07-10-2005

PAC, OGM, motion de renvoi en commission.

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LOI D’ORIENTATION AGRICOLE (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi d’orientation agricole.

M. le Président - J’invite chacun des orateurs à respecter strictement les cinq minutes dont il dispose.

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M. Daniel Garrigue - Ce texte a pour but de moderniser notre agriculture et en quelque sorte de profiter du maintien de la PAC dans son état actuel jusqu’en 2013 pour préparer nos exploitations aux défis qu’elles devront relever. Vous le faites, Monsieur le ministre, en promouvant le concept d’entreprise agricole, en élargissant les débouchés de l’agriculture, et en relevant les défis de la protection de l’environnement et de la sécurité alimentaire.

Je voudrais mettre l’accent sur deux aspects qui se trouvent en retrait dans ce projet de loi d’orientation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Une série de mesures consiste à développer les débouchés non alimentaires, notamment pour produire de l’énergie, et permet de renforcer le rôle des organisations de producteurs. Il conviendrait de s’occuper davantage des exportations. A cet égard, certains secteurs, comme l’industrie agroalimentaire, se comportent remarquablement bien, tandis que d’autres sont moins bien organisés. Je pense notamment à la viticulture, qui éprouve des difficultés à maintenir sa position. Nous devons nous donner les moyens de structurer l’offre à l’exportation et la rendre plus conforme aux attentes des consommateurs de l’Europe du Nord, afin de mieux faire face à la concurrence des pays de l’hémisphère Sud. De fait, nos exportateurs utilisent des méthodes vieillissantes.

M. André Chassaigne - Il faut vendre du coca-cola !

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M. Daniel Garrigue - M. Gaymard, alors ministre de l’agriculture, avait constitué un groupe de travail réunissant les représentants de la FNSEA et de l’association nationale des retraités agricoles de France. Ce groupe a pu cerner un certain nombre de difficultés, notamment la situation des conjointes. Je sais que vous êtes attentif à ce problème, malgré les contraintes budgétaire et financières que nous subissons.

Il est indispensable de franchir un pas supplémentaire. Avec quarante de mes collègues, j’ai déposé un amendement qui s’inspire des conclusions du groupe de travail. Il a pour objet de prendre en compte la situation des conjointes, anciennes exploitantes qui ont cessé momentanément leur activité pour élever leurs enfants et voient leur retraite agricole amputée au titre de ces années. Le financement de cette disposition proviendrait, Monsieur Chassaigne, d’une taxe sur le coca-cola ! Cet amendement répondrait ainsi aux attentes du monde agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Chassaigne - La conscience de classe fait des progrès !

Mme Josette Pons - Ce projet de loi s’inscrit dans un contexte de transition, de difficultés et d’inquiétudes. Parmi les causes multiples du malaise du monde agricole, je retiendrai celles qui concernent plus particulièrement mon territoire. En effet, à l’heure où le pays se mobilise pour la lutte contre le chômage, la préservation de l’outil de travail agricole apparaît prioritaire. Elle passe par la maîtrise du foncier, bouleversé par la récente flambée des prix.

M. André Chassaigne - Ce sera encore pire après !

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Mme Geneviève Gaillard - Ce projet de loi ne me semble pas être en adéquation avec les enjeux actuels du débat sur la PAC et du nouveau cycle de négociations de l’OMC. Quant à l’esprit et à l’idéologie qui le sous-tendent, je note que face à la libéralisation accrue des échanges, vous proposez comme solution la libéralisation accrue de l’agriculture. Par ailleurs, la dépossession du Parlement opérée par le recours aux ordonnances, même si l’ampleur des transferts a finalement été réduite, me laisse perplexe. Je déplore également l’absence d’une étude d’impact, pourtant d’usage pour une loi d’orientation.

Sur le fond, les intitulés du titre III et de ses chapitres contrastent par leur ambition avec leur contenu minimaliste. La dimension environnementale, avec vous, c’est comme la confiture : moins il y en a, plus vous l’étalez !

M. André Chassaigne - Très belle formule !

Mme Geneviève Gaillard - Hormis l’accès à un taux de TVA allégé pour les collectivités consommant du bois, un maigre crédit d’impôts au profit de l’agriculture biologique, la possibilité de stipuler des clauses environnementales dans les baux et une mesurette sur les biocarburants, ce volet environnement est très insuffisant et choquant dans un texte qui prétend favoriser une agriculture durable. Fort heureusement, vous nous avez assuré que vous seriez très largement ouvert aux propositions des parlementaires ; je serai donc attentive à l’accueil que vous ferez à nos amendements.

Concernant les biocarburants, vous admettez le principe de l’autoconsommation et vous voulez « booster » le plan Raffarin. C’est bien, mais j’aurais souhaité une évaluation continue de leur impact sur l’environnement.

Concernant les produits phytosanitaires, le projet passe à côté de la question. L’affaire du gaucho a pourtant révélé les faiblesses des procédures en vigueur. En effet, les conditions de retrait de l’autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires devraient être définies par la loi et ne pas reposer uniquement sur l’application du décret du 5 mai 1994. Nous déposerons un amendement sur ce point.

Concernant les OGM, vous avez vous-même déclaré en commission, Monsieur le ministre, qu’en matière d’information et de transparence sur les essais, la situation était « anormale ». Les récentes révélations sur l’augmentation aussi discrète que substantielle des surfaces plantées en OGM en témoignent. J’ai fait partie de la mission d’information sur ce sujet. Nous avons pu constater à quel déni se heurtait l’action des parlementaires : jamais nous n’avons pu connaître la proportion de surfaces cultivées en OGM. 

M. André Chassaigne - Exact.

Mme Geneviève Gaillard - Cela doit changer, d’autant plus que notre commission a fait des propositions. La transposition de la directive 2001/18/CE devrait intervenir rapidement pour que les parlementaires et les citoyens puissent avoir une information convenable.

Je note enfin l’absence de mesures quant à la protection animale. Votre prédécesseur avait pourtant nommé un responsable, M. Forissier, et l’année 2005 a été déclarée « année du bien-être animal ». Non seulement ce texte ne constitue en rien une nouvelle étape en la matière, mais je me suis laissé dire qu’en réservant le meilleur accueil à un amendement purement déclaratoire sur le gavage des canards et des oies, vous donneriez volontiers le sentiment de vous y opposer. De nombreuses mesures de transposition de nos engagements internationaux et communautaires font défaut. Je ferai quelques propositions, en espérant que vous y serez sensible.

Une fois de plus, vous direz que d’autres textes viendront pour mieux prendre en considération la dimension environnementale : loi sur l’eau, loi de transposition de la directive 18/2001 relative à la dissémination d’OGM. Mais le développement durable nécessite une approche globale et intégrée alors que votre conception de la protection de l’environnement est beaucoup trop cloisonnée.

Ce texte dit d’orientation n’est pas à la hauteur des enjeux d’une agriculture durable et ne pourra satisfaire ni les agriculteurs, ni les consommateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. André Chassaigne - Excellent !

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M. Dominique Le Mèner - Permettez-moi d’associer à mon intervention ma collègue, Arlette Franco. Ce projet s’inscrit dans un contexte de transition et de défi pour l’agriculture. Celle-ci représente un atout puissant et un élément moderne de notre économie, et la loi d’orientation allègera les contraintes administratives, comme l’avait fait la loi en faveur des PME. Elle modernise le statut des exploitants, sécurise le revenu des agriculteurs et renforce l’organisation économique du monde agricole.

Je voudrais d’abord souligner les avancées sensibles faites en faveur du conjoint collaborateur. La modernisation des conditions d’accès à la protection sociale, la possibilité d’opter pour le statut de conjoint collaborateur sans être obligé de recueillir l’avis du chef d’exploitation, la limitation du statut d’aide familial à cinq années sont d’excellentes mesures, sans oublier le service de remplacement pour congé, qui améliorera l’attractivité du métier.

Enfin, et c’était l’un de nos engagements électoraux, les salariés agricoles bénéficieront de l’assouplissement des 35 heures : ils pourront, s’ils le veulent, effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent légal.

M. André Chassaigne - Quel progrès !

M. Dominique Le Mèner - La possibilité de choisir est toujours un progrès social !

Pour la viticulture, le texte prévoit la création d’un Haut conseil de coopération agricole. J’appelle votre attention sur le fait que la nouvelle structure ne peut être financée par de nouvelles cotisations obligatoires qui pèseraient sur les coopératives. Celles-ci, élément essentiel de notre viticulture, traversent une crise sans précédent. Elles sont gérées exclusivement par les viticulteurs, ce qui leur permet d’être ancrées dans leurs territoires, mais elles subissent des contraintes spécifiques, liées à leur statut. Elles ne peuvent donc être assimilées à d’autres formes de sociétés commerciales. Nous devons veiller à ne pas banaliser le statut de la coopération agricole et éviter son alignement sur celui des sociétés.

M. André Chassaigne - Très bien !

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M. Jean Auclair - C’est avec une certaine fierté que j’ai lu sous la plume d’un académicien des propos que j’ai tenus à cette même tribune : « il faut désoviétiser l’agriculture ! » Excusez-moi du peu, il s’agit de Maurice Druon.

M. André Chassaigne - Il m’aurait étonné que ce fût Maurice Thorez ! (Sourires)

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Mme Paulette Guinchard - J’ai hésité à m’exprimer sur ce texte, mais après avoir mesuré l’émoi que suscitait dans le Doubs le projet de recourir massivement à des ordonnances pour légiférer sur des sujets essentiels, je tiens à dire d’emblée que le volet social de ce texte ne convainc pas. Ainsi, s’agissant du crédit d’impôt d’aide au remplacement de l’exploitant, comment ne pas déplorer que les conditions d’accès demeurent singulièrement restrictives cependant que l’éligibilité au dispositif n’est pas placée sous conditions de ressources ? Les pauvres ne seront pas plus aidés que les riches ! Etrange conception de l’égalité décidément que la vôtre ! Enfin, votre texte fait droit à l’opt-out pour les salariés agricoles, ce qui est particulièrement dangereux dans un secteur où les horaires de travail sont déjà très importants et largement annualisés. Quels syndicats de salariés agricoles demandaient une telle mesure ? Pour ma part, je n’en connais pas.

M. André Chassaigne - C’est la liberté !

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MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J’ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Jean Gaubert - Je voudrais d’abord dire combien il peut être irritant, voire choquant, d’entendre un membre de la majorité nous refuser le droit de parler au nom de l’agriculture. Il y a des connaisseurs du monde rural sur d’autres bancs que les siens ! Et la comparaison des mérites de chacun pourrait réserver des surprises. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Je voudrais aussi rappeler que nous sommes députés de la République et que chacun de nous est habilité à parler au nom de tous les Français, quelles que soient sa formation et sa situation précédente ! Le Petit Bleu, le journal d’un de mes illustres prédécesseurs dans les Côtes-d’Armor, René Pleven, avait pour maxime : « dis ce que les autres taisent ». Je voudrais que ce que cet orateur a dit, personne ne l’ait pensé en voulant le taire !

M. André Chassaigne - Il a été félicité par le ministre !

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M. André Chassaigne - Je remercie M. Gaubert pour la qualité de son intervention. Il a abordé les questions que pose cette loi avec beaucoup d’humilité. On ne peut, Monsieur Ollier, réduire son intervention à la défense d’une agriculture administrée. C’était tout sauf cela. De la même façon, lorsque vous justifiez le rejet de cette motion par un travail de fourmi de treize heures accompli en commission, il ne faut pas être un grand mathématicien pour conclure que ce n’est pas beaucoup, si l’on ôte le temps de parole du ministre, par rapport au nombre d’amendements. Evitons d’évoquer ce travail de manière trop surréaliste.

Sur le fond, trois points importants justifient selon moi le renvoi en commission. Tout d’abord, cette loi est incomplète. C’est vrai en ce qui concerne la coopération, mais la formation non plus n’est pas évoquée alors qu’à l’avenir elle sera forcément très différente de ce que nous connaissons, et il n’est absolument pas question de l’installation, sujet pourtant essentiel.

En second lieu, ce projet de loi est inachevé ! Bien sûr qu’il y a cafouillage et qu’une multitude d’amendements ont été déposés, qu’on n’a pas le temps d’examiner ! Bien sûr qu’on ne connaît pas précisément le nombre d’habilitations à légiférer par ordonnances ! Et, oui, tout cela exige un travail plus approfondi !

M. le Président de la commission - Vous ne pouvez pas dire ça !

M. André Chassaigne - Enfin, ce texte présente un caractère dangereux. La politique des structures est menacée, vous réclamez toujours plus de liberté… Mesurez-vous les conséquences de vos dispositions sur les territoires ? Ce travail n’a pas été accompli ! Et personne n’est capable de dire, même pas vous, Monsieur le ministre, quelles seront les conséquences de l’évolution du foncier. Quel sera désormais le rôle de la SAFER, avec le fonds agricole ? A quel niveau y aura-t-il intervention ? Qui orientera la politique foncière ? Beaucoup de points n’ont pas été abordés et c’est pourquoi le groupe communiste et républicain votera cette motion de renvoi en commission.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

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