04-04-2008

Projet de loi OGM - Art. 1er (suite 1)

2e séance du 2 avril 2008 - 21h30

Organismes génétiquement modifiés

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

[…]

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, inscrit sur l’article 1er.

M. André Chassaigne. Notre collègue François Grosdidier nous indiquait tout à l’heure que cela ne lui posait pas de problème de voter cet article. Je ne suis pas loin de partager cette appréciation. Car, en fait, cet article 1er est purement et simplement un acte de foi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le problème est qu’il comporte deux défauts : le péché originel et l’acte de contrition. (Rires.)

Le péché originel se situe dans le deuxième alinéa de l’article 1er. Monsieur le ministre, en rédigeant ainsi cet alinéa, vous avez mangé les fruits de l’arbre de la connaissance. (Sourires.) En effet, vous définissez d’une façon très péremptoire et particulièrement réductrice ce qui doit conditionner la culture, la commercialisation et l’utilisation des organismes génétiquement modifiés. Vous évoquez le respect de l’environnement et la santé publique, mais vous oubliez - et c’est là votre péché originel - une dimension incontournable : derrière l’environnement, il y a des producteurs agricoles, et il y a une organisation économique.

Ce défaut nous a donné l’occasion de déposer plusieurs amendements, que nous vous présenterons. D’ailleurs, notre collègue Louis Giscard d’Estaing a repris un amendement que plusieurs d’entre nous avaient présenté en commission. Il a parfaitement raison ! Vous oubliez, monsieur le ministre, la réalité des systèmes agricoles : dans certains territoires, comme celui que je représente ici, les exploitations agricoles disposent de petites parcelles, d’une surface moyenne d’un demi-hectare. Cela n’a rien à voir avec des exploitations de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’hectares. Il est bien évident que cet aspect de la production conditionne l’approche que chacun peut avoir sur les OGM. Occulter cet aspect-là est vraiment un péché originel.

De la même façon, les filières spécifiques telles que la culture biologique ou les AOC sont totalement oubliées. Comment, même si cet article 1er est un acte de foi, avez-vous pu occulter cette dimension ?

Monsieur Grosdidier, vous vous êtes trompé. Vous n’avez pas vu, dans votre élan religieux, les failles contenues dans cet article !

M. François Grosdidier. Je vous rassure, il n’y en a pas ! Le diable est dans les détails… et les failles sont dans les articles suivants !

M. André Chassaigne. En outre, cet article est un acte de contrition. Vous y affirmez des principes en sachant très bien qu’ils ne seront pas respectés dans les articles suivants.

M. François Grosdidier. Vous, vous aurez du mal à voter les articles suivants !

M. André Chassaigne. Ce n’est pas bien, monsieur le ministre ! Les orateurs précédents n’ayant évoqué que les principes de précaution et de prévention, je parlerai pour ma part du respect du principe d’information, prévu dans le quatrième alinéa. Vous occultez totalement ce principe ! Vous connaissez certainement, monsieur le ministre, la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public aux processus décisionnels, l’accès à la justice en matière d’environnement, à laquelle la France a adhéré le 25 juin 1998. Or, dans les différents articles de ce projet de loi, vous ne la respectez pas ! Nous y reviendrons lors de la présentation de nos amendements, mais vous ne respectez pas cette convention qui est pourtant entrée dans le droit communautaire par une directive 2003-35 CE du 26 mai 2003 relative à la participation du public aux procédures environnementales. C’est bien là, monsieur le ministre, un acte de contrition que vous vous préparez à faire, alors autant le faire tout de suite. Cela montre que l’on peut affirmer certaines choses dans un article et, quelques articles plus loin, ne pas les respecter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

[…]

M. le président. Je vous rappelle que seuls deux orateurs peuvent s’exprimer sur un amendement. Mais, parce que je fais preuve d’une grande mansuétude - j’ose le mot ! - je vais laisser parler M. Chassaigne. Monsieur Cochet, je suis sûr que vous pourrez ensuite intervenir très brièvement !

M. Yves Cochet. Je ne m’exprimerai que quelques minutes.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. J’aurais pu faire semblant d’étudier mes dossiers, mais le sujet est d’importance. Si je demande à intervenir, c’est dans un souci de clarté et par honnêteté envers mes collègues Verts. Je tiens donc à expliquer pourquoi je ne voterai pas cet amendement, dont je comprends qu’il revête une dimension très symbolique pour eux. Je m’exprime donc à titre personnel.

M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Je n’entends pas conclure, mais m’expliquer.
L’amendement, tel qu’il est rédigé, est inapplicable. Donc il ne peut être adopté.

M. Claude Goasguen. On a compris !

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M. André Chassaigne. Élu du bassin allaitant du Massif Central, région d’élevage où la race à viande représente beaucoup, je sais - même si l’amendement du groupe socialiste tendant à développer un plan protéines a été adopté - qu’il faudra des années pour pouvoir produire suffisamment de protéagineux destinés à l’alimentation de nos élevages de montagne et exclure toute importation et toute commercialisation de soja OGM, comme c’est malheureusement le cas aujourd’hui. Cela doit s’accompagner d’accords de coopération avec des pays d’Amérique du Sud, notamment, pour les aider à évoluer, à sortir des griffes de Monsanto, et à cultiver du soja non-OGM. Il sera alors possible de remettre les échanges commerciaux sur les rails, sur une base saine, sans OGM. 

Ensuite, l’utilisation des OGM est malheureusement aujourd’hui entrée dans les faits. Je ne citerai qu’un exemple. Vous connaissez tous les plateaux de fromages. Chacun sait que nos fromages auvergnats, comme la quasi-totalité des fromages de notre pays, utilisent actuellement un produit dérivé d’OGM - un enzyme chymosine - qui remplace la caillette animale, produit naturel. L’interdiction subite de produits OGM ou de produits dérivés des OGM, aurait, c’est évident, des conséquences dramatiques pour la gastronomie française, mais surtout pour les éleveurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je ne demande pas à être applaudi, car je soutiendrai des dizaines d’amendements verts.

Il y a une troisième raison.

M. le président. S’il vous plaît, mon cher collègue !

M. André Chassaigne. Cela économisera de nombreux discours !

M. le président. Théoriquement, vous n’auriez pas dû intervenir. Dans ma naïveté spontanée, je pensais que vous alliez parler en faveur de l’amendement, auquel cas il y avait encore une marge de manœuvre. Là vous êtes le deuxième à vous exprimer, après M. Folliot, contre l’amendement, ce qui est contraire au règlement. Je vous demande donc de conclure rapidement. Il n’y a pas de « règlement génétiquement modifié » !

M. André Chassaigne. Vous avez raison, s’agissant des cultures commerciales. Il est bien évident que, dans ce pays, nous n’avons pas besoin aujourd’hui de cultures OGM commerciales. J’émets pour ma part une petite réserve.

M. le président. Je vais être obligé de sévir !

M. André Chassaigne. Dans certains cas, et selon un protocole très strict, quand tout aura été fait en milieu confiné et que les modélisations ne permettront pas de répondre aux besoins de la recherche, les instituts de recherche publics pourront être conduits, pour que la France puisse conserver une capacité d’expertise, à mener des recherches limitées en plein champ. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Puisque notre règlement prévoit qu’un orateur peut répondre à la commission et un autre au gouvernement, je vais donner la parole à M. Yves Cochet. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

[…]

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 180, 231, 252, 253 et 198, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing, pour soutenir l’amendement n° 180.

M. Louis Giscard d’Estaing. Bien des arguments ont déjà été échangés à ce sujet. Si j’ai, pour ma part, déposé cet amendement, c’est en tant qu’ancien membre de la mission d’information parlementaire sur les OGM, présidée de façon très équilibrée par notre collègue Jean-Yves Le Déaut, qui comptait dans ses rangs certains d’entre nous ici présents : Nathalie Kosciusko-Morizet, Germinal Peiro, André Chassaigne, Philippe Martin, Philippe Folliot, Yves Cochet, Michel Lejeune, François Grosdidier, Jean Proriol, François Sauvadet, pour ne citer que ceux-là.

[…] (poursuite des débats)

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M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre les amendements nos 252 et 253.

M. Jean-Pierre Brard. J’apprécie les gens d’esprit, monsieur Giscard d’Estaing. Vous me permettrez cependant de trouver que vous ne manquez pas d’air en défendant un tel amendement après avoir rejeté celui de Delphine Batho. (« Eh ! oui » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme Delphine Batho. Merci, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes certainement un cousin éloigné de Janus.

Pour en revenir aux faucheurs, il est vrai que j’ai été récemment victime d’un accident d’agriculture, fauché que je fus par un outil de contrebande qui tirait à droite. (Rires.) Car cet exercice n’a réussi que grâce au renfort de vos électeurs. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Cochet. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Brard. Pour ce qui me concerne, je n’ai jamais accepté de devoir la victoire à l’appui de l’adversaire, et j’aimerais qu’on se le rappelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mais venons-en à nos propositions. Il s’agit évidemment d’amendements de repli, comme Mme Batho l’a expliqué.

Monsieur Borloo, c’est une erreur de mettre en cause Yves Cochet, d’abord parce que vous savez qu’il n’a jamais agi à rebours de ses convictions. Et surtout, quand la directive de 2001 fut prise, il n’était pas ministre ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il n’a donc pas pu trahir ses convictions.

M. André Chassaigne. Mais qui donc était ministre ?

M. Jean-Pierre Brard. Je vous laisse le soin de le trouver ! (Rires.)

M. Alain Gest. Une faucheuse !

M. Jean-Pierre Brard. Comme je laisse à M. Cochet celui de vous dire qui était la faucheuse ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Eh oui, la faucheuse a contribué à l’élaboration de cette directive. C’est que, quand on a l’ambition du pouvoir, on n’hésite pas à s’asseoir sur ses convictions. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Quel brio ! )

M. Jean-Pierre Brard. Nos amendements visent à préserver la diversité des agricultures et les spécificités des territoires. Le texte est en effet trop général, et vous n’ignorez pas, monsieur le rapporteur - vous êtes d’autant plus coupable quand vous affirmez le contraire - que moins un texte est précis, plus il laisse de champ à la jurisprudence. Et vous qui fûtes avocat dans une vie antérieure, monsieur Borloo, vous savez bien que l’imprécision des textes fait les honoraires des avocats (Rires) et se propage aux décisions des juges.

Voilà pourquoi il faut que nous précisions le texte, et voilà pourquoi, madame la secrétaire d’État et monsieur le ministre, si vous êtes de bonne foi, et je sais que vous l’êtes, vous ne pouvez qu’accepter nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean Proriol. Encore une histoire de foi !

M. le président. Voulez-vous également défendre ces amendements, monsieur Chassaigne ?

M. André Chassaigne. Je n’oserais pas prendre la parole après un orateur aussi brillant.

[…] (poursuite des débats)

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 180, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Sur l’amendement n° 180, je suis saisi d’un sous-amendement de M. Chassaigne, auquel est attribué le n° 480, tendant à substituer au mot : « régionaux » le mot : « locaux ».

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir ce sous-amendement.

M. André Chassaigne. L’amendement de M. Giscard d’Estaing traduit une excellente idée. Il est d’ailleurs le fruit, me semble-t-il, d’une manifestation qui a eu lieu samedi dernier. C’est en effet en recevant une délégation que M. Giscard d’Estaing a déclaré qu’il appuierait cette demande présentée par les manifestants de Clermont-Ferrand.

Pour ce faire, il s’est directement inspiré des amendements qui avaient été déposés en commission par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine et par le groupe socialiste, en particulier de l’un des nôtres, mais en en reprenant le texte, il ne s’est pas aperçu que je lui avais apporté une légère modification depuis son rejet en commission.

Par définition, en effet, un écosystème ne peut pas être régional, mais a forcément une dimension locale. Il est bien évident qu’un écosystème de zone granitique comme la circonscription de M. Giscard d’Estaing est très différent de l’écosystème de ma propre circonscription, bien qu’elle comporte elle aussi une zone granitique. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je n’opposerai évidemment pas pour autant le Saint-Nectaire, fromage d’une excellente qualité, à la fourme d’Ambert, et ce d’autant moins que la zone de production de la fourme d’Ambert s’étend jusqu’à la circonscription de M. Giscard d’Estaing. (Sourires.)

J’insiste donc pour préciser son amendement et lui donner toute sa force législative. Épargnons-nous une erreur qui, sans être monumentale, n’en serait pas moins en contradiction avec la définition même de l’écosystème.

Je propose donc de sous-amender l’amendement n° 180 en substituant le mot « locaux » au mot « régionaux ».
[…] (poursuite des débats, scrutin public)

(Les amendements 480 et 180 et 231 sont rejetés)
[…]

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 252.
(L’amendement est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
[…]

(La séance est levée à zéro heure seize.)

Voir : communiqué sur l’adoption de l’amendement d’A.Chassaigne

Pour en savoir plus : Site de l’A.N.

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