19-10-2004

Rapport d’information sur la réforme des contrats de plan Etat-Régions

La Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire est composée de : M. Emile Blessig, président ; MM. Jean Launay, Serge Poignant, Max Roustan, vice-présidents ; MM. André Chassaigne, Philippe Folliot, secrétaires ; MM. Joël Beaugendre, Jean Diébold, Jean-Pierre Dufau, Louis Giscard d’Estaing, Jacques Le Nay, Alain Marleix, Mme Henriette Martinez, MM. Patrick Lemasle, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

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M. Emile Blessig, président : Merci, M. le délégué, de cette présentation. J’ouvre la discussion.

M. Philippe Folliot : Comment voyez-vous l’articulation de ces nouveaux contrats de plan avec l’exercice de la planification ?

M. Michel Raison : Comment apporter la meilleure objectivité possible dans la péréquation comme dans la modulation éventuelle des taux ? Pour l’instant, nous nous apercevons que la puissance de l’homme politique dans chaque région compte parfois autant que des critères objectifs. Avez-vous une idée sur la façon de dessiner cette objectivité ?

La réussite du projet qui consiste à le rendre plus bref, ce qui faciliterait leur respect par l’Etat, représenterait un engagement considérable.

M. Jacques Le Nay : Les premiers contrats de plan passés furent signés sur cinq ans pour être ensuite allongés. Les comparaisons de chiffres appellent donc des ajustements. Je ne sais si vous en avez tenu compte.

Nous nous sommes bien rendu compte que la politique des fonds européens prenait une part importante dans l’élaboration de nos contrats de plan aux multiples partenaires. Avons-nous une bonne idée de la manière dont se traduira, après 2006, la nouvelle politique des fonds européens ?

M. André Chassaigne  : Pour avoir suivi la discussion de la loi votée en première lecture hier à l’Assemblée, la péréquation sera de facto prise en compte de manière très forte dans toute intervention à venir. La loi encadrera l’ensemble de la réglementation entre l’Etat et les collectivités locales par le biais des ressources propres et des ressources totales. Cela signifie forcément que sera prise en compte dans ces relations financières la totalité des dotations et donc ce qui peut être inscrit au titre des contrats de plan. D’autant que dans la Constitution - il est curieux que ce soit moi qui le rappelle - la péréquation est inscrite en tant que telle. Toute relation devra prendre en compte la péréquation, ce qui entraînera des conséquences importantes sur la mise en Suvre des CPER.

Existe-t-il actuellement pour la réactivité des contrats de plan Etat-régions une relation avec la mise en Suvre des contrats de site et contrats de territoire retenus sur certains bassins d’emploi de notre pays ou bien ces contrats de territoire sont-ils déconnectés des contrats de plan ? Dans la mesure où ils sont construits sur un cofinancement des collectivités territoriales, certaines lignes de ces contrats de territoire s’inscrivent en quelque sorte sur des lignes votées antérieurement dans les CPER.

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M. Nicolas Jacquet : J’évoque la nécessité d’un cadre d’orientations stratégiques qui pourrait être calé sur 10 ans, alors que les actions figureraient sur des durées beaucoup plus courtes. On pourrait même imaginer sur un plan technique que la durée des contrats dépende des actions elles-mêmes. Ainsi, pour réaliser un chantier ferroviaire, l’on pourrait très bien imaginer que le contrat d’exécution du contrat ferroviaire soit de huit ans s’il faut huit ans pour ce projet-là ; en revanche, la conduite d’un projet de recherche pourrait donner lieu à un contrat d’exécution de trois ans. Il faut sans doute trouver un peu de souplesse dans nos dispositifs, même s’il est fondamental qu’il existe un volet stratégique.

Une des questions fortes évoquées par M. Chassaigne et M. Raison est la péréquation. Il faut conserver à l’esprit le système dans lequel nous sommes aujourd’hui. Les contrats de plan Etat-régions représentent par an au niveau de l’Etat 2,5 milliards d’euros. Parallèlement, les dotations globales de l’Etat s’élèvent à 56 milliards d’euros.

Si les contrats de plan Etat-régions ont une vocation péréquatrice, en toute hypothèse, les masses budgétaires sur lesquelles nous sommes ne sont pas de 5 % des masses globales. La péréquation, c’est aussi le fait de donner à la DGF une autre logique.

M. Emile Blessig, président : Je perçois des mouvements divers.

M. André Chassaigne  : Dans la masse des dotations globales de l’Etat, la part qui fait l’objet d’une péréquation est beaucoup plus limitée que cela. La masse la plus importante transférée est la dotation forfaitaire. La péréquation ne doit pas représenter plus de 15 %. Il reste en fait au total, hors part forfaitaire, 15 %, à répartir entre DSR et DSU et la dotation intercommunalité. Cela signifie que si nous prenons globalement en compte la péréquation, les chiffres du contrat de plan compteront plus qu’on ne le pense.

M. Nicolas Jacquet : Je voulais indiquer que faire de la péréquation à travers des outils de dotation globale est par essence beaucoup plus simple que de le faire sur des politiques ponctuelles. La masse des crédits à dotation globale est considérable par rapport à celle consacrée aux contrats de plan Etat-régions. Je suis bien d’accord sur le fait qu’aujourd’hui nos dotations globales sont très peu péréquatrices. La possibilité de les réformer, notamment la DGF, pour en faire un vrai outil de péréquation, s’avère compliquée. Un bel outil de péréquation existe : c’est le fond de solidarité de l’Île-de-France. Cent cinquante millions d’euros sont prélevés sur les 100 communes les plus riches d’Île-de-France et reversés aux 200 communes les plus pauvres. C’est là un véritable outil de péréquation. L’on prend aux uns et l’on donne aux autres au niveau d’une région.

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M. Nicolas Jacquet : Je me suis aperçu que je n’avais pas répondu complètement à M. Chassaigne sur les contrats de sites et les contrats de territoire. Votre question, Mme la députée, me permet de faire le lien, car vous évoquez, sous une autre forme, le même problème.

La grande interrogation que nous avons est la suivante : les futurs contrats doivent-ils être les seuls modes de contractualisation entre l’Etat et les collectivités territoriales ? C’est le vrai sujet. L’Etat signe avec les communes des contrats de sécurité locale ; l’Etat signe dans le domaine culturel des conventions partenariales ; l’Etat signe dans le domaine du tourisme un certain nombre de contrats. Faut-il rassembler l’ensemble dans un document unique, le contrat Etat-collectivités territoriales, ou laisse-t-on la possibilité de multiplier des conventions ponctuelles ? Nous voyons bien l’avantage et l’inconvénient des deux formules.

Si chaque ministère peut suivre sa propre politique contractuelle, vous imaginez le désordre qui risquerait de se produire sur le territoire et surtout l’absence de politique globale, l’absence de cohérence territoriale. Si chaque ministère avait envie de conduire une politique territoriale, signait des conventions avec une région, mais pas avec une autre, avec un département, mais pas avec la région ; avec une agglomération, mais pas avec la région, nous risquerions de nous retrouver avec un tableau un peu compliqué.

Le grand avantage d’une contractualisation portant sur les politiques structurantes est de rassembler les éléments essentiels qui feront levier sur un territoire. L’avantage pour les différents ministères de conduire des politiques contractuelles est de laisser un peu de souplesse aux systèmes. La voie sur laquelle nous nous étions engagés consistait à nous orienter vers l’essentiel. Elle offre peut-être le moyen de trouver des solutions. Mais je pense que nous ne pourrons empêcher le ministère de l’Intérieur de contractualiser des sujets de sécurité, ni l’Éducation nationale sur la ZEP d’un quartier difficile. Il faut peut-être trouver un bon équilibre en distinguant l’investissement du fonctionnement. Ainsi, l’investissement, et notamment l’investissement structurant, doit-il rester dans le cadre global. Si nous sommes sur des actions très ponctuelles, il peut y avoir place pour des contrats ou des actions spécifiques. Mais qu’introduisons-nous dans le paquet structurant ? Faut-il y inclure les contrats de site ? Honnêtement, je ne le pense pas. Il ne faut en signer qu’en cas d’urgence. Si nous sommes sur un cadre pluriannuel et s’il faut attendre une révision du contrat de plan pour intégrer un contrat de site, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

Nous parlions de fragilité à propos des contrats de territoires - agglomérations, pays et autres - c’est simplement parce que ces politiques ne sont pas parvenues aujourd’hui à leur plein essor. Tous les contrats de pays ne sont pas encore signés. La fragilité que nous évoquions était celle-là. Ce n’est pas la contractualisation, mais la démarche qui est fragile. Les pays ont encore du mal à se mettre en Suvre. Certains ont démarré, d’autres n’en sont pas encore au stade du contrat. D’ailleurs, les crédits territoriaux du contrat de plan consacrés à la politique des pays ne sont pratiquement pas consommés tant la montée en puissance est lente.

La seconde question a trait à la nouvelle contractualisation : l’Etat doit-il contractualiser avec les pays ? La réponse n’est pas évidente tant les nouvelles lois de décentralisation donneront pleinement compétence aux autres collectivités pour intervenir.

Nous sommes un certain nombre ici à partager l’idée de la nécessité d’une réflexion stratégique à plusieurs niveaux. Jusqu’à présent, le contrat de plan fonctionnait avec une large partie d’effet d’aubaine. Effet d’aubaine politique, il fallait être inscrit et pouvoir afficher un certain nombre de promesses figurant dans le contrat de plan. Ensuite, le contrat de plan offrait quelquefois la possibilité d’accéder à des financements ou à des promesses de financement. Dès lors, si l’Etat contractualise avec un territoire et quel que soit ce territoire, ce sera sur la base d’une réflexion pluriannuelle d’aménagement du territoire et d’organisation structurante de l’espace ou d’un thème. Peut-il en contrepartie exiger de la collectivité territoriale le même effort de réflexion stratégique ?

Telle était l’idée plus ou moins respectée de la démarche de pays et des contrats d’agglomérations qui devaient s’inscrire dans une réflexion stratégique pluriannuelle avec interdiction, pour cette structure, de se transformer en structure opérationnelle pour rester à cet échelon de réflexion stratégique. Le problème de la contrepartie d’un contrat ne tient pas seulement dans le « donnant-donnant », elle doit aussi porter une réflexion. Autrement dit, peut-on introduire une notion de subsidiarité dans la pensée d’aménagement du territoire de la part de l’Etat ?

A ce stade de la réflexion, nous retombons sur le sujet de la péréquation. Si des moyens consacrés à la péréquation passive sont suffisamment importants, l’on peut imposer que les collectivités suivent une logique de subsidiarité et mènent une politique de pays ou d’agglomération. Mais l’on poursuit alors des objectifs antinomiques. Si l’on précise que l’Etat continue à contractualiser sur les pays et les agglomérations, je ne sais comment l’on pourra afficher une telle volonté parallèlement à une volonté péréquatrice. Si l’on s’occupe par exemple des agglomérations et de l’Île-de-France avec ses 12 millions d’habitants, cela s’avérera compliqué.

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Pour en savoir plus : Site de l’Assemblée Nationale

P.-S.

Rapport fait au nom de la DÉLÉGATION À L’AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE, SUR LA RÉFORME DES CONTRATS DE PLAN ETAT-RÉGIONS, par Messieurs Louis GISCARD D’ESTAING et Jacques LE NAY, Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2004, N° 1836.

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