26-06-2003

Pension de réversion et allocation veuvage.

2e SÉANCE DU MERCREDI 25 JUIN 2003

RÉFORME DES RETRAITES (suite)

Extraits

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

RÉFORME DES RETRAITES (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant réforme des retraites.

ART. 22 (suite)

M. Alain Vidalies - Tout à l’heure, dans sa réponse à nos interventions sur l’article 22, M. Fillon a déclaré que nous n’avions pas de leçon à lui donner pour ce qui concerne les conjoints survivants, le présent texte comportant la plus belle avancée qu’on ait vue depuis longtemps. Nous récusons cette analyse. Les conjoints survivants ont en effet bénéficié au premier chef de la loi sur les droits de succession votée par la précédente majorité - laquelle prévoit notamment le droit à maintien dans les lieux et la préséance sur les frères et sœurs dans l’ordre successoral.
Malgré les réponses alambiquées du ministre - et je note au passage qu’il les a lues, ce qui n’est pas dans ses habitudes ! -, plusieurs questions restent en suspens.
Les droits des veufs - et, essentiellement, des veuves - de moins de 55 ans seront-ils préservés ? Le politique ne s’est-il pas fait vendre par la technocratie une réforme dont les conséquences seront très lourdes ? Ne faut-il pas y voir une tentative de sortir de la difficulté créée par une décision de la Cour de cassation mettant en cause des dispositions réglementaires appliquées de longue date ? En effet, la Cour de cassation n’acceptait plus les modalités de calcul de la CNAV et ce revirement risquait d’entraîner quelques milliards de charges supplémentaires !
Soucieux d’économie, notamment pour ce qui concerne le calcul des pensions des « polypensionnés », le Gouvernement a inventé une nouvelle forme de pension de réversion. Si telle est bien la motivation de cet article, il y a là une erreur politique majeure.
Il n’est pas acceptable de porter atteinte aux droits des conjoints survivants en remplaçant les anciens modes de calcul des droits à pension par une allocation différentielle.
Voilà pourquoi notre amendement 3063 supprime cet article.

André Chassaigne - Nos amendements 5472 à 5478 suppriment également cet article. Nous nous opposons à la transformation du droit à pension de réversion ouvert par cotisations sociales en une disposition d’aide sociale, modulable selon les ressources de la personne survivante. Une fois de plus, ce sont les femmes qui vont être le plus touchées.

En cas de décès du conjoint, le conjoint survivant ne peut profiter d’une partie de sa retraite que s’il est âgé de plus de 55 ans. A défaut, seule l’allocation veuvage est attribuée. On pense généralement que la pension de réversion n’est versée qu’aux veuves, mais les hommes en profitent aussi : sur les 765 000 titulaires d’une pension de réversion, le régime général compte 15 000 hommes. L’allocation veuvage a vocation à aider le conjoint survivant à faire face aux conséquences patrimoniales du décès. Actuellement, 18 600 veuves en bénéficient. En règle générale, elle n’est versée que pendant deux ans. Au 1er janvier 2003, son montant mensuel était de 510,78 €.

La pension de réversion et l’allocation veuvage doivent être considérées comme des mesures compensatoires. Si elles ne perçoivent pas ou guère de retraite du vivant de leur mari, les femmes aux carrières incomplètes ou inexistantes peuvent prétendre au bénéfice d’une pension de réversion par la suite, ce qui constitue un mécanisme de redistribution d’autant plus efficace que leur espérance de vie est plus élevée et qu’elles sont généralement plus jeunes que leurs conjoints.

La redistribution joue ainsi en faveur des femmes. Toutefois, si les femmes bénéficient plus des mécanismes de solidarité - étant plus souvent que les hommes dans un état de dépendance à la fin de leur vie -, elles sont aussi les principales pourvoyeuses de l’aide familiale aux personnes âgées. Le caractère redistributif des retraites en faveur des femmes peut donc être considéré comme la légitime contrepartie des services non-marchands qu’elles rendent à leur entourage.

En privilégiant une logique d’aide sociale, vous abrogez un mécanisme de compensation qui profitait largement aux femmes et que l’universalité du dispositif garantissait. Nous condamnons fermement la remise en cause de cette universalité.

M. Jean-Luc Préel - Les conjoints survivants ont décidément beaucoup de défenseurs au sein de notre assemblée puisque mon amendement 7034 supprime également cet article. Le veuvage est un drame, aux conséquences psychologiques et financières souvent très lourdes. Président du groupe d’étude sur les conjoints survivants, je sais que les problèmes principaux ont trait à l’assurance veuvage et à la pension de réversion. J’avais déposé plusieurs amendements à ce sujet. Beaucoup, hélas, sont tombés sous le coup de l’article 40 !

Le présent texte comporte des avancées indéniables, notamment pour les polypensionnés, et du fait de la suppression des conditions d’âge. En outre, M. Fillon s’est engagé à reprendre un amendement que j’avais défendu en commission visant à ne plus prendre en compte les majorations pour enfants dans le calcul des ressources. Nombre d’inéquités subsistent cependant, entre les différents régimes, le public ou le privé, les artisans et les commerçants….

Je souhaite appeler toute l’attention du Gouvernement sur la situation particulière d’un nombre relativement restreint de veuves, qui n’ont pas aujourd’hui l’assurance que la pension différentielle se situera au moins au même niveau - du reste très modéré - que l’allocation veuvage actuelle. Le Gouvernement peut-il s’engager sur ce point ? S’il y consent, je suis prêt à retirer mon amendement car je suis convaincu que le texte comporte déjà des avancées notables.

M. Bernard Accoyer , rapporteur de la commission des affaires sociales - La commission des affaires sociales n’a pas accepté ces amendements de suppression, une large majorité des commissaires ayant considéré que les nouvelles dispositions allaient améliorer sensiblement la situation des conjoints survivants…

M. Philippe Vuilque - Cela reste à démontrer !

M. le Rapporteur - Nous n’avons pas identifié un seul cas de figure où la situation créée ne serait pas plus favorable. Le champ de la réversion est élargi, du fait de la suppression des conditions d’âge ou de non remariage.

Monsieur le ministre, nous mesurons les progrès qu’apporte le texte. Nous serions heureux de vous voir améliorer encore la situation des conjoints survivants - et principalement des veuves - en prenant mieux en compte les charges de famille. Le supplément de retraite dont bénéficient les familles de plus de trois enfants doit être exclu des ressources prises en compte pour le calcul du plafond.

Une telle avancée irait dans le sens de la solidarité.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de l’aménagement du territoire - Même avis. Je confirme au rapporteur que le décret sera conforme à son vœu et qu’un amendement du Gouvernement répondra à sa demande.
[…]

Les amendements de suppression, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

[…]

André Chassaigne -
Notre amendement 10801 ne devrait avoir aucun mal à être adopté puisqu’il vise seulement à favoriser l’emploi des salariés de plus de 55 ans.
Le rapporteur pour avis de la commission des finances souligne lui-même, dans son rapport, que le relèvement dans notre pays du taux d’activité des salariés vieillissants était une condition préalable pour résoudre le problème de financement des retraites. Pour sortir « du cercle vicieux actuel », dit-il, « il convient d’agir sur l’ensemble des éléments du système ». Dès lors que l’on sait que les lois naturelles du marché du travail ne permettront pas d’atteindre l’objectif recherché, poursuit-il, il faut conduire une grande politique nationale, volontariste, de l’emploi, du travail et de la formation, aussi bien dans le privé que dans le public. Ce doit être une priorité pour le Gouvernement comme pour les partenaires sociaux, conclut-il.
Notre amendement comporte une mesure concrète de nature à encourager l’emploi des plus de 55 ans, que les employeurs français sont particulièrement réticents à faire travailler, qu’ils leur coûtent trop cher ou qu’ils ne les jugent pas assez productifs. Il s’agirait d’un abattement de 40 % sur les cotisations patronales de retraite pour les salariés de plus de 55 ans possédant quinze ans d’ancienneté dans l’entreprise, étant entendu que le coût de la mesure serait compensé par une augmentation à due concurrence des cotisations retraite pour les autres salariés.

M. le Rapporteur -
Avis défavorable.

M. le Ministre de la fonction publique -
Même avis.

M. Eric Besson -
Il est dommage que le ministre ne s’exprime pas sur cet amendement. La grande faiblesse du projet du Gouvernement est que son équilibre repose sur une remontée du taux d’activité des salariés de plus de 55 ans, alors que celui-ci ne cesse de décroître. Pourquoi n’avoir pas convoqué les partenaires sociaux à une grande conférence sur l’âge au travail ? Pourquoi ne pas avoir exigé des entreprises qu’elles modifient leur comportement et recrutent des salariés de plus de 50 ans ? Il est paradoxal qu’en France, on soit vieux de plus en plus jeune dans l’entreprise alors que c’est l’inverse dans tous les autres domaines.

A défaut d’accepter cet amendement qui a le mérite de poser un problème crucial, le Gouvernement pourrait-il nous indiquer sa position sur le sujet ? Exigera-t-il des partenaires sociaux, du patronat en particulier, des mesures volontaristes en matière d’emploi des salariés âgés ? S’il n’en obtient pas, prendra-t-il des mesures plus contraignantes ?

M. le Ministre de la fonction publique -
Le relevé de conclusions du 15 mai indique expressément que l’une des clés de la réussite de la réforme est l’augmentation du taux d’activité des plus de 50 ans.

La proposition qui est faite aboutirait seulement à créer des conflits entre salariés, âgés et moins âgés.

André Chassaigne -
Non, car seule la part patronale des cotisations est concernée !

M. le Ministre de la fonction publique -
Le coût du travail est un critère extrêmement sensible pour l’embauche. Votre proposition ne serait donc pas sans risque.
Nous avons prévu que si, dans cinq ans, il apparaît que les entreprises n’ont pas consenti l’effort nécessaire les cotisations patronales augmenteront. Pour l’heure, nous ne pouvons que verser votre contribution au débat, lequel doit avoir lieu entre les partenaires sociaux.

L’amendement 10801, mis aux voix, n’est pas adopté.
[…]

Pour en savoir plus : Site de l’Assemblée

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