Commission des affaires économiques
Jeudi 26 juillet 2012
– La commission a auditionné M. Philippe Varin, président du directoire de PSA Peugeot Citroën lors d’une réunion conjointe avec la commission des affaires économiques du Sénat.
M. le président François Brottes, coprésident. Notre industrie automobile, qui est parmi les plus performantes du monde, est confrontée à la nécessité d’une réorientation stratégique à laquelle le Gouvernement apporte un soutien audacieux.
Merci, monsieur Varin, d’avoir répondu à l’invitation de nos deux commissions. La brutalité des annonces, pour notre pays et surtout pour les 8 000 salariés des sites concernés, suscite en effet des interrogations de notre part. Lors de vos deux précédentes auditions par notre commission, il avait été question de soutiens publics assez conséquents et de réorientations stratégiques destinées à affronter un marché européen de plus en plus difficile ; mais à aucun moment nous n’avions pu imaginer des annonces aussi brutales que celles que vous venez de faire il y a quelques jours.
Bien entendu, votre groupe n’est pas le seul concerné par les difficultés du marché ; cependant, notre attachement à l’industrie automobile nous a paru justifier de prendre le temps de l’analyse, sur les raisons de la situation actuelle comme sur les perspectives d’avenir. On m’a demandé si le plan du Gouvernement ne se limitait pas au court terme, ce qui aurait assurément été dommage, tant le secteur industriel dont nous parlons exige, compte tenu de ses cycles technologiques, des visions de long terme. Nous sommes donc très impatients de vous entendre sur ce sujet.
Je propose qu’après votre exposé liminaire, les porte-parole des groupes de nos deux assemblées disposent chacun de quatre minutes pour s’exprimer ; puis M. Raoul et moi donnerons la parole aux parlementaires qui souhaitent vous interroger, pour deux minutes chacun.
M. le président Daniel Raoul, coprésident. Merci de votre invitation, M. le Président. Cette réunion conjointe, dont je me félicite, est une première sur un sujet aussi brûlant. Elle permettra aux élus de terrain d’écouter M. Varin et de manifester leur vigilance face à l’urgence sociale, économique et industrielle qui existe dans le secteur de l’automobile. Notre défi est de traiter cette urgence avec le recul nécessaire, afin d’orienter l’action publique vers des solutions plus efficaces sur le plan économique, social et humain.
Vous avez indiqué dans la presse, monsieur le président du directoire, que face à la situation actuelle, PSA Peugeot Citroën ne pouvait plus tergiverser. J’irai moi aussi droit au but. Tout d’abord, les élus apprécient le courage et le talent des entrepreneurs qui maintiennent une production industrielle dans notre pays. Cela dit, et toute polémique mise à part, la production de l’usine d’Aulnay a été divisée par trois entre 2004 et 2011, et le précédent Gouvernement tenait des propos plutôt rassurants ; de sorte que l’on peut effectivement se demander s’il n’y a pas eu trop de tergiversations. Outre-Atlantique, les économistes ont d’ailleurs mené, depuis longtemps, des études sur les relations entre cycle économique et cycle électoral.
Pouvez-vous également nous éclairer sur les mécanismes de gouvernance d’un groupe d’intérêt national ayant conservé un puissant actionnariat familial ? Cette caractéristique explique-t-elle, selon vous, que PSA Peugeot Citroën ait, plus que d’autres constructeurs, maintenu une part importante de sa production sur le territoire national ? Dans ce contexte, votre stratégie de montée en gamme et d’internalisation est-elle contrainte ou volontaire ?
Par ailleurs, la faible valorisation d’un certain nombre d’entreprises et de groupes industriels nous conduit à nous interroger sur la cartographie des OPA possibles. Le plan de soutien du Gouvernement à la filière automobile vous paraît-il de nature à contrecarrer ces risques ? Quelle doit être enfin à vos yeux la contribution des collectivités territoriales, qui sont très impliquées dans le développement économique local, à ce plan de soutien ? Quelles sont les contreparties sur lesquelles votre groupe est prêt à s’engager ?
Je conclurai mon introduction en disant que la civilisation de la voiture arrive à un point capital de son évolution : elle devient plus citoyenne et plus environnementale. Mais on ne peut s’empêcher d’être nostalgique du passé : la remise au goût du jour de certains pots de yaourt des années soixante et soixante-dix connaît un grand succès. N’est-on pas, dans cet ordre d’idée, à la veille de concevoir une 2CV électrique et écologique ?
M. le président François Brottes, coprésident. Avant de vous donner la parole, monsieur Varin, je rappelle que la commission des affaires économiques de l’Assemblée recevra, à la rentrée, les représentants des salariés et les experts missionnés sur ces questions.
M. Philippe Varin, président du directoire de PSA Peugeot Citroën. Messieurs les présidents, mesdames et messieurs les parlementaires, afin d’essayer d’apporter des réponses aux nombreuses interrogations soulevées par l’annonce faite jeudi 12 juillet par notre groupe d’un projet de réorganisation de sa base industrielle en France et de redéploiement de ses effectifs, je me propose de développer successivement trois grands thèmes.
En tout premier lieu, je souhaite vous parler des salariés concernés par le plan et vous dire ce que le groupe entend faire pour réduire, autant que possible, les impacts sociaux et humains des mesures annoncées.
En deuxième lieu, je veux vous apporter des explications sur les raisons d’ordre économique qui ont conduit le groupe à envisager de telles mesures, puis à devoir les adopter.
Enfin, je vous donnerai un aperçu des grands axes qui forment la stratégie du groupe pour les moyen et long termes.
Bien évidemment, je m’attacherai ensuite à répondre aussi précisément que possible aux questions que vous souhaiterez me poser.
Le projet de réorganisation que nous avons rendu public le 12 juillet recouvre tout d’abord l’arrêt de la production de la C3 à Aulnay et le transfert de cette production sur le site de Poissy. Le nombre de salariés concernés est de 3 000, dont la moitié se verra proposer un emploi dans le groupe, principalement à Poissy, tandis que l’autre moitié pourra bénéficier de la réindustrialisation du site et du bassin d’emploi d’Aulnay, à laquelle nous nous sommes engagés.
La deuxième orientation est l’adaptation du dispositif industriel de notre site de Rennes, en ligne avec la baisse prévisible des volumes de ventes des grandes berlines qui y sont assemblées, et ce avant que des investissements soient consacrés à un nouveau modèle en 2016. Le nombre de salariés concernés s’élève à 1 400, sur un total de 5 600.
Enfin, le redéploiement des effectifs de structure du groupe est lié à la nécessité absolue de poursuivre, sur la base d’un plan de départs volontaires, la réduction des coûts et d’adapter l’activité aux volumes de ventes. Le nombre d’emplois concernés est de 3 600, répartis sur l’ensemble des sites en France.
Soyez assurés que je mesure pleinement le choc qu’a représenté ce plan pour les salariés du groupe, pour ceux du site d’Aulnay, du site de Rennes et des autres sites touchés.
Soyez également assurés que je mesure pleinement la somme d’inquiétudes que le plan suscite dans les territoires concernés, chez leurs élus et leur population et, d’une manière générale, au sein de la population française. Par la voix des plus hautes autorités de l’État, les pouvoirs publics attendent de la part de PSA Peugeot Citroën qu’il conduise un dialogue social exemplaire. Ce sera le cas. Ainsi que je l’ai dit lundi à M. le Premier ministre, le dialogue avec nos partenaires sociaux fera l’objet d’un engagement total de la part du groupe, tant sur les modalités d’accompagnement individuel que sur les voies et moyens nécessaires à l’accomplissement de cette mutation industrielle à l’échelle des sites. Cette consultation fera l’objet d’une démarche ouverte quant à la prise en compte des attentes et des préoccupations des partenaires sociaux, ainsi que d’un examen attentif de toutes les voies permettant à chacun de trouver une solution adaptée à son problème d’emploi.
Pour ce qui concerne le site d’Aulnay, le groupe s’engage à mettre en place un dispositif permettant d’identifier 1 500 postes susceptibles d’être offerts en son sein, principalement à Poissy. Il entend également tout mettre en œuvre afin de proposer une solution de reclassement externe aux autres personnes concernées, en particulier dans le bassin d’emploi d’Aulnay et de la Seine-Saint-Denis.
Quant au site de Rennes, le groupe mobilisera, en lien avec les collectivités publiques, les moyens d’accompagnement nécessaires afin de trouver une solution de reclassement pour chacun des salariés concernés, en interne ou dans le bassin d’emploi. Il s’engagera par ailleurs dans une démarche de réindustrialisation du bassin d’emploi de Rennes.
Enfin, pour les effectifs de structure, un plan de départs volontaires sera proposé aux salariés, dans le droit fil des plans de redéploiement des emplois et des compétences mis en œuvre par le passé. Je tiens à souligner que le groupe se montrera extrêmement attentif aux territoires touchés par les mesures que je viens d’évoquer.
À M. Daniel Goldberg, député de la circonscription d’Aulnay-sous-Bois, et à tous ses collègues députés et sénateurs élus de la Seine-Saint-Denis ainsi que du département voisin du Val-d’Oise, j’indique que nous ne fermons pas le site d’Aulnay, mais que nous sommes déterminés à chercher, au moyen des outils appropriés, toutes les solutions permettant de redynamiser ce bassin économique. À cette fin, nous avons créé une cellule spécialisée qui s’est mise au travail, et dont la mission est de chercher activement tous les projets créateurs d’emplois susceptibles de s’implanter sur le site et de renforcer le tissu économique du bassin et du département.
En parallèle, nous allons proposer la création d’une mission de reconquête industrielle, qui, le moment venu, travaillera en étroite concertation avec les élus nationaux et locaux, ainsi qu’avec les partenaires de l’État. L’objectif est de favoriser toutes les initiatives permettant d’aboutir à la localisation d’emplois pérennes.
Nous souhaitons donner à la revitalisation du site d’Aulnay une vocation industrielle, avec le souci de proposer des emplois qui valorisent les compétences des salariés. Les activités que nous espérons implanter sur ce site ou dans le bassin d’emploi relèvent notamment du secteur des transports, des services à l’industrie et des éco-industries. Notre ambition est que, à terme, le site et le bassin retrouvent leur pleine vocation économique et industrielle.
S’agissant des sous-traitants qui relèvent d’Aulnay, les flux d’approvisionnement en biens et services destinés à l’assemblage de la C3 seront reportés vers Poissy. Il n’en reste pas moins que des fournisseurs locaux peuvent être touchés : dans le cadre de notre action de revitalisation du bassin, nous nous efforcerons de limiter cet impact.
À M. Jean-René Marsac, Mme Isabelle Le Callennec et M. Edmond Hervé et tous leurs collègues parlementaires d’Ille-et-Vilaine, je veux dire maintenant quelques mots sur notre site de Rennes-La Janais. Il y a quelque temps, je me suis entretenu avec les responsables d’exécutifs territoriaux de Bretagne et d’Ille-et-Vilaine, et je leur ai fait part de mon intention de rechercher, là encore en liaison avec les autorités et instances compétentes, les moyens de contribuer à la revitalisation du bassin d’emploi.
À ma demande, M. Denis Martin, directeur industriel du groupe, s’est rendu sur place afin d’organiser une réunion de travail avec le préfet de la région Bretagne, le président du Conseil régional, M. Pierrick Massiot, le président du Conseil général d’Ille-et-Vilaine, M. Jean-Louis Tourenne, et le maire de Rennes et président de Rennes-Métropole, M. Daniel Delaveau. Je veillerai à ce que les parlementaires concernés soient associés aux réflexions que nous avons d’ores et déjà engagées pour préparer l’avenir du site. Il est encore trop tôt pour évoquer le projet d’affectation d’un nouveau véhicule sur ce site, mais je confirme mon engagement d’y produire un véhicule qui lui assurera l’avenir industriel qu’il mérite.
J’en viens maintenant aux raisons pour lesquelles le groupe a été conduit à annoncer un tel projet.
Au plus haut niveau de l’État, les pouvoirs publics ont fait savoir, ces jours derniers, qu’ils souhaitaient la transparence totale quant aux raisons du déclenchement du plan, c’est-à-dire, au fond, quant à la situation économique réelle du groupe. Ce souhait est légitime ; aussi est-ce dans un souci de transparence totale que nous avons ouvert nos dossiers et communiqué nos paramètres de gestion à M. Emmanuel Sartorius, ingénieur général des mines, que l’État a désigné pour établir un diagnostic sur le groupe et évaluer sa stratégie. Je précise d’ailleurs, s’il en était besoin, que ce dernier est une société cotée en bourse et, par conséquent, placée sous l’œil vigilant des autorités de tutelle des marchés autant que sous celui, non moins vigilant, des analystes et des agences de notation. Il n’a donc rien à cacher sur la situation qui est aujourd’hui la sienne, et il n’a dissimulé aucune donnée ni aucune information relative à sa situation réelle.
La crise qu’affronte PSA Peugeot Citroën est sans doute l’une des plus violentes qui ait été vécue par cette entreprise au cours de toute son histoire. Cette crise est tout d’abord une crise structurelle du marché automobile européen. En 2007, il s’est vendu sur l’ensemble des marchés de l’Europe à trente un volume de 18,4 millions de véhicules. Ce chiffre est tombé à 15,4 millions de véhicules en 2011 et se situera probablement à peine au-dessus de 14 millions en 2012. Entre 2007 et le premier semestre de 2012, le marché automobile européen a donc chuté de près d’un quart en volume.
La crise est structurelle car ce marché, intrinsèquement saturé, est un marché de renouvellement sur lequel l’offre automobile est devenue pléthorique, en particulier dans le segment des petites voitures – dit « segment B » dans notre jargon –, qui est le plus disputé. De surcroît l’offre des pays asiatiques, qui a fortement augmenté depuis une dizaine d’années, a encore progressé : le dernier accord de libre-échange que l’Union européenne a signé avec la Corée du Sud n’y est sans doute pas étranger. En 2011, il s’est vendu sur le marché européen 438 767 véhicules d’origine coréenne alors que, dans le même temps, l’Europe n’a exporté en Corée que 78 762 véhicules.
Je veux également appeler votre attention sur le fait que la crise du marché automobile européen est aussi celle de l’Europe, qui représente près de 60 % de nos ventes. Je rappelle que nous vendons 59 % de nos véhicules européens en France. Le marché espagnol, dont PSA Peugeot Citroën possède presque 20 %, a ainsi perdu 60 % de sa valeur en cinq ans : pour dix voitures vendues dans ce pays en 2007, nous n’en vendons plus que quatre. Quant au marché italien, qui représente près de 10 % de nos parts de marché, nous n’y vendons plus que six voitures contre dix en 2007, soit une chute de 40 %.
Pour me résumer, le groupe est touché à la fois parce qu’il est très européen dans la structure de ses ventes mondiales, et très présent dans des pays où la crise de la dette souveraine et la crise financière ont plombé la croissance et la consommation, en particulier depuis l’été dernier ; il produit 44 % de ses voitures et 85 % de ses moteurs en France, où travaillent également un peu plus de 100 000 collaborateurs, soit la moitié de ses effectifs. La question du coût du travail est donc essentielle pour lui. Sur ce point, je suis convaincu que le débat est devant nous, et je me réjouis vivement que le Président de la République ait confié une mission sur ce sujet à M. Louis Gallois : je ne doute pas que celui-ci contribuera à éclairer notre jugement sur ce qui est, à mon sens, l’une des questions les plus graves et les plus urgentes pour notre pays.
La première conséquence de l’effondrement sans précédent du marché continental est de générer une surcapacité structurelle, laquelle, estimée à 25 % du marché, touche la plupart des constructeurs européens dits généralistes.
La deuxième conséquence est l’intensité d’une guerre des prix devenue meurtrière pour les marges et la création de valeur.
Cette situation est caractérisée par une forte vulnérabilité du groupe à la crise qui frappe l’Europe, crise qui s’est très brutalement aggravée depuis le second semestre de l’an dernier. Elle se traduit par une situation de sous-activité chronique de nos usines françaises, en particulier dans le segment des petites voitures, les volumes de charge étant devenus insuffisants pour assurer un fonctionnement rentable.
Conjugué à une baisse accélérée des volumes de ventes sur le marché européen, cet état de surcapacité chronique génère une très grave fragilité économique de la division automobile du groupe, laquelle avait enregistré un résultat positif au premier semestre de 2011 avant d’accuser un résultat négatif d’un peu moins de 500 millions d’euros au second semestre, sous l’effet du retournement brutal de l’été 2011. Les résultats du premier semestre de 2012, que j’ai rendus publics hier, parlent d’eux-mêmes : 662 millions d’euros de pertes opérationnelles pour la division automobile et 819 millions de pertes en résultat net pour le groupe.
La situation du groupe justifie-t-elle un tel volume de mesures d’effectifs ? Oui, assurément : depuis le mois de juin 2011, le groupe enregistre mois après mois une consommation de trésorerie qui avoisine 200 millions d’euros par mois. Il est clair que ces résultats traduisent, non pas un fléchissement momentané et cyclique de l’activité, mais bel et bien un engrenage structurel de dégradation de valeur.
Ce sont les chances d’avenir du groupe qui sont en jeu, en d’autres termes sa capacité à financer ses futures activités, qu’il s’agisse de la recherche – laquelle conditionne les futures mises en chantier des voitures innovantes – ou du développement international, dont dépendra notre développement au rythme prévu sur les marchés en croissance, notamment en Asie.
Contrairement à ce que l’on a pu entendre ici ou là, le groupe n’est pas en situation de danger financier immédiat ; mais s’il laisse perdurer une telle hémorragie de trésorerie, il prend le risque mortel de se trouver piégé dans une irrépressible spirale de déclin.
Telles sont les raisons impérieuses, mesdames et messieurs les parlementaires, pour lesquelles PSA Peugeot Citroën a pris la décision de présenter ce projet de réorganisation industrielle et de redéploiement des effectifs. Ne pas agir pendant qu’il est temps, ne pas prendre le taureau par les cornes dès qu’il le faut aurait été la pire des solutions.
Pourquoi avoir annoncé ces mesures maintenant et non il y a quelques mois ? Je veux qu’il soit clair, tout d’abord, que le document interne rendu public à la suite d’une fuite au cours de l’été 2011 indiquait que trois sites étaient menacés : Aulnay – pour lequel le scénario d’un arrêt de la production de la C3 était en effet envisagé –, Rennes et Sevelnord à Hordain. Nous avons, à de très nombreuses reprises, fait part à tous les décideurs publics concernés de notre très vive préoccupation quant à l’existence de surcapacités structurelles, qui au demeurant, je le répète, affectent l’industrie automobile européenne dans son ensemble.
Nous avons longtemps espéré pouvoir éviter une mesure d’ordre structurel sur un site, en particulier celui d’Aulnay, mais, depuis le début de l’année 2012, le marché européen a continué de se dégrader, avec une chute très violente de nos ventes en Europe du sud qui s’apparente à un véritable « tsunami commercial ».
La contraction de 18 % de notre production qui en est résultée nous conduit, mesdames et messieurs les parlementaires, à vous poser la question : quelle est la responsabilité d’un dirigeant d’entreprise face à une telle situation ? Est-ce de laisser perdurer un dispositif de production intrinsèquement surcapacitaire, ou d’avoir le courage de prendre à temps les mesures qu’appelle un examen sérieux de la situation ?
Je sais que certains se sont demandé pourquoi nous n’avions pas annoncé nos décisions avant l’échéance électorale du 6 mai dernier. Je réponds simplement qu’une entreprise de la taille de PSA Peugeot Citroën ne peut sérieusement envisager de devenir l’enjeu dominant d’une campagne présidentielle. Il était donc normal que le groupe laisse passer cette échéance.
Soyez néanmoins assurés que ce projet de réorganisation industrielle et de redéploiement des effectifs a été adopté au terme d’intenses réflexions et d’un examen extrêmement approfondi de tous les scénarios possibles : il nous est apparu que, pour le groupe et ses salariés comme pour ses sous-traitants, le scénario le moins lourd sur le plan social et industriel consistait à transférer la production de la C3 d’Aulnay vers Poissy, afin que celle-ci vienne en complément de la DS3 et de la 208 déjà construites sur ce site.
En effet, une réorganisation à l’échelle de la région parisienne, sachant que 45 kilomètres seulement séparent les deux sites, est moins difficile à conduire que la réorganisation d’autres sites en France, car elle a moins d’implications en termes de mobilité professionnelle et géographique.
Nous avons partagé et partagerons, bien sûr, tous ces scénarios et réflexions avec nos partenaires sociaux, dans le cadre du dialogue en cours avec les institutions représentatives du personnel.
J’ajoute enfin un mot sur la filière automobile : PSA Peugeot Citroën a adopté au cours de ces dernières années une approche nouvelle de ses relations avec les équipementiers et les sous-traitants, fondée sur la stabilité, la coopération et le partage de valeur. Nous y sommes très attentifs.
Le groupe s’est par ailleurs pleinement mobilisé pour contribuer à une meilleure structuration de la filière automobile en France. La Plateforme de la filière automobile (PFA) a vu le jour et sa présidence a été confiée à M. Michel Rollier, ancien gérant de Michelin. Elle aura pour mission de travailler en liaison très étroite avec les pouvoirs publics au niveau national et dans les régions, dans le but d’améliorer la compétitivité globale de la filière automobile française. Elle abordera des thèmes aussi essentiels que l’innovation, le financement des PME-PMI, la structuration de la filière autour d’acteurs plus importants, la formation et la montée en compétence des personnels, la représentation du secteur et, également, les moyens de donner aux jeunes le goût de l’industrie et de ses nombreux métiers.
Cette nouvelle structure professionnelle est essentielle pour l’avenir de notre filière. Je puis vous assurer que je continuerai de m’y impliquer personnellement, tant les enjeux sont importants.
Je salue, en outre, le plan de soutien à la filière automobile présenté hier par le Gouvernement. Ce plan apportera un soutien actif à l’ensemble de la filière et sera précieux dans la situation actuellement très dégradée du marché automobile.
Je souhaite, avant de conclure, dire quelques mots sur les grands axes de la stratégie de notre groupe.
Nous avons entrepris, premièrement, un effort d’internationalisation pour nous rapprocher des marchés en croissance : Chine, Amérique latine, Russie. Cette démarche suit son cours, quoique l’on puisse en dire. Nous vendons aujourd’hui 42 % de notre production hors d’Europe, contre 37 % en 2010, ce qui constitue un progrès. Notre objectif est de porter ce chiffre à 50 % en 2015 et même aux 2/3 à l’horizon 2020.
Nous disposons, en Chine, d’une deuxième co-entreprise, avec un partenaire chinois qui nous aide à lancer la ligne DS de Citroën. Nous avons pris pied de manière solide en Russie et sommes ancrés depuis longtemps en Amérique latine.
Cet effort de proximité avec les marchés en croissance – je le souligne – n’a rien à voir avec de la délocalisation : si nous voulons progresser sur des marchés en croissance, nous devons construire sur place, pour les besoins locaux. Cela fournit d’ailleurs du travail à nos équipes de recherche et développement localisées en France.
Nous avons, deuxièmement, la ferme volonté de faire monter en gamme nos marques Peugeot et Citroën.
Cela implique tout d’abord de continuer sur notre lancée de constructeur innovant dans les domaines des technologies moteurs et des véhicules écologiques.
Avec 1 237 brevets déposés en 2011, notre groupe a été, pour la cinquième année consécutive, le premier déposant de brevets en France. Nous avons déposé plus de 300 brevets pour le seul véhicule hybride diesel.
Je rappelle également notre présence dans le domaine du moteur thermique classique, diesel ou essence, à faible émission de dioxyde de carbone, car il fait travailler à plein régime nos usines d’organes mécaniques de Lorraine ou du Nord-Pas-de-Calais.
La montée en gamme n’est pas seulement une question de technologies : elle implique également d’augmenter la valeur ajoutée de nos produits, leur niveau de prestation et de performance et, bien sûr, leur rentabilité. Elle ne se fera pas en un jour, mais nous progressons : la part de véhicules premium dans l’ensemble de nos ventes s’élève. Des produits tels que les véhicules de la gamme DS, symbole du haut de gamme à la française, la Peugeot 508 ou la toute nouvelle Peugeot 208 sont là pour témoigner que le groupe en a encore sous le pied, si je puis m’exprimer ainsi, et de sa capacité à « parler » au consommateur. Je vous invite d’ailleurs à venir constater, lors du Mondial de l’automobile à Paris en septembre prochain, que notre groupe ne manque ni de produits ni d’idées.
Il est toujours possible de pointer du doigt des fautes, des retards, des erreurs de manœuvre. Nous acceptons toutes les critiques, d’où qu’elles viennent. Cependant, je ne m’attendais pas à nous voir reprocher, dans un grand quotidien du soir il y a quelques jours et dans diverses analyses sûrement très autorisées, d’avoir, en somme, fait preuve d’un « patriotisme économique mal conçu » ! De bons esprits appartenant à toutes les couleurs de l’arc-en-ciel viennent maintenant nous reprocher d’être finalement « trop européens », c’est-à-dire en réalité « trop français ».
Au milieu de difficultés grandissantes, contre vents et marées, nous avons maintenu sur le territoire national 100 000 emplois, 16 usines, 85 % de notre appareil de recherche, en un mot, tout ce qui fait notre empreinte industrielle en France. Aurions-nous dû nous orienter vers le low cost ? Cela aurait impliqué, dès lors, de nous implanter, comme d’autres l’ont fait, dans des pays à bas coûts salariaux des confins de l’Europe et du pourtour de la Méditerranée. Cependant, dans la mesure où un dispositif industriel n’est pas extensible, cela aurait également impliqué de fermer des usines en France.
J’en viens maintenant à la question de l’alliance stratégique que nous avons conclue avec General Motors. Nous n’avons jamais été opposé – je le souligne – à une alliance, mais il fallait que celle-ci fasse sens. Cela signifiait, dans notre esprit, qu’elle devait déboucher sur de vraies complémentarités et qu’elle ne devait pas mettre en danger l’indépendance du groupe.
Cette alliance est une nouvelle page blanche, que nous voulons écrire avec nos partenaires de General Motors. Elle devrait nous permettre de poursuivre notre marche en avant grâce à des synergies prometteuses. Il vaut mieux amortir des coûts sur douze millions de véhicules que sur trois millions et demi. Cette alliance devrait également nous permettre de constituer une force d’achat de 125 milliards de dollars, c’est-à-dire la première au monde.
Je saisis cette occasion pour apporter une précision à M. le sénateur Martial Bourquin, dont je salue toute la compétence et la passion qu’il met au service de la cause de l’industrie : les achats du groupe – quelque 20 milliards d’euros par an en France – continueront de se faire sur une base française et européenne. Telle est, en effet, la logique d’un système industriel qui a besoin de proximité et de stabilité dans sa relation avec ses partenaires.
En tous les cas, cette alliance représente une opportunité, porteuse de retombées pour le groupe : des flux de charges au profit de nos usines en France ; une projection encore plus ambitieuse de l’ensemble du groupe sur les marchés mondiaux.
En guise de conclusion, je souhaiterais vous faire partager, mesdames et messieurs les parlementaires, quelques convictions fortes.
Le groupe PSA Peugeot Citroën traverse actuellement l’une des pires tempêtes de son histoire, qui est avant tout la conséquence des turbulences qui chahutent actuellement une partie de l’Europe.
Le groupe a profondément renouvelé ses politiques et ses pratiques sociales depuis quinze ans. Nous avons multiplié les accords avec nos partenaires, renforcé notre dispositif d’accueil des jeunes et sommes désormais reconnus pour nos avancées en matière de conditions de travail et de sécurité au travail.
La décision, que nous avons prise et annoncée, de reconfigurer le dispositif du groupe en France est très douloureuse et restera comme telle à l’échelle de l’histoire industrielle de l’entreprise.
Pour autant, les convictions que je voudrais vous faire partager demeurent placées sous le signe de la confiance.
Nous avons confiance, tout d’abord, dans la voie que nous avons empruntée pour que le groupe retrouve bientôt son équilibre, condition indispensable au déploiement de sa stratégie, avec l’aide que lui apportera, le moment venu, son alliance stratégique avec General Motors.
Nous avons confiance dans la capacité de mobilisation des hommes et des femmes de l’entreprise au service d’une stratégie cohérente, celle qui consiste à conquérir les marchés en croissance et à faire toujours plus monter en gamme nos produits, avec davantage d’innovation et de prestations.
Nous avons confiance, enfin, dans la capacité des pouvoirs publics français à comprendre les exigences et les réalités qui nous environnent, et à nous accompagner dans notre mobilisation pour le redressement.
Je souhaite avant tout vous faire partager notre foi en l’industrie, cette richesse de la France et des Français. Cette foi exige cependant une analyse très lucide de nos faiblesses et de nos fragilités. Elle commande de prendre, sans perdre de temps, des décisions courageuses, si nous voulons développer nos points forts.
Le groupe PSA Peugeot Citroën affronte aujourd’hui une crise majeure, dangereuse pour son avenir s’il ne prend pas très vite les mesures nécessaires.
Il continue cependant de porter en lui, à travers ses ressources humaines et sa culture, vieille de deux siècles, un formidable potentiel de réussite pour la France et pour ses territoires. Il est déterminé à retrouver bientôt la voie du succès.
M. le président François Brottes, coprésident. Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous informe que la conférence des présidents de l’Assemblée nationale vient de mettre en place, sur proposition de la commission des affaires économiques, une mission d’analyse et d’étude de l’ensemble des coûts de production industrielle en France, qui ne s’intéressera donc pas seulement à la question du coût du travail. Nous aurons à cœur d’échanger sur ces questions avec les représentants de l’ensemble des filières industrielles.
Je donne tout d’abord la parole aux représentants des groupes politiques au sein des commissions des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat.
(…)
Audition du président du directoire de PSA… par andrechassaigne
M. André Chassaigne, député. Monsieur Varin, en avouant que votre groupe s’est tu sur certaines décisions en raison des échéances électorales, vous levez un peu de flou. Mais il y a encore un loup. À l’Assemblée nationale, le 20 décembre 2011, en réponse à une question de Marie-George Buffet, M. Besson, alors ministre de l’industrie, avait déclaré : « Aucune fermeture de site automobile, aucune mesure de licenciement, aucune mesure d’âge, aucun plan de départ volontaire n’est annoncé. […] La bonne foi, c’est aussi de reconnaître que le président de PSA a confirmé à plusieurs reprises que la fermeture d’Aulnay n’était aucunement d’actualité. Ce site dispose avec la C3 d’un plan de charge qui va au moins jusqu’à 2014. » Voilà le loup !
Vous évoquez le dialogue social, mais il ne porte pour vous que sur les modalités d’accompagnement et sur l’association des salariés à la restructuration. C’est au contraire la question de la participation des salariés aux décisions qui doit être posée : ils disposent de solutions alternatives, auxquelles des experts ont travaillé. Les salariés demandent qu’elles soient prises en compte, qu’elles soient exposées, ce qui pourrait d’ailleurs s’accompagner d’un moratoire sur les restructurations engagées.
Le pacte automobile de 2009 vous a permis de bénéficier d’un prêt de 3 milliards d’euros, remboursé par anticipation dès 2011 ; de ce point de vue, Arnaud Montebourg a eu raison de parler d’un devoir de PSA Peugeot-Citroën vis-à-vis de la nation française. Comment cette aide a-t-elle été utilisée ? Quelles en ont été les contreparties ? Le résultat aujourd’hui n’est pas satisfaisant.
Quels dividendes ont été versés depuis cinq ans aux actionnaires du groupe ? Quel est le rapport entre ces versements et les investissements ? Comment s’est effectué le partage de la richesse ? En 2010 par exemple, votre résultat était positif de 621 millions d’euros ; à quoi ces millions ont-ils servi ? En 2011, quelque 250 millions d’euros ont été versés aux actionnaires et 200 autres millions ont servi à racheter des actions. Pourquoi ?
Le marché européen a baissé de 6,12 % au premier semestre 2012. Pourtant, alors que le coût horaire du travail est similaire en Allemagne et en France, la baisse est de 13,9 % pour PSA Peugeot Citroën et de 1,5 % seulement pour Volkswagen. Comment expliquez-vous ces différences ?
Je termine sur l’humanité des salariés, sur leur souffrance – souffrance de ceux qui vont perdre leur travail, mais aussi de ceux qui continueront de subir votre chantage à la flexibilité et au coût de la main-d’œuvre. Croyez-vous qu’il s’agisse là d’une solution durable aux problèmes que vous rencontrez ?
(…)
M. Philippe Varin. Nous sommes tout à fait prêts à examiner la situation avec les pouvoirs publics locaux, en particulier à Aulnay. Aujourd’hui, notre projet est soumis à un processus de consultation, qui suit son cours.
Une cellule ad hoc recherche dès maintenant des emplois qui pourraient être disponibles en 2014. Vous le savez, 1 500 emplois sont concernés à Aulnay. Nous avons déjà identifié 600 emplois qui pourraient convenir, soit au sein de notre groupe mais hors de la division automobile, soit dans des entreprises tierces.
En tout, nous prévoyons de supprimer 8 000 emplois. Il y aura 3 600 départs volontaires : je fais l’hypothèse que les salariés qui choisiront de quitter le groupe le feront parce qu’ils auront alors trouvé un autre emploi. Nous proposerons 1 500 reclassements internes aux salariés d’Aulnay et 400 à ceux de Rennes : ces 1 900 salariés conserveront donc un contrat PSA. Le reclassement concerne donc concrètement 1 500 personnes à Aulnay et 1 000 personnes à Rennes, c’est-à-dire 2 500 personnes. Vous pouvez compter sur moi et sur le groupe pour mettre tout en œuvre afin que chacun de ces salariés dispose d’une solution à son problème d’emploi. Nous y travaillons, et nous sommes prêts à en discuter.
Quant au dispositif d’APLD, il y a, je crois, matière à réflexion : un allongement dans le temps du dispositif actuel permettrait à nos collaborateurs d’être formés et de passer suffisamment de temps à se reconvertir pour faciliter autant que possible la transition vers un emploi dans une entreprise autre, qui s’installerait sur le site, en évitant des périodes intermédiaires. Nous examinons d’ailleurs ce sujet avec le ministère du travail.
Sur le changement de culture et la participation des salariés au processus de prise de décision, je peux vous dire que l’expert nommé hier par le comité central d’entreprise travaille déjà sur ce sujet depuis un certain temps, et il a déjà rendu des conclusions. À long terme, deux usines à mi-capacité constituent nécessairement un problème pour le groupe : il faut le régler ! L’information sur la surcapacité est disponible : le comité stratégique paritaire du Comité de groupe européen de PSA travaille sur ces questions depuis un an. Bien sûr, lorsque la décision est prise, c’est un choc, mais cette situation de surcapacité est connue depuis quelque temps.
Les investissements en recherche et développement sont absolument essentiels pour le futur du groupe. Nous prévoyons, c’est vrai, d’adapter légèrement nos effectifs mais nous avons également, dans la période récente, développé de nombreux projets ; nous lançons ainsi de nouveaux véhicules en Chine, en Amérique latine… Nous avons 14 000 chercheurs en France ; en Amérique latine et en Chine, nous en avons un millier en tout, qui s’occupent de projets tout à fait locaux – biocarburants en Amérique latine, design ou interface homme-machine en Chine, car les Chinois sont excellents dans ces domaines. Le cœur de notre recherche reste donc en France et nous continuerons à y déposer énormément de brevets.
En matière de véhicules hybrides, notre part de marché n’est pas importante par rapport à un grand concurrent japonais. Mais notre technologie diesel hybride est une première et ces grandes berlines consomment aujourd’hui 3,6 litres pour cent kilomètres, ce qui est tout à fait remarquable. Notre part de marché devrait donc augmenter. Cette technologie est développée et fabriquée en France : il faut donc soutenir son développement, et le plan actuel du Gouvernement – qui offre un bonus de 4 000 euros pour les véhicules hybrides, y compris pour les véhicules d’entreprise – me paraît de ce point de vue une très bonne initiative.
Nous sommes la locomotive de la filière automobile, puisque nous représentons deux tiers de la production nationale. L’ensemble de la filière, c’est 800 000 emplois : si l’on prend en compte les emplois induits, on peut dire qu’un Français sur dix occupe – directement ou indirectement – un emploi lié à l’automobile.
L’avenir de nos sous-traitants est lié à leur compétitivité, mais aussi au volume du marché. Or le marché européen a diminué de 25 %. Donc si la baisse des volumes est bien sûr liée à la diminution des parts de marché de PSA, elle s’explique d’abord par cette contraction violente du marché. Les ajustements d’effectifs envisagés n’auront aucune incidence sur le volume des commandes que nous passons à nos sous-traitants. Dans la phase actuelle de baisse des volumes, il est donc important d’essayer d’améliorer notre part de marché – ou tout au moins de l’empêcher de diminuer – mais il faut aussi que la filière puisse, si c’est nécessaire, se redéployer et se restructurer.
Le plan de soutien à la filière automobile présenté hier par le Gouvernement prévoit précisément des mesures destinées à traiter ces questions de restructuration et de compétitivité de la filière par un nouveau travail sur la Charte automobile, avec les organisations syndicales, au niveau des fédérations : cela me paraît une très bonne initiative.
Nous avons pour notre part sélectionné quinze fournisseurs stratégiques – les grands équipementiers de rang 1 – et nous sommes engagés dans une démarche par laquelle des fournisseurs plus petits de rang 1 ou des fournisseurs de rang 2 deviennent nos partenaires privilégiés – ce sont les « fournisseurs leaders ». Il y en aura en France entre cinquante et cent. C’est sur eux que nous comptons pour, à l’avenir, développer notre recherche et développement, et accompagner notre internationalisation.
Quant au coût du travail, je me permets de corriger le chiffre que l’un d’entre vous a donné : le chiffre de 9 % correspond à la proportion du travail dans la valeur ajoutée d’assemblage. Pour les véhicules fabriqués dans notre pays, 58 % de nos achats viennent de France : si l’on prend en compte le coût du travail sur l’ensemble de la chaîne, alors ce n’est plus 9 %, mais 25 %, ce qui est tout à fait substantiel.
Je ne veux pas polémiquer sur ce sujet : laissons la mission Gallois travailler et attendons ses conclusions. Je remarque seulement qu’aujourd’hui, le coût du travail est effectivement à peu près identique en France et en Allemagne, mais qu’en termes de prix, le positionnement des produits n’est pas le même – c’est lié à l’image de marque, à l’histoire. Il y a huit ans, ce décalage était compensé par un avantage sur le coût du travail. Ce n’est plus le cas, et nous n’avons pas encore compensé cette perte en termes de prix, car la montée en gamme de nos marques prendra du temps. De là viennent nos difficultés. La question de la flexibilité et des compétences, évoquée dans le plan du Gouvernement, n’est pas moins importante.
Jusqu’en 2017, Sevelnord produit un véhicule utilitaire, en coopération avec Fiat. Or ce partenariat, à cinquante-cinquante, a été dénoncé par Fiat, qui a ensuite choisi de s’allier à Chrysler. Le futur du site après 2017 est donc en jeu et nous en avons, de façon tout à fait transparente, informé les représentants du personnel et les élus concernés. Il faut d’abord que le groupe Fiat parte dans des conditions correctes car nous devons pouvoir travailler. Mais le développement d’un nouveau véhicule utilitaire coûtant près de 700 millions d’euros et l’amortissement de ce coût étant très long, il nous fallait aussi trouver un autre partenaire. Ce sera Toyota – nous avons signé il y a une semaine. Enfin, il faut que la construction de ce véhicule utilitaire en France se fasse dans des conditions de compétitivité aussi bonnes que celles qui seraient offertes par l’autre site possible : celui de Vigo, en Espagne, qui produit déjà de petits véhicules utilitaires.
Nous étudions actuellement avec les représentants du personnel les conditions nécessaires pour atteindre le niveau de compétitivité voulu. Nous en avons également parlé avec les élus locaux car, au-delà du site, le problème concerne le réseau de sous-traitants et tout le cluster – le pôle de compétitivité : il faut agir sur l’environnement économique tout entier. Je peux d’ores et déjà vous dire que j’ai très bon espoir. Et si nous réussissons à Sevelnord, c’est que nous pouvons réussir ailleurs. Voilà, monsieur Bourquin, un exemple de coopération avec les élus locaux.
Que penser du reproche qui nous est fait d’avoir retardé l’annonce et d’avoir menti ? Il est exact qu’étant donné la situation du marché européen, nous avons procédé à des études qui nous ont permis d’identifier, il y a environ un an, trois sites exposés à des risques : Aulnay, Rennes et Sevelnord. Il était de notre responsabilité d’étudier les différentes options possibles et le scénario de la fermeture du site d’Aulnay, je l’ai dit, en faisait partie. Mais il y a un temps pour tout : il y a un temps pour les études et il y a un temps pour les décisions. Nous avons pris la décision au cours du deuxième trimestre 2012 lorsque nous avons constaté que l’atonie du marché était durable. En ce qui concerne le site d’Aulnay, j’ai toujours dit que je ne pouvais souscrire d’autre engagement que celui de produire la C3 jusqu’en 2014 et je n’en ai jamais souscrit d’autre.
En ce qui concerne les aides d’État, mettons les chiffres sur la table. Il y a eu 3 milliards d’euros de prêts au cours de la crise de 2008 et 2009, auxquels se sont ajoutés deux prêts de 500 millions d’euros chacun accordés à notre banque par l’intermédiaire de la Société de financement de l’économie française (SFEF). Les 3 milliards ont été remboursés par anticipation ; rappelons en outre que le groupe a versé au total 330 millions d’euros d’intérêts, le taux d’intérêt du prêt qui nous a été accordé atteignant au minimum 6 % et pouvant aller jusqu’à 9 %, en fonction de l’augmentation de notre marge. Ces aides avaient pour contrepartie implicite le maintien de l’activité et de l’emploi en France, auquel nous nous employons, avec les difficultés que nous connaissons.
Nous bénéficions par ailleurs du crédit impôt recherche, pour 85 millions d’euros, qu’il convient de rapporter aux 2 milliards que nous consacrons chaque année aux dépenses de recherche et développement : nous sommes l’un des acteurs français les plus importants dans ce domaine. En d’autres termes, le CIR nous aide, mais cette aide n’est manifestement pas disproportionnée à l’enjeu. De même, nous percevons chaque année 11 millions au titre de l’APLD alors que les salaires que nous payons en France représentent 4 milliards d’euros par an.
Quant aux dividendes, voyons les faits. Aucun dividende n’a été versé en 2008, ni en 2009. En 2010, nos bons résultats nous ont effectivement permis de distribuer 250 millions d’euros de dividendes. En 2011, de nouveau, il n’y en a eu aucun. Au total, nos actionnaires ont reçu des dividendes une année sur quatre, et ils les ont réinvestis dans l’augmentation de capital lancée début 2012 pour une somme supérieure puisqu’égale à plus d’un milliard d’euros.
En ce qui concerne l’Iran, les flux financiers qui en proviennent se sont aujourd’hui presque taris du fait des sanctions internationales. Je l’ai dit hier, je suis donc très pessimiste quant à la reprise de notre activité sur place, qui nous rapportait quelque 100 millions d’euros par an – pour la vente des pièces détachés uniquement puisque nous n’y procédions pas à l’assemblage. Notre alliance avec General Motors n’y est pour rien : tous les circuits bancaires, sans exception, sont concernés.
S’agissant de la situation financière du groupe, des risques d’OPA et des attaques sur le cours de Bourse, ce dernier a déjà beaucoup souffert : n’accentuons pas la pression à l’heure où les agences de notation dégradent notre note. Le meilleur moyen de nous protéger est de restaurer la rentabilité et l’équilibre le plus vite possible, car les marchés financiers anticipent les améliorations comme les dégradations de la situation.
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Voir le compte-rendu intégral de l’audition sur le site de l’AN.