Assemblée nationale - XIIIe législature
1re séance du mardi 30 octobre 2007 - 9h30
Projet de loi de finances pour 2008 (seconde partie) (nos 189, 276)
[…]
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la 2e partie du projet de loi de finances pour 2008 (nos 189, 276)
Relations avec les collectivités territoriales
M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux relations avec les collectivités territoriales.
[…]
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne pour cinq minutes tout au plus.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nos collectivités vivaient sous le fragile abri du contrat de solidarité et de croissance qui a régi les relations entre l’État et les collectivités territoriales depuis 1999. Je commencerai donc par vous proposer d’observer une minute de silence pour son décès brutal, vendredi dernier, dans cet hémicycle. (M. Chassaigne s’interrompt quelques instants.) Je vous remercie.
La disparition du contrat de solidarité et de croissance est imposée sans concertation, sans choix partagés : curieuse conception, madame la ministre, de la contractualisation. Le Premier ministre avait prévenu, début juillet, que les dotations de l’État aux collectivités ne devaient pas croître globalement plus que le taux d’inflation. Or nous constatons que, malgré les réactions unanimes des associations d’élus, cette funeste promesse a été tenue puisque le PIB n’est plus pris en compte dans l’évolution du total des dotations. Seule la DGF continuera, de façon dérogatoire dit-on, d’être indexée sur la croissance, du moins pour l’année 2008, période d’élections municipales et cantonales.
Le tour de passe-passe budgétaire est donc toujours le même depuis de nombreuses années : faire supporter pour partie aux collectivités les choix désastreux qui affectent les ressources de l’État, à savoir les cadeaux fiscaux faits aux plus riches, toujours plus importants d’année en année.
Il a donc fallu, en particulier, amputer la dotation de compensation de taxe professionnelle de près de 50 %, soit 215,6 millions d’euros, au détriment des collectivités et bassins d’emplois fragilisés par les fermetures d’entreprises et par la réduction de la taxe professionnelle. C’est sans compter que cette dotation alimente le fonds d’indemnisation des catastrophes naturelles à hauteur de 20 millions d’euros - ainsi avons-nous droit aux vases communicants avant les inondations. Cela me conduit, madame la ministre, à vous demander si la DCTP, principale variable d’ajustement, la seule même, jusqu’à cette année, sera vouée à disparaître au détriment des engagements pris auprès des collectivités territoriales.
Au fond, cette mesure s’inscrit dans la même logique que la non-compensation intégrale des dépenses nouvelles transférées par l’État. C’est ainsi que le piège se referme. D’une part, on fait financer par les contribuables locaux la transformation des collectivités en services déconcentrés de l’État chargés de compétences nouvelles et du versement de diverses prestations ; d’autre part, on réduit les dépenses de l’État en enterrant le contrat de solidarité et de croissance.
Les collectivités territoriales seront alors contraintes de freiner un effort pourtant essentiel en faveur des habitants. Déjà, l’an dernier, les dépenses et les produits de fonctionnement ont connu une croissance moindre que l’année précédente. De plus, la hausse des dépenses d’investissement est moins soutenue : 7,1 % en 2006 contre 8,3 % en 2005. L’autofinancement, qui pourtant augmente, ne suffit plus à financer l’investissement, d’où le recours de plus en plus massif à l’emprunt. Les collectivités hypothèquent ainsi leurs investissements à venir. On sait pourtant que les collectivités, qui concourent à hauteur de 70 % aux investissements civils, contribuent au maintien de près de 850 000 emplois dans le secteur privé et associatif, d’autant plus que les emplois aidés par l’État se réduisent comme peau de chagrin.
L’évolution des enveloppes suivant la seule inflation implique de fait une « croissance zéro » des dotations. En effet, les collectivités doivent faire face à un écart grandissant entre le « panier du maire » - à savoir l’augmentation de l’indice des prix des dépenses spécifiquement communales -, et le taux d’inflation. C’est donc le pouvoir de dépense des collectivités dans leur ensemble qui s’érode de plus en plus. Peut-on parler de stabilité ?
Si elles veulent assurer le développement d’investissements indispensables au bien-être de leurs habitants, les collectivités, pour s’en sortir, devront recourir à une hausse de la fiscalité. Seulement, les impôts locaux ont-ils vocation à se substituer aux baisses des dotations de l’État ? Sans compter que tout le monde s’accorde à qualifier d’inadaptée une fiscalité dont toutes les associations d’élus sans exception exigent la réforme.
Or, plutôt que de moderniser cette fiscalité, le Gouvernement risque d’aggraver son caractère injuste. Ainsi, une réflexion est menée, sous l’influence du Medef, pour ramener le plafond de la taxe professionnelle à 3 % de la valeur ajoutée. Quand on connaît le manque à gagner induit par le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée, on mesure le risque d’une telle mesure.
-----
Ainsi, le choix vers lequel le Gouvernement veut entraîner les collectivités est une délégation massive au privé de pans entiers du service public local…
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Chassaigne.
M. André Chassaigne. …et un retrait des politiques volontaristes, notamment à travers le développement de partenariats public-privé, comme si les entreprises qui bénéficient des infrastructures fournies par les collectivités ne devaient pas, elles aussi, contribuer à leur budget.
Une autre mesure est lourde de menaces pour l’équilibre budgétaire des collectivités rurales. Il s’agit de la baisse de la compensation de l’exonération de 25 % de la taxe foncière sur les propriétés agricoles non bâties, instituée depuis 2006. Certes,…
M. le président. Monsieur Chassaigne, il est temps de terminer.
M. André Chassaigne. …du fait de l’opposition des maires ruraux - dont je suis -, le Gouvernement a dû reculer en écartant de son champ d’application la part des communes. Mais qu’en est-il de la part des départements ?
Madame la ministre, ce sont les services aux habitants qui vont pâtir de ce budget. Vous comprendrez que, dans ces conditions, les députés communistes et républicains ne le voteront pas.
[…]
Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. La DGF augmente ainsi de 817,2 millions d’euros, dont 463,6 millions pour les communes et leurs groupements, un peu plus de 245 millions pour les départements et 108,5 millions pour les régions.
Monsieur Chassaigne, contrairement à ce que vous avez affirmé, il n’y a pas de croissance zéro des dotations, mais une augmentation. Dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », la dotation générale de décentralisation évolue comme la DGF. Là aussi, son indexation est maintenue pour l’année prochaine. Pour ce qui concerne les dotations d’équipement, la DGE et la DDR, également incluses dans cette mission, connaîtront aussi, l’an prochain, une augmentation de 2,6 %. C’est donc un effort conséquent de l’État en faveur de l’investissement des collectivités.
[…]
Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Je vous propose par ailleurs d’établir entre nous un lien de confiance dans la durée. Il est nécessaire de fixer ensemble les règles permettant une meilleure visibilité.
[…]
C’est la raison pour laquelle, l’année dernière comme cette année, nous avons ajouté pour le RMI 500 millions supplémentaires par rapport à l’obligation constitutionnelle déjà intégralement remplie, afin d’aider les départements à faire face aux besoins nouveaux créés depuis le transfert.
M. André Chassaigne. C’est bien le problème !
-----
Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. J’ai bien entendu l’inquiétude des départements face à un certain nombre de transferts. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin de travailler ensemble sur la fiscalité locale.
[…]
M. le président. Nous en arrivons aux questions.
Les deux premières seront posées par le groupe UMP.
[…]
M. le président. Nous passons à la question du groupe GDR.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Tout le monde, madame la ministre, s’accorde à considérer la taxe professionnelle comme inadaptée et injuste. Mais plutôt que de la rénover en profondeur, le MEDEF propose de trancher le nœud gordien en la faisant disparaître purement et simplement. Or cette taxe est essentielle au financement de nos collectivités : elle constitue la contrepartie logique des infrastructures que ces mêmes collectivités créent au profit des entreprises qui y sont soumises.
C’est pourquoi, depuis plusieurs années, les députés communistes et républicains demandent une refonte dynamique de cette taxe. Ils proposent en particulier que la base d’imposition soit étendue aux actifs financiers des entreprises.
Ce changement de la base d’imposition est cohérent avec l’évolution des entreprises françaises. Au départ essentiellement industrielles, de nombreuses entreprises voient la structure de leur capital devenir de plus en plus financière. Il paraît alors injuste de taxer la création de richesses et d’emplois sans toucher aux revenus spéculatifs. Dans cet esprit, la taxe que nous proposons bénéficierait aux entreprises créatrices d’emplois, animatrices des territoires, et plus particulièrement aux PME.
De l’argent, il y en a dans notre pays. Mais il échappe pour une grosse part à la légitime contribution que doit apporter le capital à l’ensemble de la population, afin de répondre à ses besoins. Or quoi de plus efficace pour les satisfaire que d’affecter cette contribution aux collectivités, qui assurent près de 70 % des investissements publics ?
Le produit de cette taxe, que nous évaluons entre 12 et 15 milliards d’euros, abonderait un fonds de péréquation pour les communes les plus pauvres. En effet, chacun en convient, la péréquation telle qu’elle existe n’est pas satisfaisante. Il ressort du dernier rapport de la Cour des comptes sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État pour l’année 2006 qu’en l’absence d’obligations quantifiées de moyens et de résultat, mais aussi d’indicateurs efficaces, le principe de péréquation, désormais constitutionnel, demeure une coquille vide. Ainsi, de 2001 à 2006, les moyens accordés à la péréquation ont très peu évolué, loin de l’exigence d’une véritable lutte contre les inégalités territoriales.
Madame la ministre, que pensez-vous d’une nouvelle base d’imposition de la taxe professionnelle qui intégrerait les actifs financiers dans son calcul et du versement des recettes ainsi produites à un fonds de péréquation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le député, il est vrai que nous réfléchissons depuis des années sur la taxe professionnelle, qui est assise essentiellement sur les immobilisations des entreprises. Il a été envisagé, à la suite d’un rapport, de l’asseoir davantage sur les actifs financiers. Le principal obstacle, c’est qu’il est extrêmement difficile de fixer la réalité des actifs financiers et, d’abord, de les localiser. Pour bon nombre d’entreprises, en particulier les multinationales, les actifs financiers peuvent être isolés à l’intérieur du groupe, mais il est plus difficile de les rattacher à tel ou tel établissement. En vous y référant, vous coupez donc le lien entre l’entreprise et la collectivité territoriale, ce qui n’est pas forcément le but recherché.
De plus, il faut savoir ce que l’on entend par actifs financiers. Des placements de trésorerie ponctuels en font-ils partie ? Ou encore certaines opérations spéculatives ? L’appréhension fiscale en la matière est extrêmement complexe : il est donc difficile d’en tirer une assiette taxable.
Nous avons parlé, tout au long de cette matinée, de la nécessité, pour les collectivités locales, d’avoir une bonne visibilité, c’est-à-dire de savoir sur quoi elles vont pouvoir appuyer leurs investissements d’une année à l’autre. Les actifs financiers étant par essence extrêmement volatils, leur inclusion dans l’assiette ne contribuerait pas à leur assurer cette bonne visibilité.
Nous devons réfléchir, je vous l’ai dit, à une nouvelle fiscalité locale. Nous envisagerons, dans ce cadre, toutes les solutions possibles, mais, à y regarder de près, je ne suis pas sûre que votre proposition réponde exactement aux attentes des collectivités.
[…]