Le 29 août 2007
Monsieur le Préfet,
Je souhaite attirer votre attention sur les interrogations que fait naître la réforme de la carte judiciaire proposée par Mme Rachida Dati, ministre de la Justice.
A la lecture de son discours du 27 juin 2007, dans lequel elle a énoncé les modifications qu’elle souhaite mettre en œuvre, il apparaît que de nombreuses juridictions de proximité sont menacées en France. Ainsi, l’objectif d’une Cour d’appel par région administrative et d’un Tribunal de Grande Instance par département semble se dessiner, alors que ces deux juridictions sont actuellement au nombre de 35 et 181.
Quant à l’avenir des 271 Conseils de Prud’hommes, le discours de Mme Dati est sans ambiguïté : les deux tiers d’entres eux risquent de disparaître. Faut-il rappeler que ces juridictions populaires, qui sont un particularisme français, concernent 16 millions de salariés et 1,2 millions d’employeurs, et qu’elles traitent chaque année plus de 200 000 affaires ?
Si les objectifs de cette réforme se matérialisaient, les arrondissements de Thiers et Ambert seraient vouées à devenir un désert juridique avec la disparition quasi certaine des 4 tribunaux actuels : les 2 Tribunaux d’Instance à Thiers et à Ambert, ainsi que le Tribunal de Commerce et le Conseil de Prud’hommes à Thiers. Après les nombreuses fermetures de services publics et les suppressions d’emplois massives qui ont affecté ce territoire, la désolation et la colère de la population ne manqueraient pas de s’exprimer. De plus, quand on sait que cette restructuration entraînerait la perte d’une dizaine d’emplois sur les deux arrondissements, on peut comprendre le désarroi de la population.
A elle seule, la possible disparition du Conseil des Prud’hommes à Thiers suscite une grande émotion. L’efficacité de cette juridiction est pourtant largement reconnue : les délais de décision ne sont que de 6 mois contre 1 an en moyenne et le taux d’appel y est particulièrement faible. Quant à la proximité de ce conseil, au cœur du second bassin d’emplois du département, elle peut difficilement être contestée.
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Les inquiétudes s’expriment bien au-delà des rangs des seuls magistrats. La négociation, conduite au cœur de l’été, et dans un laps de temps très limité, fait naître de légitimes interrogations parmi la population et les salariés mais aussi parmi les élus. En effet, Madame la Ministre souhaite tirer les conclusions de la concertation engagée avec le monde juridique et les élus locaux d’ici au 30 septembre. Au vu des enjeux que représente une telle réforme, un calendrier aussi restreint ne plaide pas pour la concertation approfondie qu’elle appelle de ses vœux. C’est pourquoi, je pense qu’il est indispensable de faire remonter au ministère la nécessité d’une période de négociation beaucoup plus longue.
Par ailleurs, je vous informe que je viens de solliciter un rendez-vous auprès de la Première Présidente de la Cour d’appel et auprès du Procureur de la République, l’objectif étant d’échanger avec eux sur les modifications qu’ils s’apprêtent à proposer au ministère. Au vu des implications de ce dossier sur la circonscription dont je suis le député, je me permets de solliciter une audience commune sous votre autorité avec les parties concernées : des clarifications sur la méthode et l’organisation de la concertation que vous êtes conduit à mettre en œuvre seraient en effet très opportunes.
Avec mes remerciements anticipés pour l’attention que vous accorderez à ce courrier, je vous prie de croire, Monsieur le Préfet, en l’expression de mes sentiments les meilleurs.
André CHASSAIGNE
(Voir aussi : le courrier envoyé aux élus de la 5e circonscription)