[…]
PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES (suite)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, en faveur des petites et moyennes entreprises.
[…]
M. Michel Raison - Mon amendement 222, identique à l’amendement 169 de la commission qui l’a adopté, tend à supprimer le III de l’article 17. Ce paragraphe peut être source de confusion et de complexité. En outre il peut conduire à un cumul de textes applicables aux salariés des groupements d’employeurs, créant ainsi pour ces groupements une réelle difficulté d’appréciation et d’information. C’est un amendement de bon sens.
M. André Chassaigne - Notre amendement 394 est identique. M. Raison a raison (Sourires) de dire que ce paragraphe peut créer de la confusion. Il est préférable d’attendre la loi d’orientation agricole pour traiter de ces questions. Il existe en effet des conventions collectives par branche dans le secteur agricole, alors qu’on nous propose un système difficilement applicable.
M. le Ministre - Devant cette unanimité, le Gouvernement s’en remet au bon sens de l’Assemblée.
Les amendements 169, 222 et 394, mis aux voix, sont adoptés.
[…]
M. le Ministre - L’idée d’une mutualisation de l’emploi pour faciliter son développement, ainsi que celui de la compétence et du potentiel des PME, est très intéressante. De nombreuses entreprises ne sont pas en mesure d’embaucher à temps plein des salariés qualifiés, tandis que beaucoup de salariés à temps partiel recherchent un complément d’activité pour aboutir à un temps plein. Votre amendement tend à répondre à ce besoin. Toutefois le Gouvernement considère que la réflexion n’est pas assez avancée sur ce sujet, et souhaite, à ce stade, le retrait de cet amendement.
M. Jean-Paul Charié - Nous avons bien perçu, en commission, que cet amendement mériterait un peu plus de réflexion. Toutefois, Monsieur le ministre, votre explication est un peu courte. Si nous voulons aider de petites et moyennes entreprises à bénéficier de la compétence d’ingénieurs ou d’autres salariés qualifiés, qu’elles ne peuvent pas embaucher à temps plein, elles doivent pouvoir les employer par exemple dix heures par semaine ; ainsi l’ingénieur, le spécialiste des ressources humaines ou du marketing, peut trouver plusieurs employeurs. M. Poignant nous propose une solution qui n’est pas totalement satisfaisante, mais qui fait avancer le statut du travailleur à temps partagé, puisque les trois entreprises qui emploieraient une même personne pourraient se regrouper en une seule. Je ne comprends donc pas, Monsieur le ministre, le fondement de votre opposition.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Cet amendement est excellent, même si je comprends l’argument de M. le ministre. Sur la mutualisation, et sur un certain nombre de problèmes connexes, que nous connaissons bien en zone de montagne avec la pluriactivité, cet amendement est un pas en avant. M. le ministre a d’ailleurs montré qu’il comprenait l’intérêt de ce dispositif. Malgré son opposition, je souhaite que l’Assemblée vote cet amendement.
M. François Brottes - Cet amendement aurait pu être mis en discussion commune avec le suivant, à savoir notre amendement 386, dont les préoccupations sont proches, et dont je souhaite dire un mot. Sur le temps partagé, on peut avoir deux approches. Celle de M. Poignant prend en compte le fait qu’un salarié peut être conduit à avoir plusieurs employeurs simultanés, et à se constituer ainsi un emploi à plein temps, ce qui est conforme à son intérêt comme à celui de l’entreprise : c’est donc une avancée. Notre amendement 386, qui traduit une préoccupation semblable, et qui fut adopté en première lecture dans le projet sur le développement des territoires ruraux, prend en compte pour sa part le fait qu’on peut travailler à temps plein pour un employeur pendant trois mois, puis pour un autre pendant les trois mois suivants, etc. De telles successions de temps pleins se rencontrent dans les zones de montagne et les zones touristiques, et il n’y a pas de raison de priver les salariés concernés d’une possibilité de stabilité. D’où notre proposition de créer des sociétés de gestion de la pluriactivité.
La proposition de M. Poignant est une avancée par rapport à certaines situations de forte précarité, et à l’hésitation de nombre d’entreprises devant l’embauche. Si l’on veut conserver des compétences sur un territoire donné, il faut favoriser le travail à plein temps.
M. André Chassaigne - Cet amendement 170 rectifié répond certes à des problèmes réels, qui se posent en particulier à de petites et moyennes entreprises. Sur le territoire dont je suis l’élu, plusieurs entreprises font appel à des cadres qui peuvent ainsi exercer leur compétence sur plusieurs sites. Toutefois, derrière cet amendement, je perçois un risque de précarisation, parce que le dispositif proposé est insuffisamment encadré. Il faudrait être beaucoup plus précis quant aux métiers qui pourraient être concernés, et quant aux conditions du travail partagé. Il est dangereux de traiter par le biais d’un amendement, d’apparence anodine mais qui porte un certain coup au code du travail, un problème qui exigerait une négociation entre les partenaires sociaux. C’est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.
-----
M. Léonce Deprez - C’est un problème sérieux. Il concerne en particulier les deux à trois mille pôles touristiques que compte notre pays. Or nous devons être attentifs à un danger : le travail au noir, contraire à toute économie saine et socialement inacceptable. Sur les sites touristiques, ce type de travail se développe ; plus grave, il est souvent le fait de salariés des collectivités territoriales, qui utilisent pour cela leur temps libre, plus important qu’avant.
Il faut donc trouver le moyen d’inciter les entreprises à créer des emplois sur l’année et à même de répondre aux besoins épisodiques. Pour toutes ces raisons, je soutiens cet amendement.
M. le Ministre - Je ne nie pas l’intérêt de ces solutions, mais je persiste à penser qu’il faut encore réfléchir à leurs conséquences sur l’organisation et le droit du travail, et que le retrait de cet amendement serait préférable.
M. le Président de la commission - La commission, bien que sensible aux arguments du ministre, souhaiterait tout de même l’adoption de cet amendement.
L’amendement 170 rectifié, mis aux voix, est adopté.
Mme Janine Jambu - On s’expliquera demain avec les salariés !
M. François Brottes - Nous venons de voter l’amendement 170 rectifié parce qu’il a le mérite de proposer aux salariés des CDI autrement moins précaires que des contrats en intérim ou du travail au noir. Puisse M. Ollier défendre avec la même conviction l’amendement 386 - même si je peux comprendre qu’il lui soit difficile de s’opposer deux fois de suite au Gouvernement …
M. Serge Poignant, rapporteur - Avis défavorable à cet amendement, mais je remercie mes collègues d’avoir accepté le principe de la société de travail à temps partagé.
M. le Ministre - Je comprends les intentions de l’auteur de l’amendement, mais le dispositif proposé paraît fort complexe et peu opérationnel. Qu’entend-on ainsi par SEM sans but lucratif ? Les auteurs de l’amendement auraient dû se tourner vers d’autres solutions, qui poursuivent les mêmes objectifs, comme les groupements d’employeurs, les couveuses d’activités, ou les SCIC.
[…]
-----
M. le Ministre - Je remercie M. Christ et les membres du groupe d’étude pour leur imagination et l’intérêt qu’ils portent à ces entreprises aujourd’hui confrontées à la concurrence internationale. La disparition de ces sociétés liées à notre territoire, à nos racines, à l’histoire de nos régions, serait une véritable perte pour la mémoire de notre pays.
Je suis donc favorable à cet amendement, mais je m’engage à aller encore plus loin pour donner un véritable sens à ce label, renforcer la compétitivité de ces entreprises, et promouvoir leur savoir-faire. Je pense en particulier aux difficultés rencontrées par Daum, très enracinée dans le tissu économique lorrain, ou encore à Pleyel.
Merci encore à M. Charié qui a beaucoup contribué à cet amendement.
M. André Chassaigne - Cet amendement est en effet à même de répondre aux attentes de certaines entreprises. Un groupe d’étude sur la coutellerie et les arts de la table a été créé dans ma circonscription qui comprend la ville de Thiers, et il a été admis que la reconnaissance du patrimoine vivant pouvait être une réponse à la concurrence internationale.
Si nous voulons préserver les vieux métiers, nous devons mener des politiques appropriées. Des pistes ont été lancées chez nous, en particulier la création d’un conservatoire des marques, ou des produits anciens. Nous sommes favorables à cet excellent amendement.
M. le Président - M. Charié souhaite prendre la parole sur cet amendement purement législatif !
M. Jean-Paul Charié - C’est vrai qu’il a sans doute un aspect règlementaire, mais nous sommes d’autant plus fiers de le présenter que c’est vous qui présidez. En effet, outre que vous et votre famille êtes parmi les plus ardents défenseurs des valeurs de notre société et de notre culture, vous savez sans doute, en tant que Président de l’Assemblée, que derrière ces murs se cachent des panneaux recouverts d’émaux de Briare.
Certes, les mesures que nous proposons sont de nature règlementaire, mais nous ne faisons que suivre les suggestions de M. le Ministre. Vous avez salué tout à l’heure la belle unanimité du monde politique pour soutenir les jeux olympiques, hé bien, il en va de même lorsqu’il s’agit du patrimoine de la France.
M. le Président - Il n’est pas pour autant indispensable de passer par une loi. J’en veux pour preuve les AOC, qui recueillent l’assentiment de tous.
M. Léonce Deprez - Le sujet est intéressant, mais il faut faire preuve de cohérence.
En l’espèce, il serait pour le moins incohérent de créer ce label « d’entreprise du patrimoine vivant » au moment même où l’on vient de supprimer l’appellation de « commune touristique » qu’avaient reçue 2 500 communes de notre territoire. Nos communes du littoral et de montagne, nos villes thermales ou d’art et d’histoire participent largement de la défense de notre patrimoine vivant, dont la survie dépend aussi de leur dynamisme. Il faut défendre ces collectivités. C’est pourquoi je demande que l’on revienne, dans un texte législatif, sur la suppression de l’appellation de « commune touristique ».
-----
M. François Brottes - Les AOC, Monsieur le Président, n’ont certes pas été définies par la loi, mais le principe en a bien été fixé dans la loi.
Pour le reste, notamment après avoir lu l’excellent ouvrage consacré aux métiers d’art et aux savoir-faire rares, préfacé par le ministre, je sais combien il importe de les préserver. Ce qui me gêne dans cet amendement est que, parlant de savoir-faire « circonscrit à un territoire composé » -outre qu’on voit mal ce que peut être un territoire composé-, on risque d’exclure des métiers qui, pour être rares, n’en peuvent pas moins être exercés en divers points du territoire national. Par ailleurs, d’autres ministères que celui des PME peuvent être amenés à délivrer ce label, comme le ministère de la culture, de l’éducation nationale….
M. le Président - Soyez rassurés, le « territoire composé » n’est pas une nouvelle collectivité !
M. le Ministre - Une erreur matérielle s’est glissée dans la rédaction de cet amendement qui explique la remarque pertinente de M. Brottes. En lieu et place du texte actuel, il convient de lire : « Il est créé un label « entreprise du patrimoine vivant » pouvant être attribué à toute entreprise qui détient un patrimoine économique composé en particulier d’un savoir-faire rare, renommé ou ancestral, reposant sur la maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité et circonscrit à un territoire. » Je propose donc de sous-amender le texte en ce sens.
Pour ce qui est de vos inquiétudes, Monsieur Brottes, elle ne sont pas fondées. Prenons l’exemple de la porcelaine, industrie historiquement attachée à la région de Limoges. Il ne viendrait à l’idée de personne d’exclure du label d’entreprise du patrimoine vivant les porcelainiers prestigieux qui exercent dans la région voisine de Poitou-Charentes, au motif qu’ils travaillent hors du Limousin. Pour le reste, tous les ministères concernés par l’attribution de ce label seront associés à la préparation du décret prévu en Conseil d’Etat.
Le sous-amendement oral du Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l’amendement 547 ainsi sous-amendé.
[…]
M. Jacques Myard - En 1914, les Français, forts d’une épargne conséquente, achetaient les trains de Shangaï, les emprunts russes, et n’investissaient plus en France. Nous sommes aujourd’hui revenus à cette situation ! Grâce à l’ISF, aux droits de succession, à un impôt sur les sociétés supérieur à la moyenne européenne, la France est le principal investisseur en Roumanie, en Pologne, en Chine, aux Etats-Unis, mais pas en France où le capital est surtaxé !
Si vous voulez relancer l’emploi dans ce pays, il vous suffit d’encourager les investissements en baissant la fiscalité sur le capital. Le reste n’est que mauvaise littérature. Cet amendement va dans le bon sens ! Ayons le courage d’aller plus loin, et de dire, comme les socialistes allemands, que les investissements d’aujourd’hui sont les emplois de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
-----
M. André Chassaigne - J’ai vite compris pourquoi cet hémicycle s’était rempli si rapidement : c’est qu’il y a des intérêts à défendre !
J’ai bien entendu vos arguments, défendus avec des sanglots dans la voix, mais vous semblez ignorer tous les autres outils et vous concentrer sur l’ISF jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien.
Vous déplorez que les capitaux partent à l’étranger, mais qu’attendez-vous pour taxer la spéculation ? Voulez-vous vraiment nous faire croire que la transmission des entreprises serait le principal sujet de vos conversations avec les chefs d’entreprise ? Le véritable problème vient des donneurs d’ordres qui étranglent les PME et des banques qui leur refusent les crédits nécessaires à leur développement. Cela, vous ne faites rien pour y remédier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)
Vous tenez à préserver ce système qui ne profite qu’à quelques privilégiés, mais quand il s’agit d’augmenter les salaires les plus bas, ou d’améliorer la qualité de vie des travailleurs grâce aux 35 heures, vous hurlez ! Vous êtes ici pour défendre une classe sociale. La morale politique est descendue bien bas !
M. Jacques Le Guen - Je ne pense pas que la fiscalité soit seule responsable des délocalisations. Celles-ci résultent aussi du coût du travail, du coût de la qualification des salariés, de celui de la fabrication de produits de qualité, de notre retard dans la recherche et de le développement.
Monsieur Myard, notre impôt sur les sociétés n’est pas le plus élevé d’Europe, puisqu’il représente 2,6 % du PIB, contre 3,5 % en moyenne européenne, certains pays comme le Luxembourg allant jusqu’à 8,5 %.
Enfin, derrière cette question de l’ISF se pose le problème patrimonial qu’il faudra bien régler un jour.
La séance, suspendue à 17 heures 55, est reprise à18 heures 25.
[…]