11-03-2008

« Reprendre espoir »

André chassaigne, président de l’ANECR : « Le social, c’est notre marque de fabrique » 

André Chassaigne est député communiste du Puy-de-Dôme et président de l’ANECR.
Pour lui, les élections de dimanche peuvent être un tournant. Interview.

A cinq jours des élections municipales et cantonales, la sanction de la politique gouvernementale semble se confirmer au travers des différents sondages. Ce serait alors une nouvelle occasion pour les forces de gauche de se relancer après des présidentielles qui leur ont brisé les ailes. André Chassaigne, député communiste du Puy-de-Dôme et président des élus communistes et républicains (ANECR), est persuadé que la volonté de refondation à gauche pourrait, en cas de victoire des forces de progrès, être renforcée.

L’écho : Les élections municipales sont-elles pour la gauche la première marche vers la reconquête du pouvoir politique ?
André Chassaigne : Ces élections ont comme objectif prioritaire la sanction de la politique de la droite. L’enjeu est considérable, mais ce ne sont pas ces élections qui vont changer l’attitude du chef de l’état et de sa majorité parlementaire, mais elles vont permettre de s’opposer fermement aux réformes de Sarkozy et du Medef. L’expression du suffrage universel sera un carton rouge qui leur sera adressé. Au regard des résultats, la marge de manouvre du gouvernement peut être différente. Les Français ont l’occasion d’exprimer leur colère et de dire que leurs attentes, sur le pouvoir d’achat par exemple, ne correspondent pas à la politique en faveur des plus riches et des grands patrons.
Il faut également prendre en compte que, pour la gauche, assumer des responsabilités aux niveaux communal et départemental, c’est mettre en ouvre des politiques de solidarité opposées à celles du gouvernement. C’est mettre
en place des politiques publiques qui répondent aux demandes des gens. Ce qui se fait au niveau territorial diffère selon que c’est la gauche ou la droite. C’est pour nous la préfiguration de ce qui pourrait être fait au gouvernement. Mais je ne dirais pas que ce sont des laboratoires. Je pense plutôt à faire la démonstration par nos choix de politique publique de ce que peut être une politique qui réponde aux attentes du plus grand nombre.

L’écho : Le Parti communiste et l’ensemble des forces de progrès ont eu des résultats décevants lors des derniers scrutins. Ces élections, municipales et cantonales, sont-elles l’occasion d’inverser la tendance ?
A. C. : On a été cassé. On a subi un choc très fort au lendemain de la présidentielle au regard de nos résultats qui ont été très mauvais. Cela a débouché sur la perte d’espoirs et un questionnement très fort au niveau des forces de progrès. Le PS est atomisé, le PC rencontre en son sein des approches différentes avant le congrès, le positionnement de LO évolue, les Verts sont déchirés. A partir de ces élections, on peut reconstruire autre chose. Le PC a fait le choix d’aller vers des listes d’union de la gauche parce que l’on pense qu’il faut une remobilisation forte à gauche et qu’on peut se retrouver même s’il n’y a pas d’uniformité entre nous. Il peut y avoir des alternatives politiques face à l’UMP et je mets beaucoup d’espérance dans le vote de dimanche. Elles peuvent nous redonner la pêche si on conserve le gain des dernières élections municipales et si on gagne d’autres élus. Cela passe par la remobilisation des forces citoyennes.

L’écho : L’occasion n’est-elle pas de mettre le social au cour du débat politique et d’enfin parler des vraies préoccupations des citoyens, comme le pouvoir d’achat, les salaires…?
A. C. : Au lendemain de la Libération s’est construit le communisme municipal, surtout dans la banlieue de la capitale. Les élus communistes portaient les préoccupations sociales. On a été les pionniers de la mise en ouvre de certaines orientations sociales, culturelles, sportives… Elu de province, je voyais cela comme un exemple. C’était notre marque de fabrique. Aujourd’hui, avec l’ANECR, on veut remettre le social au centre de la politique. Ce sont nos tripes, notre moteur, notre héritage. Cette marque de fabrique n’est pas gravée dans le marbre. Elle est en mouvement. Sans occulter les premières actions, on peut en développer de nouvelles, notamment sur les grands enjeux que sont le logement, la démocratie, en associant les citoyens à la gestion de sa collectivité. Il faut redonner le goût à la chose publique. On retrouvra de la crédibilité et de la lisibilité si on met cela en pratique.

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L’écho : La politique repose sur le rapport des forces. Même s’il s’agit d’élections locales, n’y a-t-il pas pour le PC une belle occasion de répondre à Nicolas Sarkozy ?
A. C. : On a des milliardaires et des puissants qui ont une boulimie de richesses et, en face, des gens confrontés aux difficultés. Le fossé est terrible. Il s’élargit. Ces élections sont l’occasion pour dire que ça ne peut plus durer. Elles sont un levier pour dire que ça suffit.


L’écho : Si ces forces de gauche obtiennent de meilleurs résultats, le risque n’est-il pas de voir les appareils s’en saisir pour repousser à plus tard une refondation nécessaire ?
A. C. : Ce serait la pire des choses que de considérer que les problèmes de fond seraient réglés. On ne doit pas avoir d’a priori sur le résultat de la réflexion collective du congrès à venir et on travaille à la mise en place d’une réflexion. Si ça conforte que le mot communisme n’est pas un épouvantail, tant mieux. Mais en aucun cas, on ne peut utiliser ces élections pour bloquer la discussion.

L’écho : On parle beaucoup, au PC comme au PS, de refondation. Pour le PC ne passe-t-elle pas par l’abandon de son idéologie pour créer avec l’ensemble des forces de gauche qui le souhaitent un vaste mouvement ou parti
antilibéral ?

A. C. : Je ne suis pas dans un couloir avec une seule porte de sortie. Sans être un orthodoxe, je pense que le communisme est une valeur qui ne doit pas être abandonnée, mais il faut démontrer qu’il faut dépasser le terme pour démontrer sa modernité en sortant du carcan historique qui l’accompagne. Je ne pense pas que l’abandon du terme résoudra le problème, mais il ne doit pas être un blocage. Ce n’est pas un rassemblement autour du PC, mais avec le PC et les autres forces de progrès. Attention cependant de ne pas lâcher la proie pour l’ombre et que chaque pays trouve sa propre voie, comme c’est le cas en Allemagne avec die Linke, à Chypre avec un président communiste ou
en Amérique latine.

L’écho : Il semble acquis que le PC va perdre quelques places fortes, celles notamment concédées jusqu’alors par le PS. Ces pertes ne vont-elles pas placer le PC dans une situation proche du point zéro d’où personne ne peut
repartir ?
A. C. : C’est pessimiste. Ce n’est pas si sûr, ni aussi négatif malgré la volonté hégémonique du PS. Là où il y a des primaires, la population se reconnaît dans les maires sortants du PC. On peut gagner de nouvelles villes : Sète, Rumilly, Le Havre, Dieppe… Globalement, le PC et ses partenaires devraient gagner de nouveaux élus.

L’écho : On assiste à une peopolisation de la vie politique. Celle-ci ne va-t-elle pas déteindre au niveau local et accélérer la dépolitisation des citoyens ?
A. C. : La peopolisation ce n’est pas mentir. Soyons attentifs à ne pas nous laisser prendre. Sarkozy répond à un seul objectif, celui de masquer l’essentiel en mettant en place un rideau de fumée. Or les questions principales portent
sur le pouvoir d’achat et l’emploi. Battons-nous pour mettre le doigt sur l’essentiel.
Cela dépend de nous. La meilleure réponse c’est d’associer davantage les citoyens pour qu’ils se sentent partie prenante. Les élus doivent savoir qu’on ne peut pas tout gérer par la délégation du pouvoir dont ils sont investis

Propos recueillis par Thierry Spriet

Pour en savoir plus : André Chassaigne

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