23-01-2004

OGM, coopératives agricoles, travailleurs saisonniers.

[…]

ART. 9

M. André Chassaigne - Alors que les OGM se développent et que les risques de dissémination augmentent, il n’existe aucun système juridique de responsabilité sur le sujet. Les compagnies d’assurances refusent de couvrir le risque OGM et des agriculteurs biologiques risquent de se trouver démunis si leurs cultures étaient contaminées par des pollens transgéniques. A une question écrite, le ministre m’a répondu que la puissance publique doit veiller, d’une part, à ce que les agriculteurs désireux de recourir aux OGM y aient accès et, d’autre part, à ce que les productions plus traditionnelles ne subissent aucun préjudice économique. Il m’a assuré que ses services formuleraient des propositions à ce sujet. Les amendements 406, 407 et 408 ont pour but d’étendre les possibilités d’indemnisation aux agriculteurs qui auront à subir les conséquences du développement des OGM. 

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable. La culture des OGM n’est pas autorisée en France et le problème ne se pose donc pas. Par ailleurs, il semble excessif de parler de contamination.

M. Hervé Gaymard, ministre - A la différence des organismes nuisibles de quarantaine, la présence fortuite d’OGM dans une culture ne fait pas l’objet d’un régime de lutte obligatoire. Elle ne présente pas de risque sanitaire ou phytosanitaire, puisque les OGM sont soumis à un régime spécifique d’autorisation de mise sur le marché. Dans l’état actuel du droit, la présence fortuite d’OGM dans une semence ne porte pas préjudice à la conformité du lot considéré si le taux observé est inférieur au taux de pureté variétal. Elle ne fait l’objet d’aucun seuil spécifique, ni au plan national, ni au niveau communautaire.

Si des mécanismes d’indemnisation pour préjudice économique devaient être envisagés, il ne pourrait s’agir du simple élargissement des mécanismes d’indemnisation prévus dans le cadre de la lutte contre les risques sanitaires ou phytosanitaires. Un groupe de travail juridique travaille actuellement sur ces questions. La rédaction proposée dans l’amendement ne semble pas apporter une réponse satisfaisante. Avis défavorable.

L’amendement 406, mis aux voix, n’est pas adopté, non plus que les 407 et 408.

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ART. 10

M. Patrice Martin-Lalande - Cet article est essentiel pour le monde équestre puisqu’il tend à faire bénéficier du régime fiscal agricole un nombre sensiblement accru d’activités. Je tiens à féliciter MM. Gaymard, Lambert et Lamour d’avoir pris ce problème à bras-le-corps pour apporter à la filière cheval un soutien dont elle a bien besoin. L’extension raisonnée du champ des activités réputées agricoles répond à la demande des centres équestres et met fin aux distorsions de concurrence constatées jusqu’à présent. Je rappelle que le dispositif a été validé dans la loi de finances pour 2004, grâce notamment à MM. Louis Giscard d’Estaing et Philippe Rouault.

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M. André Chassaigne - Je me félicite également de ces dispositions. J’avais été par contre scandalisé qu’il soit envisagé d’en faire bénéficier les grands patrons d’écuries de courses, au risque de leur permettre d’échapper par ce biais à l’ISF ! Mais je crois savoir qu’il est prévu d’amender le texte pour prévenir cette dérive.

M. Hervé Gaymard, ministre - Je remercie MM. Martin-Lalande et Chassaigne de leur soutien. Avec Alain Lambert et Jean-François Lamour, nous avons voulu mettre fin dans le cadre d’un plan global aux traitements « distorsifs » que subissait la filière cheval. C’est désormais chose faite !

M. Patrice Martin-Lalande - Bravo !

M. Antoine Herth - L’amendement 373 est défendu.

L’amendement 373, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

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M. Jean Lassalle - Mon collègue Dionis du Séjour attache une particulière importance à l’amendement 1224, qui tend en premier lieu à clarifier la situation des entreprises spécialisées dans la production et la transformation de semences au regard de la taxe professionnelle, pour éviter tout contentieux avec des collectivités territoriales.

Il s’agit donc de préciser que les producteurs de semences ne sont pas assimilés à des exploitants agricoles mais qu’ils relèvent bien du statut de transformateur. Aussi, l’amendement dispose que la taxe professionnelle est due par les semenciers même lorsqu’ils s’assurent les concours d’agriculteurs multiplicateurs.

L’enjeu fiscal pour les communes rurales situées dans les zones de production est considérable : il peut représenter jusqu’à 10 % de la fiscalité globale ou 30 % de la taxe professionnelle.

L’amendement tend ensuite à supprimer le seuil de 45 000 € en dessous duquel ces entreprises étaient exonérées de taxe professionnelle. Ce secteur relèverait ainsi du droit commun des entreprises agro-alimentaires.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission est favorable à l’amendement, même si elle estime qu’il pourrait trouver sa place dans un autre projet.

M. Hervé Gaymard, ministre - Avis défavorable. Il faut distinguer les agriculteurs multiplicateurs de semences, qui bénéficient de l’exonération, des établissements dont l’activité principale est la transformation et qui commercialisent des produits transformés. Or l’amendement vise toutes les productions indistinctement.

M. Jean Lassalle - Peut-on imaginer, Monsieur le Président, que l’amendement, présenté en deuxième lecture avec une rédaction précisée, aurait une seconde chance ? (Sourires)

M. le Président - Moi, je ne pense pas, j’applique le Règlement !

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M. Hervé Gaymard, ministre - Nul doute qu’une rédaction nuancée permettrait de clarifier ce sujet complexe… (Sourires)

M. Philippe Folliot - Ne serait-il pas de meilleure pratique d’adopter l’amendement en l’état quitte à le préciser au cours de la navette ?

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Les explications du ministre ont été très claires : il y a d’un côté les agriculteurs semenciers, d’un autre côté ceux qui ne sont pas agriculteurs et qui vendent les semences, et aucune nouvelle rédaction ne permettra de les classer tous en une seule catégorie !

M. Daniel Garrigue - Adopter l’amendement créerait un précédent assez dangereux, tant les agriculteurs sont liés au secteur agro-alimentaire. Si l’on suit cette voie, le risque existe que les activités intégrées soient ensuite assimilées au secteur agricole.

M. Jean Lassalle - Un sous-amendement peut-être ? (Rires)

M. le Président - Il faudrait nous le lire, et l’écrire.

M. Jean Lassalle - Tout de suite ? (Rires) Peut-être pourriez-vous m’accorder quelques minutes de suspension…

M. le Président - Si vous avez une délégation.

M. André Chassaigne - Pour tirer notre collègue d’embarras, je demande une suspension de séance de cinq minutes au nom du groupe communiste. Mais cela ne vaut pas caution pour le contenu ! (Sourires)

La séance, suspendue à 22 heures 30, est reprise à 22 heures 35.

M. Jean Lassalle - Je remercie notre collègue Chassaigne d’avoir sollicité cette suspension de séance et le président de l’avoir accordée. Mais cela ne m’a pas suffi pour rédiger un sous-amendement acceptable. Après tout, M. Dionis du Séjour n’avait qu’à être là ce soir ! Nous nous rapprocherons de vos services, Monsieur le ministre, pour essayer de régler le problème.

L’amendement 1224, mis aux voix, n’est pas adopté.

[…]

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M. André Chassaigne - Les amendements 556, 557, 558 et 559 concernent les coopératives agricoles. Chacun connaît leur importance, face aux pressions à la baisse exercées par les centrales d’achat, l’industrie agroalimentaire et la grande distribution. Les coopératives ont pour mission de conforter la place des agriculteurs dans la filière agroalimentaire et leurs moyens de contrôle et de prévenir le dumping de la part de la distribution. La coopération est aussi la forme appropriée pour relancer les filières courtes de distribution, seules à même d’assurer que la valeur ajoutée profite aux agriculteurs. Force est de constater toutefois que la coopération ne parvient pas à remplir cette mission. Elle n’est d’abord pas assez développée face aux grands groupes agroalimentaires. Trop souvent, son action se limite aux transformations de base, peu rentables. Les sociétés de droit commun se réservent les transformations à haute valeur ajoutée. L’exemple de la faillite de Parmalat montre la dépendance des coopératives agricoles à l’égard des grands groupes financiers. Il faut donc renforcer la coopération en France.

Par ailleurs, de nombreuses valeurs de la coopération sont dévoyées. Au congrès du CNJA du 4 juillet 2002, M. Lemétayer a affirmé qu’il fallait redéfinir le pacte coopératif et que les coopératives n’appliquaient plus certaines valeurs. Il a dénoncé l’incompréhension entre les agriculteurs et leurs coopératives et le malaise qui se développe. Il proposait que les coopératives associent les agriculteurs aux décisions et rappelait qu’elles font partie de leur stratégie collective. Le président du CNJA, Jérôme Despey, a, lui, mis l’accent sur les valeurs de la coopération agricole, auquel le syndicalisme reste profondément attaché. Il a constaté certaines dérives et a affirmé que les jeunes agriculteurs étaient prêts à défendre l’idée d’une coopérative à taille humaine et à réaffirmer le rôle des sociétaires dans un outil qui leur appartient.

Ce constat est de plus en plus partagé. Il faut que les agriculteurs puissent se réapproprier cet outil de solidarité. Plus que des réponses juridiques, nos amendements visent à ouvrir le débat sur différents points que j’évoquerai au fur et à mesure.

Mon amendement 558 vise par conséquent à renforcer le poids des associés coopérateurs dans les coopératives, afin que les agriculteurs ne soient pas dépossédés de leur gestion. Le 559 - peut-être le plus important - rend plus difficile le processus de filialisation des coopératives et le 557 réaffirme le principe « un homme, une voix » dans les statuts des coopératives. Compte tenu des précisions obtenues depuis son dépôt, je retire l’amendement 556.

M. Yves Coussain, rapporteur - Rejet. Les freins que vous nous proposez d’introduire vont à l’encontre du développement économique que vous recherchez et il nous semble préférable d’aborder la question de la réforme de la coopération dans la future loi de modernisation agricole.

M. Hervé Gaymard, ministre - Même avis bien que certains des problèmes qu’a soulevé M. Chassaigne méritent toute notre attention. C’est d’ailleurs ce qui a conduit le Premier ministre à confier à M. Guillaume une mission sur l’avenir de la coopération. Attendons ses conclusions pour nous prononcer, sans doute dans le cadre de la loi de modernisation agricole.

M. Jean Gaubert - Nous abordons là un problème bien connu du monde agricole : les coopératives ont tellement bien réussi qu’elles ont finalement un peu échappé à la vigilance des agriculteurs ! Nous déplorons que la permanence des producteurs ne soit plus forcément leur premier souci mais nous restons très attachés aux valeurs coopératives et nous prendrons toute notre part à un éventuel débat sur la réforme de la coopération.

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M. Jean Auclair - Je dénonce depuis longtemps la soviétisation de l’agriculture française et M. Chassaigne est à l’évidence un nostalgique des grandes coopératives soviétiques… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - N’importe quoi !

M. Jean Auclair - Mais tout a changé ! D’accord cependant pour dénoncer le fait que les coopératives tendent à exploiter les producteurs qui les engraissent. La solution, c’est de faire appel aux entreprises privées car elles rendent aux exploitants un bien meilleur service !

L’amendement 558, mis aux voix, n’est pas adopté, non plus que les amendements 559 et 557.

M. André Chassaigne - Par notre amendement 410, nous voulons introduire un meilleur contrôle de l’évolution des prix pour permettre de garantir aux producteurs une juste rémunération de leur travail et un contrôle renforcé des modes de fonctionnement des marchés agricoles. Il s’agit notamment de prévenir le dumping que pratiquent les centrales d’achat de la grande distribution. Je m’appuie pour le défendre, Monsieur le ministre, sur les propos que vous avez tenus ici même le 6 novembre dernier - « il faut se battre contre ce mythe du prix mondial, qui équivaut le plus souvent aux moins-disants économique, environnemental et social » - et sur les nombreux témoignages d’agriculteurs excédés par les pratiques spéculatives des grandes surfaces que j’ai recueillis au forum social européen, dont celui de mon ami Raymond Virarai, producteur de maïs doux à Argenton dans le Lot-et-Garonne. Il est inadmissible que des tomates payées à 60 centimes le kilo aux producteurs soient revendues 3 € le kilo par le supermarché du coin ! Il est indispensable de garantir des prix planchers, couvrant au moins les coûts de production. L’avenir de l’agriculture passe par le maintien de prix rémunérateurs !

M. Yves Coussain, rapporteur - Malgré vos excellentes références et, assurément, vos bonnes intentions, la commission a repoussé votre amendement car il est inapplicable.

M. Hervé Gaymard, ministre - Même avis.

M. Philippe Folliot - Sans doute la proposition de M. Chassaigne est-elle mal formulée, mais le problème posé est bien réel. Nombre de nos filières - agricoles mais aussi industrielles - vont droit dans le mur si on ne les aide pas à résister à la pression des grandes centrales d’achat. Rester inerte, c’est favoriser à coup sûr le développement des importations de pays tiers, et, à terme, de nouvelles vagues de délocalisation et de désertification rurale. Je remercie notre collègue Chassaigne d’avoir permis à notre assemblée de s’attarder quelques instants sur ces enjeux essentiels et de nous aider à prendre conscience de l’urgence de la situation !

M. Jean Gaubert - Nous partageons tous l’analyse de M. Chassaigne, mais je crois en effet qu’un travail plus approfondi s’impose sur les mécanismes de mise en marché. Ensuite, le ministre pourrait sans doute nous faire des propositions dans le cadre de la loi de modernisation agricole…

Les accords de filière ont mauvaise presse auprès de l’Union européenne. Il y a deux ou trois ans, l’un d’entre eux a été vivement critiqué et, à cette occasion, on a même accusé les agriculteurs de faire pression sur la grande distribution - comme s’ils en avaient les moyens ! Mais le législateur a tout intérêt à encourager un regroupement de la « force de vente », actuellement très éclatée alors que la « force d’achat » a su s’organiser en grandes enseignes qui ont à leur tour créé des centrales. Face à celles-ci, même les coopératives les plus puissantes ne peuvent faire le poids. On ne peut laisser perdurer un tel déséquilibre, qui ne peut qu’être rapidement préjudiciable au secteur agricole. Il est impératif que les marges soient mieux partagées entre producteurs, transformateurs et distributeurs.

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M. Jean-Charles Taugourdeau - Le rapporteur a certainement raison de dire que l’amendement n’est guère praticable, mais je le voterai pour le principe : payer quelques centimes de plus le kilo de fruits ou de légumes permettrait de régler tous les problèmes des producteurs sans affecter trop, je pense, les consommateurs - et nous aurions alors un ministre de l’agriculture parfaitement heureux !

M. André Chassaigne - Au nom des agriculteurs que nous représentons tous, je remercie par avance ceux qui voteront cet amendement, marquant ainsi leur attachement au principe de prix rémunérateurs.

Les producteurs essaient de se regrouper mais, lorsqu’ils y parviennent, le Conseil de la concurrence les condamne à des amendes importantes - 20 000 €, par exemple, pour les producteurs de fraises du Lot-et-Garonne ! -, pour entente illicite. On ne fera jamais assez pour garantir des prix rémunérateurs mais si nous parvenons ne serait-ce qu’à éviter ces condamnations par le Conseil de la concurrence, nous aurons déjà fait beaucoup.

M. Yves Coussain, rapporteur - Nous sommes d’accord sur le fond mais faire la loi n’est pas voter des textes purement déclaratifs comme celui-ci. Qu’est-ce qu’une juste rémunération ? En quoi consisterait un meilleur contrôle ?

M. André Chassaigne - Ce sera précisé par voie réglementaire.

M. Yves Censi - N’affaiblissons pas la loi.

L’amendement 410, mis aux voix, n’est pas adopté.

[…]

M. Bernard Accoyer - Notre amendement 1256 concerne la distribution du fioul domestique. La grande distribution a investi ce marché depuis une dizaine d’années et n’a cessé d’augmenter sa part, ce qui a conduit à la fermeture de nombreuses stations services - 500 par an. Surtout, c’est tout le réseau de distribution de fioul domestique - environ 4 000 entreprises -, qui se trouve déstabilisé. Nous devons prendre garde aux menaces qui pèsent sur ce véritable service public de proximité.

M. Jean Auclair - Très bien !

M. Bernard Accoyer - La grande distribution a les moyens de proposer des conditions financières avantageuses aux gros acheteurs, ce qui conduit à une distorsion de concurrence de nature à remettre en question le maintien à domicile des personnes âgées modestes. L’amendement 1256 vise donc à rééquilibrer la distribution du fioul domestique, en lui étendant le dispositif d’autorisation d’exploitation commerciale délivrée par la commission départementale d’équipement commercial.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable, car cet amendement ne concerne pas uniquement les zones rurales.

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M. le Président de la commission - A titre personnel, je trouve cet amendement excellent. J’ai fait partie de ceux qui se sont battus, aux côtés notamment de Jean-Pierre Raffarin, pour protéger les petits distributeurs et le commerce de proximité contre les grandes surfaces de plus de 300 mètres carrés. Or, on a négligé le problème de la distribution des combustibles et il nous est offert aujourd’hui de rattraper cet oubli.

C’est vrai, la commission n’a pas approuvé cet amendement, sans doute en raison de la précipitation de nos travaux - nous avons dû examiner 400 amendements en une heure !

A titre personnel, je souhaite son adoption (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Hervé Gaymard, ministre - Cette disposition trouverait mieux sa place dans une autre loi, mais le problème a été trop longtemps sous-estimé, aussi m’en remettrai-je à la sagesse de l’Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Auclair - Je me réjouis du mea culpa du président de la commission !

M. le Président de la commission - Plutôt une explication !

M. Jean Auclair - Permettez-moi de vous rapporter, à titre d’illustration, le témoignage d’un de mes administrés, modeste retraité, qui, attiré par les offres alléchantes de la grande distribution, s’est vu opposer un refus de le livrer, faute de temps. Heureusement qu’un petit distributeur a accepté d’honorer sa modeste commande.

M. André Chassaigne - Je suis d’accord avec cet amendement, mais je ne peux résister à la tentation de répéter à M. Auclair, fanatique du libéralisme effréné…

M. Jean Auclair - Contre les grandes surfaces !

M. André Chassaigne - …qu’il est plus que jamais nécessaire d’encadrer les règles de la distribution.

L’amendement 1256, mis aux voix, est adopté à l’unanimité.

M. Jean Auclair - Face à une telle unanimité, ai-je besoin de défendre l’amendement 1298 ? La loi encadre le développement des surfaces commerciales de plus de 300 mètres carrés.

Avec le développement des nouveaux outils de communication, tels les centres d’appels téléphoniques nationaux ou internet, la législation régissant l’urbanisme commercial ne permet plus de prendre en compte les ventes qui, grâce à ces nouveaux outils, ne mobilisent pas de « surfaces » au sens strict du terme, ce qui suscite l’intérêt grandissant de la grande distribution.

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M. André Chassaigne - C’est le libéralisme !

M. Jean Auclair - Plutôt la raison. L’esprit des lois de 1973 et 1996 est ainsi contourné, ce qui conduit à la disparition de nombre de PME et de petits commerces qui assuraient de véritables missions de service public de proximité.

La législation actuelle intègre déjà la délivrance d’autorisation pour la création ou l’extension d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial d’une surface de vente supérieure à 300 mètres carrés, aussi l’amendement 1298 tend-il à étendre ce dispositif à l’ensemble des activités de service, commerciales et artisanales, avec ou sans surface de vente, développées par ces établissements.

Quand tous les petits commerces auront disparu, les conseils municipaux seront bien obligés de financer des services publics de proximité avec l’argent des contribuables.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable de la commission.

M. Jean Auclair - A-t-elle bien compris ?

M. Yves Coussain, rapporteur - C’est vrai qu’elle a travaillé dans la précipitation. Cela étant, faute de seuil, votre amendement conduirait à interdire l’installation de tout commerce en zone rurale.

M. Jean Auclair - Il ne concerne que les grandes surfaces.

M. le Président de la commission - Monsieur Auclair, êtes-vous contre La Redoute ?

Tel qu’il est rédigé, cet amendement ne peut répondre à vos aspirations légitimes. Il serait opportun de le rejeter, quitte à réfléchir, avant la seconde lecture, à un autre dispositif.

M. Hervé Gaymard, ministre - Avis défavorable.

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M. Jean Auclair - J’espérais que vous ne prendriez pas l’exemple de La Redoute, car cela prouve que vous n’avez pas compris l’amendement ! Il s’adresse aux grandes surfaces établies dans les bourgs-centres des zones rurales difficiles, dont les publicités s’imposent à tous au détriment de toutes les règles commerciales et empêchent les artisans ou commerçants locaux de travailler.

M. Bernard Accoyer - Cet amendement concerne les activités de service menées par la grande distribution. On ne peut que s’inquiéter du fait qu’un grand distributeur, très médiatisé, investisse le secteur de la pose et des services liés au matériel qu’il vend ! Depuis quelques décennies, des millions d’emplois ont disparu en raison de la mutation du commerce en France. L’irruption des pratiques de la grande distribution dans les services remettrait en cause la vie même de l’artisanat. Je conçois qu’un débat aussi important ne puisse se développer au sein de ce texte, mais il faut au moins l’ouvrir. On ne peut pas laisser la grande distribution conquérir ce nouveau secteur, après la banque, l’assurance et les voyages, dans l’indifférence.

L’amendement 1298, mis aux voix, est adopté.

M. André Chassaigne - Le libéralisme sauvage en prend un coup !

M. Yves Coussain, rapporteur - L’amendement 828 rectifié est défendu.

M. Martial Saddier - Le personnel saisonnier, que nous avons grand mal à recruter, est souvent confronté à une pénurie de logements. Il doit souvent s’éloigner de son lieu de travail pour se loger. Les horaires de l’hôtellerie restauration, pour ne prendre que cet exemple, en deviennent totalement incompatibles avec le rythme normal d’un enfant. L’amendement 1004 propose donc que le contrat de travail saisonnier ouvre le droit de faire inscrire les enfants des saisonniers dans une école de la commune de leur lieu de travail.

M. Jean Lassalle - L’amendement 1086 vise également à faciliter la scolarité des enfants des travailleurs saisonniers du tourisme, en leur permettant d’être inscrits sur leur lieu de travail. Il s’agit de cas très spécifiques, et je pense que c’est le moindre des services que l’on puisse rendre à ces travailleurs saisonniers.

M.YvesCoussain, rapporteur - La commission propose la scolarisation sur le lieu de la résidence temporaire. Les deux autres optent pour le lieu de travail. Cette solution risque de poser des problèmes juridiques. Elle est en effet plus éloignée du droit commun, qui prévoit la scolarisation dans le lieu de résidence.

M. Martial Saddier - Peut-être faudrait-il envisager la scolarisation soit sur le lieu de résidence temporaire, soit sur le lieu de travail ?

M. Hervé Gaymard, ministre - Le Gouvernement partage votre souci. Il préférait l’amendement de la commission aux deux autres, mais ménager l’alternative serait encore la meilleure solution.

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M. Yves Coussain, rapporteur - J’accepte volontiers. L’amendement 828, 2e rectification, ouvre donc le droit à la scolarisation dans une école du lieu de résidence temporaire ou du lieu de travail.

M. Jean Gaubert - Vouloir trop bien faire risque de poser des problèmes. Cette modification pourrait créer des conflits entre les communes de résidence temporaire et de travail, chacune laissant à l’autre le soin de scolariser les enfants. La rédaction du rapporteur me semblait moins équivoque.

M. Hervé Gaymard, ministre - En tant qu’élu local, je sais que les saisonniers ont souvent trois lieux de vie : leur résidence d’origine, l’endroit où ils habitent et la station où ils travaillent. Selon l’âge des enfants et leur situation particulière, il peut leur être préférable de les scolariser sur le lieu de résidence temporaire ou à la station. Cela justifie l’alternative.

M. André Chassaigne - S’appuyer sur la réglementation actuelle simplifierait tout. La résidence temporaire peut être considérée comme la résidence normale des saisonniers. Quant au lieu de travail, il est déjà possible d’y scolariser des enfants sous réserve d’une des deux conditions prévues par les textes. Je m’étonne de cette méconnaissance de la réglementation, qui permettrait de répondre à toutes les situations.

M. Martial Saddier - Il n’est pas sûr, Monsieur Chassaigne, que dans l’état actuel des choses, un maire ne puisse refuser la scolarisation. Par ailleurs, l’amendement prévoit que le contrat saisonnier « ouvre droit » à la scolarisation. C’est de nature à lever les craintes de M. Gaubert sur un éventuel refus des maires.

Etant un tout jeune député, je voudrais savoir si les auteurs de l’amendement 1004 pourront apparaître comme signataires du 828, 2e rectification.

M. le Président - Ce sera le cas.

M. Joël Giraud - Il convient de préciser que c’est bien le travailleur saisonnier lui-même qui fait le choix du lieu de scolarisation.

M. le Président - Nous pouvons donc considérer que l’amendement 828, 2e rectification, est cosigné par les auteurs de l’amendement 1004 et par les auteurs présents en séance du 1086, ces deux amendements étant retirés à son profit (Assentiment).

L’amendement 828, 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l’unanimité.

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M. Jean Lassalle - Notre amendement 1223 crée un crédit d’impôt pour permettre aux familles vivant en ZRR de s’équiper en matériel de micro-informatique. Une incitation fiscale de cette nature permettrait de lutter contre la fracture numérique et de développer le télétravail. En l’adaptant, nous aidons nos campagnes à entrer de plain-pied dans la modernité, comme le souhaitent nos formidables président et rapporteur de commission ! (Sourires)

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission est évidemment très sensible à l’objectif poursuivi car il est en effet essentiel de favoriser l’essor du télétravail dans les zones les plus enclavées mais la création d’un crédit d’impôt pour acheter du matériel non professionnel risque de créer des effets d’aubaine peu maîtrisables. Rejet.

M. Hervé Gaymard, ministre - Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Je ne rappellerai pas toutes les mesures prises par M. Delevoye dans le domaine du numérique…

M. André Chassaigne - On les attend toujours !

M. Hervé Gaymard, ministre - Créer une distorsion entre contribuables en fonction de leur lieu d’habitation serait contraire au principe d’égalité des citoyens devant l’impôt.

L’amendement 1223, mis aux voix, n’est pas adopté.

[…]

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, vendredi 21 janvier 2004, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 55.

Pour en savoir plus : Compte-rendu analytique de la séance sur le site Internet de l’Assemblée Nationale

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