04-04-2008

Projet de loi OGM - Art. 1er (suite 2)

1re séance du 3 avril 2008 - 9h30

Organismes génétiquement modifiés

Article 1er (suite)

[…]

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 254.

M. André Chassaigne. L’intergroupe OGM du Grenelle de l’environnement avait retenu six principes : non-brevetabilité du vivant, libre choix de produire et de consommer, principe de pollueur-payeur et régime de responsabilité, principe de précaution, principe de transparence et de participation, subsidiarité territoriale. Ces principes ont tous fait l’objet d’un consensus, à l’exception de celui de subsidiarité.

Pour ce qui concerne le principe de transparence, il est précisé que la composition de la haute autorité devra être partenariale, que les résultats devront être diffusés, qu’il faudra prévoir une articulation avec le secret industriel et que la déclaration des parcelles sera obligatoire.

Il est indispensable d’inscrire ce principe de transparence dans l’article 1er, dans la mesure où il s’agit d’un principe fondamental, voire fondateur.

Par ailleurs, les dispositions concernant l’information du public ont été confortées notamment par la convention d’Aarhus signée le 25 juin 1998 par la France, puis par l’Union européenne.

Adoptée en application de l’article 10 de la déclaration de Rio pour la région Europe de la commission économique des Nations unies, cette convention porte sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.
Telles sont les raisons qui justifient l’adoption de l’amendement n° 254.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission avait émis un avis défavorable sur ces amendements dans la mesure où un amendement de M. Jacob et M. Debré, qui sera présenté ultérieurement, reprenait le terme de transparence, mais dans une perspective plus large.

Cela dit, monsieur Pancher, ce sujet a été largement évoqué lors de la discussion générale, mais vous avez raison d’y revenir. Il faut effectivement donner une information claire à l’opinion publique, car elle ne comprend plus rien en la matière. Aussi devons-nous faire preuve de transparence.

Voilà pourquoi, monsieur le président de la commission, je crois opportun de modifier l’avis que la commission avait émis sur ces deux amendements, en intégrant la notion de transparence proposée conjointement par M. Pancher et M. Chassaigne, tout en conservant l’amendement de M. Jacob et de M. Debré.

Pour ce qui est de la correction grammaticale de l’ensemble, la navette nous donnera l’occasion d’y revenir plus tard.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je suis d’accord.

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission est donc favorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Tout à fait favorable.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Nous nous félicitons de l’évolution de la position de la commission sur ces deux amendements.

Le Sénat avait déjà amélioré - c’est un des rares points où il l’a fait - le texte en précisant que l’évaluation devait être indépendante. Il s’agit maintenant d’ajouter que cette étude est rendue publique. Comme nous l’avons rappelé au cours de la discussion générale, le principe de transparence est au centre du Grenelle de l’environnement.

Pour ce qui est de l’amélioration grammaticale, j’indique que nous présenterons ultérieurement un amendement formulé de façon plus claire, prévoyant que l’étude d’évaluation est rendue publique.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 100 et 254.

(Ces amendements sont adoptés.)

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[…]

M. le président. M. Chassaigne vient de me faire parvenir un sous-amendement, n° 481, ainsi rédigé :
« Dans l’alinéa 2 de l’amendement n° 16 rectifié, après le mot : “réalisés”, insérer les mots : “par des instituts de recherche publique et, à défaut,” ».

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Quelle que soit l’appréciation globale que l’on porte sur l’amendement n° 16 rectifié, il me paraît indispensable d’adopter ce sous-amendement. (Murmures sur plusieurs bancs.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission n’a évidemment pas pu l’examiner. La notion de « laboratoire agréé » étant évoquée par ailleurs, je m’interroge sur l’opportunité de ce sous-amendement. J’aimerais connaître l’avis du ministère, et vérifier si cela ne déséquilibre pas le texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Confier les évaluations à des organismes agréés par les pouvoirs publics, c’est déjà une nette amélioration. Je n’ai pas d’avis a priori sur le sous-amendement, mais il faudra s’assurer durant la navette parlementaire que la modification proposée va bien dans le même sens. Qu’en pense Christian Jacob ?

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Comme M. le ministre d’État, je préférerais qu’on y revienne à l’occasion de la navette. Sur le fond, je partage l’opinion de M. Chassaigne. Simplement, je crains qu’en mentionnant les « instituts de recherche publics », les entreprises privées qui, aujourd’hui, financent ces recherches, ne soient tentées de les faire payer par les laboratoires publics.

M. Henri Emmanuelli. On paiera ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous nous prenez vraiment pour des idiots !

M. Christian Jacob. Personnellement, je pense que c’est à celui qui demande l’autorisation de payer. C’est pourquoi je préfère…

M. André Chassaigne. C’est précisément ce que fait Monsanto, qui utilise ses propres laboratoires ! On voit le résultat !

M. Christian Jacob. Nous disons la même chose, monsieur Chassaigne ! Aujourd’hui, les tests sont réalisés par les semenciers dans leurs propres laboratoires ; ce que je propose, c’est qu’ils soient faits dans des laboratoires agréés, qui ne leur appartiennent pas. Profitons de la navette en prenant garde de ne pas faire payer à l’INRA les recherches de Monsanto ! Voilà mon inquiétude - et je la crois légitime !

M. André Chassaigne. Mais connaissez-vous des laboratoires non agréés ?

M. le président. Monsieur Chassaigne, vous n’avez pas la parole. Vous ne pouvez engager ainsi un dialogue d’un côté de l’hémicycle à l’autre !

M. Christian Jacob. L’INRA et les organismes publics ne sont pas là pour financer les recherches américaines - ou autres : c’est ma seule réserve, légitime, à votre sous-amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Dans l’amendement n° 16 rectifié, le passage du deuxième au troisième alinéa pose vraiment problème. L’exposé sommaire montre bien qu’on parle en fait d’études sur les conséquences de l’utilisation en milieu ouvert d’organismes génétiquement modifiés faisant encore l’objet de recherches : vous craignez que la publicité donnée à ces études ne soit utilisée par d’autres laboratoires privés pour s’approprier l’OGM en question. Mon inquiétude est donc profonde : on va expérimenter en milieu ouvert des OGM qui sont à l’étude dans des laboratoires privés, qui n’ont fait l’objet d’aucune expérimentation publique et sur lesquels il n’y a pas encore de brevet. Quelque chose ne va pas !

En tout état de cause, la loi est la loi ! Si un produit est protégé par les règles de la propriété intellectuelle, il n’y a aucune raison de le répéter dans un article de loi ! Ce que révèlent vos interventions, monsieur Jacob, c’est que votre troisième alinéa est un acte politique plutôt que juridique. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Tout juriste qui prendra la peine de démonter votre système vous prouvera qu’en fait, vous êtes en train de donner l’autorisation, dans certains cas, de ne pas publier d’étude d’expérimentation.

M. Christian Jacob. Non, c’est le contraire !

Mme Marylise Lebranchu. C’est ainsi que nous lisons en droit, monsieur Jacob, et ce que semble confirmer votre exposé des motifs.

M. le président. Je vous remercie de conclure, madame Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Rappelez-vous : lorsque, il y a quelques années, nous avons pris la décision de mettre tous les avis en ligne afin que le public, qu’il soit citoyen, agriculteur ou enseignant-chercheur, y ait immédiatement accès et qu’un débat contradictoire puisse s’engager, on y a opposé la protection de la propriété intellectuelle. Voyez comme c’est dangereux !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 481, bien que je doute de sa recevabilité…

M. Jean-Pierre Brard. Vous outrepassez votre rôle, monsieur le président !

M. le président. Mettre en garde sur ce point, c’est parfaitement le rôle du président !

M. Jean-Pierre Brard. En garde, oui, comme D’Artagnan !

M. le président. Monsieur Brard, vous n’avez pas la parole !
(Le sous-amendement 481 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié.
(L’amendement est adopté.)

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[…]

M. André Chassaigne. Je demande moi aussi la parole. Pour un vrai rappel au règlement !

M. le président. Monsieur Chassaigne…

M. André Chassaigne. Le sujet est d’une extrême importance.

M. le président. Soit. La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au règlement.

M. André Chassaigne. Il semble que le Gouvernement, sur le fondement de l’article 101 du règlement de l’Assemblée, ait la volonté de revenir sur le vote d’un de nos amendements, adopté hier soir.
Au nom de la transparence…

M. Jean-Pierre Brard. Et de la vérité !

M. André Chassaigne. …et de la clarté dans laquelle doivent se dérouler nos débats, je pose la question à M. le ministre d’État, à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement et à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie : avez-vous l’intention, avant le vote final du projet de loi, de revenir sur le vote de cet amendement ? J’attends une réponse claire car, si telle est votre intention, ce serait un déni de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Cela n’était pas non plus un rappel au règlement, monsieur Chassaigne !

[…]

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 203…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Le Gouvernement doit répondre !

M. Germinal Peiro. Rappel au règlement !

M. le président. Non, monsieur Peiro, cela suffit ! Les deux précédentes interventions n’avaient déjà rien à voir avec le règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Quelle pantomime !

M. André Chassaigne. Nous voulons une réponse ! Nous demandons une suspension de séance !

M. Noël Mamère. Elle est de droit !

M. Christian Jacob. Votre groupe est au complet, vous êtes trois ! Vous pouvez vous réunir ici !

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Monsieur le président, depuis le début de cette séance, nous éprouvons un malaise certain. Nous avons entendu un collègue de l’UMP déclarer dans cet hémicycle, que vous étiez bien aimable de nous donner la parole.

M. François Brottes. Bien gentil !

M. Germinal Peiro. Nous sommes les représentants du peuple !

M. Georges Colombier. Nous aussi !

M. Jean-Pierre Brard. Vous, vous seriez plutôt les représentants des semenciers !

M. Germinal Peiro. Il n’est nullement question d’amabilité : nous voulons parler parce que c’est notre droit, cela doit être clair pour chacun. Nous n’en demandons pas plus, mais nous voulons être respectés.

La question que notre collègue Chassaigne a posée est d’une extrême gravité : reviendra-t-on sur le vote des députés hier soir ? Le fait que nous n’obtenions pas de réponse justifie que nous réunissions notre groupe, et je demande pour ce faire une suspension de séance de dix minutes.

M. le président. Je vous accorde cinq minutes.


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Reprise de la discussion

[…]

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 257.

M. André Chassaigne. Je partage les propos tenus par les orateurs Verts et socialistes. Je ne reviendrai pas sur le fond de cet amendement, mais je voudrais lancer un appel solennel : monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, vous avez présenté le Grenelle de l’environnement comme une formidable aventure.

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Combien de fois nous avez-vous dit ici même, en réponse à des questions, notamment à des questions au Gouvernement, quelle dimension avait ce Grenelle de l’environnement, quel enthousiasme il a provoqué dans le pays et quelles attentes il a suscitées ? C’est la crédibilité du monde politique et de sa parole que vous jouez désormais.

L’intergroupe sur les OGM a proposé de garantir « le libre choix de produire (règles de coexistence) et de consommer (traçabilité, étiquetage, seuil) sans OGM. » Le texte est très clair. Je ne comprends pas pourquoi vous avez fait évoluer le texte dans ce sens. Vous ne vous êtes pas livrés à un simple exercice de style, car cette évolution porte sur le fond.

Je fais appel au rapporteur, dans sa grande sagesse, et à vous, monsieur le ministre d’État, pour que vous reveniez au texte du Grenelle de l’environnement. C’est une question de crédibilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Défavorable. J’ai tenu, dans mon intervention liminaire et lors de la discussion de ce projet en commission, à rappeler ma position. Ce texte est l’interprétation qu’a faite le Président de la République du Grenelle de l’environnement, et nous l’assumons. Je ne pousserai pas mon explication plus avant. M. le ministre d’État le fera sans doute avec plus de brio que moi.

Pour terminer, je veux remercier Mme Erhel de m’avoir fait l’honneur de lire mon rapport.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Défavorable.

Monsieur Chassaigne, vous avez lu le texte du Grenelle. Vous avez prononcé les mots : « règles de coexistence ». Qu’est-ce que la coexistence ? Le Grenelle, monsieur Chassaigne, ce n’est pas, lorsqu’il y a cinq collèges et un compromis, la remise en cause permanente des quatre autres par un seul. Le Grenelle est un compromis, par nature compliqué, et dans le cadre duquel il est demandé à chacun de faire un effort. Que demande-t-il ? Un, l’activation de la clause de sauvegarde, en l’état des informations dont nous disposons sur la dissémination ; deux, la réévaluation du niveau d’expertise européen ; trois, un texte sur les OGM et les biotechnologies garantissant la transparence, la responsabilité et l’expertise plurielle - pour ce qui est d’une Haute autorité, nous verrons plus tard.

Je suis navré de vous dire, monsieur Chassaigne, que le texte exact, voté à l’unanimité des membres des cinq collèges, mentionne bien « les règles de coexistence ». On peut certes en discuter, voire revenir en arrière. Auriez-vous préféré que nous rédigions un article 1er disposant qu’il serait possible de produire et de consommer sans OGM, et organisant des règles de coexistence ? Quoi qu’il en soit, je ne vois pas très bien où est la différence.

La société avance avec des compromis. Aujourd’hui, celui-ci est respecté. Il existe certes des points sur lesquels nous pouvons être en désaccord, comme le débat au Sénat l’a démontré ; il est même arrivé que le Gouvernement ne soit pas d’accord avec le point de vue majoritaire du Sénat. C’est le jeu démocratique. Respectons scrupuleusement ce compromis et ne faites pas dire à ce texte ce qu’il ne dit pas !

[…] (poursuite des débats)

M. le président. Nous allons procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les amendements nos 204, 234 et 257.
(les amendements nos 204, 234 et 257 sont rejetés.)

[…]

(La séance est levée à treize heures cinq.)

Pour en savoir plus : Site de l’A.N.

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