15-11-2007

PLF 2008 - Agriculture, pêche, forêt (suite)

Assemblée nationale - XIIIe législature
2e séance du mardi 13 novembre 2007 - 21h30
Projet de loi de finances pour 2008 (seconde partie)

crédits relatifs à l’agriculture, à la pêche, à la forêt et aux affaires rurales.

M. le président. Cet après-midi l’Assemblée a commencé l’examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».
Nous poursuivons les questions, en commençant par le groupe de la gauche démocrate et républicaine.

[…]

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. (texte préparé par André Chassaigne, en mission à l’étranger) Monsieur le ministre, les viticulteurs sont inquiets des conséquences que fait peser sur leur avenir, le plan européen d’arrachage de 200 000 hectares de vigne et la libéralisation des plantations à l’horizon 2014.

La récolte 2007 - dont le volume sera inférieur de 10 % à la moyenne des dernières années - pourrait ouvrir la perspective d’une diminution des stocks et d’un redressement des prix. Cette évolution de conjoncture prouve la complexité d’une filière qui s’accommode mal d’une politique définie par les préjugés idéologiques qui inspirent Mme Fischer-Boel.

Le plan de la Commission pourrait porter un coup fatal à la diversité et à la qualité des produits viticoles nationaux. De plus, en libérant des terrains, il permettrait l’implantation de grands groupes, ce qui conduirait à terme à la production massive de vins standard.

Aussi, à l’occasion de la réunion de la commission agricole du Parlement européen, le 12 septembre dernier, députés et experts ont exprimé les plus grandes réserves sur l’arrachage, et plaidé - à l’inverse - pour un effort en faveur de la qualité des vins européens.

De son côté, l’Assemblée des régions européennes viticoles, représentant 65 régions viticoles européennes, vient de souligner 1’importance de la réglementation actuelle sur l’élimination des sous-produits de la vigne, afin de justifier son opposition à la libéralisation des plantations.

J’évoquerai aussi l’analyse de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, développée dans sa dernière édition des « Repères économiques de l’agriculture française ». Elle note la progression importante de la part de la viticulture dans le chiffre d’affaires de la ferme France, passée de 6 à 16 % depuis 1960. Fait notable souligné dans l’étude : cette évolution s’explique seulement par la montée en gamme des vins, sans augmentation des quantités.

Dans ces conditions, il est nécessaire de prendre l’initiative d’un sommet de la viticulture, comme le demandent les organisations syndicales. C’est une condition incontournable pour sortir la filière de la situation dramatique dans laquelle va l’enfoncer la réforme européenne. Monsieur le ministre, au vu du rejet que suscite cette réforme, je vous demande de répondre favorablement à cette demande.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Nous connaissons les difficultés de la viticulture française. Je les ai moi-même soulignées en répondant tout à l’heure à Robert Lecou, même si j’observe - parce qu’il faut être objectif - quelques signes encourageants d’une amélioration de la situation, variable selon les régions.

Monsieur Sandrier, vous me demandez si la réforme en cours de l’OCM vin sera une bonne chose pour la viticulture française. J’ai déclaré moi-même que nous avions besoin d’une organisation commune du marché forte. Cette réforme de l’OCM a - ou avait - pour objectif d’assurer l’avenir de la viticulture européenne en restaurant sa compétitivité.

Cependant, je plaide pour aménager ou corriger un certain nombre de dispositions qui sont proposées par la Commission. En effet, je ne crois pas que la compétitivité passe par un libéralisme généralisé ou un ultralibéralisme. Mes propos ne doivent pas vous surprendre car je les tenais déjà lorsque j’étais commissaire européen.

Je pense que nous devons absolument conserver - comme vous l’avez dit - des instruments d’encadrement du potentiel de production, c’est-à-dire les droits de plantation. Une dérégulation de ces droits serait un non-sens puisqu’elle conduirait à de nouvelles surproductions à partir de 2013.

Nous devons mettre en place une gestion intelligente, encadrée et maîtrisée - j’y insiste - de l’arrachage, disposer d’outils efficaces de stabilisation des marchés et trouver des solutions qui permettent la poursuite des pratiquesœnologiques traditionnelles de certaines régions, comme l’enrichissement.

Comme je vous l’ai dit en évoquant les visites que j’ai faites à certains de nos partenaires de l’Union européenne, je m’emploie actuellement avec eux à obtenir, de la part de la Commission, des évolutions substantielles et satisfaisantes sur ces différents points dans les prochaines semaines. Ce n’est qu’à cette condition que l’OCM sera un cadre porteur pour notre viticulture et que la France pourra appuyer cette proposition, si elle est corrigée.

Vous appelez de vos vœux, monsieur Sandrier, l’organisation d’un sommet de la viticulture au niveau national : un tel chantier est déjà ouvert. À la demande du Président de la République, j’ai en effet engagé le 11 octobre dernier un plan de modernisation de la viticulture française sur cinq ans, dont l’objectif est de définir, avec les représentants des professionnels de la filière, les mesures dont nous avons besoin pour renforcer notre compétitivité. Nous travaillons sur trois axes : la recherche-développement et le transfert des connaissances ; la compétitivité des entreprises - aussi bien dans l’exploitation viticole que dans l’aval - ; l’organisation de la filière et les différents niveaux de gouvernance.

Les premières préconisations nous seront présentées avant la fin de l’année, et l’ensemble du plan sera dessiné au mois de mars 2008. Je ne sais si on l’appellera sommet ou Grenelle de la viticulture, mais je crois raisonnable de vous répondre qu’il faudra, dès que nous disposerons des premières propositions sur notre compétitivité, réunir tout le monde autour de la table : cela adviendra lorsque, comme je l’espère, sera acquise une OCM convenable et acceptable. Bref, une conférence se tiendra sur l’avenir de la viticulture française. Elle se fondera à la fois sur le résultat de la négociation européenne et sur celui du plan de modernisation.

[…]


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M. le président. Nous revenons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. (texte préparé par André Chassaigne, en mission à l’étranger) André Chassaigne s’associe à la question que je vais poser.

En n’inscrivant que 122 millions en crédits de paiement pour la PHAE, vous donnez un mauvais signe à notre agriculture de montagne. C’est sans doute la traduction nationale d’une politique européenne qui ne cesse de rogner sur les crédits du second pilier. Les dernières mesures d’éco-conditionnalité, qui vont encore réduire le nombre d’éleveurs éligibles à la PHAE 2, en sont la dramatique illustration. Que vont penser d’une telle aumône les éleveurs des bassins allaitants, eux qui s’échinent en permanence à améliorer la qualité des productions qui font la renommée de notre agriculture ?

Il y a, d’un côté, l’affichage du Grenelle de l’environnement sur la réduction des pesticides et le triplement de l’agriculture biologique, et de l’autre, votre politique qui, en sacrifiant la production herbagère, abandonne les territoires et se soumet au diktat de l’OMC.

Vous le savez, monsieur le ministre, nos agriculteurs et nos concitoyens sont attachés à la vie des territoires ruraux et à la qualité des produits. La revalorisation de la PHAE aurait une double signification : elle serait une reconnaissance de l’authenticité des productions et du travail effectué par nos éleveurs ; dans le même temps, elle serait une condamnation des importations abusives en provenance d’Argentine ou du Brésil, qui ne répondent à aucun cahier des charges. À quelques mois de la présidence française de l’Union européenne, l’orientation que vous allez donner à notre agriculture sera le signe d’une France audacieuse ou celui d’une France soumise.

M. le président. Posez votre question, monsieur Sandrier !

M. Jean-Claude Sandrier. Le montant de la PHAE sera l’un des symboles de cette orientation.

Ma question est double, monsieur le ministre. Êtes-vous prêt à augmenter l’enveloppe consacrée à la PHAE ? Que comptez-vous faire pour que nos éleveurs n’aient pas à supporter de nouvelles contraintes environnementales pour en bénéficier ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. La PHAE représente un effort substantiel de la part de l’État en faveur de la gestion extensive des herbages, puisque les crédits pour renouveler les contrats de cinq ans s’élèvent à 457 millions d’euros et, avec les cofinancements communautaires, à plus d’un milliard. Les crédits de paiement, eux, s’élèvent à 270 millions d’euros, avec le cofinancement communautaire. Les montants ainsi consacrés sont très supérieurs en moyenne à ceux de l’ancienne prime à l’herbe. Je souhaite que l’on prenne acte de cette évolution positive : en 2000, la prime au maintien des systèmes d’élevage extensifs ne mobilisait pour sa part que 180 millions d’euros.

En 2008, une grande partie des contrats arrivent à échéance et seront renouvelés au taux de 76 euros par hectare, alors que la moyenne de la première génération de contrats était de 66 euros par hectare. L’État, conformément aux engagements, maintiendra inchangé le montant consacré annuellement à cette politique. L’érosion habituelle du nombre de dossiers lors des renouvellements devrait laisser se dégager des marges qui permettront, au niveau départemental, de proposer à certaines catégories prioritaires - notamment les jeunes récemment installés - de bénéficier de ce dispositif. Pour les départements qui connaissaient un taux de PHAE supérieur à la moyenne nationale, il sera possible, dans les zones qui le justifient - et nous allons regarder cela de très près, monsieur Sandrier - de compléter le paiement à l’hectare par la souscription d’une mesure agro-environnementale territorialisée adaptée.

[…]

Pour en savoir plus : Site de l’A.N.

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