28-06-2013

Projet de loi consommation : après l’article 2 - article 4 (indication de l’origine des viandes)

Après l’article 2

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 192, portant article additionnel après l’article 2.

M. André Chassaigne. Je vais vous présenter une série de six amendements élaborés par mon collègue Gabriel Serville et que j’ai cosignés pour pouvoir les défendre en séance et suppléer à son absence.

Ces six amendements ont une caractéristique commune : ils concernent l’amélioration de la protection des consommateurs dans les collectivités d’outre-mer.

L’amendement n° 192 s’appuie sur le constat des difficultés d’approvisionnement et des entraves à la concurrence dans les collectivités d’outre-mer. Il propose d’établir un lien direct avec l’intérêt des consommateurs et le commerce de proximité.

L’amendement n° 191 veut inscrire dans la loi un rôle particulier qui serrait dévolu aux élus locaux. L’ajout d’une mention vise à s’assurer que les élus locaux seront impliqués tout au long de la négociation en vue d’obtenir un accord de modération du prix des produits de consommation courante. Les parlementaires et les présidents d’exécutifs locaux sont en effet les représentants de la population et il semble juste en même temps qu’équitable et efficace qu’ils soient associés aux différentes négociations qui portent sur la modération du prix des produits de consommations.

Nous avons tous en tête les difficultés qu’ont connues plusieurs collectivités territoriales d’outre-mer, il y a quelques années. De façon régulière, ces difficultés ressurgissent et se traduisent par des réactions qui peuvent être très importantes voire assez brutales.

L’amendement n° 188 vise à obliger l’Autorité de la concurrence, dans le cas où elle détiendrait des éléments concernant des pratiques anticoncurrentielles, elle soit tenue de transmettre ces éléments à la juridiction qui en ferait la demande. Il est important qu’en cas de pratique anticoncurrentielle affectant les marchés de nos territoires, l’Autorité de la concurrence ne soit pas juge de l’opportunité des suites à donner à la constatation de pratiques anticoncurrentielles ou d’éléments de ces pratiques.

L’amendement n° 187 concerne les pratiques anticoncurrentielles de certains opérateurs, notamment les plus importants qui sont susceptibles de toucher plusieurs territoires à la fois. Il prévoit la possibilité d’une saisine conjointe qui lui donnerait plus de force et de résonance et inviterait les collectivités d’outre-mer à lutter collectivement contre les abus et les atteintes à la concurrence susceptibles de pénaliser les consommateurs dans les outre-mer.

L’amendement n° 189 prévoit la publication du rapport d’engagement qui constituerait aussi un pouvoir de dissuasion.

Vous comprendrez que mes explications manquent peut-être un peu de précision puisque je remplace Gabriel Serville. Cela étant, je voudrais insister sur l’importance d’envoyer des signaux forts en direction de l’outre-mer. Notre débat d’hier a été assez vif et j’appelle votre attention sur ces différents amendements en vous demandant une réponse suffisamment précise et argumentée au regard des difficultés que posent les questions de consommation, de coût et d’entrave au libre jeu de la concurrence dans les collectivités d’outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces six amendements ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. J’ai eu plusieurs échanges avec M. Serville sur ces amendements. Permettez-moi de saluer au préalable Ericka Bareigts, rapporteure de la loi de novembre 2012 qui a donné aux régions d’outre-mer la capacité de saisir l’Autorité de la concurrence. Ce fut une avancée historique.

La lutte contre la vie chère outre-mer – c’était d’ailleurs l’intitulé de cette loi – mobilise tous les élus de ces territoires ; j’ai pu le constater lors de mes échanges avec M. Serville.

Mme Marie-Christine Dalloz. On passe nos journées sur l’outre-mer, il faudrait que l’on aille voir sur place ! (Sourires.)

M. Lionel Tardy. Je suis volontaire !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Comment pourrait-on rendre plus efficaces les pratiques d’instruction de l’Autorité de la concurrence, afin de dissiper les doutes qui peuvent subsister ? Il existe d’ores et déjà, notamment à l’article L. 462-3 du code du commerce, une possibilité de la collaboration. Nous avons auditionné l’Autorité de la concurrence pendant près de deux heures. Ayant pu constater son engagement total à aller jusqu’au bout de chaque affaire – je n’ose dire son zèle, je ne vois pas pourquoi elle ne transmettrait pas des pièces.

J’ajoute que le président de notre commission est très attaché aux compétences, à l’activité et à l’utilité de l’Autorité de la concurrence.

M. Damien Abad. Le rapporteur parle au nom du président, c’est bizarre !

M. Razzy Hammadi. Après les échanges que nous avons eus avec M. Serville, nous pourrons discuter avec les élus d’outre-mer, dans les semaines et les mois à venir, des capacités d’action de l’Autorité de la concurrence, de son utilité, de la manière dont les choses se passent actuellement en outre-mer. On constate que les moyens légaux existants ne sont pas forcément connus et utilisés – je parle une nouvelle fois sous le contrôle d’Ericka Bareigts.

En l’état actuel du droit, je pense que ces amendements sont satisfaits, mais la proposition que je viens de faire leur répond aussi en écho. Monsieur le président de la commission, j’espère que je ne vous prends pas par surprise, sachant que nous avons eu beaucoup de débats à ce sujet par le passé.

M. Lionel Tardy. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ces amendements ont été abondamment discutés lors de l’examen de la loi dite Lurel sur la régulation économique outre-mer dont vous étiez rapporteure, madame Bareigts.

La plupart des questions que vous avez évoquées, monsieur Chassaigne, ont été abondamment débattues, ont fait l’objet de remarques du Gouvernement. Je partage l’avis du rapporteur sur le fait que les préoccupations de M. Serville sont, à bien des égards, satisfaites par la loi.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’avais l’intention d’inviter M. Lasserre, le président de l’Autorité de la concurrence, à venir entre les deux lectures de ce texte, pour qu’il puisse nous dire notamment comment l’action de groupe, qui n’a pas forcément à voir avec les pratiques anticoncurrentielles, peut intervenir ou non dans son champ.

Monsieur Chassaigne, je propose que les collègues des départements d’outre-mer, qui ne peuvent évidemment pas être toujours présents avec nous, me fassent connaître leurs disponibilités afin que nous puissions organiser une audition de M. Lasserre en leur présence. Même si vous êtes un excellent porte-parole, cher collègue, il est bon que ceux qui sont sur le terrain puissent poser des questions précises concernant l’application des textes dans les territoires en question.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Monsieur le président Brottes, je vous remercie de cette proposition que nous accueillons de façon très positive. Cette rencontre nous permettra de faire un point car il se pose peut-être un problème de moyens de l’Autorité de la concurrence. Nous aurons l’occasion d’en parler.

Je voulais aussi préciser qu’avec le bouclier qualité-prix créé dans cette loi, nous avons pu travailler sur la concurrence, la transparence et la qualité des produits, donc la protection du consommateur. Nous avons pu aussi associer les associations de consommateurs et les élus dans des échanges sur toute la partie consumérisme et consommation, et sur la problématique de la vie chère dans nos territoires.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je vous remercie pour cet échange et la qualité des différentes réponses qui ont été apportées. Bien évidemment, je prends sur moi de retirer ces amendements, au regard des propos tenus et en particulier de la proposition du président Brottes. Je ne pense pas que cela remettra en cause l’équilibre du groupe que je préside. (Sourires.)

(Les amendements nos 192, 191, 188, 187, 189 et 190 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n° 626.

M. Frédéric Lefebvre. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il est satisfait par la législation actuelle. Avis défavorable.

(L’amendement n° 626, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n° 627.

M. Frédéric Lefebvre. Défendu.

(L’amendement n° 627, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 444.

M. Damien Abad. Défendu.

(L’amendement n° 444, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(…)

Après l’article 3

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 55 et 901, tendant à insérer un article additionnel après l’article 3 et pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Damien Abad, pour défendre l’amendement n° 55.

M. Damien Abad. Défendu.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour défendre l’amendement n° 901.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à préciser ce qu’est l’obsolescence programmée, et à sanctionner les producteurs ou distributeurs qui y ont délibérément recours. Le raccourcissement délibéré de la durée de vie des produits est une préoccupation grandissante de nos concitoyens. Le préjudice pour le consommateur peut être important. Or la loi ne définit pas ce phénomène et ne prévoit pas de sanction spécifique pour le condamner.

L’enjeu écologique est important : il s’agit de réduire les déchets, qui posent un problème majeur partout sur notre territoire. Il s’agit également de moins solliciter les réserves naturelles, et de faire des économies d’énergie.

L’enjeu est également économique. Tout d’abord, lutter contre l’obsolescence programmée permettra d’améliorer notre balance commerciale en limitant l’importation de biens de piètre qualité. Ensuite, les consommateurs ne seront plus obligés de remplacer certains biens. Ils seront en effet utilisés beaucoup plus longtemps, même si, à l’achat, ils auront été un tout petit peu plus chers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements, nos 55 et 901 ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ce sujet a été très présent dans les médias alors que nous travaillions sur ce projet de loi.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il y en a qui cherchent à se placer ! (Sourires.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il a aussi été évoqué au cours des auditions que nous avons menées. Un certain nombre d’organisations qui travaillent sur la question de la durabilité des biens nous en ont parlé, de même que plusieurs fédérations professionnelles.

J’ai appris que M. le ministre a mis en place, ou a prévu de mettre en place, un groupe de réflexion et de travail sur la question de l’obsolescence programmée. Ma contribution à ce stade se limitera à donner avis défavorable à votre amendement mais, pour faire avancer ce débat auquel je suis sensible, tout comme l’ensemble de la représentation nationale, je vous ferai part de deux réflexions.

Premièrement, même si le terme peut susciter des débats nouveaux, l’obsolescence programmée, en l’état actuel de notre législation, n’est dans nombre de cas ni plus ni moins que de la tromperie. Quand on vous vend un produit programmé pour s’autodétruire – sans référence à l’Inspecteur Gadget –, il y a tromperie.

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il est en revanche un domaine dans lequel la question de l’obsolescence programmée m’a beaucoup interpellé en tant que rapporteur, et qui n’est pas sans lien avec les problématiques de développement durable et de recyclage, mais peut-être davantage avec les questions relatives à la conformité : je veux parler de l’obsolescence programmée par l’environnement numérique d’un produit.

M. Lionel Tardy. C’est le cas des téléphones portables.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Aujourd’hui, tout fonctionne avec des logiciels, ce que l’on appelle en anglais des softwares : parfois, le prix de production du produit physique est dérisoire, mais le prix du logiciel d’exploitation de ce produit est cent, deux cents, trois cents ou quatre cents fois supérieur ! Dans ce cas, l’obsolescence n’est pas programmée, mais organisée autour de l’environnement numérique nécessaire au bon fonctionnement et à la mise à jour du produit.

Je suis donc sensible à ce sujet. En l’état actuel de la législation, le phénomène que vous dénoncez peut être combattu au titre de la tromperie ou de la non-conformité. Je serais heureux, madame Bonneton, de participer à la réflexion sur cette question, selon ce qu’annoncera M. le ministre. Je serai encore plus intéressé par les réflexions sur le problème spécifique – et, je le crois, majeur – de l’environnement numérique des produits.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’ai eu l’occasion de m’exprimer en commission sur l’obsolescence programmée. Cet amendement vise en réalité les stratagèmes auxquels recourt une entreprise afin de programmer la fin de vie d’un objet sans en informer le consommateur. D’ores et déjà, l’article L. 213-1 du code de la consommation prévoit un délit de tromperie sur les qualités substantielles du bien. Cela répond à votre exigence, car cela permet déjà de combattre l’obsolescence programmée.

Un débat a été entamé au Sénat sur ce sujet, à l’initiative du groupe écologiste. Il se poursuit, à votre initiative, à l’occasion de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale. En lien avec le Parlement, nous allons en effet mettre en place un groupe de travail sur les questions relatives à l’obsolescence programmée. Les pouvoirs publics réfléchiront ainsi, avec les industriels et les organisations de défense de l’environnement, à une stratégie de lutte contre l’obsolescence programmée, quelle qu’en soit la forme. Il existe en effet différentes formes, depuis les plus claires – les stratagèmes que j’ai évoqués – jusqu’aux plus subtiles, plus subjectives, liées aux politiques marketing et à la publicité. Ces dernières formes n’ont pas grand-chose à voir avec les stratagèmes employés par les industriels, comme le célèbre cas d’entente entre concurrents réunis dans le cartel Phœbus, qui avaient prévu de diminuer la durée de vie des ampoules à incandescence vendues aux États-Unis. Le but était de réduire artificiellement la durée d’utilisation des ampoules, afin que les consommateurs en achètent davantage.

On voit bien que ce sujet ne pourra pas se régler d’un trait de plume ou d’un claquement de doigts : nous avons besoin de travailler là-dessus. En attendant, il ne me paraît pas utile de créer un délit d’obsolescence programmée dans la mesure où il existe déjà un délit de tromperie sur les caractéristiques substantielles des biens.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet amendement porte sur un sujet à la mode, sur lequel nous reviendrons : l’obsolescence programmée. Il passe très bien dans les médias, donc tout aussi bien dans les textes de loi, ne le nions pas !

Je ne nie pas qu’il ait pu exister des ententes afin de diminuer la qualité de certains produits, et d’augmenter la fréquence de leur remplacement. Cependant, d’une manière générale, le concept d’obsolescence programmée baigne dans le fantasme et l’idéologie.

M. François-Michel Lambert. Non !

M. Lionel Tardy. Aucune définition concrète de ce phénomène n’existe. Le premier souci d’un industriel qui lance un produit, c’est de trouver une clientèle : pour cela, il faut qu’il fournisse un réel service, qui donne satisfaction à ceux qui l’achètent.

On compare souvent les produits actuels à ceux d’autrefois. Examinons donc les cas les plus fréquemment cités : la fameuse machine à café incassable, et le réfrigérateur qui fonctionne encore quarante ans après son achat. Mais offrent-ils la même qualité de service que les produits actuels ? C’est une question qu’il faut se poser.

Comme le disait M. le rapporteur, ce phénomène est surtout vrai pour les appareils numériques. J’ose à peine vous proposer une comparaison entre les différentes générations de téléphones : certes, les vieux téléphones à cadran fonctionnent plus longtemps que les smartphones, mais la qualité de service n’a rien à voir.

M. François-Michel Lambert. C’est caricatural !

M. Lionel Tardy. Je crois, mes chers collègues, qu’en érigeant la durée de vie d’un produit en premier critère de choix, on arrive à des aberrations. Prenons l’exemple des ampoules qu’on nous impose à présent : certes, elles consomment moins et durent très longtemps. Elles sont donc à l’opposé de l’obsolescence programmée. À ceci près qu’elles sont très chères et qu’elles éclairent généralement très mal – alors qu’on les achète précisément pour assurer un éclairage suffisant !

On pourrait multiplier les exemples montrant que la conception de tout produit est le résultat de choix entre plusieurs paramètres. Un produit ne se réduit pas à sa durabilité : son esthétique, sa facilité de fabrication, et bien entendu sa qualité de service, comptent aussi !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Certains objets sont vraiment faits pour ne durer qu’un temps déterminé : il s’agit donc bien d’obsolescence programmée. Cela dit, il n’est évidemment pas question que la lutte contre l’obsolescence programmée nuise à l’innovation. Il faut raison garder, dans un sens comme dans l’autre, et éviter toute caricature, monsieur Tardy.

Par ailleurs, je ne suis pas sûre que l’obsolescence programmée relève vraiment du délit de tromperie. Lorsqu’un fabricant vend un objet prévu pour durer un certain nombre d’années, il n’y a pas tromperie : simplement, il ne dit rien sur la durée de vie de cet objet. Les choses sont faites de telle sorte que l’acheteur ignore ces éléments. Je ne suis donc pas convaincue que cela entre dans le champ du délit de tromperie. Cependant, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, je note que vous vous préoccupez de ce problème. Je prends acte de votre engagement à faire progresser la réflexion et – j’ose espérer – les actions contre ces pratiques. Je prends acte également de votre volonté de mettre en place un groupe de travail sur le sujet. Je retire donc mon amendement.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je déplore pour ma part que cet excellent amendement soit retiré et je regrette même de ne pas l’avoir déposé, car c’était un excellent amendement.

Pour être franc, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’ai trouvé vos propos timides, craintifs, timorés – je cherche des mots ! – et en même temps réducteurs. Par une approche assez conservatrice, vous avez vous-mêmes utilisé un stratagème en assimilant l’obsolescence programmée à de la tromperie. Or l’obsolescence programmée n’en est pas de la tromperie : pour cela, il faudrait qu’il y ait un affichage.

Autre argument, tout cela aurait un côté fantasme. Si cela ne correspond pas à une réalité concrète, il ne faut pas avoir peur d’inscrire dans la loi la possibilité de poursuivre ceux qui pratiqueraient l’obsolescence programmée. Cette question est extrêmement importante. Je crois que, pour répondre à des intérêts particuliers d’entreprises, je suis persuadé que, même si ces cas sont extrêmement rares, ils peuvent se produire. Notre législation doit donc permettre de les poursuivre.

On ne peut pas se limiter à considérer qu’il s’agit d’une tromperie. Inscrivons cette notion dans un texte de loi. La jurisprudence qui en découlera nous permettra de dresser un bilan dans quelques années.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Monsieur M. Tardy, il existe tout de même des cas où l’on peut parler d’obsolescence programmée.

M. Lionel Tardy. On les connaît !

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Introduire, par exemple, une pièce de plastique introduite dans un système mécanique n’est tout de même pas très vertueux et très digne en termes de qualité de production. Et dès lors que l’on parle de délit, il est urgent et nécessaire de définir avec précision les contours de l’obsolescence programmée

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. J’ai beaucoup étudié les articles 4, 5, 6 et 7 de ce texte et j’ai à ce titre reçu cet après-midi des membres du CNRS qui travaillent très sérieusement sur ce sujet qu’est la lutte contre l’obsolescence programmée. Ils ont trouvé plusieurs pistes d’actions : l’éducation, l’affichage, les informations de durabilité, la rénovation, la réparabilité et la garantie. Je pense que nous devrons nous pencher assez rapidement sur ce thème. Je suis tout à fait en phase avec ce qu’ont dit Mme Bonneton, M. Chassaigne et notre rapporteur pour avis.

Il est vrai que M. le ministre et M. le rapporteur m’ont rassuré lorsqu’ils ont précisé qu’ils allaient se pencher sur le thème de l’environnement au regard de la consommation ; j’avoue cependant avoir été quelque peu déçu de constater que cette nécessaire problématique d’une consommation plus durable et respectueuse de notre environnement ait été insuffisamment prise en compte dans l’étude de ce texte, alors qu’elle avait obtenu un écho favorable en commission du développement durable. Cela dit, il semble, à entendre les propos des uns et des autres et de M. le ministre, notamment, que la situation est appelée à évoluer, ce qui me rassure.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Monsieur Chassaigne, il m’arrivera certainement dans la vie et à l’occasion de futurs débats de me tromper ou d’imaginer un stratagème, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Dans l’exemple de la photocopieuse que j’avais cité, il y a eu condamnation pour vice caché et non pour obsolescence programmée. Lorsque je parle de tromperie, il ne s’agit pas d’un stratagème. L’obsolescence programmée, lorsqu’une photocopieuse prévue pour faire 2 000 photocopies s’arrête au bout de 2000 photocopies alors qu’elle est encore toute brillante et qu’elle pourrait continuer à fonctionner parfaitement. C’est à ces cas-là que la loi répond aujourd’hui. Cela dit, pour moi, l’urgence vaut surtout pour l’environnement numérique.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je rebondirai sur la remarque de M. Chassaigne. Le sujet n’est pas simple. Je vous invite à vous souvenir d’un film britannique : L’Homme au complet blanc qui raconte l’histoire d’un personnage avait inventé un costume blanc absolument insalissable et inusable. On pouvait donc l’utiliser tout le temps ; mais les industriels du textile, les fabricants de machines à laver et les syndicats d’ouvriers ont expliqué à l’homme au complet blanc que sa merveilleuse invention allait faire perdre leur emploi à ceux qui conçoivent des costumes qui ne se portent pas indéfiniment et à ceux qui fabriquent des machines à laver. La morale de cette histoire, cela veut dire qu’avec l’obsolescence programmée, on touche à la fois à la question du stratagème, mais aussi à celle des cycles d’innovation industrielle, qui créent de l’emploi. Il faut faire la différence entre l’un et l’autre. Si une télévision a une certaine espérance de vie et qu’une pièce indispensable à son fonctionnement placée intentionnellement près d’une source de chaleur provoque sa mort au bout de six mois, il y a stratagème et donc tromperie évidente sur les caractéristiques essentielles du bien, qui, en l’état actuel des choses, sera poursuivie et punie en application du code de la consommation.

Mais nous abordons de deux autres manières cette question de la durabilité. Le Gouvernement propose tout d’abord, et c’est une disposition essentielle, que la présomption d’antériorité de défaut de conformité puisse être opposée pendant une période d’un an et non plus de six mois. Mais surtout, et cette mesure fait débat, nous allons obliger le professionnel qui prétend ou affirme mettre à disposition des pièces détachées à s’assurer que le distributeur en aval de la filière sera en mesure de fournir les pièces détachées lorsque le fer ou la machine à laver, par exemple, devront être réparés. Ce choix de la réparabilité des produits, ce choix de structurer une filière de la réparation est bon pour l’emploi peu ou pas qualifié, pour le secteur de l’économie sociale et solidaire – qui fait partie de mon portefeuille –, pour l’économie circulaire et surtout en ce qu’il change les modes de consommation. Cela permet ainsi de tourner le dos au « tout jetable » qui voulait qu’au moindre dysfonctionnement, l’appareil était jeté ou remplacé sans que son devenir n’ait d’importance.

Ces mesures sur la présomption d’antériorité de défaut de conformité et sur la réparabilité prouvent la volonté du Gouvernement de privilégier un modèle plus durable. Ce sujet est mobilisateur et nous devons progresser sur ce point. Je rappelle donc que je suis prêt à me mettre au travail avec toutes les parties prenantes – pouvoirs publics, parlementaires, industriels – pour répondre à cette préoccupation de l’obsolescence programmée exprimée, sous des formulations diverses, sur les bancs des écologistes comme sur ceux de l’UMP – M. Lazaro, Mme Pécresse et M. Le Fur entre autres.

L’Homme au complet blanc est une belle métaphore sur le progrès et ses conséquences sur l’organisation sociale et économique. Regardez ce film !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Je suis heureux, monsieur le ministre, que vous ayez tenu un tel propos, dans la ligne des travaux menés en commission.

Je tiens à dire à notre collègue Mme Bonneton et au groupe Écologiste et à notre collègue André Chassaigne que je suis convaincu que ce n’est pas par la sanction que l’on réglera la question de l’obsolescence programmée, mais, comme vient de l’indiquer le ministre, par la structuration de filières de réparations en France, qui doit encourager, au niveau du volontariat comme au niveau de l’innovation, les fabricants et constructeurs, si possible français, à se doter d’un arsenal permettant d’amplifier ces filières de réparation.

Je partage donc vos propos sur la structuration de filières de réparations en France, monsieur le ministre, même si, lorsque nous aborderons l’article 4 et les obligations réglementaires faites aux fabricants et aux constructeurs, j’exprimerai des nuances à propos l’affichage de la mise à disposition des stocks de pièces.

Pour moi, la mise en place de filières de réparations en France est la meilleure réponse à l’obsolescence.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J’ai écouté les arguments avancés par M. le ministre et M. le rapporteur. Mais il nous revient de faire évoluer la législation et la réglementation. Je suis persuadé que si l’on faisait une recherche en la matière sur ce qui se passait il y a vingt ou trente ans, on s’apercevrait que le mot « tromperie » pouvait recouvrir des domaines extrêmement divers. Mais au fur et à mesure de l’évolution de la législation et de la réglementation, cela s’est affiné. Prenez l’exemple de la contrefaçon : par définition, c’est une tromperie.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Vous avez raison !

M. André Chassaigne. Notre législation a évolué pour que soit spécifiquement prise en compte la contrefaçon et que les trafiquants encourent des peines. C’est parce qu’on les aura ciblés que l’on pourra davantage s’attaquer à des détournements tels que l’obsolescence programmée. C’est là une évolution que nous portons nous-mêmes dans cet hémicycle.

Vous dites qu’une réflexion sera menée. Mais vraiment, je regrette que cet amendement ait été retiré et que nous ne soyons pas en mesure, comme il fut un temps, de le reprendre. Cet amendement aurait permis de préciser la réglementation, donc de franchir une étape. Ce signal fort aurait donné encore plus de muscle à ce projet de loi.

(L’amendement n° 901 est retiré.)

(L’amendement n° 55 n’est pas adopté.)

(…)

Article 4

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 27, 207 et 740.

La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 27.

M. Marc Le Fur. Je pense que nous devrions aboutir à un consensus sur cet amendement qui vise à préciser l’article L. 111-2 du code de la consommation.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Un amendement majeur !

M. Marc Le Fur. Il est légitime que le consommateur dispose d’informations sur le commerçant à qui il achète un produit. C’est ce que vise l’article en évoquant les « coordonnées ». Mon amendement tend simplement à préciser « postales et téléphoniques ». Cette disposition n’a l’air de rien mais elle répond à une demande des associations de consommateurs dont nous parlions encore récemment.

Cette demande avait d’ailleurs fait l’unanimité lorsque nous examinions le projet de loi sur la consommation sous la précédente législature – je parle sous le contrôle de l’ancien ministre chargé de ces questions –…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il ne s’en souvient pas.

M. Marc Le Fur. J’en profite pour élargir le débat à un problème majeur qui touche, surtout dans les campagnes, les personnes lésées qui ont acheté des panneaux photovoltaïques. Ces achats ont été réalisés auprès de commerçants qui sont souvent d’ailleurs des faux nez agissant pour le compte d’autrui…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est écrit en chinois, ils ne peuvent pas lire !

M. Marc Le Fur. En plus ! Ces commerçants ont disparu, ont fait faillite, le consommateur qui a, en même temps que son produit, souscrit des garanties, ne peut pas en bénéficier.

Nous devons agir sur ce sujet qui intéresse l’opinion. Mais je m’éloigne de l’amendement.

Le consommateur doit disposer d’informations précises et fiables. Je pense que tout le monde sera d’accord avec ma proposition.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre pour soutenir l’amendement n° 207.

M. Frédéric Lefebvre. Je confirme les propos de M. Le Fur : cet amendement a été voté lors du premier texte. Il était d’ailleurs présenté et très bien défendu par M. Chassaigne. Je l’avais, en tant que ministre, accepté, car c’est un amendement très concret qui répond aux attentes des consommateurs. La loi oblige le commerçant à fournir ses coordonnées, mais toutes les coordonnées ne sont pas visées.

Certes, cet amendement n’opère pas une avancée majeure, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mais il représente une avancée concrète pour les consommateurs. Il mériterait d’être accepté comme il l’avait été à l’époque.

Je ne doute pas que le ministre ira dans ce sens, quand il aura entendu l’explication de M. Chassaigne.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 740.

M. André Chassaigne. J’ai quelques soucis car je me doute bien que, pour faire adopter cet amendement, il faudrait sans doute que je montre patte rose (Sourires). Comme, de surcroît, il vient d’être présenté par deux députés de l’opposition, j’espère qu’ils n’ont pas mis par terre l’une des rares possibilités de faire accepter un amendement en montrant patte rouge !

M. Daniel Fasquelle. Cela ne devrait pas fonctionner comme cela mais c’est malheureusement ainsi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. La commission a rendu un avis défavorable mais je pense que ce sujet, qui n’est pas anecdotique, pourrait recueillir l’unanimité, monsieur Chassaigne.

Je relèverai deux points avant de rendre un avis favorable.

Il manque tout d’abord une information, les coordonnées numériques. Il sera toutefois possible de prendre un décret. Je le dis devant le ministre.

Nous avons par ailleurs été alertés, en commission, par un certain nombre de professions, en particulier dans le domaine de la bijouterie, de l’horlogerie, sur le fait que la communication de leurs coordonnées, dès lors qu’elles sont téléphoniques ou qu’elles correspondent à leur habitation – les coordonnées professionnelles et particulières pouvant se confondre – pouvait porter atteinte à leur sécurité. Je pense que le décret peut répondre à ce problème.

Je vois le ministre nous sourire dans cet élan d’unanimité qui se profile.

Avis favorable.

Mme Catherine Vautrin. Extraordinaire ! Nous en serions à deux amendements adoptés !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je ne me souviens plus qui disait « Ensemble, tout devient possible ».

M. Régis Juanico. C’était Marceau Pivert.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Plus sérieusement, j’y serais favorable sous réserve d’ajouter « ou électroniques », afin de prendre en compte ce mode de communication. Il serait dommage que nous soyons contraints de changer la loi demain si l’adresse électronique se généralise et se démocratise à la place des adresses postales et téléphoniques.

Mme Catherine Vautrin. Oui, c’est bien.

M. Frédéric Lefebvre. Très bien si M. Chassaigne est d’accord, c’est son amendement. Rendons à César…

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je ne sais pas si nous étions vraiment dans un tel contexte lorsque cet amendement avait été adopté lors de l’examen du projet de loi Lefebvre.

Je me souviens en tout cas avoir présenté cet amendement qui avait été accepté.

M. Frédéric Lefebvre. L’amendement n° 144.

M. André Chassaigne. Nous l’avions en tout cas déposé parce que l’usage quasi exclusif des coordonnées numériques et électroniques se généralise.

Mme Anne Grommerch. Il a raison.

M. André Chassaigne. Je pensais en particulier au monde rural où les personnes âgées ne s’y retrouvent pas si le numéro de téléphone n’est pas indiqué.

Or, en donnant le choix de donner ses coordonnées postales et téléphoniques ou ses coordonnées numériques, l’amendement que nous adopterons sera vraiment un couteau sans manche qui aura perdu sa lame.

M. le président. La parole est à Mme Anne Grommerch.

Mme Anne Grommerch. C’est vrai. Beaucoup de gens aujourd’hui n’ont pas encore d’adresse mail ni d’accès Internet aussi faudrait-il indiquer non pas « ou numériques » mais « et numériques ».

Mme Catherine Vautrin. Mais bien sûr !

Mme Anne Grommerch. Cela ne poserait aucun problème. Toutes les entreprises aujourd’hui renseignent une adresse postale, un numéro de téléphone et une adresse mail. Cette nuance contenterait tout le monde.

M. André Chassaigne. Mais pour comprendre cela, il faut sortir du périphérique !

M. Frédéric Lefebvre. Comme quoi, cet amendement avait plus d’importance qu’on ne croyait.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Un petit geste, monsieur le ministre. Dès lors que l’on écrit « et », cela signifie que ceux qui veulent se servir du net le font, les autres recourent au numéro de téléphone ou à l’adresse. Nous aurions ainsi bien ciblé les trois moyens de communication.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. D’accord.

Mme Catherine Vautrin. Merci, monsieur le ministre !

M. le président. Je propose de mettre aux voix les amendements identiques nos 27 rectifié, 207 rectifié et 740 rectifié qui tendent à insérer, à la première phrase de l’alinéa 10 de l’article 4, après le mot « coordonnées », les mots « postales, téléphoniques et électroniques ».

(Les amendements identiques rectifié nos 27 rectifié, 207 rectifié et 740 rectifié sont adoptés.)

(…)

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, pour soutenir l’amendement n° 776. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Germinal Peiro. À ce jour, seuls certains produits, comme la viande bovine non transformée, le miel, l’huile d’olive, les fruits et légumes frais et les produits de la mer font l’objet de mesures européennes strictes d’étiquetage de l’origine nationale.

Mon amendement vise à étendre cet étiquetage à l’ensemble des produits transformés : cela rejoint les préoccupations de nos collègues qui sont intervenus avant moi.

Comment expliquer aujourd’hui, après le scandale du cheval, après le scandale des lasagnes, que les consommateurs européens vont continuer à consommer des produits dont on ne connaît pas l’origine ?

M. Régis Juanico. Eh oui !

M. Germinal Peiro. Comment soutenir cette idée, monsieur le ministre ?

M. Damien Abad. Il a raison.

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre, vous nous avez dit il y a un instant : « On ne peut pas, c’est la réglementation européenne. » Mais je sais qu’au fond de vous, vous êtes favorable à cette traçabilité ! (Sourires.)

Nous, représentants du peuple souverain, nous allons vous aider et nous allons voter cet amendement, parce que nous exigeons qu’en Europe, les citoyens et les consommateurs connaissent l’origine des produits : cela me paraît être le B-A BA.

De ce point de vue, nous avons avec nous l’ensemble des producteurs, forcément, mais aussi les consommateurs européens. S’il y a débat au Parlement français, si celui-ci adopte cette disposition, le débat sera européen et nous ferons évoluer la réglementation. Nous n’avons pas à toujours nous coucher et à attendre que l’Union européenne veuille bien prendre des mesures. Cela concerne tous les consommateurs français et européens. Je crois qu’il faut aider le Gouvernement en votant cet amendement. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 731.

M. André Chassaigne. J’avais déposé une proposition de loi le 27 février 2013, afin de rendre obligatoire l’indication du pays d’origine pour les produits agricoles alimentaires et les produits de la mer, proposition de loi que je retrouve – et j’en suis fort heureux – dans les différents amendements qui viennent d’être présentés. Nous avons des collaborateurs qui font un excellent travail en allant vers de bons textes, puisque j’ai retrouvé dans certaines explications, à la virgule près, l’exposé des motifs. Je vous donnerai mon numéro de téléphone et mon adresse électronique, ce sera encore plus facile ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

L’amendement que je présente est sensiblement différent des autres : je n’ai pas eu les mêmes indications et j’ai fait un travail très personnel… Dans les échanges que je peux avoir avec les filières et les professions concernées, il apparaît qu’il y a un travail à faire pour mettre en forme, dans un décret, la décision qu’on prendra. Il est important qu’on ne se limite pas à de simples concertations, échanges, mais qu’un véritable débat ait lieu avec les professionnels et les filières concernés.

Mon amendement est moins précis mais aussi efficace que les vôtres : « Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d’indication de l’origine des denrées alimentaires, et après concertation avec l’ensemble des acteurs des filières concernées, l’indication du pays d’origine est rendue obligatoire pour toutes les viandes, et tous les produits agricoles et alimentaires à base de viande ou contenant de la viande, à l’état brut ou transformée.

« Les modalités d’application de l’indication de l’origine mentionnée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Voilà mon amendement, qui aboutit à l’obligation d’étiquetage, mais qui implique une concertation avec les filières concernées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je pense que le Gouvernement est directement interpellé, sur un sujet qui dépasse d’ailleurs le cadre du projet.

Juste un élément de contexte : c’est aujourd’hui que le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, a annoncé les grandes victoires qu’il a décrites dans l’hémicycle il y a quelques heures au sujet de la PAC.

M. Damien Abad. N’importe quoi !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ce sont de véritables conquêtes, qui reviennent sur un certain nombre de régressions que vous aviez validées, vous, sous un gouvernement de droite, en 2011. Avis défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Seul M. le ministre a la parole : quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Vous avez évoqué un sujet important qui est celui de la traçabilité de l’origine de la viande. A été évoquée en parallèle l’affaire de la viande de cheval : même la traçabilité, hélas, n’aurait pas empêché cette affaire, puisqu’il s’agit d’une tromperie. En dépit de la traçabilité, ceux qui veulent tricher le font. La triche est ici avérée. Si elle a été démasquée en quelques jours, si la chaîne a été démantelée dans toute l’Europe et au profit de tous les pays européens, c’est, je tiens à le dire, grâce à des fonctionnaires français. Dans des délais exceptionnellement brefs, des fonctionnaires français ont fait un travail remarquable : le service national d’enquête de la DGCCRF a permis de faire la lumière et je salue ceux qui ont travaillé en Languedoc-Roussillon sur une affaire de tromperie économique qui concernait quatre millions et demi de consommateurs en Europe. Aujourd’hui, des pays européens ont salué le travail de la DGCCRF qui fait honneur à l’administration française et à la fonction publique française. Parler de ces fonctionnaires dans l’examen de ce projet me paraît légitime, après la révélation d’une affaire comme celle-là.

De quoi parle-t-on ? D’abord, de droit européen et je reviens sur ce qu’a dit Germinal Peiro. Ce droit européen relève d’un règlement adopté en 2011 et auquel a donné son accord M. Le Maire, à l’époque ministre de l’agriculture. M. Le Fur, vous l’avez dit, ce règlement prévoit un rapport sur la traçabilité de l’origine de la viande dans les plats préparés. Ce rapport devait être remis fin 2013 ; il a été avancé, sous la pression de la France, à juillet 2013. Il nous sera rendu, mais ce que je redoute, comme mon collègue Stéphane Le Foll, comme d’autres pays intéressés, c’est que ce rapport d’étape ne nous donne pas beaucoup plus d’informations.

Il est prévu dans ce règlement qu’entre en application au 13 décembre l’étiquetage d’origine des morceaux frais de viandes porcines, caprines, ovines et des volailles. Il sera possible d’étendre cette obligation d’étiquetage à la viande de cheval. Ceci sera mis en œuvre à la fin de l’année. S’agissant des produits bruts, c’est un progrès incontestable.

M. Marc Le Fur. Application : fin 2014 !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce qui nous intéresse et qui n’avait pas pu être obtenu par le précédent Gouvernement – mais les rapports de force sont difficiles en Europe – c’est que l’étiquetage d’origine de la viande pour les plats préparés relève prochainement d’un acte d’exécution, de la règle européenne, et non d’un rapport rédigé pour gagner du temps.

Nous en sommes là aujourd’hui. J’ai entendu l’argumentation de Germinal Peiro. Sur ce dossier, la France est en pointe. Le gouvernement français a agi parce qu’il savait également qu’il était soutenu par une grande majorité de la représentation nationale.

Nous avons obtenu des soutiens qu’il n’était pas facile de décrocher, en dépit d’une position extrêmement frileuse de la présidence irlandaise et – pardonnez-moi de le dire – d’une position tout aussi frileuse – pour ne pas dire davantage – de la Commission européenne, qui ne nous aide pas aujourd’hui dans cette affaire. Monsieur Le Fur, vous connaissez ce dossier.

Si le Parlement votait une disposition contraire aux textes européens, il mettrait la France en situation de manquement et nous exposerait à une lettre de mise en demeure et, le cas échéant, à des pénalités financières. Il mettrait le gouvernement français, en pointe sur ce dossier, dans une situation plus difficile que celle qu’il connaît aujourd’hui.

C’est pourquoi je propose aux parlementaires de la majorité comme à ceux de l’opposition le calendrier suivant. Avant le prochain rendez-vous législatif, nous pouvons faire avancer les choses. Aussi, je vous propose qu’une délégation de la commission des affaires économiques composée de représentants de tous les groupes politiques et de moi-même allions rencontrer le commissaire Borg pour lui exposer nos exigences sur la question de la traçabilité. Nous disposerons alors d’informations que nous n’avons pas aujourd’hui : je veux parler des conclusions du rapport d’étape, dont nous avons obtenu de voir la publication avancée et qui sera bientôt rendu public. À l’aune de ces informations et en fonction de la décision de la Commission européenne de faire ou non une proposition législative en juillet, nous aurons la possibilité, le cas échéant, de changer la règle et d’envoyer un signal supplémentaire dans le cadre de la loi d’avenir agricole.

Mesdames et messieurs les députés, je réagis à vos propos et je vous fais cette proposition sans avoir pris langue avec mon collègue Stéphane Le Foll. Cependant, il ne faut pas que le Parlement donne l’impression que la France est en retrait sur ces questions, alors que gouvernement français est aujourd’hui en pointe au niveau européen et qu’il se targue de pouvoir exiger de nos amis britanniques, italiens, roumains et allemands qu’ils se regroupent autour de nous en vue de faire avancer ce dossier.

Le Gouvernement se trouve dans l’obligation de donner un avis défavorable à ces amendements, au regard de la séparation entre ce qui relève de la législation européenne et de la législation nationale. Je n’ai pas d’autre choix que de vous donner cette réponse à ce stade. Ces amendements fragiliseraient nos chances d’obtenir satisfaction : c’est pourquoi je préfère vous proposer de rencontrer d’abord M. Borg, ensemble, dans le cadre d’une démarche commune.

Honnêtement, je donne quitus à M. Le Maire d’avoir essayé d’obtenir le maximum en 2011. En effet, je connais aujourd’hui la difficulté à obtenir des avancées de la Commission européenne, en dépit de la crise de la viande de cheval et alors même que la protection des consommateurs relève de sa compétence – il ne s’agit pas d’un domaine extracommunautaire. Aujourd’hui, il n’y a pas une once de progrès sur cette question.

Je vous propose donc d’aller rencontrer ensemble M. Borg, d’attendre la publication du rapport et de voir si le collège des commissaires fera une proposition législative en juillet. Si nous n’obtenons pas de réponse de la Commission européenne, je vous proposerai alors d’envisager des choix plus risqués sur le plan juridique si le Parlement souverain le souhaite.

Dans la situation actuelle, je le répète, l’adoption de ces amendements affaiblirait la position que Stéphane Le Foll et moi-même tenons depuis plusieurs mois, sur laquelle nous avons formé une coalition de plusieurs pays et qui fait de la France le pays en pointe sur la question de la traçabilité. Je ne voudrais pas que nous nous retrouvions dans une situation paradoxale qui nous obligerait à justifier notre volonté de tirer les conséquences de l’affaire de la viande de cheval, alors que nous étions en pointe sur cette question.

Oui, nous sommes d’accord sur l’objectif. Peut-être divergeons-nous sur le tempo ou l’agenda, mais je vous demande de prendre en considération le compromis que je vous propose comme une voie plus efficace pour que le Gouvernement et le Parlement puissent obtenir satisfaction.

M. le président. Sur l’amendement n° 731, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, à mi-chemin de nos travaux de la soirée, je vous demande une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 4 (suite)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le sujet dont nous traitons concerne l’ensemble des consommateurs de ce pays qui a récemment traversé une période troublante. Certes, il n’y a pas eu de difficultés sanitaires, mais une situation de triche inacceptable a été mise au jour qui donne le sentiment que si l’on déroule la pelote de laine, on ne sait pas où cela va s’arrêter, quel que soit le pays européen concerné.

Depuis toujours, la résistance de la Commission européenne à une meilleure organisation de la traçabilité est forte. Rien de nouveau à ce sujet : qu’il s’agisse des appellations d’origine contrôlée, des IGP ou encore des OGM, dès qu’il faut inscrire sur l’étiquette des dispositions offrant des garanties aux consommateurs, nous avons pu observer une résistance historique et quasi-génétique au nom d’un libéralisme échevelé qui doit faire circuler les marchandises sans dire d’où elles viennent ni comment elles sont fabriquées. Depuis cet incident qui a non seulement enflammé notre pays mais aussi l’Europe, notre Gouvernement – le ministre l’a expliqué clairement tout à l’heure – a mené « l’assaut » contre une Commission qui ne souhaitait rien entendre. Or il a réussi dans cette discussion à mobiliser un certain nombre de pays, puisque nous ne sommes pas les seuls à porter cette préoccupation.

Imaginons que nous votions ce soir une disposition sur laquelle nous sommes absolument tous d’accord – y compris le Gouvernement, même si je ne peux pas le dire.

M. Philippe Folliot. Eh bien, votons-la !

M. Marc Le Fur. Nous ne sommes pas le conseil général qui fait des vœux, nous sommes le législateur !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le cadre institutionnel dans lequel nous sommes interdit au gouvernement national de ne pas se mettre en conformité avec les règles européennes en vigueur, sous peine de se fragiliser. Je rappelais tout à l’heure dans les couloirs une scène qui s’est tenue au moment du vote du Grenelle I dans cet hémicycle. Cela se passait à la veille d’un sommet européen difficile pour le ministre Jean-Louis Borloo. Ce dernier avait lancé un appel à la minorité – j’avais l’honneur d’être à l’époque le responsable de mon groupe – afin de réunir le vote le plus large possible de l’Assemblée nationale et de l’apporter dans la corbeille de la négociation européenne. Nous avions alors accepté d’accélérer le débat et avions voté ce texte. Nous l’avions fait en conscience et en responsabilité parce que nous savions combien, dès lors que l’on veut faire avancer des thèses – il s’agissait à cette époque de renforcer les accords de Kyoto –, il faut se serrer les coudes.

Aujourd’hui, le Gouvernement nous dit qu’il a besoin d’un peu de temps avant d’intégrer la disposition en question dans la loi française. Il sait qu’il est sur la bonne voie pour convaincre la commission et qu’il court le risque d’être affaibli si le Parlement le met en minorité – c’est bien ainsi que l’on racontera l’histoire. Le ministre nous fait donc une proposition que je reprends à mon compte en tant que président de la commission des affaires économiques : partir en délégation, tous partis politiques confondus et avec le ministre, rencontrer le commissaire en compétence sur ces questions pour lui dire à quel point la mobilisation sur ce point est unanime au Parlement. L’histoire parlementaire ne s’arrête pas, pour un texte, en première lecture : il y a deux lectures, l’une à l’Assemblée et l’autre au Sénat.

M. André Chassaigne. Mais oui !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas parce que l’on pourrait surseoir ce soir que nous renoncerions à nos prérogatives de parlementaires.

M. Lionel Tardy. Ce peut être l’inverse qui se produit.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes à un moment où nous devons éviter de compliquer la vie d’un gouvernement qui mène, en tête de file, la négociation face à une Commission qui se montre très réticente à ouvrir le débat sur le sujet.

Je reprends donc la proposition du ministre. Ainsi pourrions-nous, dans les semaines qui viennent, nous rendre en délégation à Bruxelles voir le commissaire responsable de ces questions, en formation multipartite.

A chacun de prendre ses responsabilités. Je n’ai pas à décider pour quelque groupe que ce soit : je vous donne mon avis. S’il était suivi, je proposerai alors qu’avant la fin du débat chaque groupe désigne le député qui fera partie de cette délégation.

M. le président. Sur l’amendement n° 776, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. J’ai cosigné l’amendement n° 395 présenté par mon collègue Jean-Marie Tetart : je voudrais le défendre, mais surtout intervenir de façon plus générale dans ce débat.

Ce sujet est majeur, puisqu’il touche à la fois aux intérêts économiques, mais surtout à la santé et à la sécurité des consommateurs français et partant des Français. Il ne faut pas, sur un tel sujet, que le Parlement se dessaisisse de ses responsabilités. Si nous voulons réconcilier les Français avec l’Assemblée nationale et les responsables politiques, il faut que, sur des sujets importants auxquels les Français sont si sensibles, nous prenions nos responsabilités. Ils ne comprendraient pas que l’on renvoie cette question à Bruxelles, à une délégation et à des discussions qui dureront plusieurs mois. Ce serait un mauvais signal et un mauvais service rendu à l’Assemblée nationale et à l’État français.

Deuxième point : s’agissant de la protection des consommateurs, je suis triste de voir que la France est désormais systématiquement en arrière de la main, alors que pendant très longtemps elle a été une précurseur. La France a été le premier pays européen à adopter une loi de protection des consommateurs en 1972, et le droit européen de la consommation s’est inspiré du droit français. Les Français ont toujours été en avant. Or depuis quelques années – cela n’est pas le fait unique de la majorité actuelle,…

M. Régis Juanico. Un mea culpa !

M. Daniel Fasquelle. …même si elle fait preuve de frilosité –, nous sommes systématiquement en arrière de la main, alors que nous devons aller de l’avant. En matière de protection des consommateurs, c’est à l’Europe de suivre la France, et non pas l’inverse.

Troisième point : il ne faut pas faire dire à l’Europe ce qu’elle ne dit pas et il ne faut pas la caricaturer. J’ai entendu M. Brottes parler de libéralisme « échevelé » – ce qui fait d’ailleurs un peu sourire venant de sa part ! (Rires.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mais de la vôtre aussi !

M. Daniel Fasquelle. C’est pour cela justement que j’évite généralement d’utiliser l’expression.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, c’est un fait personnel ! (Sourires.)

M. Daniel Fasquelle. S’agissant de ce « libéralisme échevelé », il ne faut pas exagérer. L’Europe a mis en place une protection des consommateurs qui n’était pas inscrite dans les traités, en s’appuyant sur des dispositions plus générales. La Commission, soutenue par le Conseil puis par le Parlement, a mis en place le droit européen de la consommation. Ne disons pas ce qui n’est pas. De plus, en matière de libre circulation des marchandises, il faut savoir que très tôt, dès 1979 avec l’arrêt « Cassis de Dijon » de la Cour de justice des Communautés européennes, l’Europe a accepté un certain nombre de dérogations. Certaines d’entre elles sont contenues dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne lui-même, à l’article 36, d’autres sont également prévues dans la jurisprudence de la Cour. Ces dérogations permettent, au nom de la santé et de la sécurité des consommateurs, de pouvoir appliquer une règle nationale et de faire une entorse précisément aux règles du traité sur la libre circulation des marchandises. Je ne comprends donc pas très bien notre débat. En réalité, l’Europe nous permet aujourd’hui d’aller plus loin que ce que les textes européens proposent. Revendiquons ces dérogations contenues dans le traité lui-même, dans la jurisprudence de la Cour et dans les textes européens – directives ou règlements.

Mes chers collègues, ayons ce soir un peu de courage ! Soyons à l’écoute, comme le disait très justement Marc Le Fur, des producteurs et des consommateurs français qui ont besoin d’un message fort. Soyons courageux et envoyons également un message fort à Bruxelles. Soyons précurseurs dans la négociation. Nous aiderons bien plus notre ministre en prenant ce soir une position forte, plutôt qu’en nous dérobant.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. On est d’accord sur l’essentiel, mais il reste à savoir comment l’on avance. Je propose que ce soit de manière unanime et que notre groupe prenne sa part de l’effort, c’est-à-dire que nous renoncions aux amendements déposés par l’UMP et que nous nous calions sur le texte proposé par notre collègue Germinal Peiro.

M. Thierry Benoit. Très bien ! Finement joué ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Sur le fond, c’est un bon amendement. Je ne suis pas dans une logique où il s’agit de savoir d’où vient un amendement, on n’en est plus là, mes chers collègues ! Ce qui m’intéresse, ce n’est pas l’étiquette sur les amendements, c’est l’étiquette sur les produits ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Dans ces conditions évidemment, dans l’hypothèse où notre collègue retirerait son amendement, nous le rependrions.

Nous tenons cependant à compléter cet amendement par un sous-amendement instaurant un contrôle et une sanction par la DGCCRF. Monsieur le ministre, vous faisiez l’éloge de cette Direction : nous y agréons et le traduisons dans la loi. Sur le principe, l’amendement de Germinal Peiro est bon, mais à partir du moment où il y a une règle, il faut un contrôleur et une sanction. Nous aurons ainsi une disposition qui devrait faire l’unanimité.

Je comprends bien qu’un tel amendement, ainsi sous-amendé, puisse placer le ministre dans une situation difficile puisqu’il est en négociation. Mais il pourra dire demain qu’il n’a pas le choix, du fait d’un vote unanime de la représentation nationale. Plus nombreux en effet nous voterons cet amendement, mieux ce sera. Le ministre pourra ainsi dire à ses interlocuteurs que l’Europe doit évoluer. Je sais que l’UDI s’associe à notre démarche.

Monsieur le ministre, vous évoquez la Commission européenne, mais je ne suis pas dans une logique de dénonciation de M. Barroso. Ce n’est pas le sujet. Je suis dans une logique d’exigence. C’est possible à partir du moment où le législateur, relayé demain par l’exécutif, pose plusieurs principes car la crise est grave. Vous avez parlé des gouvernements précédents : ils ont certainement eu un côté timoré, mais, d’une part, la crise n’avait pas encore la même ampleur, et, d’autre part, vous pouvez surfer sur la crise du cheval en disant que la démonstration de la réalité du problème est faite, que les consommateurs sont donc mobilisés et que nous devons, nous aussi, en tirer les conséquences. Ce n’était pas le cas il y a encore quelques mois. À quelque chose malheur est bon.

Mes chers collègues, je vous propose donc que nous nous calions tous sur la rédaction de Germinal Peiro, que nous abandonnions nos susceptibilités de groupe et de parti, que nous assortissions cette pétition de principe d’un sous-amendement prévoyant contrôle et sanction par la DGCCRF, donnant ainsi, au-delà du projet de loi, un mandat ferme de négociation au ministre. Je constate que bien souvent, la chancelière allemande se retranche derrière une décision du Bundestag pour dire qu’elle n’a pas le choix, et on obtempère. Eh bien demain, monsieur le ministre, vous pourrez dire que vous aussi vous êtes mandaté par le Parlement ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP, UDI et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Cette question de l’étiquetage est fondamentale.

Mme Catherine Vautrin. Eh oui !

M. Germinal Peiro. Il faut comprendre pourquoi les libéraux qui dirigent la Commission n’en veulent pas : ils sont dans une optique de dérégulation, ne nous faisons aucune illusion.

Le consommateur français ne sait pas aujourd’hui ce qu’il mange dans les plats préparés.

Mme Valérie Boyer. C’est vrai !

M. Germinal Peiro. Qui vous dit qu’il n’y a pas dedans du bœuf hormoné qui arrive des États-Unis puisqu’on en importe ? Si les libéraux refusent que la mention d’origine existe, c’est parce qu’ils souhaitent le moins de règles possibles dans un vaste marché dérégulé. Nous n’avons pas à l’accepter. Nous devons la vérité, la traçabilité aux consommateurs, sujet qui concerne les Français, mais aussi tous les citoyens européens. Peut-être alors ceux-ci n’auraient-ils pas la même idée de l’Europe, peut-être se sentiraient-ils plus proches d’une Europe qui s’occuperait de leurs préoccupations grâce à des réponses politiques cohérentes qui rassemblent de très larges majorités.

À la question sur la traçabilité, quel est le consommateur européen qui répondra qu’il ne veut pas savoir ce qu’il mange ? Aucun. Nous avons aujourd’hui la morale pour nous et les consommateurs avec nous. Les députés ont politiquement raison de réclamer la traçabilité sur les plats préparés. Je suis persuadé qu’il y a unanimité dans cet hémicycle sur ce point.

Mme Anne Grommerch. Absolument !

M. Marc Le Fur. Nous sommes d’accord !

Mme Catherine Vautrin. On va vous aider malgré vous, comme d’habitude !

M. Thierry Benoit. Il faut agir !

M. Germinal Peiro. Je sais très bien, monsieur le ministre, qu’au fond de vous-même, vous êtes d’accord avec cette démarche.

Mes chers collègues, que nous demande aujourd’hui le Gouvernement ? Attendre quelques semaines, le temps de la remise du rapport au mois de juillet, rapport en fonction duquel il essaiera de faire évoluer les choses. Il nous propose d’aller rencontrer le commissaire européen à la consommation, en y associant des parlementaires de la majorité et de l’opposition. Je suis tenté de lui dire banco.

Monsieur le ministre, non seulement on vous soutient mais on vous fait confiance dans cette affaire. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) On va donc jouer le jeu pendant quelques semaines. Mais, mes chers collègues, je tiens à vous dire que si rien n’a bougé d’ici à la deuxième lecture, je redéposerai le même amendement, et je ne le retirerai pas comme je vais le faire ce soir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) parce que je ne veux pas gêner le Gouvernement.

Mme Catherine Vautrin. Des discours !

Mme Anne Grommerch. Quel dommage !

M. Germinal Peiro. Mes chers collègues de l’opposition, vous avez été, vous aussi, dans une majorité, et vous savez que la vie politique n’est pas très facile. Mais, je le répète, je fais confiance à Benoit Hamon, et j’espère que cette affaire-là aura bougé dans le courant de l’été. Sinon je prends rendez-vous pour la deuxième lecture : je redéposerai mon amendement et ferai campagne pour qu’il soit adopté. D’ici là, je le retire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. L’amendement n° 776 est retiré.

M. Marc Le Fur. Il est repris !

M. le président. Sur le sous-amendement n° 1034, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre, vos explications concernant la traçabilité ne m’ont vraiment pas convaincue. Vous avez dit que si nous adoptions l’amendement de M. Peiro ou les nôtres – j’en ai déposé quatre sur le sujet, avec chaque fois une exigence de plus en plus réduite mais en cohérence sur la notion de traçabilité, même a minima, pour l’information du consommateur –, ce serait une façon de fragiliser la France en affaiblissant sa position dans la négociation à venir. Je vous donnerai un exemple dans un autre registre : voilà trois semaines, l’Assemblée nationale a adopté un texte de loi, en deuxième lecture, sur la régulation et la séparation des activités bancaires – nous sommes le seul pays au monde à l’avoir fait. On nous avait alors expliqué et réexpliqué qu’il fallait le faire pour donner une impulsion et pour constituer un modèle pour les autres pays européens. Je ne vois pas pourquoi dans certains domaines, nous serions des modèles et un impulseur, et pourquoi dans d’autres, nous serions interdits d’avancer…

M. Lionel Tardy. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. …au motif qu’il ne faudrait surtout pas contrevenir à l’information telle que la Commission européenne la conçoit ! Il faut de la cohérence. Nous serons les seuls au monde à vivre dans un système bancaire que nous avons accepté de fragiliser, tandis que vous refusez la traçabilité que les consommateurs sont unanimes à réclamer. Je déplore le fait que M. Peiro, parce qu’il est aujourd’hui dans la majorité, ait accepté de retirer son amendement qui était plein de bon sens et qui répondait à une réelle attente.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. Lionel Tardy. Enfin du bon sens !

M. André Chassaigne. Je n’ai pas d’appréciation à porter sur le choix de Germinal Peiro. Il est suffisamment investi quotidiennement dans la défense de l’agriculture pour que je me permette de porter quelque jugement que ce soit sur sa décision – que je peux comprendre au regard de son appartenance à la majorité gouvernementale.

Je tiens à dire cependant, en particulier en m’adressant à M. le ministre, qu’en la matière on se trompe. Mesure-t-on bien ce qui se passe dans le pays ? Mesure-t-on bien le rejet global de nos gestes politiques, de nos bavardages, de nos artifices alors qu’il y a urgence ? Peut-on comprendre que le peuple n’en peut plus de ce type d’approche ? Il n’en peut plus !

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Les petits habillages, les petites explications – « il ne faut pas gêner le ministre », « il faut attendre la deuxième lecture », etc. –, ce n’est pas sérieux !

M. Marc Le Fur. Bien sûr.

M. André Chassaigne. C’est du jeu parlementaire dont les Français ne veulent plus !

Bien sûr, se pose en la matière la question de la qualité de ce que l’on consomme. Mais celle de la situation des éleveurs est tout aussi grave, voire plus grave. Nous étions, il n’y a pas si longtemps, une dizaine de députés de sensibilités différentes à discuter avec des éleveurs porcins :…

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. André Chassaigne. …en l’espace de dix ans, 50 % des élevages de porcs ont disparu dans notre pays ! Là est l’urgence !

La totalité des professions d’élevage demande une mesure de l’authentification de l’origine. Même si la décision que l’on pourrait prendre aujourd’hui en première lecture n’entrerait pas tout de suite en application du fait de tout le déroulé parlementaire, elle permettrait au moins de lancer un signal fort, sans attendre que Germinal Peiro redépose son amendement en deuxième lecture. Les éleveurs en ont besoin, de la même façon que la France et les Français ont besoin d’un langage de vérité et qu’on arrête de tourner autour du pot avec des artifices parlementaires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Michèle Bonneton. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je m’adresse, après les excellents propos de notre collègue André Chassaigne, au président de la commission car si son argumentation est convaincante, il se trompe doublement quand il nous demande de soutenir le Gouvernement afin que la France ait une position forte et entendue.

Il y a tout d’abord une raison de forme. Je m’en expliquerai en prenant une métaphore rugbystique – je sais que cela ira droit à votre cœur, monsieur le ministre : si vous voulez être respecté sur le terrain, il faut être capable, en début de match, de relever une mêlée. Eh bien, nous vous proposons unanimement de relever cette mêlée pour donner un signal fort à la Commission européenne !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. En mettant le Gouvernement en minorité ?

M. Philippe Folliot. Il s’agit de faire savoir à l’Europe que l’assemblée nationale française souhaite unanimement que nous nous orientions vers une solution de traçabilité.

La seconde raison est de fond. Au moment où l’Europe est en train, dans le cadre des négociations sur le commerce international, de tout lâcher en matière de produits agricoles, ne rien faire reviendrait à ce que, demain, les consommateurs français et européens trouvent, qu’ils le veuillent ou non, dans leurs assiettes du veau aux hormones, du bœuf aux hormones, du poulet ou d’autres productions trafiquées aux États-Unis ! Les consommateurs ont le droit de savoir d’où vient la viande qu’ils mangent. Comme nous savons que l’Europe va lâcher sur ce point, la France doit donner un signe fort. La meilleure façon d’aider le ministre et le Gouvernement est de voter de façon unanime ces amendements.

C’est un moment essentiel. Trouvons les moyens de nous rassembler et de ne pas tomber, comme l’a fort justement dit André Chassaigne, sur des schémas politiciens que nos concitoyens sont à mille lieues de pouvoir comprendre. En fait, nous l’avons dit les uns et les autres sur tous les bancs, nous sommes tous d’accord. Eh bien, si nous sommes tous d’accord, votons tous dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur le ministre vous avez fait état d’un rapport de la commission que vous avez qualifié de rapport d’étape, n’est-ce pas ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est cela.

M. Damien Abad. Si vous me permettez de prendre ma casquette d’ancien député européen, je dirai que, par nature, un rapport d’étape n’a pas de valeur politique. C’est un rapport qui est adressé au directeur général et au commissaire en charge du dossier. Il n’est pas adressé à la représentation nationale française. Je vous le dis parce que j’ai eu l’occasion de passer un coup de fil pendant la suspension de séance à la commission européenne…

M. Régis Juanico. Il ment parce qu’il n’y a plus personne là-bas à cette heure-là : ils dorment ! (Sourires.)

M. Damien Abad. Je veux répondre à notre collègue Germinal Peiro parce que je pouvais l’entendre à un moment donné. Il se dit prêt à retirer son amendement et à faire confiance au ministre dans la négociation et à attendre les conclusions du rapport avant de prendre position. Soit, mais à condition que ce rapport ait une vraie valeur politique et juridique, ce qui n’est pas du tout le cas avec ce rapport d’étape.

Mme Catherine Vautrin. Bien sûr !

M. Damien Abad. C’est tout le problème : ce rapport d’étape ne va rien changer, il donne une information au directeur général et au commissaire européen, en aucun cas à l’Assemblée nationale ni même au gouvernement français. C’est un peu paradoxal de faire preuve d’une telle bienséance à l’égard de la Commission européenne dans cet hémicycle alors qu’on ne cesse de la vilipender à l’extérieur.

M. Lionel Tardy. C’est vrai, le mal est fait !

M. Damien Abad. Il faut trouver un juste équilibre entre les deux. La métaphore rugbystique est bonne et j’espère que notre collègue Germinal Peiro, au vu de ces éléments, va maintenir son amendement en première lecture parce que ce rapport ne changera rien. Si encore c’était un règlement.

Dois-je par ailleurs rappeler qu’au niveau européen, certains rapports allant dans le sens des amendements que nous sommes en train de défendre ont été adoptés avec les voix de ses collègues socialistes européens ? Ce ne serait pas se contredire ou se dénaturer que de soutenir ces amendements, ce serait aller dans le sens de vos collègues socialistes européens qui ont voté pour ces rapports.

M. Le Foll, qui était député européen avant d’être ministre de l’agriculture, a participé à ces discussions. Nous devons donc défendre cette position dès la première lecture, dès maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Lionel Tardy. C’est vendu !

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur le ministre, je suis très partagé.

Évidemment, je me mets à la place du ministre qui, il y a peu, a fait des déclarations sur l’Europe qui lui ont été particulièrement durement reprochées. Il se retrouve aujourd’hui dans une situation où chacun interprétera notre vote, que nous souhaitons unanime ce soir, comme un coup, une initiative prise par lui, ministre en charge de la consommation dont on connaît les positions sur l’Europe. Il sera accusé par les uns et les autres de gêner l’action collective du Gouvernement.

C’est la raison pour laquelle je pourrais être tenté d’écouter notre collègue Germinal Peiro et de donner à ce gouvernement une chance de négocier, sachant que s’il ne réussit pas, il pourra en seconde lecture être soutenu par le Parlement unanime pour aller au bras de fer avec l’Europe.

En même temps, j’ai déjà été député avant d’avoir été ministre. Je me souviens d’un amendement pour lequel je m’étais battu avec notre ancien collègue Didier Migaud – le président de la commission des affaires économiques s’en souvient sûrement – alors que Christine Lagarde était au banc du Gouvernement. Après de longues discussions et alors que l’unanimité se dessinait, nous avons finalement décidé de retirer un amendement pour laisser au Gouvernement une chance d’imposer la position française lors d’une négociation au niveau européen.

Que s’est-il passé après quelques mois ? La position française ne l’a pas emporté. Ce jour-là, j’ai regretté d’avoir retiré cet amendement qui aurait pu donner de la force au ministre. C’était un amendement sur les agences de notation qui aurait permis à la France d’envoyer un signal fort et de donner une ligne au niveau européen.

C’est la raison pour laquelle je suis partagé et je le dis vraiment de manière très honnête. D’un côté, on peut mettre le ministre de la consommation dans une situation personnelle difficile. D’un autre côté, nous sentons tous ici que, sur une question aussi importante – Germinal Peiro qui connaît ces sujets le sait – le Parlement français doit adresser un signal extrêmement fort et unanime pour défendre les consommateurs et les producteurs, mais aussi l’idée que nous nous faisons en Europe d’un commerce qui ne trompe pas les consommateurs.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, quel que soit le vote final sur cet amendement – et malheureusement l’unanimité que nous souhaiterions ne se dessine pas – nous devons l’assumer. Si l’amendement est adopté, nous devrons tous dire haut et fort que ce n’est pas vous qui l’avez fomenté, que cette position a été prise de manière libre par les parlementaires de droite et de gauche sur un sujet essentiel. Je pensais que c’était important de le dire dans cet hémicycle.

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, ce soir, nous ne pouvons pas nous dérober. Marc Le Fur a mis le doigt, suivi par Germinal Peiro, Christine Dalloz et André Chassaigne, sur un sujet essentiel : je suis convaincu qu’en effet les consommateurs comme les éleveurs et les filières françaises attendent une clarification. C’est devenu indispensable.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr !

M. Thierry Benoit. Depuis un an, les membres du Gouvernement nous expliquent que tout va mal en France à cause de l’ancien Président de la République et de l’ancien gouvernement. Nous l’avons compris. Sur les questions agricoles, on met tout sur le dos de l’ancien gouvernement. Cette semaine encore, nous avons entendu le ministre de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

Je vais faire un parallèle entre deux sujets. En matière de consommation et d’étiquetage obligatoire sur l’origine géographique des viandes, le Gouvernement nous demande de le laisser faire parce qu’il pourrait y avoir des avancées. En matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, les textes européens sont prêts, mais la France ne prend pas les mesures qui s’imposent pour faciliter la modernisation des bâtiments d’élevage et rendre compétitives nos exploitations agricoles.

Nous ne pouvons pas nous dérober. Tout le monde l’a dit : la situation et l’heure sont graves. C’est pourquoi le groupe UDI soutiendra le sous-amendement n° 1034 porté par notre collègue Le Fur et le moment venu, s’il le faut, nous défendrons et voterons l’amendement n° 731 porté par notre collègue Chassaigne.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. L’intervention de M. Peiro était tout à fait édifiante. Franchement, il n’y a rien à ajouter à ce que vous avez dit, cher collègue. Nous avons effectivement intérêt à soutenir le Gouvernement dans sa démarche pour qu’il aille négocier au niveau européen la plus grande transparence, qu’elle porte sur le lieu d’élevage et d’abattage ou sur la façon de produire.

Le groupe écologiste soutiendra tout amendement qui privilégie la transparence, de quelque banc qu’il vienne. L’un de nos amendements, qui arrivera plus tard dans la discussion, demande d’ailleurs la même transparence. Je pense qu’un vote unanime de l’Assemblée nationale aidera le ministre.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est gentil de m’aider !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. J’évoquerai trois points très rapidement.

Premier point : ce que vient de dire Damien Abad est très important. Chacun doit bien mesurer en effet que le rapport auquel il est fait allusion est un rapport d’étape destiné au commissaire et à la direction générale. Alors que la majorité n’a pas de mots assez durs envers les commissaires et la direction générale, voir ce soir qu’un tel rapport freine certains est vraiment dommage.

Deuxième point : le sujet en question est absolument majeur. Voilà des années en effet que les éleveurs attendent une telle mesure.

Mme Laure de La Raudière. Et les consommateurs !

Mme Catherine Vautrin. D’autres l’ont dit avant moi, la situation est critique dans leur domaine.

Troisième point : le fait majoritaire. Nous savons qu’il y a des lourdeurs mais aussi que chacun est responsable de son vote. C’est donc à chacun de prendre ses responsabilités.

Mme Anne Grommerch et M. Thierry Benoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Barbier. J’avais demandé la parole, monsieur le président !

M. le président. Je suis désolé, monsieur Barbier, mais vous n’avez pas voulu prendre la parole tout à l’heure quand je vous le proposais.

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je voudrais apporter quelques éléments au débat, concernant tout d’abord ce rapport d’étape.

Quand vous étiez aux responsabilités, vous avez voté et donné l’accord de la France à un règlement qui renvoyait à fin 2013, à un rapport devant éventuellement – j’ai été moi-même parlementaire européen – déboucher sur une proposition législative.

Qu’avons-nous réussi à obtenir sous la pression de la France ? Le fait que ce rapport soit rendu public – c’est pour cela que je l’appelle rapport d’étape – en juillet, de façon qu’il puisse donner lieu à une proposition législative – c’est cela qui m’intéresse et non le rapport – dès maintenant, sans attendre un hypothétique renouvellement de la Commission qui renverrait la proposition à 2014 ou 2015.

Ce que nous voulons, c’est une proposition législative en juillet. D’où l’importance d’avoir déjà un rapport avancé par rapport à ce que vous aviez obtenu et qui, pour le coup, nous aurait renvoyé aux calendes grecques.

Au moment de la révélation de la tromperie économique, une seule personne dans vos rangs a soutenu la position du Gouvernement et la mienne : M. Lefebvre. Sinon, M. Woerth et beaucoup d’autres ténors de l’UMP se sont empressés de dénoncer ce qui avait été la position du ministre de l’agriculture et celle du ministre de la consommation. Vous n’étiez pas là, à ce moment-là, pour soutenir le Gouvernement, pour faire la lumière et assainir la filière agroalimentaire.

Je préfère le dire maintenant parce que si nous nous retrouvons aujourd’hui sur les réponses à apporter en la matière, il n’y avait qu’une personnalité de l’UMP, ex-ministre de la consommation, qui savait la qualité du travail des agents de la DGCCRF. Je l’en remercie parce que ce n’était pas simple de le faire et il l’a fait contre les consignes politiques données en dépit de la gravité de l’affaire sur la tromperie économique.

Je vous le dis comme je le pense : je ne vous demande pas d’aider le Gouvernement ni de nous faire confiance ; je vous demande juste, à la lumière de ce rapport qui sera rendu en juillet, de constater si la Commission européenne prend ou non ses responsabilités en faisant une proposition législative.

Que vous ai-je dit depuis plusieurs mois, sinon que je souscris à l’objectif de la traçabilité de la viande entrant comme ingrédient dans les plats préparés, et que je porte ce combat devant la Commission européenne et dans toute l’Europe avec Stéphane Le Foll au nom du Gouvernement ? Cet objectif je le vise sur le vrai théâtre d’opérations, c’est-à-dire là où on doit convaincre d’autres pays de nous rejoindre.

Je n’ai pas peur du vote du Parlement, je vous dis juste que le fait que ce vote ait lieu avant que le rapport en question soit remis et que la décision soit prise à sa lumière de ce rapport ne nous facilite pas la tâche. Pourquoi ? Parce que – et il est d’ailleurs étonnant que Mme Vautrin puisse défendre la position contraire alors que l’opposition ne l’a jamais fait quand elle était aux responsabilités, ce vote nous mettrait dans l’illégalité au regard du droit européen. Certes, on peut l’assumer mais nous encourrions une mise en demeure et une amende.

M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas vrai !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Vous n’avez jamais fait en cinq ans. Vous le demandez maintenant. Très bien ! Vous avez changé, c’est formidable, mais vous avez tellement changé qu’aujourd’hui vous, libéraux, condamnez la Commission libérale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Bravo !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous le dis : nous ne nous laisserons pas abuser par ces changements de position ! Je me réjouis de la position de M. Le Fur sur la traçabilité, qui est ancienne, mais voir certains s’y rallier opportunément ne m’abusera pas.

Quant à vous, monsieur Folliot, qui filez la métaphore rugbystique, vous savez très bien, puisque nous jouons dans la même équipe, qu’il nous arrive parfois – ce n’est pas au supporter de Castres, belle équipe championne de France, que je vais l’apprendre – de relever la mêlée parce que les Anglais nous ont un peu chauffés. Le problème est que nous sommes ensuite sanctionnés par une pénalité, que des joueurs sont sortis par l’arbitre, et qu’à la fin ce sont les Anglais qui gagnent. Eh bien, moi, je ne voudrais pas que l’on perde la bataille parce que l’on se serait mis dans l’illégalité, comme par hasard encore contre les Anglais qui ne veulent pas de la traçabilité de la viande de cheval.

Métaphore rugbystique pour métaphore rugbystique, vous avez tapé une chandelle, j’ai rattrapé le ballon – cela arrive parfois aussi qu’on puisse le reprendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous aurons l’occasion d’en reparler puisque l’on va se retrouver sur le terrain face aux Sud-africains. Sachant que Germinal Peiro joue au centre et que vous êtes vous-même un valeureux troisième ligne, je fermerai là la parenthèse, moi qui ne suis qu’un arrière !

Je ne vous demande pas de me faire confiance. Pourquoi me donneriez-vous d’ailleurs quitus ? Nous sommes dans un débat politique. Je vous propose simplement que nous allions devant la Commission européenne, avec une délégation du Parlement, pour constater auprès de M. Borg la position de la Commission européenne. Si cette dernière ne fait aucune proposition législative dans un délai de quelques semaines ou de quelques mois,…

M. Damien Abad. Quelques mois ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …je ne m’opposerai pas à ce que le Parlement souverain décide, le cas échéant, de prendre acte du fait que la Commission européenne, dans son champ de compétences n’assumerait pas ses responsabilités.

Maintenant, je remercie M. Peiro d’avoir retiré son amendement.

M. Marc Le Fur. On l’a repris !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je le dis à celles et ceux qui mènent le combat sur ces questions-là. Ce sont des hommes et des femmes sincères, en l’occurrence aussi de gauche. Je le dis en regardant les parlementaires qui appartiennent à la gauche sans être forcément dans la majorité – vous voyez bien à qui je fais allusion.

Nous avons en face de nous une Commission libérale ; personne n’en doute.

M. Damien Abad. Vous vous couchez !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Dans cette affaire, avec Stéphane Le Foll, je mène une bataille difficile. Nous ne sommes pas de cette espèce de responsables politiques qui esquivent ou se dérobent à leurs responsabilités. D’ailleurs, quand il faut parler, nous sommes quelques-uns à le faire, et à hausser le ton si c’est nécessaire. Je ne me déroberai pas, pas plus que le Gouvernement.

Des membres de la majorité ont soulevé un problème important en dénonçant à juste titre le dumping social dans l’Union européenne où le fait de payer des salariés quatre euros de l’heure dans certains abattoirs aboutit à liquider notamment l’élevage de porcs en France.

J’ai été heureux que Martin Schulz, à qui Gwenegan Bui, député de Morlaix, avait écrit, reconnaisse l’existence de ce dumping social. Il est temps, comme l’a dit le Président de la République, qu’en matière de directives sur le détachement des travailleurs on mette un peu d’ordre dans l’Union européenne de façon à favoriser la convergence sociale et à cesser de se faire de la concurrence à force de baisse du coût du travail, de modération salariale et de dumping social. Là aussi c’est un vrai sujet sur lequel nous nous battrons.

Pour ce qui est de la traçabilité de la viande, il y a un enjeu immédiat. La France est en pointe du combat, mais si après être allés à Bruxelles, comme je vous le propose, nous n’obtenions aucun résultat, vous déciderez souverainement de ce qu’il faut faire. Mais, à cette étape, la responsabilité du Gouvernement est de vous dire que ce vote nous mettrait dans l’illégalité, d’où mon avis défavorable, à défaut d’un retrait des amendements concernés.

M. le président. Mes chers collègues, je vais maintenant mettre successivement aux voix les amendements en discussion commune.

(L’amendement n° 395 n’est pas adopté.)

M. le président. J’en viens à l’amendement n° 5, deuxième rectification.

M. Marc Le Fur. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. Volontiers, cher collègue.

M. Marc Le Fur. Je suis, pour ma part, troisième ligne aile, poste délicat, exigeant, épuisant, mais qui a pour résultat, en règle générale, d’être là où est la balle. En l’occurrence, le troisième ligne aile vous dit que son groupe retire tous les amendements que nous avons défendus dans le cadre de cette discussion commune, au profit de l’amendement initial n° 776 de M. Peiro, que nous avons repris en l’assortissant d’un sous-amendement n° 1034.

Que les choses soient bien claires : il s’agit d’affirmer la volonté la plus unanime possible de défendre les consommateurs et les producteurs.

(Les amendements nos 5 deuxième rectification, 4 deuxième rectification, 156 deuxième rectification, 3 deuxième rectification, 155 deuxième rectification, 2 rectifié, 154 rectifié, 1 et 153 sont retirés.)

M. le président. Nous en venons donc à l’amendement n° 776, retiré par M. Germinal Peiro et repris par le groupe UMP, sur lequel un sous-amendement n° 1034 a été déposé.

Je mets aux voix ce sous-amendement n° 1034, sur lequel un scrutin public a été demandé et annoncé.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 115

Nombre de suffrages exprimés 111

Majorité absolue 56

Pour l’adoption 34

Contre 77

(Le sous-amendement n° 1034 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 776 repris par le groupe UMP, sur lequel un scrutin public a été demandé et annoncé.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 114

Nombre de suffrages exprimés 111

Majorité absolue 56

Pour l’adoption 34

Contre 77

(L’amendement n° 776 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 731, sur lequel un scrutin public a été demandé et annoncé.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 110

Nombre de suffrages exprimés 106

Majorité absolue 54

Pour l’adoption 33

Contre 73

(L’amendement n° 731 n’est pas adopté.)

(…)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 726.

M. André Chassaigne. Défendu !

(L’amendement n° 726, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(…)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 742.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous demande de le retirer, monsieur Chassaigne, car il est satisfait.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. S’il est satisfait, je le retire – j’ai confiance qu’il ne s’agit pas de votre part, monsieur le ministre, d’une affirmation gratuite. Il est vrai qu’il rappelle le débat que nous avons eu tout à l’heure : peut-être est-il en effet redondant avec celui sur les indications téléphoniques et postales sur lequel nous avons eu une convergence exceptionnelle, notamment avec M. Lefebvre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous confirme, monsieur Chassaigne, que l’amendement est satisfait.

(L’amendement n° 742 est retiré.)

(…)


Voir toutes les interventions sur le texte.

Pour en savoir plus : André Chassaigne - AC

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