QUESTION :
Monsieur André Chassaigne attire l’attention de Monsieur Francis MER, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, au sujet du projet de décret d’application de la loi de 2001 relative à l’accès à l’électricité des personnes en situation économique difficile.
Ce décret doit, en vertu de l’esprit de la loi de 2001, permettre aux personnes les plus démunies d’accéder au service public de l’électricité. Il est inutile de rappeler combien l’électricité est une ressource de première nécessité aujourd’hui.
Or, le projet de décret actuellement en cours d’élaboration semble manifestement contrevenir à l’esprit de cette loi. La condition de ressources prévue dans ce décret (5520 €/an) pour bénéficier de réduction du prix de l’électricité est inférieure au seuil de pauvreté tel que défini par l’INSEE. Elle ne prend pas en compte les particularités liées au logement ou au type de chauffage. Aucune disposition n’est prévue pour s’assurer de l’applicabilité des principes de ce décret après l’ouverture du marché à la concurrence en 2007.
De plus, les niveaux de réduction de facture prévus sont faibles : ils compenseront parfois à peine l’augmentation des tarifs de l’électricité décidée pour le premier juillet 2003.
Plus grave, ce projet prévoit de déléguer la gestion de ces dossiers à une société privée (donc à la recherche de profit) et de permettre à cette société d’accéder à des fichiers confidentiels de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Il est sans doute bien d’autres moyens d’exercer la solidarité nationale à l’égard des personnes les plus précarisées de notre pays !
En conséquence, Monsieur André Chassaigne demande à Monsieur le Ministre de bien vouloir réexaminer le contenu de ce décret et d’améliorer sa conformité à l’esprit de la loi de 2001.
REPONSE :
L’article 4 de la loi du 10 février 2000 dispose notamment que : « Les tarifs aux usagers domestiques tiennent compte, pour les usagers dont les revenus du foyer sont, au regard de la composition familiale, inférieurs à un plafond, du caractère indispensable de l’électricité en instaurant pour une tranche de leur consommation une tarification spéciale "produit de première nécessité… ».
Le projet de décret précisant les conditions d’application de cet alinéa a été élaboré par les départements ministériels concernés en liaison avec les distributeurs d’électricité et d’autres intervenants comme les associations caritatives, invitées à se prononcer sur le projet de texte en considération de leur expérience dans ce domaine.
Le projet de décret, récemment approuvé par le Conseil d’Etat, est soumis à la signature des ministres. Sur le fond, les pouvoirs publics ont cherché à instituer un système à la fois simple et efficace tout en respectant les obligations posées par le législateur : la population ciblée pour l’octroi du tarif est constituée par les personnes bénéficiant de la couverture maladie universelle (CMU) mais sous un plafond de ressources un peu plus restrictif, soit 5 520 euros. Sur la base de ce choix, il est estimé qu’environ 1,6 million de ménages pourraient ainsi bénéficier de la tarification spéciale ; le pourcentage de réduction est modulé en fonction de la composition familiale du ménage bénéficiaire et s’applique à la fois sur l’abonnement - ce qui permet de prendre en compte la diversité des situations en matière de consommation énergétique - et sur une tranche de 100 kWh par mois. Ce pourcentage de réduction varie entre 30 et 50 %. La réduction ainsi obtenue est variable selon la composition familiale et la consommation moyenne du foyer. A titre d’exemple, pour un foyer moyen (deux adultes et un enfant) et pour une consommation annuelle de 3,5 MWh, la réduction totale ainsi obtenue sur la facture d’électricité est d’environ 20 %, ce qui est bien supérieur à la dernière hausse des tarifs mise en œuvre en juillet 2003 de 3 %.
Par ailleurs, le projet de décret ne prévoit pas de déléguer la gestion du système à une société privée. Il s’agit seulement de permettre aux distributeurs qui le désireraient de confier à un prestataire de services la gestion matérielle d’envoi des attestations ouvrant droit au tarif et celle visant à recevoir les demandes. Tel est le cas, à l’heure actuelle, pour le tarif social du téléphone. Les modalités d’action de ces prestataires devront naturellement se conformer aux obligations légales et réglementaires, en particulier à celles de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique aux fichiers et aux libertés. Les dispositions du décret s’inscrivent tout naturellement dans le cadre du service public de l’électricité et seront préservées après l’ouverture à la concurrence. En outre, l’ensemble des distributeurs d’électricité doit appliquer la tarification spéciale à ceux de leurs clients qui rempliront les conditions d’attribution.
Enfin, il convient de rappeler que cette tarification ne constitue qu’un volet de l’aide apportée aux personnes et aux ménages en difficultés, le second étant représenté par des aides directes aux paiements des factures d’électricité. En vertu de l’article 2 de la loi du 10 février 2000, un décret en précise les conditions d’attribution. Ces dernières prennent en considération les divers paramètres économiques et sociaux des ménages en difficulté. Elles permettent également l’attribution d’aides préventives à la formation de situations d’endettement.