11-04-2003

Politique sécuritaire menée par Monsieur Sarkozy

Cette politique se résume aujourd’hui à quelques chiffres et images. La France vient de battre un triste record, celui du nombre de personnes emprisonnées (près de 60 000). Il est impossible aussi d’oublier cette image, celle du Maire de Neuilly invectivant les gardiens de la paix de Toulouse et limogeant le directeur général de la police de la ville qui préféraient effectuer un travail de long terme de prévention de la délinquance plutôt que « faire du chiffre ».

La politique sécuritaire du gouvernement est surtout affaire de communication. Elle cherche uniquement à donner l’apparence que la police est sur le terrain. Pour quelles actions ? Des contrôles d’identité, souvent vexatoires et à la limite de la légalité, sont effectués quotidiennement de façon massive. Et pendant que l’on ordonne aux forces de l’ordre de contrôler les identités des passants (et ce d’autant plus qu’ils sont jeunes et bronzés), elles n’ont évidemment ni le temps ni les moyens de poursuivre les délinquants - les vrais.

Cette politique est aussi bêtement démagogique. Elle entretient la confusion dans l’opinion entre tous les jeunes, la petite délinquance, le grand banditisme voire le terrorisme, sous ce même vocable de la « banlieue ». Elle est aussi inefficace : remplir les prisons de petits délinquants et trafiquants sans envergure n’a jamais fait disparaître ces trafics et cette délinquance. En ciblant son action sur l’apparence de la délinquance, et pas sur sa réalité, monsieur Sarkozy s’expose à de graves retours de bâton. Ne compte-t-il pas d’ailleurs quitter son poste de ministre de l’intérieur en 2004 pour ne pas avoir à assumer l’échec prévisible de sa politique ?

Enfin cette politique répressive esquive toute pensée sur cette insécurité et ses origines. Le gouvernement ne mène ainsi aucune réflexion sur la prison : est-elle « correctrice » ou criminogène ? Lorsqu’une société accepte que des mères célibataires travaillent comme caissières de supermarché jusqu’à 20 heures en soirée, faut-il s’étonner du manque d’éducation et d’encadrement de leurs enfants, livrés à eux-mêmes à leur sortie de l’école ? Plus fondamentalement, ne paye-t-on pas aujourd’hui tous les discours politiques libéraux expliquant aux jeunes de ce pays qu’ils ne devaient compter que sur eux-mêmes pour s’en sortir, au mépris de toutes les formes d’organisation collective ? Ne paye-t-on pas cette idéologie qui fait de l’argent la forme unique de reconnaissance sociale et qui pousse beaucoup de jeunes de ce pays à tout faire pour en accumuler le plus possible, quels que soient les moyens utilisés ? Ne paye-t-on pas aussi l’impunité dont bénéficient les plus hautes autorités de l’Etat au sujet des délits pour lesquels ils sont manifestement impliqués ?

Je suis ainsi convaincu que la lutte contre l’insécurité nécessiterait que l’on se pose vraiment ces questions et que l’on cherche à y répondre, plutôt que de se laisser aller à ce que l’on est bien obligé d’appeler des basses considérations politiciennes et démagogiques. C’est seulement ainsi que l’on pourra dépasser les discours aveuglement répressifs et ces contestations parfois trop angéliques pour définir une vraie politique de lutte contre l’insécurité.

Pour en savoir plus : André Chassaigne

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