Monsieur le Président, Madame la Ministre, Chers Collègues,
Quatorze ans après le vote, à l’unanimité, de la dernière loi sur l’eau, quatre ans après la première délibération de notre Assemblée sur le premier projet de réforme de la politique de l’eau, nous aurions pu nous féliciter qu’enfin, l’ouvrage soit remis sur le métier.
Tout le monde en convient, en effet : une refonte de notre politique de l’eau est profondément nécessaire. La France doit déjà transposer une directive communautaire prescrivant d’atteindre un bon état écologique des eaux d’ici à 2015. Mais, au-delà de ces contraintes juridiques, il est indéniable que nos instruments de gestion des eaux ne sont, globalement, pas appropriés aux problèmes que nous rencontrons.
La politique conduite, malgré ses nombreux atouts, n’a pu empêcher la forte dégradation de l’état de nos rivières et des nappes phréatiques. Dans combien de cours d’eau la vie animale et végétale confine simplement à la survie ? Combien d’ouvrages ont rompu la continuité écologique de nos rivières et privé les poissons de l’accès à leurs zones de frayères ? Combien de cours d’eau sont aujourd’hui morts du fait de pollutions industrielles, urbaines et agricoles ?
Cette politique, de la même façon, se montre incapable de maîtriser les conséquences de catastrophes naturelles. Nous savons bien que les dérèglements du climat rendront les épisodes de sécheresse et d’inondations de plus en plus fréquents. Nous savons bien qu’en conséquence, les tensions et les conflits d’usage de la ressource en eau deviendront toujours plus vifs. Le problème est déjà là. Et nous ne le réglerons pas en organisant, avec la venue de l’été, le lynchage médiatique des producteurs de maïs… voire même des propriétaires de terrains de golfs.
Cette politique, enfin, est incapable d’offrir un service public de distribution des eaux et d’assainissement transparent et abordable pour les usagers. Dans les agglomérations, de grandes compagnies internationales ont souvent dépossédé les élus et les citoyens de leur maîtrise, notamment du fait la complexité et de la grande technicité des missions de distribution et d’assainissement. Dans les campagnes, la prolifération de normes européennes stupides renchérit de façon considérable, le coût de la distribution et de l’assainissement des eaux. Elle condamne même des petits réseaux de distribution qui n’ont jamais posé de problèmes depuis des générations.
Face à tous ces problèmes, quelles sont les réponses que nous offre le projet que l’Assemblée nationale vient d’examiner, un an après le Sénat ? Mes chers collègues, tel le sourcier avec sa baguette, je les cherche encore !
Ce projet ne permettra pas de reconquérir, à court et à moyen terme, la qualité écologique de nos cours d’eau. Ainsi, les contraintes indispensables pour assurer une plus grande compatibilité entre l’industrie hydroélectrique et l’objectif de restaurer la vie dans nos rivières sont réduites à la portion congrue : elles n’auront malheureusement guère de conséquences concrètes sur le terrain, si bien que l’on peut dire que certains cours d’eau seront sacrifiés.
Sur la question de la réduction des pollutions d’origine agricole, si l’on excepte certaines dispositions souvent d’importance mineure, nous avons vécu un véritable bal des Tartuffes. Nous avons certes entendu, en l’absence malheureusement du ministre de l’agriculture, de superbes envolées lyriques sur la nécessité de protéger l’agriculture de notre pays. Il est simplement dommage que ces belles paroles puissent provenir de bancs qui ont accéléré la crise que vit actuellement notre agriculture, par leur soutien inconditionnel à la réforme de la PAC et par leur acceptation de la loi d’orientation agricole. Les épitaphes étaient belles, mais il ne fallait pas clouer le cercueil ! Résultat, nous n’avons pas été capables d’imaginer en première lecture une politique permettant de réduire les pollutions tout en accompagnant les agriculteurs vers des pratiques culturales plus protectrices de l’environnement. Et c’est bien dommage !
De la même façon, nous n’avons constaté aucune avancée tangible sur les questions de la gestion quantitative des eaux et des modes de distribution. Nous n’en avons pas été surpris, puisque les problèmes de fond n’ont pas été posés : l’eau est pourtant une ressource rare et vitale, mes chers collègues. A ce titre, elle doit être gérée collectivement, en fonction non pas de critères financiers, mais en fonction du seul intérêt collectif.
C’est pourquoi nous avons proposé d’associer les compétences techniques et juridiques de l’Etat, avec celles des collectivités territoriales et des agences de l’eau, afin d’aller vers une véritable maîtrise publique de la ressource en eau, afin de nous donner la capacité de nous réapproprier ce bien collectif, afin donc de répartir ses usages au mieux.
Nous n’avons pas été entendu.
Bien au contraire, l’adoption, parmi d’autres, d’un amendement du rapporteur, présenté comme de précision, a même remis en cause l’exercice de la compétence assainissement exercée par les départements de la région parisienne.
En fait, vous préférez regarder l’eau comme un bien marchand, comme une ressource que l’on exploite, comme une source de profit. Ce n’est pas la conception politique des députés communistes et républicains. C’est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi.