18-09-2014

Réorientation de la politique européenne : question au Gouvernement

Question au Gouvernement

Première séance du mercredi 17 septembre 2014

Réorientation de la politique européenne - Suite au discours de politique générale du mardi 16 septembre 2014

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Par cette question, permettez-moi, monsieur le Premier ministre, d’exercer un droit de réponse à votre intervention d’hier. Vous nous avez dit vouloir réorienter la politique économique et monétaire de l’Europe.

M. Pierre Lellouche. Quelle blague !

M. André Chassaigne. Pourtant, le président François Hollande a ratifié en l’état le pacte négocié par M. Sarkozy et Mme Merkel, alors qu’il avait promis de renégocier ce « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. C’est vrai.

M. André Chassaigne. Comme vous, je crois que lorsque l’on gouverne, lorsque l’on est responsable, il faut toujours être au rendez-vous face à nos concitoyens. C’est pourquoi il est utile de rappeler que ce renoncement a compromis d’emblée tout changement. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Comme vous, monsieur le Premier ministre, je crois que lorsque l’on gouverne, lorsque l’on veut être responsable, il faut sortir des postures, des mots et des facilités.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. André Chassaigne. Or, comment prétendre réorienter l’Europe quand, jour après jour, vous mettez en œuvre une politique qui répond aux injonctions de Bruxelles, de la réforme des retraites à la réforme territoriale en passant par la déréglementation du travail ?

Parce que nous refusons de nous enfermer dans une simple posture, parce qu’au Front de gauche nous sommes convaincus que la gauche qui gouverne doit savoir réformer, nous proposons un projet européen alternatif libéré de la tutelle des marchés financiers, un pacte économique et social qui redéfinisse les règles et doctrines de la zone euro, qui réoriente les priorités en faveur d’un investissement public, social et écologique, dans l’intérêt des peuples européens.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à sortir des contradictions pour rendre, enfin, réellement crédible la voix de la France en Europe ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Françoise Bechtel et M. Christian Hutin. Très bien !

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président André Chassaigne, j’ai en effet eu l’occasion de vous répondre hier lors du débat qui a suivi la déclaration de politique générale. Vous ne soutenez pas l’action du Gouvernement : c’est évidemment votre droit, vous suivez vos convictions, et c’est un fait puisque non seulement vous n’avez pas voté la confiance, mais votre groupe n’a voté aucune loi de finances initiale depuis 2012.

M. Christian Jacob. Même avant !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Permettez-moi de le dire clairement à mon tour, vous faites erreur. C’est vous qui vous enfermez dans une posture ou en tout cas qui ne voyez pas les évolutions en cours. La France fait entendre sa voix en Europe et vous le savez parfaitement. Oui, l’euro était trop fort et son niveau entravait nos capacités d’exportation, je l’ai rappelé hier.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Il l’est encore.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les décisions prises par la Banque centrale européenne ont eu pour conséquence de faire baisser l’euro de 7 % face au dollar, soit dix centimes d’euro, ce qui est très important. Cette politique monétaire, que j’appelais de mes vœux à l’occasion de mon premier discours de politique générale, à la suite duquel j’avais sollicité une confiance que vous m’avez refusée alors même que j’avais indiqué clairement l’orientation du Gouvernement pour l’Europe, cette politique monétaire donc a des effets sur toutes nos entreprises exportatrices et nous permet de préserver des dizaines de milliers d’emplois.

Face à la faiblesse de la reprise économique, face au risque de déflation qui concerne un certain nombre de pays de l’euro, face surtout au décrochage de la zone euro par rapport au reste du monde, la Banque centrale a pris ses responsabilités et a agi pour soutenir la croissance. Mais il faut aller beaucoup plus loin et Mario Draghi a d’ailleurs déclaré qu’il se tenait prêt à mener d’autres types d’interventions dans le cadre des traités qui définissent l’action de la BCE.

La position de la Banque centrale est celle portée depuis deux ans par notre pays. Qu’il y ait aujourd’hui une majorité au niveau européen de gouvernements conservateurs, nous pouvons le regretter mais c’est une évidence. Cette réalité n’empêche pas la France de se faire entendre au-delà de ces clivages politiques. L’Europe entière souffre du manque d’investissement en faveur de la croissance. Là aussi, nous nous faisons entendre. Nous soutenons le plan d’investissement ambitieux de 300 milliards d’euros annoncé par le nouveau président de la Commission, Jean-Claude Juncker, qu’il faut maintenant préciser. D’ailleurs, une initiative franco-allemande a été engagée pour aller plus loin et mieux flécher ces investissements en faveur des infrastructures, de la transition énergétique, du numérique, de la recherche, de l’innovation ou de l’emploi des jeunes.

C’est cette réorientation de l’Europe que nous soutenons, c’est cette idée-là encore que je défendrai dans quelques jours à Berlin car il est essentiel que la France et l’Allemagne – mais pas seulement – fassent avancer l’Europe. Pourquoi ? Parce qu’il faut entendre la voix des peuples afin que ne triomphent pas, comme nous l’avons déjà déploré en France mais aussi en Suède et dans de nombreux pays qui se sont exprimés à l’occasion d’élections locales, régionales ou nationales, les populismes, le message antieuropéen, la volonté d’en finir avec ce projet européen qui a permis le progrès, la paix, la démocratie et la réconciliation entre la France et l’Allemagne. Ce projet européen risque aujourd’hui d’être mis à mal.

M. André Chassaigne. Il ne fallait pas signer le pacte !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Notre devoir est de faire en sorte que l’Europe assume ses responsabilités « civilisationnelles ». Pardon de le dire, mais vous auriez pu rappeler – quoique sur ce point aussi nous soyons en désaccord – que la France est devant quand il s’agit d’assumer ses responsabilités en faveur de la paix ou de la lutte contre le terrorisme – en l’espèce, nous sommes bien entendu d’accord, monsieur Chassaigne. La France est au premier plan au Mali, en Centrafrique, et elle prend ses responsabilités sur le dossier de l’Irak.

Pour ce qui est des questions économiques et de la problématique de la croissance aussi, l’Europe doit être au rendez-vous de l’attente des peuples. Et notre politique des réformes, nous la menons pour nous-mêmes.

M. André Chassaigne. Mais le pacte a bien été signé !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Enfin, monsieur Chassaigne, comment pouvez-vous dire ici que les réformes que nous menons sont dictées par l’Europe ? Personne ne vous croit ! Songez à la réforme des régions, au passage de vingt-deux à douze régions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Pécresse. Treize !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je lisais dans la presse que j’étais un premier ministre entravé, et pourtant nous réussissons en faveur des régions ce que personne n’a pu réaliser jusqu’à présent ! Et ce n’est pas faute, pour l’opposition, d’avoir pondu des rapports en la matière… Nous passons de vingt-deux à treize régions grâce au vote de l’Assemblée nationale !

Monsieur Chassaigne, bientôt se tiendra un grand débat autour de la transition énergétique : est-ce l’Europe qui nous le demande, ou est-ce le Gouvernement qui tient à réussir le mix énergétique et la transition écologique ? Vous avez raison, nous n’avons besoin ni de faux débat, ni de posture, mais bien de réformes pour le pays, et les nôtres sont utiles parce qu’elles sont justes et nécessaires.

Les choix que nous opérons en faveur de la fiscalité vont dans ce sens. Depuis quatre ans, les impôts n’ont cessé d’augmenter pour les entreprises et les ménages. Nous sommes en train de faire des choix pour faire baisser les impôts, ce qui n’avait pas été fait depuis des années. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est l’honneur de ce gouvernement et je ne comprends même pas comment, à droite et parfois à gauche, on s’oppose à une mesure en faveur des revenus les plus modestes, des couches populaires, des classes moyennes ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) C’est l’honneur de ce gouvernement, monsieur Chassaigne, de mener une politique juste pour les Français ! (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Lellouche. Il est fragile, le Premier ministre !


Voir aussi, intervention suite au discours de politique générale du Premier ministre ici.

Pour en savoir plus : André Chassaigne - AC

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