Première séance du lundi 30 mai 2011
Engagement des sapeurs-pompiers volontaires
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Pierre Morel-A-L’Hussier et plusieurs de ses collègues relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique (nos 2977, 3331).
La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, mes chers collègues, la France nous regarde. Dans chaque coin de notre territoire, des hommes et des femmes, des conjoints attendent que la représentation nationale, conjointement avec le Gouvernement, aborde la problématique du volontariat chez les sapeurs-pompiers.
Près de 200 000 personnes sont en quête de ce cadre juridique, car c’est de cela qu’il s’agit et non d’un statut, qui leur permettra de continuer à remplir leur passion, ce que le Président de la République a eu l’occasion de qualifier de « miracle social ».
Dans un pays en pleine mutation où l’individualisme se développe, force est de noter que des jeunes, des adolescents, des adultes, hommes et femmes, prennent de leur temps pour les autres à travers un engagement citoyen qui fait honneur à notre pays.
Je voudrais, monsieur le ministre, que vous mesuriez l’émotion de celles et ceux qui sont présents aujourd’hui, et celle de toutes ces personnes, de l’ouvrier au cadre, de l’étudiant au professionnel, qui attendent avec impatience que nous réglions le cadre juridique du volontariat.
Émotion de constater qu’au terme de vingt-quatre mois, les députés, les élus locaux, l’Association des départements de France et en particulier son président Claudy Lebreton, l’Association des maires de France avec Jacques Pélissard, la Direction de la sécurité civile, la Fédération nationale des pompiers notamment en la personne du colonel Richard Vignon, la conférence nationale des SDIS, l’ensemble des SDIS, les sous- officiers, les officiers se sont tous unis dans une même volonté, dans un même élan pour traduire, non seulement dans le droit positif français mais également à l’adresse du droit communautaire, un dispositif qui permettra aux 200 000 volontaires de poursuivre leur mission au côté des sapeurs-pompiers professionnels et en complémentarité avec eux, et de préserver ainsi notre modèle de sécurité civile.
Émotion en pensant à l’engagement de ces personnes qui se sont mobilisées à mes côtés pour porter ce texte fondateur. Je pense notamment à Luc Ferry et à l’amiral Béreau, qui ont su mener les excellents travaux de la commission « Ambition volontariat ».
Émotion personnelle d’avoir élaboré avec l’ensemble des parties prenantes un texte fondateur et d’avoir le sentiment de faire œuvre utile pour les autres, pour nos voisins et pour notre pays.
Notre assemblée est saisie, selon la procédure accélérée, de la proposition de loi relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique, que j’ai eu l’honneur de déposer le 18 novembre dernier.
Je souligne tout d’abord que ce texte a été adopté à l’unanimité de la commission des lois, le 13 avril dernier, ce qui montre l’attachement de la représentation nationale aux sapeurs-pompiers volontaires. Je voudrais remercier mes collègues Philippe Gosselin, député de la Manche ; Éric Diard, député des Bouches-du-Rhône ; François Vannson, député des Vosges ; Éric Straumann, député du Haut-Rhin ; Patrice Verchère, député du Rhône ; Maryse Joissains-Masini, députée des Bouches-du-Rhône ; Jérôme Lambert, député de Charente ; Bernard Derosier, député du Nord ; Abdoulatifou Aly, député de Mayotte, ainsi que, pour leur implication personnelle, Charles de La Verpillière, Claude Greff, Michel Hunault, Émile Blessig et Bernard Lesterlin, très attaché au service civique.
La sécurité civile est une compétence partagée entre l’État et les collectivités territoriales, qu’il s’agisse de la gestion des grandes catastrophes ou des missions de toute nature que remplissent traditionnellement et quotidiennement les services d’incendie et de secours.
Les SDIS assurent 3,65 millions d’interventions annuelles sur un total de 4,25 millions, en complémentarité des corps communaux et intercommunaux de sapeurs-pompiers ainsi que des sapeurs-pompiers de Paris et des marins-pompiers de Marseille, à statut militaire.
Outre ces 12 100 sapeurs-pompiers militaires, notre pays compte 40 100 sapeurs-pompiers professionnels et 196 800 sapeurs-pompiers volontaires, dont 11 427 personnels servant au sein du service de santé et de secours médical, et parmi eux 10 890 volontaires. Ces chiffres illustrent le rôle incontournable des sapeurs-pompiers volontaires dans notre pays. Ils assurent 50 % des interventions en milieu urbain et 80 % des interventions en zone rurale – vous connaissez mon attachement au milieu rural.
Cependant, le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires est de plus en plus délicat et leur durée d’engagement tend à se réduire.
Si la France comptait 207 583 sapeurs-pompiers volontaires en 2004, elle n’en compte plus que 196 800 en 2009. Plus d’un tiers des sapeurs-pompiers volontaires compte moins de cinq ans d’ancienneté d’engagement. Il y a quelques années encore, un volontaire s’engageait en moyenne pendant vingt ans ; aujourd’hui, cette durée moyenne a été divisée par deux et se situe aux environs de dix ans, comme l’a constaté l’amiral Béreau dans le cadre de la commission « Ambition volontariat ».
Face à cette situation, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités locales a mis en place, le 2 avril 2009, une commission dite « Ambition volontariat », dont j’étais membre, chargée de travailler de manière prospective sur tous les aspects du volontariat chez les sapeurs-pompiers.
Présidée par Luc Ferry, cette commission a rendu son rapport le 15 septembre 2009. Il me semble utile de m’attarder sur quelques éléments qui ont guidé la présente proposition de loi et qui devront amener le Gouvernement à quelques mesures complémentaires : les pompiers effectuent 10 000 interventions par jour ; la moyenne d’âge des SPV est de trente-trois ans ; 11 % sont des femmes avec une moyenne d’âge de trente et un ans ; 80 % sont des non-officiers
Le volontariat a toujours reposé, selon les constatations de la commission, sur un engagement soutenu par une adhésion forte aux grandes valeurs citoyennes : don de soi, altruisme, dévouement pour la communauté, disponibilité, acceptation des risques.
La commission a tenu à réaffirmer clairement la pleine complémentarité des volontaires et des professionnels et à repousser toute autre approche, notamment celle qui ferait des volontaires des supplétifs des professionnels.
Les engagements sont moins durables, les sociologues parlent d’engagement à éclipse ou d’engagement « post-it ». Si le poids de la famille joue assez peu au moment de l’engagement, il devient, au fil des ans et de l’engagement, une véritable contrainte qui pèse lourd au moment du renouvellement de l’engagement.
Le passage de l’alerte par sirène à l’utilisation généralisée du système d’appel par bip individuel a conduit à une perte de visibilité de l’action des pompiers au sein de la population.
La commission a également noté l’importance de l’interpénétration entre le corporatif et l’associatif : la vie associative, les moments vécus en commun sont à encourager de même qu’une culture du volontariat qui doit imprégner l’action du commandement à tous les niveaux. L’étude « Mana-Larès » commanditée par la commission montre en outre que beaucoup de volontaires hésitent à faire connaître leur activité à leur employeur. Or le volume d’intervention des SPV pendant leurs heures de travail est assez faible : quatre-vingts heures au maximum par an. La gêne réside dans les perturbations engendrées par le départ impromptu. La commission note que tout dispositif incitatif est important tant pour l’employeur vis-à-vis du salarié que pour l’employeur lui-même qui souhaite exercer en SPV. La loi sur le mécénat est, pour l’essentiel, considérée comme trop complexe, peu connue et peu incitative. Elle ne s’applique d’ailleurs pas aux chefs d’entreprise eux-mêmes alors que 5 % des SPV sont à la tête d’une petite entreprise. Il apparaît encore que la formation est certainement le secteur qui focalise le plus de critiques de la part des SPV. Enfin, il importe que les autorités fassent preuve de reconnaissance, celle-ci passant avant tout par la prise en compte des problèmes familiaux.
Fort de ces éléments, j’ai déposé une première proposition de loi le 21 décembre 2009 pour mettre en œuvre les propositions de la commission. Parallèlement, le travail d’approfondissement de la réflexion sur ce sujet s’est poursuivi, aboutissant au dépôt de la présente proposition de loi. Je voudrais saluer l’implication personnelle de M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile et aujourd’hui préfet du Haut-Rhin, qui, outre le fait que je le connais bien puisqu’il a exercé en Lozère, a toujours cherché à apporter une contribution positive dans ce travail.
Ce texte a fait l’objet d’un examen par le Conseil d’État, en application du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution. Je voudrais ici remercier Jean-Louis Warsmann, président de la commission des lois, pour ses conseils avisés et son soutien.
La proposition de loi a été renvoyée, par le vice-président du Conseil d’État, à la section de l’administration et à la section sociale. En outre, un rapporteur de la section de l’intérieur a examiné l’article 4, qui traite de la responsabilité pénale des sapeurs-pompiers volontaires.
Après trois réunions de travail avec les rapporteurs, la proposition de loi a fait l’objet d’un examen, le 29 mars 2011, par les deux sections réunies. L’assemblée générale du Conseil d’État, qui s’est réunie le 7 avril, a émis un avis favorable à la proposition de loi, au bénéfice d’observations et de suggestions de rédaction. Permettez- moi de saluer le vice-président du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé, ainsi que les conseillers d’État Olivier Dutheillet de Lamothe, Michel Pinault, Yves Robineau, Jacques Biancarelli, ainsi que Bernard Stirn.
J’ai fait figurer, dans le rapport de la commission, ces suggestions ou observations dès lors qu’elles portent sur des articles maintenus dans le champ de la proposition de loi. En effet, au regard des dispositions de l’article 40 de la Constitution, treize articles ont été déclarés irrecevables par le président de la commission des finances, saisi en application de l’article 89, alinéa 4, du règlement. Un autre article a fait l’objet, quant à lui, d’un amendement de suppression de ma part en tant qu’auteur de la proposition.
Je reviendrai, au cours du débat, sur trois articles très importants : les articles 1er, 3 bis et 4. Je souhaite donner, d’ores et déjà, quelques éclairages sur les principales dispositions adoptées par la commission.
L’article 1er tend à définir dans la loi l’activité du sapeur-pompier volontaire en précisant les principes et les valeurs qui fondent l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires.
La rédaction que la commission a retenue précise que l’activité du sapeur-pompier volontaire n’est pas une activité professionnelle et doit être, en conséquence, exclue du champ de la directive européenne 2003/88/CE, dite « directive sur le temps de travail », qui contient des dispositions sur l’obligation de repos quotidien.
L’article 3 bis, que la commission a introduit sur mon initiative, insère dans la loi du 3 mai 1996 six articles définissant la nature de l’engagement du sapeur-pompier volontaire.
L’article 4 précise les critères d’appréciation par le juge pénal de la responsabilité des personnes concourant aux missions de sécurité civile. Le texte adopté par la commission reprend une suggestion de rédaction du Conseil d’État et permettra, notamment, de tenir compte de l’urgence et des informations disponibles lors d’une intervention dans l’appréciation que porteront les juridictions. D’autres articles ont fait l’objet d’un examen attentif de la commission.
À l’article 10 bis, sur proposition du rapporteur et de François Vannson, la commission a levé deux obstacles à l’emploi par les SDIS de pharmaciens comme « pharmaciens de sapeurs-pompiers volontaires ».
De même, le texte comprend un volet destiné à renforcer la loi du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires. Plusieurs recommandations de la commission « Ambition volontariat » sur ce point, déclarées financièrement irrecevables, vous sont soumises après leur réintroduction par le Gouvernement par voie d’amendement. D’autres ne figurent plus dans ce texte, car elles relèvent du règlement ou de la circulaire – je pense en particulier à l’indemnisation du pretium doloris des sapeurs-pompiers. Je souhaite, monsieur le ministre, que ces mesures fassent l’objet d’une parution rapide sous forme de décret.
Enfin, la proposition de loi comporte un volet destiné à favoriser le développement du volontariat en allégeant les contraintes pesant sur les employeurs dont les salariés sont, par ailleurs, sapeurs-pompiers volontaires.
C’est ainsi qu’aux articles 20 et 21, j’ai souhaité un dispositif d’exonération de charges pour les employeurs des zones rurales qui facilitent l’action de leurs salariés qui sont, en outre, sapeurs-pompiers volontaires. Le Gouvernement semble préférer, pour les employeurs privés, le recours au dispositif « mécénat » qui permet aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés d’avoir un crédit d’impôt qui peut être plus intéressant que le dispositif que je proposais.
S’agissant des employeurs publics, je constate que le Gouvernement propose, à l’article 22 bis,que la « quote-part » au financement des SDIS des communes et EPCI ruraux puisse être modulée en fonction des efforts accomplis par eux ou de leur situation. Cela se fera dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.
De même, toujours à l’article 22 bis, la commission a prévu la possibilité de diminuer la participation financière au service départemental d’incendie et de secours des communes favorisant l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires, et ce même si elles ne sont pas situées en zone rurale.
Au total, la présente proposition de loi, qui pourra utilement être complétée par des amendements du Gouvernement, permettra de mieux définir l’activité des sapeurs-pompiers volontaires pour assurer le développement du volontariat au bénéfice de l’ensemble de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
(…)
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Une organisation adaptée et efficace en matière de sécurité civile est de première importance pour notre nation. Afin de prévenir les risques de toute nature, informer, alerter les populations et protéger les personnes, les biens et l’environnement, l’État doit se doter d’un budget audacieux, à la hauteur des ambitions affichées. Pourtant, dans ce domaine, comme dans tant d’autres, l’État ne prend pas ses responsabilités et ne consacre qu’une part minime de son budget à cette mission régalienne. Comme j’avais eu l’occasion de le souligner lors de la discussion du budget 2011, la mission « Sécurité civile » ne représente que 0,15 % du total des dépenses du budget de l’État. Ce budget est trop limité pour garantir un dispositif de secours équitable dans tous les territoires – ruraux, urbains ou entre départements.
L’égalité de nos concitoyens devant le droit à la sécurité civile, où qu’ils habitent en France, ainsi que la préservation du maillage territorial qui en découle, sont pourtant des impératifs qui s’imposent aux responsables politiques.
Si les maires, les présidents d’EPCI et les présidents de conseils généraux sont les mieux placés pour définir la couverture des risques locaux, l’État ne pouvant assumer l’intégralité de cette mission sur l’ensemble du territoire, il n’en reste pas moins qu’il n’est pas acceptable que l’État se décharge de ses responsabilités, notamment en matière de cohérence et de coordination des dispositifs, de mise en œuvre de la solidarité nationale. La sécurité civile illustre parfaitement le désengagement de l’État qui transfère des compétences vers des collectivités pourtant déjà en phase d’asphyxie avancée, sans bien évidemment leur donner les moyens financiers de les assurer, voire de les assumer. La majorité des acteurs du secours à la personne, sapeurs-pompiers en tête, mais également les élus, sont aujourd’hui unanimes : l’organisation de la sécurité civile subit une dégradation constante. Les dysfonctionnements constatés ont bien évidemment des conséquences pour les victimes.
Les causes sont multiples. La première d’entre elles est la vaste entreprise de « régression générale des politiques publiques » avec une dégradation des conditions de travail des sapeurs-pompiers. Dans ce cadre, la situation des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ne peut que se précariser avec l’apparition de multiples problèmes. J’en citerai quelques-uns : le double statut du sapeur-pompier professionnel qui intervient à la fois en qualité de professionnel dans une commune et de volontaire dans une autre, le recours abusif aux pompiers volontaires qui sont substitués aux pompiers professionnels, notamment pour les gardes « postées ». Les pompiers professionnels ont souvent le sentiment d’être considérés comme des variables d’ajustement. Ils travaillent de plus en plus au jour le jour sans pouvoir se projeter dans l’avenir. Les conditions de travail des pompiers volontaires sont aussi difficiles : les vacations horaires sont payées entre huit et treize euros avec une couverture sociale lacunaire. Comment s’étonner dans ces conditions de la baisse du nombre des volontaires ?
Il est en effet de plus en plus difficile de recruter des sapeurs-pompiers volontaires dont la durée de l’engagement tend de surcroît à se réduire – en moyenne moins de dix ans, selon le rapporteur, qui précise par ailleurs dans son rapport que si la France comptait 207 583 sapeurs-pompiers volontaires en 2004, elle n’en compte plus que 196 800 en 2009. Face à cette diminution constante, j’ai pu à plusieurs reprises, notamment à l’occasion de l’examen du budget, exprimer mes préoccupations à ce sujet. Le malaise des sapeurs-pompiers est aujourd’hui largement palpable qu’ils soient volontaires ou professionnels. Ce malaise est dû à la dégradation des conditions d’exercice, à de graves problèmes dans l’organisation du travail, à la trop faible reconnaissance de la pénibilité de leur tâche et de leur souffrance au travail. La tendance actuelle de doter les pompiers de matériels de plus en plus sophistiqués tout en bloquant le nombre de sapeurs-pompiers professionnels et en réduisant le nombre d’intervenants sur un sinistre participe de ce malaise. Alors que notre système de sécurité civile repose au quotidien sur l’engagement de ces femmes et de ces hommes, il convient en effet d’apporter des solutions aux problèmes qui se posent.
Je pense plus particulièrement à toutes celles et à tous ceux qui s’engagent bénévolement comme sapeurs-pompiers ou au sein des associations agréées de sécurité civile, à ceux qui, en marge de leur vie familiale et professionnelle, offrent leur temps et leur énergie, parfois au péril de leur vie, à nos concitoyens qui se trouvent confrontés à des situations d’urgence ou de détresse.
La place occupée dans la sauvegarde et la protection des populations par les sapeurs-pompiers volontaires est considérable. Ils représentent 79 % des sapeurs-pompiers, 96 % des personnels des services de santé et de secours médical, 68 % du temps passé en intervention, 80 % dans les zones rurales. Certains arrondissements ruraux ne comptent aucun professionnel.
Les sapeurs-pompiers volontaires, sans oublier tous les autres acteurs impliqués, constituent donc la première force mobilisable en tout point de notre territoire pour répondre aux obligations d’assistance et de solidarité qu’imposent le contrat social et les valeurs républicaines que nous partageons. Aussi ne doit-on pas les considérer comme des pompiers de seconde zone.
Fort heureusement, un équilibre s’est créé entre professionnels et volontaires. Les volontaires sont respectueux des professionnels dont l’encadrement technique est reconnu comme indispensable. Quant aux professionnels, ils mesurent la portée du volontariat. Ce respect mutuel est déterminant pour une bonne complémentarité. Je le constate dans mon département du Puy-de-Dôme et je m’en réjouis. Il est cependant fragile. Cette proposition de loi entend à la fois apporter des solutions à l’hémorragie du volontariat et valoriser les sapeurs-pompiers volontaires en leur conférant un véritable statut juridique. De ce point de vue, je ne peux qu’approuver l’esprit dans lequel elle entend s’inscrire.
Elle se présente ainsi comme une véritable loi cadre du sapeur-pompier volontaire. Il s’agit fort justement d’écrire dans la loi la reconnaissance de l’engagement citoyen en qualité de sapeur-pompier volontaire en lui donnant un cadre juridique. La proposition prévoit également différentes mesures pour relancer le volontariat.
D’abord, donner une définition commune à tous les départements de l’activité et de l’engagement du sapeur-pompier volontaire me semble opportun et permettra d’homogénéiser la fonction sur tout le territoire. Cependant, la qualification de pompier volontaire, qui soustrait l’intéressé aux dispositions du droit du travail relatives au temps de travail, pose question en termes de risques pour la santé et la sécurité.
Par ailleurs, je souscris aux dispositions de la proposition qui sont de nature à encourager les vocations. Je suis ainsi favorable au renforcement de la protection pénale des acteurs de la sécurité civile et à la volonté de valoriser les expériences acquises par les pompiers volontaires. Sur ce point, je suis en revanche tout à fait opposé à une formation « au rabais » pour les pompiers volontaires…
M. Charles de Courson. Elle n’est pas au rabais !
M. Jean-Paul Bacquet. C’est ne pas connaître le problème que de dire cela !
M. André Chassaigne.… dont les missions sont les mêmes que celles des pompiers professionnels. Nous en sommes tous d’accord, je pense. Les pompiers volontaires ont d’ailleurs à cœur de suivre des formations complètes, notamment pour leur propre sécurité. La validation de ces acquis peut aussi bien être valorisante sur le plan professionnel dans le secteur privé que pour accéder aux concours de la fonction publique.
Si je souscris également à la volonté de poursuivre l’amélioration de la protection sociale des pompiers volontaires, qui est pour l’heure largement insuffisante, je suis opposé à ce que ce soit les SDIS qui la prennent en charge. Certes, pour relancer le volontariat, il me semble indispensable de prévoir des mesures incitatrices de protection sociale. Mais l’État doit prendre ses responsabilités et cesser de transférer toujours davantage de charges aux communes et départements qui agissent pour son compte.
De manière générale, c’est l’ensemble du schéma de la sécurité civile qui devrait être revu en prenant davantage en compte les différents secteurs ruraux et urbains dans chaque département.
Il est également indispensable d’améliorer le budget des SDIS en trouvant d’autres sources de financement. J’en citerai trois.
D’abord, qu’on mette à contribution les sociétés d’assurances qui réalisent leurs profits pour partie grâce à l’efficacité des services d’incendie qui limitent l’extension des sinistres et réduisent les hospitalisations. D’autres pays de l’Union européenne l’ont fait : la République tchèque, l’Allemagne et le Portugal. Pour ce dernier, la contribution représente 25 % environ du financement de la protection civile et de secours.
M. Charles de Courson. C’est le cas en Suisse également.
M. André Chassaigne. Qu’on fasse ensuite participer les entreprises à risques, car les SDIS sont obligés de s’équiper de matériels spécifiques pour couvrir leurs activités. Mesure-t-on bien l’intérêt économique d’une intervention rapide et efficace des sapeurs-pompiers pour sauvegarder le potentiel de production ?
Qu’on mette enfin à contribution les sociétés autoroutières. Si le législateur a déjà prévu le principe qu’une partie du droit de péage doit financer l’action des SDIS, les montants versés restent ridiculement limités par rapport aux chiffres d’affaires et aux profits réalisés par ces sociétés. Le prélèvement doit être obligatoire et son taux être réévalué afin de participer pleinement à la sécurité de nos concitoyens.
Malgré ses insuffisances, cette proposition de loi comporte de réelles avancées, j’en conviens.
Pourtant, je ne crois pas qu’elle permettra d’apporter de véritables solutions au problème de la crise du volontariat, ni aux problèmes des sapeurs-pompiers dans leur ensemble, qu’ils soient professionnels ou volontaires. Une refonte globale de la sécurité civile s’impose.
C’est la raison pour laquelle le groupe GDR s’abstiendra sur ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Isabelle Vasseur. C’est bien dommage !
(…)
Explications de vote
(…)
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. André Chassaigne. Je confirme l’abstention du groupe GDR. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous n’avons pas noté d’avancée très importante. Reste que les sénateurs pourront améliorer le texte et nous verrons, en deuxième lecture, si notre avis est susceptible d’évoluer.
Aussi, sans pour autant être adeptes d’un principe dépassé depuis longtemps, le centralisme démocratique (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe UMP), les députés du groupe GDR ont-ils pris, j’y insiste, la position suivante : leur vote négatif d’aujourd’hui pourra changer demain en fonction des éventuelles avancées au Sénat. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre… (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)