ne remettons pas en cause le travail en commission dans sa forme, même s’il faut bien reconnaître que nous n’avons pas pu faire un travail très approfondi pour cette deuxième lecture - la preuve en est que nous devons nous réunir à nouveau tout à l’heure pour examiner des amendements que nous n’avions pas encore eu le temps d’étudier.

M. le Président de la commission - Non, des amendements qui ont été déposés après notre dernière réunion !

M. André Chassaigne - Si le renvoi en commission est nécessaire, c’est pour une raison simple : ce projet ne traite pas des problèmes de fond. Comment se contenter d’un texte qui ne règle pas la question essentielle des services à la population ? Comment maintenir une vie dans le monde rural si l’Etat se décharge sur les collectivités territoriales de ce qui relevait précédemment de la solidarité nationale ? Ce projet consiste en effet avant tout en un extraordinaire désengagement de l’Etat, qui en le présentant se donne bonne conscience ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

[…]

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.

La séance, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 15.

[…]

APRÈS L’ARTICLE PREMIER

[…]

M. André Chassaigne- Défendant l’amendement 428, je me fais le porte-parole d’une dizaine de communautés de communes du Puy-de-Dôme. Et, si nous avons voulu placer cette proposition juste après l’article premier qui traite du développement des activités économiques, c’est qu’il s’agit des agents de développement, indispensables au montage de projets. Or les préfets refusent d’intégrer dans la fonction publique territoriale au motif que leur spécialité n’est nulle part reconnue. Nous demandons donc que cette spécialité, le développement local, soit créée dans le cadre d’emploi des attachés territoriaux.

M. le Président - J’ai l’impression que cela relève du règlement…

M. Yves Coussain, rapporteur - J’allais le dire. La commission n’a pas examiné l’amendement, mais elle avait repoussé le même en première lecture, précisément pour ce motif.

J’ajoute qu’un tel amendement contribuerait à l’incohérence du texte, qu’en défendant son exception d’irrecevabilité M. André Chassaigneavait cru devoir dénoncer…

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d’Etat - Avis défavorable également, la question étant en effet d’ordre réglementaire. Mon département ministériel y travaille avec celui de la fonction publique, afin de répondre à vos préoccupations.

L’amendement 428 est retiré.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

Pour en savoir plus : Compte-rendu analytique sur le site de l’Assemblée

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